Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli. J’estime que la prestataire n’est pas une enseignante au sens du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement).

Aperçu

[2] La prestataire travaille comme éducatrice de la petite enfance dans le cadre d’un contrat continu de 10 mois avec un centre régional d’éducation. À la fin de l’année scolaire, son contrat a pris fin et elle a présenté une demande initiale de prestations d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a déterminé que la prestataire était une enseignante et qu’elle était donc inadmissible au bénéfice des prestations régulières pendant une période de congé. La prestataire a demandé une révision de cette décision parce qu’elle n’est pas considérée comme une enseignante selon la loi provinciale et n’est pas comme enseignante par son employeur. La Commission a maintenu sa décision et la prestataire interjette appel de la décision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

Questions en litige

  1. Est-ce que la prestataire était employée comme enseignante?
  2. Si la prestataire était employée comme enseignante, est-elle alors admissible au bénéfice des prestations pendant la période de congé?

Analyse

[3] Un enseignant est une personne qui pratique l’enseignement dans une école maternelle, primaire, intermédiaire ou secondaire, y compris une école de formation technique ou professionnelle (article 33(1) du Règlement).

[4] Sauf s’ils remplissent certaines conditions (article 33(2) du Règlement), les enseignants ne sont pas admissibles au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi pendant les périodes de congé de l’été, de l’hiver et du printemps. La raison d’être du régime d’assurance-emploi est de verser des prestations aux personnes qui sont vraiment au chômage. Les enseignants ne sont pas vraiment au chômage pendant les vacances scolaires et ne sont donc pas admissibles au bénéfice des prestations (Oliver c Canada (Procureur Général), 2003 CAF 98).

[5] Il incombe à la prestataire de démontrer qu’elle satisfait aux exigences pour recevoir des prestations d’assurance-emploi et qu’aucune circonstance ne la rendra inadmissible au bénéfice de prestations (article 49(1) de la Loi sur l’assurance-emploi; Canada (Procureur général) c Falardeau, A-396-85).

Est-ce que la prestataire était employée comme enseignante ?

[6] Non. À mon avis, la prestataire n’était pas employée comme enseignante au sens du Règlement.

[7] La prestataire travaille comme éducatrice de la petite enfance dans un centre régional d’éducation. Elle soutient qu’elle n’est pas une enseignante et que sa certification et ses tâches à titre d’éducatrice de la petite enfance diffèrent en tout point de celles des enseignants de la province de la Nouvelle-Écosse.

[8] La prestataire a déclaré qu’elle ne répond pas à la définition d’une enseignante prévue dans la législation provinciale, qu’elle n’est pas membre du syndicat d’enseignants et qu’elle ne détient pas la certification requise pour être employée comme enseignante dans cette province.

[9] Lors de l’audience, la prestataire a déclaré qu’elle ne suit pas un programme d’apprentissage et qu’elle ne dispense pas d’enseignement aux enfants de quelque façon que ce soit. Elle a précisé que son rôle consiste à aider les enfants en leur proposant des activités ludiques comme des arts créatifs, des jeux de sable et d’eau, des livres, des casse-tête et des jeux à l’extérieur.

[10] Lors de l’audience, la prestataire a fait comparaître deux témoins : le gestionnaire des ressources humaines (RH) du centre régional d’éducation et la superviseure immédiate de la prestataire, qui est gestionnaire du programme préscolaire du centre régional d’éducation. Le gestionnaire des RH a expliqué que le contrat de la prestataire comme éducatrice de la petite enfance diffère de celui de l’enseignant à divers égards, notamment que le contrat de l’enseignant couvre les 12 mois de l’année et que l’enseignante touche sa rémunération pendant cette période alors que le contrat de l’éducatrice de la petite enfance couvre la période de septembre à juin, commence et prend fin aux dates déterminées de l’année scolaire, et que l’éducatrice de la petite enfance touche sa rémunération seulement pour cette période. Le gestionnaire des RH a ajouté que les modalités du contrat d’une éducatrice de la petite enfance ressemblent davantage à celles des autres employés ayant un contrat de 10 mois, comme les assistants en éducation et les travailleurs de soutien, qu’à celles d’un enseignant, car l’éducatrice de la petite enfance ne touche pas sa rémunération pour les vacances scolaires de l’hiver ou du printemps, mais doit prendre ses congés pendant ces périodes. De plus, si les éducatrices de la petite enfance et les autres employés ayant un contrat de 10 mois reçoivent des prestations médicales tout au long de l’année, c’est seulement parce qu’ils paient pour l’année complète des prestations pendant leurs 10 mois d’emploi.

