Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli.

Aperçu

[2] L’appelante, L. A. (prestataire), est ambulancière paramédicale et elle a quitté son emploi en raison de multiples préoccupations. Elle a ensuite présenté une demande de prestations d’assurance-emploi. Sa demande a été acceptée initialement, mais l’employeur a demandé une révision. Par conséquent, l’intimée, à savoir la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a déterminé que la prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi et que la demande n’aurait pas dû être accueillie. La prestataire a interjeté appel auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, qui a rejeté son appel. Elle interjette maintenant appel devant la division d’appel.

[3] L’appel est accueilli. La division générale a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de toutes les circonstances et, plus particulièrement, les allégations de la prestataire concernant des heures excessives, des heures supplémentaires non rémunérées et de harcèlement. La division générale a également mal interprété ou ignoré le témoignage de la prestataire concernant ses efforts déployés pour vérifier les titres de compétences d’autres membres du personnel.

[4] Je renvoie l’affaire à la division générale aux fins de réexamen.

Questions en litige

[5] Est-il possible de soutenir que la division générale a omis d’observer un principe de justice naturelle en n’informant pas bien la prestataire au sujet du processus d’appel?

[6] Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit dans son application du critère juridique relatif à la justification :

  1. en ne tenant pas compte de toutes les circonstances;
  2. en considérant le départ de la prestataire comme étant volontaire;
  3. en définissant l’expression « seule solution raisonnable » sans tenir compte de la loi ou de l’interprétation judiciaire;
  4. en tirant une conclusion de fait sans preuve à l’appui;
  5. en ne donnant pas le bénéfice du doute que la prestataire n’avait pas quitté volontairement son emploi ou qu’elle était fondée à le quitter;
  6. en ne fournissant pas de motifs adéquats quant à la façon dont elle a apprécié les différentes circonstances de la prestataire concernant son emploi?

[7] Est-il possible de soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée sans tenir compte de la preuve suivante :

  1. le refus par l’employeur de rémunérer les heures supplémentaires accumulées;
  2. l’environnement de l’emploi et la réaction de la prestataire à cet environnement;
  3. les conditions de travail qui constituent un danger pour la santé et la sécurité;
  4. les répercussions de la fausse couche de la prestataire?

Analyse

Principes généraux

[8] La tâche de la division d’appel est plus restreinte que celle de la division générale. La division générale doit examiner et apprécier les éléments de preuve portés à sa connaissance et tirer des conclusions de fait. Pour ce faire, la division générale doit appliquer le droit aux faits et tirer des conclusions sur les questions de fond soulevées par l’appel.

[9] Cependant, la division d’appel ne peut intervenir dans une décision de la division générale que si elle peut déterminer que cette dernière a commis l’une des erreurs correspondant aux moyens d’appel prévus à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS).

[10] Les moyens d’appel sont les suivants :

  1. la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.
Question en litige no 1 : Est-il possible de soutenir que la division générale a omis d’observer un principe de justice naturelle en n’informant pas bien la prestataire au sujet du processus d’appel?

[11] La prestataire a fait valoir qu’elle n’était pas au courant du fait qu’elle pouvait présenter des documents supplémentaires ou d’apporter des témoins à l’audience devant la division générale et que cela contrevenait à son droit d’être entendu qui est prévu par la justice naturelle.

[12] La prestataire n’a pas laissé entendre qu’elle avait besoin d’un délai supplémentaire pour présenter des documents après l’audience et qu’on a refusé qu’elle le fasse, ou qu’elle a demandé à la membre de la division générale si elle pouvait faire témoigner des témoins ou qu’elle a demandé un ajournement afin d’appeler des personnes à témoigner. De plus, rien ne donne à penser que la prestataire a demandé des renseignements sur le processus d’audience en appelant le Tribunal avant l’audience.

[13] Le Tribunal de la sécurité sociale publie un dépliant d’information intitulé « Comment faire appel en assurance-emploi (division générale) » et accessible et téléchargeable sur son site WebNote de bas de page 1. Le site Web affiche également un numéro sans frais permettant aux personnes de communiquer avec le Tribunal afin que celui-ci leur envoie le dépliant. Celui-ci comprend des renseignements sur le dépôt de documents avant l’audience et avertit le public que la ou le membre du Tribunal devra trancher la question de savoir si elle ou il accepte les documents présentés à l’audience. La broche mentionne également l’appel de témoins à l’audience.

