Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal conclut que l’appelant a quitté volontairement son emploi sans justification parce qu’il n’a pas démontré qu’il n’avait pas d’autre option raisonnable.

Aperçu

[2] L’appelant a présenté une demande de prestations le 20 avril 2018 et a établi une période de prestations le 15 avril 2018. Il a travaillé pour X pendant six mois jusqu’au 27 décembre 2017 lorsqu’il a quitté volontairement son emploi. Il ne planifiait pas démissionner; cependant, il l’a fait en raison de frustrations, d’un manque d’espace pour déplacer l’équipement, de multitâche et d’enjeux de sécurité. L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a déterminé que l’appelant a quitté volontairement son emploi sans justification, car il avait d’autres options que le départ. Sa décision a été maintenue lors de la révision. L’appelant a interjeté appel auprès du Tribunal de la sécurité sociale.

Question en litige

[3] L’appelant a-t-il quitté volontairement son emploi? Dans l’affirmative, l’appelant était-il fondé à quitter volontairement son emploi?

Analyse

[4] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites en annexe de la présente décision.

L’appelant a-t-il quitté volontairement son emploi?

[5] Oui. Le Tribunal juge que l’intimée a démontré que l’appelant a quitté volontairement son emploi au titre de l’article 30 de la Loi, car il aurait pu choisir de rester au travail.

[6] Pour déterminer si l’appelant a quitté volontairement son emploi, la question à laquelle il faut répondre est celle de savoir si l’appelant avait le choix de conserver son emploi ou de le quitter (Canada (Procureur général) c Peace, 2004 CAF 56).

[7] L’intimée a soutenu que le relevé d’emploi de X selon lequel l’appelant a quitté son emploi et que l’appelant a affirmé dans son témoignage le 27 décembre 2017 qu’il n’avait aucune intention de démissionner; mais qu’il l’a fait en fin de compte.

[8] Le Tribunal estime que l’intimée a démontré que l’appelant a quitté volontairement son emploi. Il avait le choix de conserver son emploi au lieu de le quitter volontairement et il n’a pas été licencié.

L’appelant était-il fondé à quitter son emploi?

[9] Non, l’appelant n’était pas fondé à quitter volontairement son emploi.

[10] La question n’est pas de savoir s’il était raisonnable de la part de l’appelant de quitter son emploi, mais bien de savoir si quitter son emploi était la seule solution raisonnable qui s’offrait à lui (Canada (Procureur général) c Laughland, 2003 CAF 12).

[11] Le Tribunal doit déterminer si le prestataire doit être exclu du bénéfice des prestations en application des articles 29 et 30 de la Loi parce qu’il a volontairement quitté son emploi sans justification. L’article 30(1) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi) prévoit qu’un prestataire doit être exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi (AE) s’il quitte volontairement son emploi sans justification. L’article 29(c) de la Loi prévoit que le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment celles qui sont énumérées à l’article 29(c)(iv) – conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité –, son départ constitue la seule solution raisonnable dans son cas.

[12] Il incombe à l’intimée de démontrer que l’appelant a quitté volontairement son emploi. Le fardeau revient ensuite à l’appelant, qui doit prouver qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi en démontrant que, compte tenu de toutes les circonstances, selon la prépondérance des probabilités, son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas (Canada (Procureur général) c. White, 2011 CAF 190).

[13] Les conditions de travail qui constituent un danger pour la santé ou la sécurité peuvent être une justification pour quitter un emploi, compte tenu de l’ensemble des circonstances (Loi, art 29(c)(iv)). Il a été mentionné, au titre de l’article 29(c)(iv) concernant la santé ou les difficultés physiques qui prévoit qu’un employé possède une justification s’il existe des « conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité » et qu’il n’a pas d’autre choix raisonnable que de quitter son emploi. Dans les cas où l’effet néfaste sur la santé est invoqué comme justification, le prestataire doit a) fournir une preuve médicale, b) tenter de résoudre le problème avec l’employeur, et c) tenter de trouver un autre emploi avant de quitter le sien.

