Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelant a pratiqué le métier de monteur de ligne pour X durant 31 ans avant de prendre sa retraite. Il a par la suite décidé de travailler comme chauffeur de camion. En 2017, il s’est trouvé un emploi de chauffeur qu’il aimait bien pour la compagnie X, mais qui n’offrait que du travail sur appel à l’occasion. Il a donc accepté un emploi de chauffeur à temps plein offert par X en août 2017. L’appelant affirme qu’à son embauche, son employeur avait accepté qu’il doive parfois manquer des journées de travail lorsque la compagnie X l’appelle pour un voyage. Il a démissionné de son poste chez X en mai 2018. L’appelant soutient qu’au printemps 2018, son employeur X ne voulait plus respecter l’entente qu’il s’absente pour aller travailler pour X lorsqu’il était appelé. Il soutient de plus que c’est en raison du non-respect de cette entente et du fait que X n’avait pas assez d’ouvrage pour lui qu’il a quitté son emploi. La Commission de l’assurance-emploi (la Commission) a déterminé que l’appelant avait quitté volontairement son emploi sans justification au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (la Loi) et par conséquent l’a exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Question en litige

[3] Le Tribunal doit déterminer si le fait de quitter son emploi était la seule solution raisonnable pour l’appelant dans les circonstances.

Analyse

[4] Le Tribunal doit déterminer si l’appelant était fondé à quitter son emploi selon les dispositions de l’article 29 de la Loi sur l’assurance-emploi (la Loi). En règle générale, une personne qui quitte son emploi de façon volontaire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi (article 30 de la Loi). La Loi prévoit cependant qu’une personne peut parfois, de façon exceptionnelle, être fondée à quitter volontairement son emploi et être éligible aux prestations d’assurance-emploi. C’est à elle de faire cette démonstration.

[5] La Cour d’appel fédérale a réitéré à de nombreuses occasions qu’afin de déterminer si une personne était fondée à quitter son emploi, cette dernière doit démontrer que, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas. (Canada (Procureur général) c. Patel, 2010 CAF 95 (Patel), Bell, A-450-95, Landry, A-1210-92). Hernandez, 2007 FCA 320).

[6] Pour les raisons qui suivent, je conclus que l’appelant n’a pas réussi à démontrer que son départ constituait la seule solution raisonnable dans ses circonstances.

[7] Dans le cas qui nous occupe, l’appelant a expliqué qu’il aimait travailler pour la compagnie X. Celle-ci embauche des anciens monteurs de ligne d’X pour travailler aux États-Unis pour des cas problèmes qui surviennent de temps à autre lors des pannes d’électricité. Elle n’offre cependant pas d’emploi à temps plein, sauf au Nouveau-Brunswick selon l’appelant. L’appelant a affirmé que lorsqu’il est appelé à travailler pour X, il effectue de longs voyages très payants.

[8] L’appelant a témoigné à l’effet qu’à son embauche, il a été transparent avec X et a mis comme condition de travail qu’il allait s’absenter lorsqu’appelé pour effectuer un voyage pour X. Cela incluait de parfois devoir quitter en milieu de journée et sans terminer une journée de travail.  Il affirme que l’employeur X a compris et accepté cet arrangement. Il indique voir effectué environ 6 voyages pour X durant son emploi chez X. Il affirme cependant qu’à partir du printemps 2018, son employeur commençait à se plaindre de ses appels par X et lui a demandé qu’il fasse ses journées complètes dans le futur.

[9] Le Tribunal note que l’appelant ne conteste pas le fait qu’il a quitté volontairement son emploi pour X. L’appelant soutient que le changement d’attitude par rapport aux appels d’X ainsi qu’un manque de travail constituent les raisons de son départ. Il affirme que X n’avait pas d’heures de travail pour lui durant la période des fêtes ainsi qu’au mois de mai 2018. L’appelant dit être resté chez lui sans travail du 1er au 5 mai 2018 jusqu’à ce qu’il soit appelé pour effectuer un voyage pour X le 5 mai 2018. Il dit qu’il n’a reçu aucun appel de X pour entrer travailler jusqu’à son retour le 22 mai 2018. Il dit être allé voir X suite à son retour et que ce dernier n’avait pas de travail pour lui. La dame des ressources humaines lui aurait dit d’attendre une ou deux semaines.

[10] L’appelant affirme que dans ce contexte, il a pris la décision de quitter. Il s’est dit que tant qu’à ne pas travailler de façon constante, il était aussi bien de quitter. Il a par ailleurs affirmé que si Transport Xlui avait offert de l’ouvrage de façon continue sans période de mise à pied, il y aurait pensé deux fois avant de quitter.

