Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada (ci-après « la Commission ») a contacté l’appelante concernant des irrégularités dans les déclarations d’un prestataire qui lui reprochait d’avoir rempli ses déclarations. La preuve démontre que l’appelante a fait des déclarations par Internet au nom du prestataire en ne déclarant pas son revenu pour des périodes pendant lesquelles il a travaillé. La Commission a déterminé que l’appelante avait fait des fausses déclarations pour le compte du prestataire et elle lui a imposé une pénalité de 820$. L’appelante conteste la décision de la Commission, car elle considère que le prestataire était au courant de ses actions. Le Tribunal doit donc déterminer si l’appelante a sciemment fait des déclarations fausses ou trompeuses pour le compte du prestataire.

Questions en litige

[3] Est-ce que l’appelante a fait sciemment des déclarations fausses ou trompeuses pour le compte du prestataire?

[4] Si oui, est-ce que la Commission a agi de manière judiciaire en imposant une pénalité monétaire à l’appelante?

Analyse

[5] La Commission peut imposer une pénalité à un prestataire ou une personne agissant pour son compte qui fait sciemment une déclaration fausse ou trompeuse à l’occasion d’une demande de prestations (paragraphe 38 (1) de la Loi sur l’assurance-emploi, ci-après « la Loi »).

Est-ce que l’appelante a fait sciemment des déclarations fausses ou trompeuses pour le compte du prestataire?

[6] Tout d’abord, il incombe à la Commission de prouver que le prestataire ou la personne agissant pour son compte, ici l’appelante, a sciemment fait une déclaration fausse ou trompeuse (Procureur général du Canada c Purcell, [1996] 1 RCF 644). Ensuite, si la Commission rencontre son fardeau, il revient au prestataire ou à la personne agissant pour son compte d’expliquer les raisons pour lesquelles les réponses étaient inexactes (Purcell, supra).

[7] Pour qu’une déclaration soit qualifiée de fausse ou trompeuse, le prestataire ou la personne agissant pour son compte doit avoir une connaissance subjective du fait qu’il faisait une déclaration fausse ou trompeuse (paragraphe 38 (1) de la Loi; Purcell, supra; Mootoo c Canada (Ministre du développement des ressources humaines), 2003 CAF 206).

[8] L’utilisation du terme « sciemment » au paragraphe 38 (1) de la empêche plutôt que des déclarations fausses ou trompeuses faites innocemment soient sujettes à des pénalités administratives. Cette notion vient donc baliser le pouvoir de la Commission d’imposer une pénalité non pas à toutes les déclarations fausses ou trompeuses, mais bien à celles qu’une personne fait en toute connaissance de cause (Procureur général du Canada c Gates, A-600-94).

[9] La notion de « faire sciemment » une fausse déclaration n’implique pas une dimension de fraude ou d’intention de frauder la Commission (Procureur général du Canada c. Bellil, 2017 CAF 104).

[10] La Commission a fourni en preuve les déclarations au dossier du prestataire pour la période du 5 février 2017 au 6 mai 2017. Durant cette période, aucune heure de travail et aucun montant d’argent n’a été déclaré par le prestataire, alors que le relevé d’emploi X démontre qu’il a travaillé 835 heures entre le 22 février 2017 et le 21 juillet 2017.

[11] La Commission a donc contacté le prestataire qui a précisé que l’appelante était son ancienne conjointe et qu’il lui avait demandé de remplir ses déclarations d’assurance-emploi. Le prestataire lui avait donné son code d’accès pour accéder à son compte d’assurance-emploi sur le site Internet de Service Canada.

[12] Selon le prestataire, l’appelante avait ses cartes bancaires et elle avait accès à son compte bancaire. De plus, comme le prestataire était dépensier, l’appelante s’occupait de gérer le budget et de payer toutes leurs dépenses. En effet, le prestataire restait en appartement avec l’appelante durant la période d’emploi. Le prestataire a affirmé à la Commission qu’il ne savait pas que des prestations lui avaient été payées. Selon le prestataire, l’appelante a transféré le versement complet de ses prestations d’assurance-emploi le jour même où il les a reçues dans son compte bancaire, tel qu’il appert du relevé bancaire.

