Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli en partie. Le prestataire a démontré qu’il était fondé à quitter son travail chez X, le 6 février 2018. Cependant, il n’a pas démontré qu’il était capable de travailler du 5 avril au 3 mai 2018.

Aperçu

[2] Le prestataire a été en congé de maladie et a reçu des prestations de maladie de l’assurance-emploi jusqu’au 10 février 2018. Lorsqu’il n’est pas retourné travailler pour son employeur le 6 février 2018, il a été considéré comme ayant quitté volontairement son travail. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a exclu le prestataire du bénéfice des prestations à partir du 11 février 2018, car il a quitté son emploi chez X sans justification. Elle a déterminé que le départ ne constituait pas la seule solution raisonnable qui s’offrait à lui. Par ailleurs, depuis qu’il a quitté son emploi, il n’a pas démontré qu’il était disponible pour occuper un autre emploi à partir du 5 avril 2018. Le prestataire a demandé à la Commission de réviser ses décisions. Il soutient qu’il ne pouvait pas retourner chez son ancien employeur parce que le travail qui lui était offert ne convenait pas à ses limitations physiques. Il n’a pas eu le choix partir. La Commission a toutefois fait valoir que le prestataire n’a pas fourni de documentation médicale démontrant que son médecin lui aurait suggéré de quitter son emploi. Par ailleurs, l’employeur était disposé à lui offrir des mesures d’adaptation. En ce qui concerne sa disponibilité, la Commission a modifié sa décision initiale pour celle d’une inadmissibilité d’une durée déterminée du 5 avril au 3 mai 2018, car le prestataire a conservé un emploi à temps partiel. Le prestataire est en désaccord avec les deux décisions et en a appelé devant le Tribunal de la sécurité sociale du Canada.

Questions en litige

[3] Le membre doit décider ce qui suit :

Le prestataire était-il fondé à quitter volontairement son emploi?

Le prestataire était-il disponible pour travailler du 5 avril au 2 mai 2018?

Analyse

Question en litige no 1 : Le prestataire a-t-il été fondé à quitter volontairement son emploi?

[4] Oui, le prestataire a démontré qu’il n’avait pas de solution raisonnable autre que de quitter son emploi chez X et, par conséquent, il a établi qu’il était fondé à partir.

[5] Lorsqu’une partie prestataire quitte son emploi ou qu’elle prend un congé, elle n’a pas automatiquement droit à des prestations. Celle-ci doit démontrer qu’elle était fondée à quitter son emploi pour recevoir des prestations.

[6] Pour établir un motif valable pour quitter volontairement ou prendre un congé, une partie prestataire doit démontrer que, compte tenu des circonstances, elle n’avait aucune autre solution raisonnable que celle de quitter son emploi (Patel, A‑274‑09; Astronomo, A‑141‑97; Tanguay, A‑1458-84).

[7] Au départ, il incombe à la Commission de démontrer que le prestataire a volontairement quitté son emploi. Le prestataire a reçu des prestations de maladie de l’assurance-emploi du 3 novembre 2017 au 6 février 2018, car il était incapable de travailler pendant cette période. Il a par la suite été autorisé par son médecin à retourner au travail pour effectuer des tâches modifiées qui ne requéraient pas d’exécuter des mouvements répétitifs pour le dos et de soulever des objets de plus de 10 kilogrammes (GD3-26). Bien que le prestataire était capable de retourner au travail avec limitations, il ne l’a pas fait le 6 février 2018. Il soutient que puisque son employeur ne pouvait pas lui offrir des mesures d’adaptation, il n’a pas volontairement quitté son emploi. La membre n’est pas désaccord et estime qu’en ne retournant pas au travail le 6 février 2018, le prestataire a volontairement quitté son emploi.

[8] Le fardeau de la preuve se déplace maintenant du côté du prestataire à qui il incombe de démontrer qu’il était fondé à quitter son emploi (White, A-381-10; Patel, A-274-09).

[9] L’article 29(c) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) fournit une liste non exhaustive de circonstances à prendre en compte au moment de déterminer si une partie prestataire est fondée à quitter son emploi (White, A-381-10). La membre a examiné les circonstances mentionnées à l’article 29(c) et a déterminé si l’une de ces circonstances existait à la date où le prestataire a quitté son emploi. Ces circonstances doivent être évaluées à partir de cette date (Lamonde, A-566-04).

[10] Le prestataire a déclaré qu’il n’est pas retourné au travail le 6 février 2018, car l’employeur était incapable de lui offrir des tâches qui convenaient à ses limitations. Bien que cette circonstance ne fasse pas partie de celles fournies dans l’article 29(c) de la Loi sur l’AE, le prestataire peut toujours être fondé à quitter son emploi s’il démontre qu’il n’a pas de solution raisonnable autre que celle de partir au moment où l’a fait. La membre estime que le prestataire s’est acquitté de ce fardeau pour les raisons suivantes.