[11] Lorsque demandé s’il priorisait son travail pour X, l’appelant a répondu qu’il n’avait pas de priorité entre ses deux emplois, mais qu’à partir du moment où X l’a mis à pied dans le temps des fêtes, il n’a pas aimé cela du tout. Par la suite, le fait de n’avoir aucune journée de travail au mois de mai, sans garantie pour le futur, a contribué à sa décision.

[12] Le Tribunal accepte que l’appelant n’ait pas quitté X le 1er mai 2018, mais que cette date constitue sa première journée sans y travailler.

[13] La Commission soutient que l’appelant a quitté par choix personnel en choisissant son emploi chez X lorsque son employeur X ne voulait plus le laisser prendre des voyages avec X. Elle soutient de plus que de choisir de conserver un emploi saisonnier sur appel plutôt qu’un emploi à temps plein ne constitue pas une justification au sens de la Loi.

[14] Le Tribunal estime aussi que la preuve démontre que la décision de quitter a été une décision personnelle de l’appelant. Or, le régime d’assurance-emploi ne peut supporter les coûts des choix personnels des appelants, aussi louables soient-ils. Le Tribunal comprend très bien que l’appelant pouvait préférer un emploi dans son champ d’expertise avec salaire beaucoup plus élevé chez X à un emploi moins payant chez X. Le Tribunal comprend aussi la frustration de l’appelant de subir des périodes de mises à pied durant le temps de fêtes et au mois de mai 2018.

[15] Cependant, le Tribunal estime que le principe selon lequel l’assuré au régime d’assurance emploi ne doit pas provoquer de risque ou de certitude de chômage est le principe fondamental des régimes d’assurance. Ce principe a d’ailleurs été clairement énoncé par la Cour d’appel fédérale: « …un système d’assurance contre le chômage et ses termes doivent être interprétés en ayant égard à l’obligation qui pèse normalement sur tout assuré de ne pas provoquer délibérément la réalisation du risque » Tanguay A-1458-84 (Tanguay). Dans ce cas-ci, l’appelant s’est lui-même placé dans une position de chômage. Le Tribunal est perplexe et comprend mal comment l’appelant a pu choisir de quitter un emploi pour lequel il n’avait pas d’ouvrage au moment de quitter.

[16] Par ailleurs, si l’appelant a jugé bon pour lui-même de quitter, le Tribunal ne juge pas cette décision. Il s’agissait peut-être de la meilleure décision pour lui dans ces circonstances. Cependant, la décision de quitter demeure malheureusement une décision personnelle qui ne saurait justifier des prestations au sens de la Loi. Le fait qu’il n’aime pas que son employeur lui impose des périodes de mises à pied ou n’accepte plus qu’il quitte en milieu de journée pour un autre emploi de façon sporadique est malheureux certes, mais ne constitue pas une justification au sens de la Loi.

[17] Du point de vue de l’appelant, la décision qu’il a pris était raisonnable. Cependant, la question ne consiste pas à savoir s’il était raisonnable pour lui de quitter son emploi, mais bien à savoir si c’était la seule solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances (Laughland, 2003 FCA 129). En effet, la Cour d’appel fédérale a confirmé qu’il était impératif et fondamental lors de l’analyse d’un départ volontaire en assurance-emploi que cette question soit examinée. Le Tribunal estime que dans sa situation de chômage au mois de mai 2018, l’appelant aurait pu attendre plus longtemps avant de quitter afin de voir s’il reprendrait le service. En période de mise à pied chez X, une alternative raisonnable aurait été de se trouver un autre emploi à temps plein avant de quitter. Même si l’emploi ne pouvait pas lui fournir de travail à certains moments tels que durant la période des fêtes et au mois de mai 2018, il est difficilement concevable pour le Tribunal d’arriver à la conclusion que quitter son emploi avant d’en trouver un autre était plus raisonnable que de conserver le lien d’emploi.

[18] De plus, le fait d’être en mise à pied s’est possiblement avéré une bonne chose pour l’appelant qui a pu aller faire son voyage pour X du 5 au 22 mai 2018 sans devoir entrer en conflit avec X, ce qui explique encore moins les réelles motivations de son départ volontaire.  L’appelant aurait également pu faire des recherches d’emploi et conserver son poste chez X jusqu’à ce qu’il se trouve un autre emploi.

[19] En conclusion, j’estime donc que dans ces circonstances, l’appelant n’a pas démontré que son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas. Par conséquent, je conclus qu’il n’était pas fondé de quitter volontairement son emploi au sens de la Loi et qu’une exclusion s’impose.

Conclusion

[20] L’appel est rejeté.

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparutions :

25 octobre 2018

Téléconférence

M. R., appelant

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