[13] Le 3 août 2017, la Commission a contacté l’appelante qui a confirmé que le prestataire était son ancien conjoint. Selon l’appelante, elle remplissait les déclarations du prestataire et transférait les prestations dans son propre compte alors que le prestataire était au courant. Elle ajoute que le prestataire ne se préoccupait pas de ses prestations d’assurance-emploi. Par exemple, lorsqu’il a été convoqué à une réunion, le prestataire n’y est pas allé parce qu’il travaillait. De plus, lorsque la Commission a coupé ses prestations, le prestataire était indifférent puisqu’il travaillait. L’appelante a confirmé qu’elle gérait le budget et que le salaire et les prestations étaient versés dans son propre compte bancaire. L’appelante a confirmé que le prestataire était dépensier et qu’il n’avait rien à son nom et qu’elle gérait toutes les dépenses, dont le loyer, le téléphone, le câble et le cellulaire à son nom que le prestataire utilisait. L’appelante a également mentionné que, non seulement elle transférait les prestations dans son compte, mais également le salaire du prestataire. L’appelante avait eu la permission du prestataire de transférer ces montants d’argents. L’appelante a confirmé que le prestataire lui a demandé de falsifier les déclarations et elle l’a fait. L’appelante a expliqué à la Commission qu’elle savait que ce qu’elle faisait n’était pas correct, mais que c’était son problème du prestataire.

[14] Vu la déclaration de l’appelante et parce qu’elle agissait pour le compte du prestataire, la Commission lui a imposé une pénalité.

[15] Dans le cadre de la demande de révision, l’appelante a affirmé que le prestataire n’a jamais été son conjoint, il était simplement une personne qu’elle hébergeait. De plus, l’appelante a affirmé qu’elle n’a jamais eu accès au dossier du prestataire. L’appelante n’était pas au courant que le prestataire avait recommencé à travailler, car il faisait ses choses par lui-même. Ainsi, l’appelante a nié les informations qu’elle a données à la Commission le 3 août 2017, car elle donnait les réponses que celle-ci voulait entendre. L’appelante a nié avoir complété les déclarations sans déclarer les gains du prestataire et elle a nié avoir pris l’argent de ses prestations.

[16] Dans le cadre de l’avis d’appel, l’appelante a mentionné qu’elle n’était pas au courant de la fraude du prestataire. L’appelante a affirmé qu’elle n’était pas en couple avec lui et qu’elle n’était pratiquement jamais à la maison parce qu’elle travaillait tous les jours. Selon l’appelante, le prestataire est parti sans laisser d’adresse et il met la fraude sur son dos.

[17] La Commission a fourni en preuve les relevés bancaires du prestataire qui démontrent que son salaire et les prestations d’assurance-emploi étaient transférés dans un autre compte bancaire.

[18] Selon l’appelante, les relevés bancaires fournis par le prestataire démontrent uniquement que celui-ci transférait son argent dans un autre compte bancaire et non qu’elle lui avait volé. L’appelante a affirmé que le prestataire lui virait lui-même de l’argent pour payer sa part du loyer puisqu’il vivait chez elle. L’appelante a affirmé qu’elle n’était jamais chez elle et qu’elle ne savait pas qu’il avait commencé à travailler.

[19] À l’audience, l’appelante a expliqué qu’au départ, elle et le prestataire étaient un couple, mais pas au moment où il recevait des prestations. Par ailleurs, l’appelante l’aidait à faire son budget et lui rappelait quand il devait payer ses comptes. L’appelante a affirmé qu’elle n’a jamais pris d’argent dans son compte, car celui-ci faisait des virements pour payer les comptes. De plus, l’appelante a affirmé que le prestataire était au courant des déclarations qu’elle a faites et qu’il y consentait. Le Tribunal a donc demandé à l’appelante si par cette affirmation elle confirmait qu’elle avait fait les déclarations. L’appelante a répondu qu’elle avait aidé le prestataire à faire sa déclaration initiale parce qu’il ne savait pas comment.

