Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Aperçu

[1] G. G. (mise-en-cause), ci-après appelée la prestataire, a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi, et la Commission de l’assurance-emploi du Canada a déterminé qu’elle était fondée à quitter volontairement son emploi et a accueilli sa demande. L’ancien employeur (appelant) a soumis une demande de révision, cependant, la Commission a maintenu sa décision.

[2] L’appelant a interjeté appel de cette décision devant le Tribunal de la sécurité sociale, et la prestataire a été ajoutée à titre de personne mise en cause dans cet appel puisque la décision l’intéresse directement.

[3] À la demande de l’appelant, un interprète était présent pendant l’audience afin d’assurer l’interprétation du cantonais au français et vice versa. Dans son avis d’appel, l’appelant a demandé que les communications aient lieu en anglais, et la prestataire a demandé que les communications se déroulent en français. Par conséquent, la décision du Tribunal est communiquée en anglais à l’appelant et en français à la prestataire.

Questions en litige

[4] Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

Question en litige no 1 : la prestataire a-t-elle volontairement quitté son emploi?

Question en litige no 2 : si oui, était-elle fondée à le faire?

Décision

[5] L’appel est rejeté. Le Tribunal estime que l’appelant a prouvé que la prestataire a quitté volontairement son emploi, mais que la prestataire était fondée à le faire.

Analyse

[6] Les dispositions pertinentes de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi) sont reproduites à l’Annexe de cette décision.

[7] Un prestataire est exclu du bénéfice de prestations d’assurance-emploi (AE) s’il a volontairement quitté son emploi sans justification (article 30(1) de la Loi).

Question en litige no 1 : la prestataire a-t-elle volontairement quitté son emploi?

[8] La jurisprudence établit qu’en matière de départ volontaire, il incombe d’abord à la Commission ou en l’espèce à l’intimée, de montrer que la prestataire a quitté volontairement son emploi; une fois qu’elle l’a fait, il y a renversement du fardeau de la preuve, et c’est à la prestataire de prouver qu’elle était fondée à quitter son emploi (Canada (Procureur général) c Patel, 2010 CAF 95).

[9] Le relevé d’emploi produit le 8 août 2017 (GD3‑16) indique que la dernière journée de travail de la prestataire était le 6 août 2017, et que la cessation d’emploi a eu lieu parce que la prestataire a quitté volontairement son emploi. Dans son témoignage, l’appelant a déclaré que la prestataire avait quitté volontairement son emploi le 6 août 2017, parce qu’elle avait été informée du fait qu’elle ne serait pas payée pour le Congé civique de l’Ontario puisque conformément aux règlements de l’Ontario, les employeurs ne sont pas obligés de rémunérer les employés pour ce congé.

[10] Pour appuyer ses dires selon lesquels la prestataire a quitté volontairement son emploi, l’appelant a fourni au Tribunal une déclaration écrite signée par les autres employés (GD7‑3). Cette déclaration précise qu’au cours d’une conversation au sujet du paiement du Congé civique, la prestataire a dit à l’appelant : [traduction] « je veux démissionner » et l’appelant a répondu [traduction] « si c’est parce que nous ne te payons pas le Congé civique, alors fais-le ». Néanmoins, pendant son témoignage, l’appelant a affirmé que la conversation au sujet du Congé civique a eu lieu dans la cuisine pendant que les autres employés étaient dans la salle à manger, et l’appelant n’est pas certain si les autres employés qui ont signé les déclarations écrites ont entendu lorsque la prestataire lui a dit : [traduction] « je veux démissionner ». Compte tenu du témoignage de l’appelant, le Tribunal ne peut pas accorder de poids à la déclaration écrite fournie par les autres employés, car la déclaration écrite n’appuie pas la position de l’appelant voulant que la prestataire ait exprimé qu’elle voulait quitter son emploi.

[11] De plus, l’appelant a affirmé dans son témoignage qu’après la conversation au sujet du Congé civique, la prestataire est demeurée sur les lieux de travail en s’installant dans la salle à dîner jusqu’à ce que l’appelant lui demande de quitter les lieux. Le Tribunal estime que cela montre que la prestataire n’a pas quitté volontairement son emploi le 6 août 2017, puisqu’elle a été priée par l’appelant de quitter les lieux.