[14] En tant qu’arbitre impartial, la membre de la division générale doit conserver une certaine distance entre les parties, la position des parties et elle. Le rôle de la division générale n’est pas d’informer les parties sur le type d’éléments de preuve qu’ils doivent produire pour appuyer leur cause ou la façon de présenter cette preuve. En ce qui concerne l’aspect pratique, la ou le membre de la division générale explique habituellement le processus d’audience aux parties avant de les entendre afin qu’elles sachent comment se conduire. Je ne peux pas vérifier si cela a été effectué en l’espèce parce qu’aucun enregistrement audio de l’audience n’est disponible, mais la prestataire n’a pas déclaré qu’elle ignorait complètement le processus, mais seulement qu’elle ne savait pas quel élément de preuve elle pouvait présenter.

[15] Je n’estime pas que la division générale a omis d’observer un principe de justice naturelle en n’apportant pas explicitement l’attention de la prestataire sur sa capacité à présenter une preuve documentaire ou à appeler une personne à témoigner. La prestataire avait la capacité d’obtenir ces renseignements en ligne, en appelant le personnel du Tribunal ou même en questionnant la membre de la division générale quant au processus à suivre pour présenter et produire une preuve. J’estime qu’aucune erreur n’a été commise au titre de l’article 58(1)(d) de la Loi sur le MEDS.

Question en litige no 2 : Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit dans son application du critère juridique relatif à la « justification »?
Prise en considération de toutes les circonstances

[16] La division générale a déclaré qu’elle doit tenir compte de toutes les circonstances pour déterminer s’il existe une justification pour quitter volontairement un emploi et elle a également déclaré qu’elle doit tenir compte de la question de savoir si la prestataire n’avait aucune autre solution que de quitter son emploi au titre de l’article 29(c) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE). Elle souligne qu’elle doit prendre en considération des circonstances énumérées à l’article 29(c), mais elle mentionne que la liste est non exhaustive. La membre déclare qu’elle a tenu compte de toutes les circonstances pour conclure que la justification avait été prouvée parce que le départ de la prestataire n’était pas sa seule solution raisonnableNote de bas de page 2. Il n’y a aucune erreur de droit évidente dans la manière dont la division générale a énoncé le critère.

[17] Cependant, la prestataire a prétendu qu’elle était obligée de travailler un nombre excessif d’heures et qu’elle n’avait pas été rémunérée pour ses heures supplémentaires. Cela a été soulevé dans la demande de prestations de la prestataireNote de bas de page 3 et de nouveau dans ses observations figurant dans son avis d’appelNote de bas de page 4. S’il a été établi que des heures supplémentaires et excessives non rémunérées contrevenaient à la législation applicable quant aux normes d’emploi, il s’agirait d’une pratique d’un employeur contraire à la loi. Il s’agit de deux circonstances particulièrement énoncées dans l’article 29(c) de la Loi sur l’AE. La division générale n’a pas renvoyé aux déclarations de la prestataire selon lesquelles elle avait travaillé un nombre excessif d’heures et selon lesquelles elle n’a pas été rémunérée pour ses heures supplémentaires, et elle n’a pas tenu compte de ces déclarations.

[18] Dans ses observations soumises à la division d’appel, la prestataire a également laissé entendre que les faits dans sa cause appuient l’existence de harcèlement et de discrimination, ce qui constitue également des circonstances pertinentes au titre de l’article 29(c) de la Loi sur l’AE. Je conviens que les faits pris en considération dans l’analyse par la division générale des « relations conflictuelles » (aux termes de l’article 29(c)(x) de la Loi sur l’AE) auraient fait l’objet d’une analyse plus adéquate en étant définis comme du « harcèlement » (article 29(c)(i)). Pour examiner les « relations conflictuelles », la division générale a tenu compte d’un grand nombre des mêmes circonstances qui concernent l’allégation de harcèlement faite par la prestataire. Cependant, la prestataire a présenté des faits qui ne pourraient pas avoir fait l’objet d’un examen adéquat au titre de relations conflictuelles. Par conséquent, il est impossible pour moi de présumer que la division générale en a tenu compte.

