Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli. L’appelante (prestataire) n’exerçait pas un emploi dans l’enseignement et la Commission de l’assurance-emploi du Canada a eu tort de lui imposer une inadmissibilité au bénéfice des prestations.

Aperçu

[2] La prestataire travaille comme éducatrice de la petite enfance pour le X Centre for Education, un conseil scolaire. Elle a été mise à pied en raison d’un manque de travail en décembre 2017, en mars 2018 et en juin 2018. Une demande renouvelée de prestations d’assurance-emploi (AE) a été établie au profit de la prestataire pour une période débutant le 1er juillet 2018. L’intimée, la Commission, lui a imposé une inadmissibilité au bénéfice des prestations d’AE en mars 2018 et en juin 2018 après avoir conclu qu’elle exerçait un emploi dans l’enseignement. La prestataire a demandé une révision de la décision de la Commission portant sur sa demande de juillet 2018, mais la Commission a décidé de maintenir sa décision initiale. La prestataire interjette appel devant le Tribunal de la sécurité sociale.

Questions préliminaires

[3] La Commission a soutenu que la seule question dont le Tribunal était saisi concerne sa décision que la prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations durant la période de congé estivale. La Commission a rejeté la demande de prestations d’AE présentée en décembre 2017 par la prestataire parce que celle-ci n’avait pas accumulé un nombre suffisant d’heures d’emploi assurable durant sa période de référence. La Commission lui a aussi refusé une semaine de prestations durant sa période de prestations de mars 2018 puisqu’aucune prestation n’est payable durant une période de congé, et une autre semaine parce qu’elle avait travaillé durant une semaine complète. Il n’y a aucune preuve au dossier montrant que la prestataire aurait demandé une révision des décisions pour décembre et mars. Cependant, pour rendre sa décision de révision relativement à la demande de prestations d’AE de juillet 2018 de la prestataire, la Commission a recouru à des renseignements précédemment obtenus et écrit qu’elle maintenait sa décision du 5 avril 2018, en indiquant « Enseignement » à titre d'enjeu.

[4] Lors de l’audience, la prestataire a affirmé qu’elle faisait appel de la décision rendue relativement à ses demandes pour mars 2018 et juillet 2018. Le Tribunal l’a informée qu’il était seulement habilité à statuer sur des appels formés contre des décisions de révision de la Commission. Aucune preuve dans le dossier d’appel ne révélait qu’une révision avait été demandée quant à la décision de la Commission pour sa demande de mars 2018. La prestataire s’est dite d’accord pour que le Tribunal demande à la Commission de lui fournir la demande de révision qu’elle avait présentée pour la décision de mars 2018 et, si aucune demande de révision n’avait été présentée, pour que le Tribunal n’exerce sa compétence qu’à l’égard de son appel formé contre la décision de la Commission relative à sa demande de juillet 2018. L’audience serait reconvoquée si la décision de mars 2018 avait fait l’objet d’une demande de révision. La Commission a fait savoir au Tribunal qu’elle n’avait jamais reçu de demande de révision de la part de la prestataire relativement à sa décision de mars 2018, et que sa décision de révision du 16 juillet 2018 n’aurait pas dû préciser que la décision de la Commission datait du 5 avril 2018. Par conséquent, le Tribunal ne va exercer sa compétence qu’à l’égard de l’appel formé par la prestataire contre la décision de la Commission relative à sa demande de juillet 2018.

Questions en litige

Question 1 : La prestataire exerçait-elle un emploi dans l’enseignement?

Question 2 : Si tel est le cas, la prestataire est-elle admissible au bénéfice des prestations durant une période de congé?

Analyse

[5] Aux fins du Règlement sur l’assurance-emploi, « enseignement » s’entend de la profession d’enseignant dans une école maternelle, primaire, intermédiaire ou secondaire, y compris une école de formation technique ou professionnelle (article 33(1) du Règlement).

[6] Hormis les prestations de grossesse et les prestations parentales, les enseignants ne sont pas admissibles aux prestations d’AE durant les périodes de congé de l’été, de l’hiver et du printemps, à moins de remplir certaines conditions (article 33(1) du Règlement). L’objectif du régime d’assurance-emploi est de verser des prestations aux personnes qui sont « véritablement au chômage » et qui cherchent un emploi. Comme les enseignants ne sont pas « véritablement au chômage » durant les congés scolaires, ils ne sont pas admissibles aux prestations (Oliver c Canada (Procureur général), 2003 CAF 98).

[7] Un enseignant qui se trouve véritablement au chômage durant une période de congé peut toucher des prestations s’il remplit l’une des conditions suivantes : son contrat de travail dans l’enseignement a pris fin; son emploi dans l’enseignement était exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance; il remplit les conditions requises pour recevoir des prestations à l’égard d’un emploi dans une profession autre que l’enseignement (article 33(2) du Règlement).

[8] Il incombe à la prestataire de prouver qu’elle est admissible aux prestations (article 49(1) de la Loi sur l’assurance-emploi; Falardeau A-396-85).

Question 1 : La prestataire exerçait-elle un emploi dans l’enseignement?