[11] La Commission fait valoir que le prestataire n’a pas fourni de documentation médicale démontrant que son médecin lui a conseillé de quitter son emploi. Par ailleurs, la Commission a allégué que l’employeur a indiqué qu’il lui a offert des tâches modifiées avant qu’il ne quitte son travail en raison d’une maladie et qu’elles auraient été disponibles pour lui s’il était revenu. Par conséquent, une solution raisonnable aurait été que le prestataire retourne travailler pendant qu’il cherchait un autre emploi qui lui conviendrait.

[12] Toutefois, la membre indique que le prestataire a prévenu la Commission qu’il n’était pas d’accord avec la déclaration de son employeur (GD3-25). La Commission n’a pas indiqué la raison pour laquelle elle a préféré la déclaration de l’employeur.

[13] Contrairement à la Commission, la membre a accordé plus d’importance à la déclaration cohérente du prestataire prononcée à l’audience et devant la Commission qu’à la déclaration indirecte et non confirmée de l’employeur. La membre estime que le témoignage du prestataire est crédible parce qu’il est plausible et qu’il concorde avec ses déclarations et ses observations écrites présentées à la Commission. Le prestataire a déclaré que l’employeur a menti tant à la WSIB [commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail] par rapport au fait que sa blessure était liée au travail, qu’à la Commission en affirmant qu’il lui aurait offert des mesures d’adaptation pour sa blessure. Son témoignage concorde avec ses déclarations et ses observations écrites présentées à la Commission (de GD3‑31 à GD3‑36 et GD3B‑35).

[14] À l’audience, le prestataire a fourni plus de détails. Il a déclaré que l’employeur lui a effectivement offert de l’aide de ses collègues, toutefois, il s’agissait d’employés de bureau (deux personnes et le propriétaire) ou du département des presses (une personne). Ils pouvaient seulement venir l’aider lorsqu’il remplaçait les rouleaux qui pesaient 150 livres ou plus, chaque heure et quart. De plus, le prestataire a déclaré qu’il était incapable d’exécuter les autres mouvements physiques qu’exige son travail, notamment des mouvements de flexion, de torsion, et de levée de tubes de papier de 45 à 75 livres, qu’il devait exécuter chaque 5 à 10 minutes. Même la porte de la presse était lourde et il n’y avait aucun dispositif d’assistance. L’employeur n’a pu s’adapter à sa limite de 10 kilogrammes pour soulever des objets. Le prestataire a déclaré qu’il n’y avait pas d’autres tâches disponibles puisqu’il y avait seulement cinq employés en tout. Il n’avait pas les qualifications pour travailler au bureau ou au département des presses alors il n’y avait aucune autre option d’emploi chez son employeur.

[15] Par ailleurs, le prestataire a déclaré qu’il ne pouvait pas prendre un congé de maladie jusqu’à ce qu’il trouve un emploi convenable. Il avait atteint son nombre maximal de temps de congé de maladie, parce qu’il avait déjà pris des congés de maladie à deux autres occasions. Il a expliqué que du mois de juillet jusqu’au jour où il est parti, il avait pris trois semaines de congé, était retourné travailler, s’était blessé une autre fois le dos, puis avait été en arrêt de travail pour 12 semaines et que, maintenant, il ne pouvait retourner au travail que pour exécuter des tâches adaptées. Le prestataire a déclaré que son médecin lui a dit que son dos ne guérirait pas s’il gardait cet emploi. Il lui a aussi dit que soit il quittait son travail, soit il continuait à revenir chez le médecin pour obtenir un nombre indéfini de congés de maladie avec médication. Le prestataire a déclaré que plus de congés n’était pas une option.

[16] La membre est d’accord avec le prestataire sur le fait que de retourner travailler chez son ancien employeur n’était pas une option raisonnable. Les tâches adaptées offertes par l’employeur ne cadraient pas avec ses restrictions médicales et, par conséquent, elles ne convenaient pas. Aussi, il n’y avait aucun autre poste de libre chez l’employeur et le prestataire ne disposait plus de congés de maladie. Dès lors, le fait de rester chez l’employeur pendant qu’il cherchait un autre travail ne constituait pas une meilleure solution que celle de quitter son emploi.

[17] La membre estime qu’étant donné les circonstances au moment où le prestataire a quitté son emploi, il ne disposait d’aucune solution raisonnable à part celle de partir pour de bon, le 6 février 2018. Ainsi, le prestataire s’est acquitté du fardeau de la preuve de démontrer qu’il était fondé à quitter son emploi chez X. Puisque le prestataire recevait des prestations de maladie jusqu’au 10 février 2018, il ne doit pas être exclu du bénéfice des prestations à partir du 11 février 2018.

Question en litige no 2 : Le prestataire était-il disponible pour travailler du 5 avril au 2 mai 2018?

[18] Non, le prestataire n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler pendant cette période, parce qu’il n’a pas prouvé qu’il a effectué des démarches d’emploi habituelles et raisonnables pour se trouver un emploi. La Commission a déjà accepté le versement de prestations après le 3 mai 2018 parce que le prestataire a indiqué qu’il a trouvé un emploi à temps partiel à partir de cette date.