[19] Plus particulièrement, la division générale n’a pas renvoyé à l’incident particulier décrit par la prestataire lorsqu’elle a ouvert la porte, nue, et que D., le propriétaire de l’entreprise qui l’employait, est arrivé à sa porte pour lui demander de venir travailler. Elle s’est rappelé que D., en la voyant, en réagit en commentant qu’il s’agissait d’un [traduction ] « cadeau » ou d’autres mots dans ce sens. Peu importe si le harcèlement sexuel ou d’une autre nature pouvait constituer un facteur au départ de la prestataire d’après cet incident, la membre de la division générale ne se serait pas penchée sur cette circonstance dans le cadre de son examen des relations conflictuelles entre l’employeur et la prestataire ou dans une autre section de la décision.

[20] Si on se penche sur l’argument de la prestataire selon lequel la division générale n’a pas tenu compte de la discrimination comme une circonstance pertinente : jusqu’à présent, je peux déterminer que l’allégation de discrimination concerne la fausse couche de la prestataire. Celle-ci semble demander que je convienne qu’il existait une preuve portée à la connaissance de la division générale selon laquelle les exigences de l’employeur étaient insensibles à la fausse couche de la prestataire, et que la division générale aurait dû considérer cela comme étant de la discrimination, facteur prévu à l’article 29(c)(iii) qui pourrait être pertinent en ce qui concerne ses solutions raisonnables autres que le départ.

[21] La discrimination est définie à l’article 29(c)(iii) de la Loi sur l’AE comme étant une discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP). Selon la LCDP, la discrimination relative à la grossesse peut être considérée comme une discrimination fondée sur des motifs illicites liés au « sexe ». Cependant, on ne m’a présenté aucune preuve portée à la connaissance de la division générale qui aurait permis à celle-ci de conclure que l’employeur avait fait preuve de discrimination à l’égard de la prestataire en fonction de son sexe, de sa grossesse ou de sa fausse couche dans une des façons prévues par la LCDP. La division générale n’a pas commis une erreur de droit en ne désignant pas la discrimination comme étant une circonstance pertinente.

[22] Étant donné que la division générale n’a pas tenu compte des heures excessives, des heures supplémentaires non rémunérées et du possible harcèlement comme circonstances pertinentes à l’existence d’autres solutions raisonnables, j’estime qu’elle n’e pas tenu compte de « toutes les circonstances » comme le prévoit l’article 29(c) de la Loi sur l’AE. Ceci est une erreur de droit prévue à l’article 58(1)(b) de la Loi sur le MEDS.

Considération du départ de la prestataire comme étant volontaire

[23] La prestataire a fait valoir qu’elle n’a pas quitté volontairement son emploi, mais qu’elle a été victime d’un congédiement déguisé. La division générale a conclu que la prestataire avait le choix de quitter son emploi au moment où elle l’a fait et qu’elle a exercé ce choix. La division générale a appliqué le critère prévu dans l’arrêt Canada (Procureur général) c PeaceNote de bas de page 5.

[24] La prestataire a soutenu dans ses observations orales que le critère relatif au départ volontaire dans l’arrêt Peace est plus [traduction] « nuancé » que la façon dont la division générale l’a évalué, mais elle n’a pas expliqué la mesure dans laquelle il est plus nuancé ou la façon dont la division générale l’a mal exprimé ou appliqué.

[25] L’arrêt Peace a rejeté l’applicabilité du concept du congédiement déguisé dans la détermination des prestations d’assurance-emploi, et la position de la Cour concernant le départ volontaire semble être assez directe. La Cour a déclaré ce qui suit :

La question de savoir si un employé a le droit de considérer que la relation d’emploi a pris fin, en common law, au motif qu’il y a eu congédiement déguisé, est une question différente de la question de savoir si un employé a quitté volontairement son emploi au sens de la Loi de telle sorte qu’il peut être exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi. En vertu du paragraphe 30(1), la question de savoir si un employé a quitté volontairement son emploi est une question simple. La question qu’il faut se poser est la suivante : l’employé avait-il le choix de rester ou de démissionnerNote de bas de page 6?

[26] La division générale n’a pas commis une erreur de droit en concluant que la prestataire a quitté volontairement son emploi en mentionnant l’existence d’un choix de conserver son emploi ou de quitter son emploi, et la division générale n’était pas tenue d’examiner la question de savoir si les circonstances de la prestataire correspondaient à un congédiement déguisé en common law.

Définition de la « seule solution raisonnable »

[27] La prestataire a fait valoir que la division générale a remplacé sa propre mesure de l’expression « seule solution raisonnable », contrairement à la bonne analyse juridiqueNote de bas de page 7. Lorsque j’ai questionné le représentant de la prestataire concernant ce qu’il croit être la bonne analyse juridique, celui-ci a répondu qu’il renvoyait seulement aux décisions du juge-arbitre du Canada sur les prestations (CUB) sur lesquelles il s’est fondé dans ses observations orales.