[11] La gestionnaire du programme préscolaire a déclaré que le programme préscolaire suit le cadre pédagogique des autres garderies de la Nouvelle-Écosse dans le but de soutenir le développement des enfants au moyen d’activités axées sur le jeu. Elle a précisé que, bien que le programme préscolaire soit offert dans les écoles, il ne fait pas partie du système d’écoles publiques et ressemble davantage à une garderie.

[12] La prestataire a également fourni une lettre du directeur général intérimaire de la direction du développement de la petite enfance du ministère provincial de l’Éducation datée du 16 novembre 2018. Il y est précisé que le gouvernement provincial a choisi d’héberger les programmes préscolaires dans les écoles publiques afin de tirer parti de la rentabilité de l’infrastructure publique existante, laquelle répondait aux exigences du nouveau programme en matière de santé et de sécurité. Cette décision avait également pour but d’aider les familles et les enfants participant au programme en leur offrant un emplacement qui leur convient et de simplifier la transition des enfants dans le système d’écoles publiques. Dans la lettre, le directeur général par intérim ajoute que les éducatrices de la petite enfance n’enseignent pas aux enfants de leur groupe préscolaire et que les éducatrices de la petite enfance employées dans le cadre du programme n’ont pas les certifications provinciales requises pour exercer la profession d’enseignant dans la province.

[13] La Commission soutient que la prestataire est considérée comme une enseignante aux termes du Règlement parce qu’elle est employée dans l’enseignement au préscolaire dans une école qui est administrée par le gouvernement provincial et qui relève d’un conseil scolaire. La Commission fait également valoir que la classification de la prestataire comme enseignante au sens de la loi provinciale diffère de la conclusion selon laquelle elle est une enseignante au sens du Règlement : la loi provinciale exige qu’une enseignante détienne un brevet d’enseignement, mais le Règlement ne comporte pas cette exigence.

[14] La Commission, pour défendre sa position, fait référence à un document que la prestataire a fourni au Tribunal. Ce document, intitulé [traduction] « Choisir une carrière d’éducatrice ou d’éducateur de la petite enfance » et publié par la direction du développement de la petite enfance du ministère provincial de l’Éducation et du Développement de la petite enfance, renferme une liste des tâches typiques d’une éducatrice de la petite enfance travaillant dans une garderie, un service de garde en milieu familial ou un programme préscolaire, et comprend les éléments suivants :

  1. Planifier, mettre en œuvre et évaluer des environnements d’apprentissage intérieurs et extérieurs adaptés au développement des jeunes.
  2. Concevoir des programmes fondés sur les compétences, les intérêts et les besoins observés des enfants en mettant à profit une connaissance approfondie du développement de l’enfant.
  3. Établir et mettre en œuvre un programme quotidien qui comprend des activités axées sur le jeu, des routines de soins et des périodes de transition pour les enfants.
  4. Participer à la planification des programmes à court et à long terme et à la mesure authentique.

[15] La Commission soutient que la liste des tâches fournies par la prestataire dans le document susmentionné montre clairement qu’elle enseigne aux enfants et qu’elle répond donc à la définition d’enseignante prévue dans le Règlement.

[16] Je constate que la décision du juge-arbitre du Canada sur les prestations (décision CUB) 76308 stipule qu’une analyse fondée sur des principes de facteurs sous-jacents de l’occupation d’un prestataire doit être menée pour déterminer si cette occupation est visée par les dispositions de l’article 33(2) du Règlement. Bien que je ne sois pas liée par les décisions CUB, je m’appuie sur ce principe pour déterminer si la prestataire est une enseignante dans le contexte de l’admissibilité au bénéfice des prestations. Je dois donc examiner les facteurs sous-jacents de ce qui constitue la profession d’enseignant, notamment si la prestataire détient un brevet d’enseignement, si elle fait partie d’un organisme professionnel qui régit les enseignants, ou si elle assume les responsabilités principales d’une enseignante.

