Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli.

Aperçu

[2] Après avoir perdu son emploi en août 2015, l’appelant, M. P. (prestataire) a présenté une demande prestations d’assurance-emploi et a obtenu celles-ci. Après une enquête approfondie, l’intimée, à savoir la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a conclu que le prestataire avait été travailleur indépendant et qu’il n’avait pas déclaré une rémunération touchée à titre de musicien. Un versements excédentaire a été établi concernant la rémunération non déclarée, mais aucune pénalité n’a été fixée. La Commission a maintenu cette décision après révision.

[3] Le prestataire a interjeté appel de la décision découlant de la révision à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, qui a rejeté l’appel après avoir conclu que le prestataire était travailleur indépendant ou qu’il exploitait une entreprise, et que le temps qu’il y consacrait n’était pas dans une mesure limitée. La division générale a conclu que le prestataire devait être inadmissible au bénéfice des prestations à partir du 18 novembre 2018. Le prestataire demande maintenant la permission d’interjeter appel de cette décision à la division d’appel.

[4] L’appel est accueilli. La division générale n’a pas tenu compte de la preuve concernant la recherche d’emploi effectuée par le prestataire après le 17 novembre 2015. L’affaire est renvoyée à la division générale aux fins de réexamen.

Questions en litige

[5] La division générale a-t-elle outrepassé sa compétence en concluant que le prestataire n’était pas admissible aux prestations à partir du 18 novembre 2015?

[6] La division générale a-t-elle conclu que la recherche d’emploi effectuée par le prestataire après le 17 novembre 2015 était sporadique et visait seulement trois emplois sans tenir compte de la liste des 69 demandes d’emploi par courriel du prestataire?

Analyse

Principes généraux

[7] La tâche de la division d’appel est plus restreinte que celle de la division générale. La division générale doit examiner et apprécier les éléments de preuve portés à sa connaissance et tirer des conclusions de fait. Pour ce faire, la division générale doit appliquer le droit aux faits et tirer des conclusions sur les questions de fond soulevées par l’appel.

[8] Cependant, la division d’appel ne peut intervenir dans une décision de la division générale que si elle peut conclure que cette dernière a commis l’une des erreurs correspondant aux moyens d’appel prévus à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS).

[9] Les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.
Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle outrepassé sa compétence en concluant que le prestataire n’était pas admissible aux prestations à partir du 18 novembre 2015?

[10] Dans la décision relative à la demande de permission d’en appeler, j’ai conclu qu’il était soutenable que la division générale ait outrepassé sa compétence. Le prestataire a été déclaré comme ayant exploité sa propre entreprise (et possiblement les affaires connexes) et comme travailleur indépendant en tant que musicien de symphonie. Il n’était pas évident dans la décision de la Commission si celle-ci considérait le travail indépendant du prestataire comme étant son emploi à titre de musicien seulement ou si elle estimait également que son travail indépendant comprenait son entreprise de construction d’habitations.

[11] La Commission fait valoir que la décision originale rendue par la Commission comprenait deux décisions. La première décision était que la Commission considérait le prestataire comme étant travailleur indépendant. Elle soutient avoir tenu compte de toutes les circonstances, y compris son entreprise de construction d’habitations, pour rendre sa décision. La seconde décision répartissait la rémunération touchée dans le cadre de son travail indépendant comme musicien. La Commission reconnaît qu’elle n’a pas précisé les semaines de chômage dans sa lettre de décision initiale, mais elle déclare que le prestataire avait été informé qu’il n’avait pas prouvé qu’il n’avait pas consacré beaucoup de temps à son travail indépendant dans son entreprise de construction d’habitations (que la Commission a décrite comme étant [traduction] « trois entreprises ») en plus de son travail au sein de la symphonie.

[12] Selon ses dossiers, la Commission a bel et bien dit au prestataire qu’il n’avait pas prouvé qu’il ne consacrait pas beaucoup de temps à ses trois entreprises et à la symphonieNote de bas de page 1. Dans la même conversation, le prestataire a été informé que les renseignements seraient envoyés aux fins de décision et qu’une décision serait rendue. La Commission n’a reçu aucun renseignement supplémentaire avant de rendre sa décision.

[13] Même si la Commission a également enquêté sur l’importance du temps accordé par le prestataire à son emploi de musicien pour la symphonie, la grande majorité de l’enquête effectuée avant la décision initialeNote de bas de page 2 et pour les besoins de la décision découlant de la révisionNote de bas de page 3 portait sur le travail indépendant du prestataire au sein de l’entreprise de constructions d’habitations. D’après la conversation du prestataire avec la Commission le 3 mars 2017Note de bas de page 4, il est évident qu’il a compris que le temps consacré aux activités des entreprises était pertinent dans le cadre de la décision de la Commission concernant son travail indépendant. Dans le cadre de l’interrogation du prestataire au sujet de sa participation aux activités de l’entreprise de construction, la Commission a déclaré ce qui suit :

[traduction]
A expliqué que le travail indépendant pouvait empêcher le versement de prestations parce que cela signifie que le client n’était pas au chômage, ce qui constitue la première condition relative au versement. A informé que les dispositions législatives ont été modifiées au cours des dernières années afin de permettre le travail indépendant si le temps consacré est limité, mais que le travail indépendant peut empêcher le versement de prestations si le temps consacré est important.

