Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté. La partie mise en cause n’a pas prouvé qu’elle était fondée à quitter son emploi, car il existait une autre solution raisonnable.

[2] [L’appel est accueilli. L’appelant (employeur) a prouvé qu’une autre solution raisonnable s’offrait à la partie mise en cause (employé) au lieu de quitter son emploi]. Par conséquent, l’employé n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi.

Aperçu

[3] La partie mise en cause (employé) a été employée comme chauffeur et était responsable de livrer des camions aux États-Unis et au Canada. Pendant que l’employé occupait son emploi, il a dévié de son itinéraire prévu avec son camion du travail parce que son beau père était en phase terminale à l’hôpital. Il a garé le camion près de son domicile, et le camion a été volé pendant la nuit. L’employé a été suspendu du travail pendant trois semaines et lorsqu’il est retourné au travail, il dit avoir quitté son emploi parce qu’il n’avait pas le choix, puisque son employeur lui a dit qu’il allait être congédié. L’intimée a déterminé que l’employé était admissible aux prestations parce qu’il n’avait aucune autre solution raisonnable que celle de quitter son emploi. L’employeur a interjeté appel de cette décision auprès du Tribunal de la sécurité sociale. L’employeur contestait le fait que l’employé allait être congédié parce qu’il aurait pu déposer un grief au syndicat et poursuivre avec l’arbitrage. L’employeur a aussi noté que lorsque l’employé était retourné au travail, il était représenté par son représentant syndical et qu’il avait plutôt pris volontairement la décision de quitter son emploi. L’employeur soutient que l’employé n’était pas fondé à quitter son emploi et qu’il existait au moins une autre solution raisonnable.

Questions préliminaires

[4] Seuls l’employeur et un témoin, S. P., ont assisté à l’audience par téléconférence. L’employé n’a pas assisté à l’audience par téléconférence le 23 octobre 2018. Le Tribunal a attendu l’employé pendant une période de 15 minutes après l’heure prévue de l’audience, puis a procédé à l’audience relative à l’appel sur le fond.

[5] L’article 12(1) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale prévoit que si une partie omet de se présenter à l’audience, le Tribunal peut procéder en son absence, s’il est convaincu qu’elle a été avisée de la tenue de l’audience. L’employé a signé et reçu l’avis d’audience le 6 septembre 2018. Par conséquent, je suis convaincue que l’employé a reçu l’avis d’audience et j’ai procédé en son absence.

Questions en litige

Question en litige no 1 : Quelle était la raison de la cessation d’emploi?

Question en litige no 2 : L’[employé] était-il fondé à quitter volontairement son emploi? Existait il d’autres solutions raisonnables?

Analyse

[6] Les dispositions juridiques pertinentes sont reproduites à l’Annexe de cette décision.

[7] Les parties prestataires sont exclues du bénéfice des prestations d’assurance emploi si elles quittent volontairement leur emploi sans motif valable (article 30(1) de la Loi sur l’assurance emploi (Loi sur l’AE). L’intimée doit d’abord démontrer que l’[employé] a quitté volontairement son emploi. Il incombe ensuite à l’[employé] de démontrer qu’il était fondé à le faire (Canada (Procureur général c White, 2011 CAF 190). Les parties prestataires doivent prouver qu’elles étaient fondées à quitter volontairement leur emploi, et que dans les circonstances, elles n’avaient aucune autre solution raisonnable que celle de quitter cet emploi (art 29 de la Loi sur l’AE).

[8] L’objectif de la Loi est l’indemnisation des personnes dont l’emploi s’est involontairement terminé et qui se retrouvent sans travail (Canada (Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada) c Gagnon, [1988] 2 RCS 29).

Question en litige no 1 : Quelle était la raison de la cessation d’emploi?

[9] Les parties conviennent que la raison de la cessation d’emploi était que l’employé a quitté son emploi le 8 mars 2018. Par conséquent, j’accepte le fait que l’employé a quitté son emploi le 8 mars 2018.

[10] D’après sa demande de prestations, l’[employé] a quitté son emploi (GD3-7); son relevé d’emploi montre qu’il a quitté son emploi (GD3-27) et une copie de la lettre de démission de l’[employé] a été soumise (GD3-32).