[28] Bien que je ne sois pas obligé de suivre les interprétations des décisions CUB, j’ai néanmoins examiné les décisions CUB auxquelles le représentant de la prestataire a renvoyé. Cependant, l’exercice n’a pas porté fruit, et je n’ai pas été en mesure de saisir le point du représentant. L’expression « seule solution raisonnable » fait partie du libellé de l’article 29(c) de la Loi sur l’AE, et la prestataire a convenu que l’arrêt Canada (Procureur général) c LaughlandNote de bas de page 8, cité par la division générale, constitue un bon énoncé du critère.

Conclusion de fait pour laquelle aucune preuve n’a été produite

[29] La division générale commettrait une erreur de droit en tirant une conclusion de fait sans qu’aucune preuve ne soit produite. La prestataire prétend que le fait que la Commission n’a pas tenu compte du [traduction] « manque de preuve contradictoire » ou le fait que cette dernière a tenu compte de la nature [traduction] « pratiquement incontestée » de la preuve de la prestataire constitue une erreur de droit. Elle a donné un certain nombre d’exemples dans lesquels ce serait le casNote de bas de page 9.

[30] Les affirmations de la prestataire ne correspondent pas du tout à une allégation selon laquelle la division générale a tiré une conclusion de preuve pour laquelle aucune preuve n’a été produite et n’établissent pas l’existence de cette erreur. Je ne reconnais pas qu’une des conclusions de fait de la division générale n’était pas fondée sur une preuve.

[31] La façon dont la division générale a soupesé la preuve dépasse les limites des éléments que je suis en mesure d’examiner selon les moyens d’appel. Cependant, je peux tenir compte de l’omission de prendre en considération la preuve particulière pour tirer des conclusions de fait. Cela est mieux abordé dans les « conclusions de fait erronées » prévues à l’article 58(1)(c) de la Loi sur le MEDS.

Aucun bénéfice du doute donné à la prestataire

[32] La prestataire a mis l’accent sur le fait que la partie appelante a droit au bénéfice du doute en ce qui concerne les faits contestés relativement à la conclusion quant à la justification du départ volontaire. J’ai demandé si la prestataire renvoyait à l’article 49(2) de la Loi sur l’AE, qui prévoit partiellement ce qui suit : « La Commission accorde le bénéfice du doute au prestataire dans la détermination de l’existence de circonstances ou de conditions ayant pour effet de le rendre inadmissible aux termes de l’article 30 [...] » Le représentant de la prestataire a confirmé qu’il s’agit de l’article sur lequel il se fonde.

[33] La loi prévoit clairement qu’il incombe à la Commission d’établir que la partie prestataire a quitté volontairement son emploi, et qu’il incombe ensuite à la partie prestataire d’établir qu’elle était fondée à agir ainsi. La « justification » est déterminée par la question de savoir si, compte tenu des circonstances, le départ était la seule solution raisonnable. Cela donne à penser que la prestataire doit établir les circonstances dans lesquelles il pourrait être affirmé que le départ constitue la seule solution raisonnable.

[34] Le « bénéfice du doute » ne signifie jamais que, s’il existe un doute, il faudrait croire la preuve de la partie prestataire. Dans le cas de la « justification », si le fardeau de la preuve incombe à la partie prestataire, le bénéfice du doute ne signifie pas que la Commission doit établir l’absence d’une justification selon la prépondérance des probabilités. Le bénéfice du doute doit seulement être donné à la partie prestataire si les éléments de preuve présentés de part et d’autre à cet égard sont équivalentsNote de bas de page 10. Rien ne donne à penser que la division générale ou la Commission ait considéré la preuve comme étant équivalente.

[35] Peu importe, dans l’arrêt Chaoui c Canada (Procureur général)Note de bas de page 11, la Cour fédérale a clairement établi que le « bénéfice du doute » prévu à l’article 49(2) s’applique seulement à la Commission. Il n’est pas prévu que la division générale doit accorder le bénéfice du doute à la prestataire, et le fait qu’elle n’a pas agi ainsi ne constitue pas une erreur de droit.