[12] Finalement, l’appelant a affirmé dans son témoignage qu’au 7 août 2017, tous les employés auraient été mis à pied en raison d’un manque de travail parce qu’il était prévu que le restaurant ferme du 7 août jusqu’en septembre 2017. Ainsi, le 10 août 2017, l’appelant affirme qu’il a communiqué avec la prestataire pour confirmer son horaire de septembre 2017. Lorsqu’on lui a demandé d’expliquer pourquoi il a senti le besoin de rappeler la prestataire après qu’elle aurait quitté son emploi, l’appelant a affirmé dans son témoignage qu’il ne l’a jamais congédiée, et que donc il a présumé qu’elle retournerait au travail. Le Tribunal estime que cela montre que la prestataire n’a pas quitté volontairement son emploi le 6 août 2017, car l’appelant la considérait toujours comme une employée même s’il avait produit un relevé d’emploi sur lequel il était inscrit qu’elle avait quitté volontairement son emploi.

[13] Pour les motifs énoncés ci-dessus, le Tribunal estime que la prestataire n’a pas quitté volontairement son emploi le 6 août 2017.

[14] Malgré ce qui précède, quitter volontairement son emploi peut aussi se produire lorsqu’un prestataire refuse de reprendre un emploi (art 29(b.1)(ii) de la Loi). La prestataire et l’appelante ont confirmé que la prestataire a refusé une offre de retourner au travail en septembre 2017. Par conséquent, le Tribunal estime que la prestataire a quitté volontairement son emploi en refusant de retourner travailler.

[15] Pour les motifs susmentionnés, le Tribunal estime que la prestataire a quitté volontairement son emploi lorsqu’elle a refusé une offre pour retourner au travail en septembre 2017. Le fardeau revient maintenant à la prestataire qui doit prouver qu’elle était fondée à agir ainsi.

Question en litige no 2 : la prestataire avait-elle un motif valable?

[16] Pour établir qu’elle était fondée à quitter son emploi, la prestataire doit montrer que, compte tenu de toutes les circonstances, elle n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi (Canada (Procureur général) c White, 2011 CAF 190). La prestataire prétend qu’elle n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi, car les conditions de travail étaient insatisfaisantes et l’environnement de travail n’était pas convenable.

Conditions de travail insatisfaisantes

[17] Dans son témoignage, la prestataire a affirmé que lorsqu’elle a été embauchée, on lui avait promis un horaire à temps plein, mais qu’elle a seulement travaillé en moyenne de 20 à 30 heures par semaine. Par conséquent, quitter son emploi était la seule solution raisonnable. L’argument de la prestataire ne tient pas puisque cette dernière a travaillé pour son ancien employeur pendant six mois pendant lesquels elle travaillait ces mêmes heures. Par conséquent, ayant accepté ces conditions d’emploi, la prestataire ne peut pas par la suite s’appuyer sur l’existence des mêmes conditions comme motif valable pour quitter cet emploi.

[18] Dans son témoignage, la prestataire a aussi affirmé que l’appelant n’a jamais tenu sa promesse de la promouvoir au poste de serveuse. Le Tribunal estime que ne pas être prise en compte pour une promotion ne constitue pas un motif valable pour quitter son emploi, puisque la question n’est pas de savoir s’il était raisonnable pour la prestataire de quitter son emploi, mais plutôt la question de savoir si quitter son emploi était la seule solution raisonnable qui s’offrait à elle (Canada (Procureur général) c Laughland, 2003 CAF 129). En l’espèce, le Tribunal estime que la prestataire avait une autre solution que de quitter son emploi. En fait, elle aurait dû demander plus d’heures ou attendre de trouver un travail plus convenable avant de prendre la décision de quitter volontairement son emploi.