Question en litige no 2 : L’[employé] était-il fondé à quitter volontairement son emploi? Existait il d’autres solutions raisonnables?

[11] Non, j’estime que l’employé n’était pas fondé à quitter son emploi, parce qu’une solution raisonnable aurait été de déposer un grief au syndicat et de participer au processus d’arbitrage au lieu de quitter son emploi.

[12] L’article 29(c) de la Loi sur l’AE prévoit que l’[employé] est fondé à quitter son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constitue la seule solution raisonnable dans son cas. Cet article prévoit une liste non exhaustive de circonstances qui pourraient justifier le fait de quitter volontairement un emploi.

[13] J’ai examiné si l’une des circonstances suivantes figurant sur la liste s’appliquait à l’employé : incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi et toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.

[14] Les articles 29 et 30 de la Loi sur l’AE prévoient des exceptions à la règle générale selon laquelle les personnes assurées qui ne se retrouvent pas délibérément sans emploi sont admissibles aux prestations. Les exceptions doivent donc être interprétées rigoureusement (Goulet c Commission, A-358-83).

[15] L’employé a informé l’intimée du fait qu’il avait été obligé de quitter son emploi. L’[employé] a mentionné qu’après sa suspension de trois semaines, il était retourné au travail et qu’il avait assisté à une réunion avec ses gestionnaires et son représentant syndical. Il a mentionné que son employeur voulait qu’il signe un document qui confirmait qu’il était congédié. Cependant, après une discussion avec le représentant syndical, l’employeur a convenu de lui fournir de bonnes références à l’intention d’autres employeurs s’il acceptait de signer une lettre de démission (GD3-31).

[16] Le représentant syndical a dit à l’intimée que l’employé avait deux options, soit de démissionner de son emploi ou d’être réintégré sans heures de travail (GD3-34). Il a aussi affirmé que l’employé n’avait d’autre choix que de signer la lettre de démission et que ce n’était pas sa faute si les camions avaient été volés. Il a aussi fait remarquer que l’employeur n’aurait pas congédié l’employé, car il ne voulait pas s’engager dans une bataille judiciaire avec le syndicat.

[17] L’employeur a affirmé qu’il avait assisté à la réunion par téléconférence et que l’employé n’était pas obligé de quitter son emploi, mais qu’il l’avait quitté volontairement après avoir consulté son représentant syndical lors de leur réunion. L’employeur a mentionné que deux options lui avaient été offertes, soit celle de démissionner ou celle de passer par le processus d’arbitrage. L’employeur conteste le fait que l’employé s’est fait dire qu’il serait congédié ou qu’il n’aurait pas d’heures de travail, parce que les heures sont attribuées selon l’ancienneté et qu’il n’était pas possible d’omettre quequ’un sur la liste.

[18] L’employeur a mentionné qu’il croit que l’employé a choisi de quitter son emploi après avoir parlé à son représentant syndical parce qu’il existait suffisamment d’éléments de preuve d’inconduite contre lui et que ses chances de succès en arbitrage étaient minimes.

[19] Le témoin de l’employeur, S. P., a affirmé qu’il était présent à la réunion avec l’employé et le représentant syndical. S. P. a dit que l’employé avait choisi de quitter son emploi après avoir parlé en privé avec son représentant syndical. S. P. a fait remarquer que deux options avaient été offertes à l’employé, celle de quitter son emploi ou de passer par le processus d’arbitrage. Étant donné que l’employé a choisi de quitter son emploi, S. P. a imprimé le gabarit de la lettre de démission, que l’employé et son représentant syndical ont signé. S. P. a aussi noté qu’il n’aurait pas été possible de congédier l’[employé] ou de réduire ses heures parce qu’il y a un syndicat dans ce milieu de travail.

[20] Je n’ai pas été convaincue que l’employé ait été incité indûment par l’employeur à quitter son emploi, car la preuve a démontré que deux options lui avaient été offertes. L’employé aurait pu exercer son droit de déposer un grief à son syndicat et passer par le processus d’arbitrage. Je note que le représentant syndical était présent à la réunion et qu’ils ont eu l’occasion de parler en privé. Par conséquent, je n’ai pas été convaincue que l’employé n’ait eu d’autre choix que de quitter son emploi lors de cette réunion.