[14] L’appelant a soutenu qu’il était très frustré et qu’il n’avait aucune idée qu’il allait démissionner lorsqu’il est allé au travail le 27 décembre 2017. Cependant, c’était après Noël et la totalité de la cour était remplie de camions, et il n’y avait pas un seul pied d’espace nulle part pour faire son travail. Il a affirmé que c’était une situation inhabituelle et ponctuelle, et que même les places illégales étaient prises en raison des vacances de Noël et que ce n’était pas comme cela habituellement; cependant, le manque d’espace pour faire son travail convenablement, les tâches multiples à exécuter, le manque de sécurité, le fait que les collègues n’étaient pas toujours gentils avec lui, que la direction était trop occupée et que vous ne pouvez pas toujours déposer un grief syndical lui ont occasionné un tel niveau de frustration qu’il a démissionné.

[15] Il a mentionné que les émanations des camions pénètrent dans la cabine parce que la porte coulissante vitrée arrière de tous les véhicules doit être ouverte et fermée afin de pouvoir bien voir derrière vous. Les émanations étaient mauvaises et l’ampoule à l’intérieur était généralement brûlée et il devait utiliser une lampe de poche ou remplacer l’ampoule lorsqu’il signait des documents la nuit. Il a expliqué qu’il devait tirer des transformateurs qui pesaient 2600 livres et qu’il devait accrocher huit remorques à la fois et qu’on lui avait dit que le seul espace où il pouvait faire cela était le devant de la cour et que c’était trop dangereux à cause de l’entrée et des véhicules qui allaient trop rapidement en prenant leur virage pour entrer dans la cour.

[16] Il a mentionné qu’il ne voulait pas faire le travail qu’il faisait; cependant, personne d’autre ne faisait ce travail et il le faisait depuis trois mois. Il ne se plaignait pas, car personne d’autre n’acceptait le poste, et la personne qui l’occupait auparavant avait démissionné.

[17] Il a affirmé qu’il était stressé en raison de la situation, mais qu’il n’a pas parlé à son médecin. Il n’a pas parlé à quelqu’un en situation d’autorité, à part I., le répartiteur des quarts de travail et F., son superviseur. L’appelant est syndiqué, mais il n’a pas déposé de grief, et il aurait pu, car il croit que le délégué syndical était en fonction, mais il n’y a pas pensé à ce moment. Il n’a pas discuté de ses préoccupations de santé et sécurité avec l’inspecteur en santé et sécurité, et peut-être qu’il aurait dû le faire, mais il ne l’a pas fait. Il ne prévoyait pas démissionner, alors il n’a pas eu le temps de chercher un autre emploi.

[18] Le Tribunal estime que l’appelant n’a pas démontré qu’il n’avait d’autre solution raisonnable que celle de quitter son emploi tel que prévu à l’article 29(c)(iv) de la Loi.

[19] Le Tribunal estime qu’il incombait à l’appelant de montrer que compte tenu de l’ensemble des circonstances, il n’avait pas d’autre solution raisonnable que celle de quitter son emploi. Le Tribunal a déterminé que l’appelant ne s’est pas acquitté du fardeau de la preuve et n’a pas démontré qu’il n’avait d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi au moment où il l’a fait au sens de la Loi. La preuve recueillie par l’intimée montre que l’appelant n’était pas fondé à quitter volontairement son emploi au sens de la Loi.

[20] Le Tribunal estime qu’il n’était pas dans une situation intolérable puisqu’il a affirmé qu’il aurait pu parler à l’inspecteur en santé et sécurité, au délégué syndical ou à une personne en situation d’autorité le lendemain, mais il n’y a pas pensé à ce moment. Le Tribunal juge également qu’il a pris une décision personnelle précipitée; cependant, des solutions raisonnables s’offraient à lui, mais il n’a pas profité de ces solutions.