[20] L’appelante a expliqué qu’elle ne prenait pas l’argent dans le compte bancaire du prestataire, mais qu’il lui faisait les transferts dans son compte personnel, pour qu’elle puisse payer les comptes.

[21] L’appelante a également expliqué qu’elle n’était pas au courant que l’appelant avait recommencé à travailler. En effet, lorsqu’elle partait au travail, il était à leur appartement de même que lorsqu’elle revenait en fin de journée.

[22] Le Tribunal a questionné l’appelante relativement à sa déclaration du 3 août 2017 dans laquelle elle a admis avoir falsifié les déclarations du prestataire. L’appelante a affirmé qu’elle n’a pas fait cette déclaration à la Commission. L’appelante n’a pas donné plus de détail sur cette version des faits.

[23] Selon la Commission, l’appelante savait qu’elle faisait des déclarations fausses puisqu’elle savait que le prestataire avait travaillé entre le 22 février 2017 et le 6 mai 2017 alors qu’elle a déclaré à Service Canada qu’il n’avait pas travaillé et qu’il n’avait pas reçu de rémunération. En effet, la Commission, l’appelante a admis qu’elle avait fait des fausses déclarations pour le compte du prestataire, mais que c’était le problème du prestataire. Après que la pénalité ait été imposée par la Commission, l’appelante a nié toutes les déclarations qu’elle avait faites précédemment. Selon la Commission, ce changement de version est suspect, car en général, une déclaration spontanée faite avant que la personne obtienne une compréhension détaillée des faits requis sera préférée à une déclaration faite après qu’une personne ait été informée du résultat. Selon la Commission, il faut accorder plus de poids aux déclarations initiales et spontanées (Lévesque c Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada, A-557-96).

[24] Le Tribunal est d’avis que l’appelante a fait sciemment des déclarations fausses ou trompeuses à la Commission.

[25] L’appelante a offert 2 versions contradictoires. Le Tribunal retient la première version de l’appelante à la Commission le 3 août 2017 dans laquelle elle admet qu’elle a fait des déclarations fausses ou trompeuses, car celle-ci est la plus vraisemblable (GD3-53).

[26] En effet, le fait que l’appelante soulève qu’elle a dit à la Commission ce que l’enquêteur voulait entendre est très peu probable dans la mesure où elle a fait des admissions à la Commission qui lui était défavorable. Par ailleurs, le Tribunal considère que le fait que l’appelante a nié la totalité de sa déclaration faite à la Commission après avoir reçu la pénalité affecte la crédibilité de sa deuxième version. Ainsi, la première version est plus vraisemblable et plus probable.

[27] Au surplus, le Tribunal ne peut retenir la simple affirmation de l’appelante voulant qu’elle n’ait pas fait la première déclaration du 3 août 2017, car la preuve est insuffisante. En effet, l’appelante n’a pas remis en doute la crédibilité de l’enquêteur de la Commission et n’a soulevé aucune preuve au soutien de sa prétention.

[28] Par conséquent, le Tribunal est d’avis que l’appelante a sciemment fait une déclaration fausse ou trompeuse pour le compte du prestataire.

[29] Tout d’abord, le Tribunal est d’avis que l’appelante a agi pour le compte du prestataire. En effet, l’appelante a admis dans sa déclaration du 3 août 2017 qu’elle avait le code d’accès du prestataire et qu’elle remplissait les déclarations à la demande de celui-ci (GD3-53). De plus, l’appelante a mentionné au Tribunal qu’elle avait aidé le prestataire à faire sa déclaration initiale.

[30] Ensuite, le Tribunal est d’avis que l’appelante avait une connaissance subjective que les déclarations qu’elle remplissait étaient fausses, puisqu’elle savait que le prestataire travaillait.

[31] Dans sa version du 3 août 2017, l’appelante a dit à plus d’une reprise que le prestataire travaillait pour expliquer son indifférence quant à ses prestations d’assurance-emploi.

[32] De plus, l’appelante a admis que le salaire du prestataire était versé dans son compte personnel pour qu’elle puisse payer les dépenses liées au logement et celles du prestataire. Par conséquent, l’appelante ne pouvait ignorer que le prestataire travaillait.