[19] Pour qu’un prestataire ait droit à des prestations, il doit démontrer qu’il est disponible pour travailler et capable de le faire et qu’il est incapable d’obtenir un emploi convenable (Bois, A-31-00; Cornelissen-O’Neil, A-652-93; Bertrand, A-631-81).

[20] Il incombe à la partie prestataire de prouver sa disponibilité (Renaud, A-369-06).

[21] Étant donné qu’il n’existe aucune définition précise de la disponibilité dans laLoi sur l’AE, la Cour d’appel fédérale a toujours soutenu le fait que la disponibilité doit être déterminée par l’analyse de trois facteurs :

  1. le désir de réintégrer le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable est offert;
  2. l’expression de ce désir par des efforts pour trouver un emploi convenable;
  3. le non-établissement de conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retour sur le marché du travail (Faucher, A-56-96; Poirier, A-57-96).

[22] De plus, le Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement sur l’AE) prévoit des directives concernant les éléments qui peuvent être considérés comme des « démarches habituelles et raisonnables » au titre de l’article 9.001 et qui ne peuvent pas être considérés comme un « emploi convenable » au titre de l’article 9.002.

[23] L’article 9.001(1) du Règlement sur l’AEprévoit des directives pour déterminer les éléments considérés comme des « démarches habituelles et raisonnables » lorsque la partie prestataire cherche à obtenir un emploi convenable. Il prévoit particulièrement les trois critères à respecter pour déterminer ces démarches. Les démarches de la partie prestataire doivent être soutenues, consister en des activités précises énumérées à cet égard et être axées sur l’obtention d’un emploi convenable.

[24] La Commission a fait valoir qu’à partir du 5 avril 2018 jusqu’à ce qu’il commence à travailler à temps partiel le 3 mai 2018, le prestataire n’a pas fourni de preuve qu’il cherchait du travail. Il a indiqué qu’il cherchait, mais qu’il ne trouvait que des emplois ne cadrant pas avec ses restrictions médicales. Il avait seulement contacté un conseiller en recherche d’emploi (GD3B‑21 et GD3B‑37). Il a plus tard fourni une liste de recherche d’emploi commençant le 23 janvier 2018. Toutefois, à partir du 5 avril 2018, il a indiqué avoir été en entrevue qu’une seule fois, le 13 avril 2018, soit avec l’employeur chez lequel il a trouvé un emploi à temps partiel (GD3-39). La Commission a soutenu que ces efforts ne démontrent pas de désir de retourner sur le marché du travail le plus tôt possible.

[25] À l’audience, le prestataire a confirmé qu’il a été embauché à l’entrevue du 13 avril 2018 et qu’il a commencé à travailler le 3 mai 2018. Il a déclaré qu’il n’a pas fait de recherche d’emploi depuis le jour où il s’est fait offrir l’emploi et qu’il a commencé à travailler. Aucune autre preuve n’a été fournie.

[26] La membre estime que le prestataire a démontré un désir véritable de retourner sur le marché du travail par son attitude, sa conduite et, éventuellement, par le fait qu’il a trouvé un travail à temps partiel (Whiffen, A-1472-92). Par ailleurs malgré ses limitations physiques, le prestataire a orienté ses efforts vers un emploi convenable, alors il n’a pas limité de manière indue ses chances de retourner sur le marché du travail. Il a témoigné qu’il cherchait de l’emploi dans son domaine d’expertise, c.-à-d., l’industrie de l’impression, mais à petite échelle, plutôt qu’à grande échelle. De plus, il a été en mesure de trouver un emploi dans l’impression à un poste n’exigeant pas de soulever des charges de plus de 10 kilogrammes ou de réaliser des mouvements de torsion. Il peut s’asseoir ou se tenir debout pour des périodes prolongées et il peut prendre des pauses, au besoin.

[27] La membre estime, par conséquent, que le prestataire n’a pas fourni de preuve qu’il effectuait des démarches d’emploi habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable du 5 avril au 2 mai 2018. La membre est d’accord avec la Commission qu’une seule entrevue en un mois, même si elle a abouti à une offre d’emploi, n’est pas une preuve suffisante qu’il a fait des démarches soutenues telles que celles énumérées dans l’article 9.001(1) du Règlement sur l’AE.

[28] La membre considère que le prestataire ne s’est donc pas acquitté du fardeau de prouver qu’il était capable de travailler et disponible pour le faire, et incapable de trouver un emploi convenable pendant la période du 5 avril au 2 mai 2018.

Conclusion

[29] L’appel est accueilli en partie. Le prestataire s’est acquitté du fardeau de la preuve de démontrer qu’il était fondé à quitter son emploi et, par conséquent, il ne doit pas être exclu du bénéfice des prestations commençant le 11 février 2018. Cependant, en ce qui concerne la période du 5 avril au 2 mai 2018, la membre estime que le prestataire n’a pas prouvé qu’il était disponible et, par conséquent, il doit être seulement exclu du bénéfice des prestations pour cette période.

 

Date de l’audience :

Le 19 novembre 2018

Mode d’instruction :

Téléconférence

Comparution :

E. Z., appelant

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