[21] Le Tribunal comprend qu’il a été propriétaire de son propre camion pendant 35 ans et qu’il n’était pas familier avec le régime de l’AE et a présumé qu’il pouvait quitter son emploi, et payer une pénalité pour avoir démissionné tout en touchant des prestations. Cependant, il incombe au prestataire/à l’appelant de s’informer au sujet du régime et de connaître ses droits et responsabilités à l’égard du régime lorsqu’il présente une demande de prestations, car les lois et règlements font l’objet de changements.

[22] Le Tribunal est sensible à la situation personnelle de l’appelant; cependant, le Tribunal ne peut pas contourner, réécrire ou ignorer la Loi ou le Règlement sur l’assurance-emploi même par compassion (Knee c Procureur général du Canada, 2011 CAF 301). Le Tribunal est tenu d’appliquer les dispositions législatives.

[23] Le Tribunal estime qu’après avoir pris l’ensemble des circonstances en situation, et selon la prépondérance des probabilités, l’appelant a quitté volontairement son emploi alors que d’autres solutions raisonnables que celle de quitter son emploi s’offraient à lui. Le Tribunal juge également que l’appelant n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi au sens de la Loi, conformément aux articles 29 et 30 de la Loi, et une exclusion d’une durée indéterminée est imposée.

Conclusion

[24] Le Tribunal conclut que l’article 30(2) de la Loi prévoit une exclusion indéfinie lorsque le prestataire quitte volontairement son emploi sans justification.

[25] L’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparutions :

Le 6 novembre 2018

En personne

C. P., appelant

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi

  1. 29  Pour l’application des articles 30 à 33 :
    1. a) emploi s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
    2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
    3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
      1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
      2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
      3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
    4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
      1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
      2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
      3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
      4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
      5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
      6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
      7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
      8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
      9. (ix) modification importante des fonctions,
      10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
      11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
      12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
      13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
      14. (xiv)  toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.
  2. 30 (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :
    1. a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
    2. b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour une des raisons prévues aux articles 31 à 33.
  3. (2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.
  4. (3) Dans les cas où l’événement à l’origine de l’exclusion survient au cours de sa période de prestations, l’exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précèdent celle où survient l’événement.
  5. (4) Malgré le paragraphe (6), l’exclusion est suspendue pendant les semaines pour lesquelles le prestataire a autrement droit à des prestations spéciales.
  6. (5) Dans les cas où le prestataire qui a perdu ou quitté un emploi dans les circonstances visées au paragraphe (1) formule une demande initiale de prestations, les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi ou de tout autre emploi qui précèdent la perte de cet emploi ou le départ volontaire et les heures d’emploi assurable dans tout emploi que le prestataire perd ou quitte par la suite, dans les mêmes circonstances, n’entrent pas en ligne de compte pour l’application de l’article 7 ou 7.1.
    1. a) les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi ou de tout autre emploi qui précèdent la perte de cet emploi ou le départ volontaire;
    2. (6) Les heures d’emploi assurable dans un emploi que le prestataire perd ou quitte dans les circonstances visées au paragraphe (1) n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées, au titre du paragraphe 12(2), ou le taux de prestations, au titre de l’article 14.
  7. (6) Les heures d’emploi assurable dans un emploi que le prestataire perd ou quitte dans les circonstances visées au paragraphe (1) n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées, au titre du paragraphe 12(2), ou le taux de prestations, au titre de l’article 14.
  8. (7) Sous réserve de l’alinéa (1)a), il demeure entendu qu’une exclusion peut être imposée pour une raison visée au paragraphe (1) même si l’emploi qui précède immédiatement la demande de prestations — qu’elle soit initiale ou non — n’est pas l’emploi perdu ou quitté au titre de ce paragraphe.

Règlement sur l’assurance-emploi

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