[21] La cour a établi que bien que la démission du prestataire ait été compréhensible dans les circonstances, elle était néanmoins précipitée et elle ne constitue pas un motif valable (Canada (Procureur général) c Quinn, A-175-96)).

[22] De plus, j’ai aussi été convaincue par les témoignages de l’employeur et de S. P. qui ont mentionné qu’il n’aurait pas été possible de congédier l’employé ou de réduire ses heures parce qu’il y a un syndicat dans ce lieu de travail. Je trouve qu’il est plus probable que le contraire que l’employé a signé la lettre de démission de son plein gré et a quitté son emploi sans y être incité indûment parce qu’une autre option lui avait été offerte, et qu’il a choisi de ne pas se prévaloir de cette option. Par conséquent, j’estime que l’employé n’était pas fondé à quitter son emploi en raison de l’incitation indue de son employeur conformément à l’article 29(c)(xiii) de la Loi sur l’AE.

[23] La question n’est pas celle de savoir s’il était raisonnable pour le prestataire de quitter son emploi, mais plutôt celle de savoir si son départ était la seule action raisonnable qui s’offrait à lui, compte tenu de l’ensemble des circonstances (Canada (Procureur général) c Laughland, 2003 CAF 129).

[24] J’estime qu’une autre solution raisonnable que celle de quitter son emploi s’offrait à l’employé, à savoir celle de se prévaloir de son droit de passer par le processus d’arbitrage avec l’aide de son syndicat. L’employé n’était pas obligé de quitter son emploi et il aurait dû épuiser toutes les solutions raisonnables avant de quitter son emploi. Je souligne aussi que l’employé était accompagné par son représentant syndical à la réunion et qu’il aurait dû savoir que le processus d’arbitrage était possible.

Conclusion

[25] Compte tenu de l’ensemble des circonstances, l’appelant [employé] n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi, et sa situation ne correspond à aucune autre des circonstances décrites à l’article 29(c) de la Loi sur l’AE. L’appelant [employé] a aussi omis de se prévaloir d’au moins une solution raisonnable qui s’offrait à lui. Par conséquent, l’appelant [employé] est exclu du bénéfice des prestations parce qu’il a quitté volontairement son emploi sans motif valable.

[26] The appeal is dismissed. [L’appel est accueilli].

Date de l’audience :

Le 23 octobre 2018

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparutions:

D. B., employeur (partie mise en cause) (appelant)

S. P, témoin de l’employeur

Annexe

Droit Applicable

Loi sur l’assurance emploi

29 Pour l’application des articles 30 à 33 :

  1. a) emploi s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
  2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
  3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
    1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
    2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
    3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
  4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
    1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
    2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
    3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
    4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
    5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
    6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
    7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
    8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
    9. (ix) modification importante des fonctions,
    10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
    11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
    12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
    13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
    14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.

30 (1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :

  1. a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
  2. b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

(2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

(3) Dans les cas où l’événement à l’origine de l’exclusion survient au cours de sa période de prestations, l’exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précèdent celle où survient l’événement.

(4) Malgré le paragraphe (6), l’exclusion est suspendue pendant les semaines pour lesquelles le prestataire a autrement droit à des prestations spéciales.

(5) Dans les cas où le prestataire qui a perdu ou quitté un emploi dans les circonstances visées au paragraphe (1) formule une demande initiale de prestations, les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi ou de tout autre emploi qui précèdent la perte de cet emploi ou le départ volontaire et les heures d’emploi assurable dans tout emploi que le prestataire perd ou quitte par la suite, dans les mêmes circonstances, n’entrent pas en ligne de compte pour l’application de l’article 7 ou 7.1.

(6) Les heures d’emploi assurable dans un emploi que le prestataire perd ou quitte dans les circonstances visées au paragraphe (1) n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées, au titre du paragraphe 12(2), ou le taux de prestations, au titre de l’article 14.

(7) Sous réserve de l’alinéa (1)a), il demeure entendu qu’une exclusion peut être imposée pour une raison visée au paragraphe (1) même si l’emploi qui précède immédiatement la demande de prestations — qu’elle soit initiale ou non — n’est pas l’emploi perdu ou quitté au titre de ce paragraphe.

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