[17] Les témoins de la prestataire ont confirmé que le programme préscolaire ne fait pas partie de l’école et que les enfants qui y participent ne sont pas inscrits à l’école. De plus, le directeur de l’école n’a aucune autorité sur les éducatrices de la petite enfance et ne participe pas au programme. Je remarque également que le document intitulé [traduction] « Choisir une carrière d’éducatrice ou d’éducateur de la petite enfance » énumère divers cheminements de carrière qui s’offrent à une personne titulaire d’un certificat d’éducatrice ou d’éducateur de la petite enfance, notamment le travail dans une garderie agréée ou un service de garde en milieu familial, mais ne précise pas qu’une éducatrice de la petite enfance pourrait être employée comme enseignante d’une manière ou d’une manière ou d’une autre.

[18] La prestataire et ses témoins ont également présenté un élément de preuve démontrant qu’elle n’a pas les certifications requises pour occuper un poste d’enseignante dans la province de la Nouvelle-Écosse. La Commission soutient qu’une telle certification n’est pas une exigence pour être considérée comme une enseignante au sens du Règlement. Cependant, vu que les qualifications de la prestataire ne lui permettent pas de travailler comme enseignante dans une école provinciale, je suis d’avis qu’il s’agit d’un facteur pertinent à considérer pour déterminer si elle était employée comme enseignante.

[19] De plus, selon moi, le fait que lieu de travail de la prestataire se trouve dans une école ne permet pas d’affirmer qu’elle travaille dans le domaine de l’enseignement. J’estime que la lettre du directeur général intérimaire de la direction du développement de la petite enfance et que le témoignage de la gestionnaire du programme préscolaire permettent d’expliquer de façon raisonnable que les groupes du programme préscolaire sont situés intentionnellement dans les écoles pour tirer parti de l’infrastructure publique existante et pour accommoder les enfants des groupes et les soutenir sur le plan du développement. Par conséquent, je suis d’avis que le fait que lieu de travail de la prestataire se trouve dans une école publique ne permet pas d’affirmer qu’elle travaille dans le domaine de l’enseignement.

[20] En me fondant sur les observations de la prestataire, j’estime qu’elle n’enseigne pas aux enfants de son groupe préscolaire, qu’elle n’élabore pas de plans de leçon, qu’elle ne donne pas de devoirs aux enfants et qu’elle n’évalue pas les progrès de ces derniers par rapport à des résultats ou à un sujet. La prestataire a plutôt déclaré qu’elle dirige des activités axées sur le jeu comme les arts créatifs, l’utilisation d’aires de jeux d’eau et de sable, et des jeux à l’extérieur. Elle affirme que la seule activité d’évaluation qu’elle effectue consiste à parler aux parents des enfants ou à leur fournir une note écrite au sujet des activités quotidiennes de leur enfant. À la lumière de ce qui précède, je ne suis pas convaincue que les fonctions de l’emploi de la prestataire étayent la conclusion selon laquelle elle enseigne aux enfants.

[21] La prestataire, dans ses observations et lors de l’audience, a également confirmé qu’elle n’est pas membre du syndicat d’enseignants. Au vu des qualifications de la prestataire et de l’entente entre elle et son employeur, il est manifeste qu’elle n’était pas considérée comme une enseignante et, du coup, qu’elle n’assumait pas les mêmes fonctions et responsabilités qu’une enseignante.

[22] Je me fonde sur les facteurs ci-dessus pour déterminer que la prestataire n’exerçait pas la profession d’enseignant et qu’elle ne répond pas à la définition d’un enseignant au sens de l’article 33(1) du Règlement.

À titre d’enseignante, est-ce que la prestataire est admissible au bénéfice des prestations pendant la période de congé ?

[23] Ayant déterminé que la prestataire n’était pas une enseignante au sens du Règlement, il n’est pas nécessaire de trancher cette question.

Conclusion

[24] L’appel est accueilli. La prestataire ne travaillait pas dans le domaine de l’enseignement et, par conséquent, elle n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations régulières, conformément à l’article 33(2) du Règlement.

 

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 6 décembre 2018

Téléconférence

S. K., appelante/prestataire

Tracy Bannier, représentante de l’appelante

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