[14] Pendant la première conversation téléphonique du prestataire avec la Commission dans le cadre de laquelle il a demandé la révision, la discussion est axée sur la participation du prestataire aux activités de l’entreprise, et non sur son travail autonome au sein de la symphonieNote de bas de page 5. On lui demande des documents concernant ces entreprises, ce qu’il a produit par la suite. La Commission l’a ensuite informé que les documents ne justifient pas la modification de la décision. La décision découlant de la révision précise, sous l’en-tête [traduction] « semaines de chômage », que la décision n’a pas été changée.

[15] Après avoir examiné la question, je ne suis pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que la division générale a outrepassé sa compétence. Je conviens que le prestataire a compris la nature de l’enquête et qu’il connaissait les questions qui seraient tranchées. Malgré le libellé ambigu de la lettre de décision de la Commission, je suis convaincu que celle-ci a conclu et communiqué au prestataire qu’elle le considérait comme un travailleur autonome d’après l’ensemble de ses activités de travail autonome (y compris son emploi au sein de la symphonie et le temps consacré aux activités de son autre entreprise) et qu’il était inadmissible en raison de ce travail indépendant.

[16] Par conséquent, je conviens que la division générale a été dûment saisie de ces questions. La division générale avait donc la compétence d’examiner et de trancher la question de savoir si le prestataire avait été travailleur indépendant et de déterminer la mesure du temps consacré à ce travail indépendant en ce qui a trait à sa participation aux activités de l’entreprise de construction d’habitations et à son travail au sein de la symphonie.

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle conclu que la recherche d’emploi effectuée par le prestataire après le 17 novembre 2015 était sporadique et visait seulement trois emplois sans tenir compte de la liste des 69 demandes d’emploi par courriel du prestataire?

[17] La division générale a convenu que le prestataire avait cherché activement un emploi jusqu’au 17 novembre 2015, mais elle a conclu que la recherche d’emploi est devenue sporadique par la suite et qu’il avait seulement soumis trois demandes d’emploi dans les huit mois suivant le 17 novembre 2015.

[18] Dans ses observations à l’intention de la division d’appel, la Commission a convenu que la division générale a commis une erreur en ne tenant pas compte de la liste produite à l’intention de cette dernière par le prestataire et faisant état de 69 demandes d’emploi par courrielNote de bas de page 6.

[19] Je suis d’accord : la division générale n’a pas reconnu la preuve concernant ces demandes d’emploi supplémentaires dans sa décision.

[20] Parmi ces 69 demandes d’emploi, 31 ont été soumises dans les huit mois suivant le 17 novembre 2015. Trois de ces demandes d’emploi sont datées de novembre 2015, huit sont datées de janvier 2016, sept sont datées de février 2016, deux sont datées de mars 2016, trois sont datées d’avril 2016, trois sont datées de mai 2016, deux sont datées de juin 2016, et trois sont datées de juillet 2016.

[21] La division générale a conclu que le prestataire ne consacrait pas peu de temps à son travail autonome à partir du 18 novembre 2015Note de bas de page 7, parce qu’il n’aurait pas pris de mesures sérieuses et réelles pour se trouver un emploiNote de bas de page 8. Par conséquent, la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée selon laquelle la recherche d’emploi du prestataire était sporadique après le 17 novembre 2015 parce qu’il aurait soumis seulement trois demandes d’emploi en huit mois. Cette conclusion a été tirée sans tenir compte de la preuve concernant 31 autres demandes d’emploi soumises pendant cette période. Par conséquent, la division générale a commis l’erreur prévue à l’article 58(1)(c) de la Loi sur le MEDS.

Conclusion

[22] L’appel est accueilli.

Réparation

[23] Après avoir accueilli l’appel, j’ai le pouvoir conféré par l’article 59 de la Loi sur le MEDS de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, de renvoyer l’affaire devant la division générale aux fins de réexamen, ou d’infirmer ou de modifier totalement ou partiellement la décision de la division générale.

[24] En l’espèce, le dossier est incomplet. J’ai convenu que la division générale n’avait pas tenu compte d’une liste de demandes d’emploi soumises par courriel, mais il n’existe aucun enregistrement audio de l’audience orale. Par conséquent, je ne sais pas si le prestataire a donné un autre témoignage qui aurait pu autrement servir à apprécier ses efforts déployés dans le cadre de sa recherche d’emploi ou sa participation aux activités de ses entreprises.

[25] Je renvoie donc l’affaire à la division générale aux fins de réexamen.

 

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 15 novembre 2018

Téléconférence

M. P., appelant

Rachel Paquette, représentante de l’intimée

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