[9] Non. Le Tribunal conclut que la prestataire n’exerçait pas un emploi dans l’enseignement au sens du Règlement.

[10] La Commission a soutenu que la prestataire exerçait un emploi dans l’enseignement puisqu’elle enseignait au niveau préscolaire dans une école administrée par le gouvernement provincial et qui fait partie d’un conseil scolaire. Elle est actuellement sous contrat et est l’enseignante principale : c’est elle qui donne le cours. La prestataire suit le cadre d’apprentissage des jeunes enfants comme le font les établissements préscolaires autorisés et elle est entièrement responsable de sa classe. Même si la prestataire n’est pas titulaire d’un certificat en enseignement, la loi ne l’oblige pas à détenir un tel certificat pour être considérée comme une enseignante. En réponse à des documents supplémentaires que la prestataire a déposés après l’audience, la Commission a soutenu que son employeur peut seulement déterminer si elle est considérée comme une enseignante sous le régime de la loi sur l’éducation de sa province; il ne peut pas déterminer si son emploi correspond à la définition de l’enseignement du Règlement. La Commission a soutenu que l’enseignement, au sens du Règlement, s’entend de la profession d’enseignant dans une école maternelle, primaire, intermédiaire ou secondaire, y compris une école de formation technique ou professionnelle.

[11] La prestataire a affirmé qu’elle n’était pas une enseignante. Elle a témoigné que son contrat de travail ne ressemble pas à celui des enseignants qui travaillent pour le conseil scolaire. Contrairement aux enseignants, son contrat est d’une durée de 10 mois et non de 12 mois. Elle est payée sur la base d’un taux horaire et ne reçoit pas un salaire comme les enseignants. Durant les périodes où l’école est fermée, elle est mise à pied, reçoit un relevé d’emploi et ne touche aucun salaire, tandis que les enseignants continuent de toucher le leur. Elle est payée pour sept heures de travail par jour et a droit à une pause-dîner payée d’une demi-heure, alors que les enseignants sont payés pour la journée entière. Elle n’est représentée par aucun syndicat et ne peut pas être membre du syndicat des enseignants comme elle n’est pas une enseignante.

[12] La prestataire a affirmé qu’elle ne relève pas du directeur de l’école où elle travaille. Elle relève plutôt du gestionnaire du programme préscolaire et d’apprentissage des jeunes enfants, qui travaille pour le conseil scolaire. Elle ne procède pas à l’évolution du progrès des enfants et n’a pas le pouvoir de recommander qu’un enfant dont elle est responsable passe au niveau supérieur.

[13] La prestataire affirme que le programme d’enseignement préscolaire (programme) a été lancé en septembre 2017 et qu’elle faisait partie des premiers employés engagés aux fins de ce programme. Le programme n’est pas compris dans le système scolaire provincial. Il est offert gratuitement et dans les écoles afin de garantir son accessibilité aux enfants. Les enfants n’utilisent pas l’équipement de l’école et n’ont pas accès à son terrain de jeu, à la cafétéria et aux services d’autobus. Les enfants ne sont pas tenus de participer au programme tous les jours. Ils peuvent venir aussi souvent ou aussi peu souvent que le décident leurs parents. Les parents ne sont pas obligés d’informer les responsables du programme si leurs enfants seront absents. Les enfants ne peuvent participer au programme qu’une seule année. La prestataire a témoigné que les enfants ne « terminent » pas le programme et qu’ils ne doivent pas nécessairement aller à l’école après le programme. Les parents peuvent choisir de garder leurs enfants à la maison pendant l’année suivant le programme.

[14] La prestataire a témoigné que le programme ne l’oblige pas à suivre un certain cadre pour évaluer les enfants ou leur enseigner. Il existe un cadre d’apprentissage des jeunes enfants établi par la Nouvelle-Écosse et qui est utilisé par les garderies privées et le programme. Il y a certaines dimensions où guider le développement des enfants, comme le bien-être, la langue, l’identité et les relations interpersonnelles. Aucune matière n’est enseignée. Le programme mise sur l’apprentissage par le jeu. Il n’y a aucun pupitre dans la salle où le programme est offert, mais bien des tapis de jeu pour les enfants, une table d’eau, une aire pour la peinture, une aire pour les arts plastiques, etc. À titre d’éducatrice principale de la petite enfance, c’est elle qui décide des livres et des jouets à utiliser et de l’aménagement de la pièce pour créer un environnement.

[15] La prestataire a témoigné que les enfants entrent dans le système d’éducation provincial en première année primaire, en septembre pour les enfants qui auront cinq ans au plus tard le 31 décembre de la même année. Le programme est offert aux enfants avant la première année.

[16] La prestataire a témoigné qu’il existe trois niveaux pour les éducateurs de la petite enfance et que leur classification dépend des diplômes postsecondaires obtenus. À titre d’éducatrice principale, il lui faut détenir un diplôme de premier cycle en études de l’enfant. Cette exigence diffère de celle des enseignants, qui doivent avoir terminé un baccalauréat de quatre ans ainsi qu’avoir obtenu un diplôme en enseignement. La prestataire a affirmé qu’aucun enseignant n’est engagé aux fins du programme.