Motifs inadéquats

[36] La prestataire n’a pas déterminé la mesure dans laquelle les motifs de la division générale sont inadéquats. Dans ses observations, la prestataire a énuméré un certain nombre de circonstancesNote de bas de page 12; je présume donc que la prestataire a considéré les motifs inadéquats dans une certaine mesure par rapport à ces circonstances. Cependant, mon rôle n’est pas d’élaborer les arguments de la prestataire. Après avoir examiné la liste, je ne suis pas en mesure de déterminer si la prestataire croit que les motifs n’abordent pas ces circonstances, que les motifs n’expliquent pas la raison pour laquelle elle a conclu que ces circonstances ne s’appliquaient pas, ou que les motifs n’expliquent pas la mesure dans laquelle ces circonstances ont eu une incidence ou non sur l’existence de solutions raisonnables.

[37] Selon la Cour d’appel fédérale dans Canada (Procureur général) c ThériaultNote de bas de page 13, « ce qui est requis est que la cour de révision puisse "comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables" ». Je n’estime pas que les motifs de la division générale étaient si inadéquats que je ne puisse pas être en mesure de comprendre le fondement de la décision du Tribunal ou de déterminer si sa conclusion fait partie des issues possibles acceptables. Par conséquent, je n’estime pas que la division générale ait commis une erreur de droit en raison de motifs inadéquats.

Question en litige no 3 : Est-il possible de soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée sans tenir compte de la preuve portée à sa connaissance?

[38] La prestataire fait valoir que la division générale n’a pas tenu compte de la preuve concernant le refus par l’employeur de rémunérer les heures supplémentaires accumulées, l’environnement malsain, les conditions de travail posant un danger pour la santé et la sécurité, et l’incidence de la fausse couche de la prestataire.

Refuse de rémunérer les heures supplémentaires et l’environnement malsain

[39] Je reconnais que certains éléments de preuve portés à la connaissance de la division générale démontrent que la prestataire avait travaillé un nombre excessif d’heures et qu’elle n’avait pas été rémunérée pour ses heures supplémentaires, et que la division générale n’a tiré aucune conclusion quant à la question de savoir si elle les acceptait ou non. J’ai considéré ce point comme étant une erreur de droit précédemment.

[40] En ce qui concerne l’allégation d’ [traduction] « environnement malsain », la prestataire a convenu à l’audience que les relations conflictuelles ne constituaient pas un facteur, et je ne suis pas convaincu que, en l’espèce, ce terme ait une signification ou une application quelconque qui est indépendante de l’allégation selon laquelle l’employeur avait des exigences excessives quant aux heures de travail de la prestataire et selon laquelle elle était préoccupée par les normes en matière de formation en sécurité. Je ne constate aucune erreur dans le fait que la division générale n’a pas mentionné l’ [traduction] « environnement malsain » en utilisant ces mots ou en tenant de façon indépendante des autres préoccupations soulevées par la prestataire.

Danger pour la santé et la sécurité

[41] Dans son plaidoyer, la prestataire a soutenu que la division générale s’était trompée quant aux faits contenus dans la preuve relativement au fait qu’elle reconnaissait qu’on lui avait demandé de travailler avec d’autres membres du personnel pleinement qualifiés et avec [traduction] « une ambulancière paramédicale qualifiée ou un ambulancier paramédical qualifié » à une occasionNote de bas de page 14. Cependant, elle n’a pas réellement donné un témoignage concernant une ambulancière paramédicale qualifiée ou un ambulancier paramédical qualifié. Elle a déclaré que, lorsqu’elle a confronté C. (copropriétaire de l’entreprise avec B.) concernant un employé qui n’avait aucune idée de ce qu’il faisait, C. a admis qu’il n’était pas un ambulancier paramédical qualifié. La prestataire a travaillé avec une autre personne qui était [traduction] « pompier qualifié », mais pas ambulancier paramédical qualifié.

[42] La prestataire a également soutenu que la division générale n’a pas tenu compte de son témoignage lorsque cette dernière a déclaré que la prestataire avait reconnu ne pas avoir confirmé que les nouveaux membres du personnel n’avaient pas reçu la formation adéquate. La division générale avait raison de déclarer que la prestataire n’avait pas confirmé que les nouveaux membres du personnel n’avaient pas reçu une formation adéquate, mais cette dernière a déclaré avoir essayé d’obtenir une confirmation concernant leur formation. La prestataire a affirmé avoir compté des années d’expérience chez son employeur et savoir qu’il avait embauché de nouveaux membres du personnel non qualifiés dans le passé. Elle a déclaré avoir soulevé sa préoccupation auprès de C. et qu’elle a ainsi donné à l’employeur l’occasion de répondre à ses préoccupations. La prestataire a dit que C. ne voulait pas en discuter et qu’elle répondait seulement qu’ils faisaient ce qu’ils allaient continuer de faire ce qu’ils faisaient.