Caractère convenable de l’environnement de travail

[19] La prestataire prétend que l’environnement de travail n’était pas convenable. Elle prétend que l’appelant lui a posé de nombreuses questions personnelles, par exemple quelles étaient ses dépenses courantes, si elle était lesbienne ou non; si elle était amie avec les autres serveuses; et elle était souvent interrogée à savoir pourquoi elle avait quitté ses autres emplois. La prestataire a aussi affirmé dans son témoignage que l’appelant lui a dit qu’elle n’était pas bonne pour cuisiner et qu’elle n’était pas une bonne employée et qu’il aurait dû écouter ce que les gens en ville disaient à son sujet au lieu de l’embaucher. Elle a aussi affirmé dans son témoignage que lorsqu’elle a eu besoin d’une évaluation de son rendement au travail après trois mois de travail, l’appelant a répondu en montrant ses trois doigts et en disant : [traduction] « tu n’es pas la première, ni la dernière, mais tu es entre les deux », et qu’il a fini par lui montrer son majeur.

[20] D’après la jurisprudence, la prestataire était tenue de discuter d’abord de ses préoccupations avec l’appelant, ce qui constitue une solution raisonnable plutôt que de quitter son emploi (Procureur général du Canada c Hernandez, 2007 CAF 320). Cependant, en l’espèce, le Tribunal estime que de discuter de ses problèmes avec l’appelant ne constituait pas une solution pratique en raison des difficultés de communications.

[21] En fait, la prestataire a affirmé dans son témoignage que la communication avec l’appelant était très difficile parce qu’elle est francophone; la langue maternelle de l’appelant est le cantonais et les deux communiquaient en anglais, une langue qu’aucune des parties ne parle couramment. Le témoignage de la prestataire est corroboré par l’appelant qui a affirmé dans son témoignage qu’il ne parle pas l’anglais couramment. Qui plus est, compte tenu de l’obstacle de la langue, un interprète était présent à l’audience pour assurer l’interprétation du cantonais au français et vice versa.

[22] Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal s’entend avec la Commission sur le fait que l’appel de l’appelant doit être rejeté parce que compte tenu de la relation employeur-employé, ainsi que des difficultés de communications, la prestataire n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi.

Conclusion

[23] Le Tribunal estime que la prestataire a quitté volontairement son emploi, mais qu’elle a démontré qu’elle était fondée à le faire.

[24] L’appel est rejeté.

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 15 octobre 2018

Téléconférence

X, appelant
G. G., mise-en-cause

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi

29 Pour l’application des articles 30 à 33 :

  1. a) « emploi » s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
  2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
  3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
    1. i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
    2. ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
    3. iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
  4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci‑après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
    1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
    2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
    3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
    4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
    5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
    6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
    7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
    8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
    9. (ix) modification importante des fonctions,
    10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
    11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
    12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
    13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
    14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.

30 (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :

  1. a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
  2. b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

(2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

(3) Dans les cas où l’événement à l’origine de l’exclusion survient au cours de sa période de prestations, l’exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précèdent celle où survient l’événement.

(4) Malgré le paragraphe (6), l’exclusion est suspendue pendant les semaines pour lesquelles le prestataire a autrement droit à des prestations spéciales.

(5) Dans les cas où le prestataire qui a perdu ou quitté un emploi dans les circonstances visées au paragraphe (1) formule une demande initiale de prestations, les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi ou de tout autre emploi qui précèdent la perte de cet emploi ou le départ volontaire et les heures d’emploi assurable dans tout emploi que le prestataire perd ou quitte par la suite, dans les mêmes circonstances, n’entrent pas en ligne de compte pour l’application de l’article 7 ou 7.1.

(6) Les heures d’emploi assurable dans un emploi que le prestataire perd ou quitte dans les circonstances visées au paragraphe (1) n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées, au titre du paragraphe 12(2), ou le taux de prestations, au titre de l’article 14.

(7) Sous réserve de l’alinéa (1)a), il demeure entendu qu’une exclusion peut être imposée pour une raison visée au paragraphe (1) même si l’emploi qui précède immédiatement la demande de prestations — qu’elle soit initiale ou non — n’est pas l’emploi perdu ou quitté au titre de ce paragraphe.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.