[33] Au surplus, l’appelante a admis dans sa déclaration du 3 août 2017 à la Commission qu’elle avait falsifié les déclarations et qu’elle avait omis de déclarer qu’il avait travaillé pour l’employeur (GD3-54).

[34] Par conséquent, le Tribunal est d’avis que l’appelante a sciemment fait des déclarations fausses ou trompeuses (Purcell, supra). L’appelante n’a présenté aucune explication crédible quant à ces déclarations (Purcell, supra).

Si oui, est-ce que la Commission a agi de manière judiciaire en imposant une pénalité monétaire à l’appelante?

[35] La Commission a un pouvoir discrétionnaire quant à l’imposition ou non d’une pénalité et du montant de celle-ci dans le cadre d’une déclaration fausse ou trompeuse.

[36] Le Tribunal doit déterminer si la Commission a agi de manière judiciaire dans l’application de son pouvoir discrétionnaire (Purcell, supra). Ainsi, la Commission ne doit pas :

  1. avoir agi de mauvaise foi;
  2. tenu compte de facteur non pertinent ou ignoré un facteur pertinent;
  3. agi de manière discriminatoire (Purcell, supra).

[37] Le Tribunal ne peut modifier le montant de la pénalité que « s’il peut être établi que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire d’une manière non conforme à la norme judiciaire ou qu’elle a agi de façon abusive ou arbitraire sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. » (Procureur général du Canada c. Uppal, 2008 CAF 388; Procureur général du Canada c Tong, 2003 CAF 281)

[38] La Commission peut utiliser des lignes directrices pour chiffrer le montant de la pénalité à imposer (Procureur général du Canada c Gagnon, 2004 CAF 351). Ainsi, si la Commission se fie à ces lignes et à toutes les circonstances atténuantes du dossier, le Tribunal ne devrait pas intervenir (Gagnon, supra).

[39] La Commission a expliqué que les fausses déclarations ont engendré un trop-payé de 2 732$. La Commission a fixé le montant de la pénalité à 50% du trop-payé, conformément à ces lignes directrices pour le premier acte délictueux (Gagnon, supra). Par la suite, la Commission a pris en considération à titre de circonstance atténuante le fait que le prestataire avait accumulé des dettes et n’avait pas les moyens d’emprunter et que l’appelante s’occupait de gérer son budget. La Commission a donc diminué la pénalité de 20% du montant du trop-payé pour un total de 820$ ((2 732 x 50%) - (2 732 x 20%) = 820$)

[40] La Commission est d’avis que le Tribunal ne devrait pas intervenir, car elle a imposé la pénalité en fonction de ses lignes directrices et des circonstances atténuantes au dossier.

[41] Le Tribunal est d’avis qu’il n’a pas à intervenir dans le présent dossier, puisque la Commission a agi de manière judiciaire en imposant une pénalité monétaire.

[42] Premièrement, la Commission a utilisé les lignes directrices pour fixer un montant initial de 50 % du trop-payé (Gagnon, supra).

[43] Deuxièmement, la Commission a pris en compte des circonstances atténuantes pour diminuer la pénalité de 20% du trop-payé. En effet, la Commission a pris en considération le fait que prestataire avait accumulé des dettes et n’avait pas les moyens d’emprunter et que l’appelante s’occupait de gérer son budget.

[44] Troisièmement, la Commission n’a pas omis de prendre en considération d’autres circonstances atténuantes pertinentes et n’a pas pris en considération des faits non pertinents. De plus, la preuve ne démontre pas que la Commission a agi de manière discriminatoire ou de mauvaise foi dans l’imposition de la pénalité.

[45] Le Tribunal est d’avis que la Commission a agi de manière judiciaire dans son imposition de la pénalité de 820$ (Purcell, supra; Uppal, supra; Tong, supra).

Conclusion

[46] L’appel est rejeté. L’appelante a agi pour le compte du prestataire et elle a fait sciemment des déclarations fausses ou trompeuses. Une pénalité de 820$ est imposée à l’appelante.

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparutions :

19 novembre 2018

Vidéoconférence

V. A., appelante

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