[43] Ce témoignage jette un éclairage différent sur le fait que la prestataire a reconnu ne pas avoir confirmé que les nouveaux membres du personnel n’étaient pas bien formés, mais que cela aurait été ignoré. La division générale a déclaré qu’une autre solution raisonnable que celle de quitter son emploi aurait été de vérifier le niveau des aptitudes, des connaissances et des compétences des nouveaux membres du personnel avant de présumer qu’ils ne possédaient pas les qualifications adéquates. Cela ne tient pas compte de la tentative faite par la prestataire de faire part de ses inquiétudes auprès de l’employeur et ignore la conclusion défavorable qui pourrait avoir été tirée si la division générale avait examiné et accepté la preuve selon laquelle elle avait fait part de ses préoccupations à l’employeur concernant la formation ou les titres de compétences des nouveaux membres du personnel. En ce qui concerne ses préoccupations, il y aurait lieu de s’attendre à ce que l’employeur déploie des efforts pour convaincre la prestataire de la formation et des titres de compétences des nouveaux membres du personnel (étant donné que la prestataire était chargée de superviser au moins l’un d’entre eux).

[44] La conclusion de la division générale selon laquelle la prestataire avait la solution raisonnable de demander l’examen de ses préoccupations en matière de sécurité avant de quitter son emploi était fondée sur une interprétation incomplète du témoignage de la prestataire concernant son expérience de travail avec un personnel non formé et non qualifié, et il n’a pas été tenu compte de son témoignage selon lequel elle a tenté de se renseigner sur les titres de compétences des nouveaux membres du personnel. Il s’agit d’une erreur prévue à l’article 58(1)(c) de la Loi sur le MEDS.

Fausse couche

[45] La prestataire prétend également que la division générale n’a pas tenu compte de la preuve selon laquelle elle avait fait une fausse couche. Je reconnais que la liste de circonstances figurant à l’article 29(c) n’est pas exhaustive. La division générale aurait donc pu quand même examiner la fausse couche de la prestataire et l’incidence de cette fausse couche sur le plan affectif pour déterminer si le départ était la seule solution raisonnable.

[46] Bien qu’il ne soit pas évident que la division générale a tenu compte de la fausse couche de la prestataire, la division générale n’est pas tenue de mentionner chaque élément de preuve, et il pourrait être présumé qu’elle a tenu compte de la preuve portée à sa connaissanceNote de bas de page 15. Mon but n’est pas de réduire l’incidence de la fausse couche de la prestataire sur le plan affectif, mais aucune preuve médicale ou psychiatrique corroborante présentée à la division générale ne donne à penser qu’il s’agissait d’un facteur important, et je n’estime pas que la division générale a commis une erreur en ne mentionnant pas la fausse couche de la prestataire dans ses motifs.

Conclusion

[47] L’appel est accueilli.

Réparation

[48] Étant donné que j’ai accueilli l’appel, j’ai le pouvoir, en vertu de l’article 59 de la Loi sur le MEDS, de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, de renvoyer l’affaire à la division générale aux fins de réexamen, ou d’informer ou modifier totalement ou partiellement la décision de la division générale.

[49] Je conviens que la prestataire a soulevé la question de ses heures excessives et de ses heures supplémentaires non rémunérées ainsi que la question concernant la façon dont elle a considéré le comportement de l’employeur comme étant du harcèlement pour justifier son départ, et que la division générale a commis une erreur en ne tenant pas compte de la pertinence de ces circonstances.

[50] Cependant, le dossier n’est pas complet. Il n’existe aucun enregistrement audio de l’audience, et je ne peux donc pas confirmer que la prestataire a appuyé son allégation d’heures excessives ou d’heures supplémentaires dans le cadre de son témoignage devant la division générale, ou la manière dont elle a présenté ou appuyé son allégation de harcèlement au cours de l’audience orale. Par conséquent, je renvoie l’affaire devant la division générale aux fins de réexamen.

Représentant(s) :

Jean-Pierre Devost, représentant du demandeur

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