[17] La prestataire a affirmé que le programme n’est pas donné lorsque l’école est fermée. Le programme commence la journée qui précède le jour de la rentrée des élèves qui vont à l’école. Le programme demeure offert les journées où les enseignants sont à l’école pour du développement professionnel mais où leurs élèves sont absents. La prestataire a affirmé que les communautés rurales ont très peu de garderies mais ont toujours une école où est offert un milieu d’apprentissage pour les jeunes enfants.

[18] Le Tribunal note que la Commission a soutenu que [traduction] « l’employeur a[vait] affirmé que la prestataire est une enseignante permanente ». Le Tribunal a examiné les Renseignements supplémentaires concernant la demande de prestations, provenant de l’entrevue que la Commission a menée auprès du gestionnaire du programme préscolaire, et rien ne révèle qu’il aurait fait cette déclaration. Le dossier révèle plutôt que le gestionnaire avait affirmé que [traduction] « cette cliente n’a pas de contrat d’enseignement et a été engagée à titre d’employée permanente. » Le gestionnaire a confirmé que la prestataire était une éducatrice de la petite enfance et que la participation au programme était sur une base volontaire et n’était pas obligatoire dans le cadre du système d’éducation de la province. La prestataire cotisait au régime de pensions provincial, accumulait des congés de maladie payés pouvant être transférés, mais n’accumulait aucune ancienneté comme le ferait un enseignant. Le gestionnaire, dont le témoignage a été enregistré, a dit à la Commission que la prestataire avait été embauchée comme employée permanente, qu’elle est mise à pied durant les périodes de congé, et qu’elle est rappelée à moins que l’on mette fin au programme. La prestataire suit le cadre d’apprentissage des jeunes enfants du ministère de l’Éducation, comme le font les établissements préscolaires autorisés, et celui-ci est principalement basé sur le jeu. La prestataire n’enseigne pas, ne prépare pas de cours, ne donne pas de devoirs, n’évalue pas d’élèves et ne remet pas de bulletins. Le gestionnaire a affirmé que le programme n’est pas considéré comme faisant partie de l’école, que les élèves qui y participent ne sont pas inscrits auprès de l’école, et que le directeur d’école n’a aucun droit de regard et n’est pas impliqué dans le programme. 

[19] Le Tribunal conclut, selon la prépondérance des probabilités, que rien ne révèle que l’enseignement ou des tâches et obligations liées à l’enseignement faisaient partie des fonctions de la prestataire. Pour déterminer si un prestataire exerce un emploi dans l’enseignement, le Tribunal doit mener une analyse fondée sur les principes de facteurs sous-jacents, par exemple en cherchant à savoir si la personne était titulaire d’un brevet d’enseignement, appartenait à un ordre professionnel régissant les enseignants ou encore exerçait les principales responsabilités d’un enseignant (décision du juge-arbitre du Canada sur les prestations (CUB) 76308).

[20] La prestataire travaille comme éducatrice de la petite enfance. Elle doit détenir un diplôme de premier cycle en études de l’enfant, ce qui ne ressemble pas à un diplôme en enseignement. Elle n’est pas tenue d’enseigner différentes matières mais simplement de guider le développement des enfants qui lui sont confiés. Elle n’évalue pas les enfants et ne peut pas recommander qu’un enfant passe à un niveau scolaire plus avancé ou entre dans le système scolaire provincial; de plus, la participation des enfants n’est pas obligatoire comme ce sont les parents qui déterminent le nombre d’heures auxquelles leurs enfants participent au programme. Elle ne relève pas du directeur d’école mais bien d’un gestionnaire engagé par le conseil scolaire, et elle travaille pour le conseil scolaire. Cependant, la question n’est pas réglée du simple fait qu’elle travaille pour le conseil scolaire, comme les conseils scolaires emploient un certain nombre d’individus compris dans le personnel non enseignant. Le programme est offert aux enfants avant leur entrée en première année, mais ils n’ont pas besoin d’avoir terminé le programme pour entrer en première, et la prestataire ne fait aucune recommandation quant à l’aptitude d’un enfant d’entrée en première année. Le simple fait qu’elle travaille dans une école ne permet pas de démontrer qu’elle exerce un emploi dans l’enseignement au sens du Règlement. À la lumière des éléments de preuve qui précèdent, le Tribunal conclut, selon la prépondérance des probabilités, que la prestataire n’exerce pas un emploi dans l’enseignement. Par conséquent, la prestataire est admissible aux prestations d’AE à sa mise à pied.

Question 2 : Si tel est le cas, la prestataire est-elle admissible au bénéfice des prestations durant une période de congé?

[21] Comme il a été conclu que la prestataire n’exerçait pas un emploi dans l’enseignement au sens du Règlement, le Tribunal n’a pas besoin de statuer sur cette question.

Conclusion

[22] L’appel est accueilli.

 

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparutions :

Le 13 novembre 2018

Téléconférence

J. C., appelante

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