Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Aperçu

[2] Le demandeur, A. K. (prestataire), a travaillé pour deux agences de placement (employeur 1 et employeur 2) tout en touchant des prestations depuis le 24 avril 2016. Il n’a travaillé que trois heures pour l’employeur 1 et qu’une journée complète pour l’employeur 2. Le prestataire a quitté l’employeur 1 parce qu’il estimait que le milieu de travail n’était pas sécuritaire, et il a quitté l’employeur 2 parce que ses fonctions n’étaient pas ce à quoi il s’attendait lorsqu’il avait été embauché. Il n’a pas déclaré toute la rémunération qu’il avait reçue des deux employeurs.

[3] La défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a conclu que le prestataire avait volontairement quitté son emploi sans justification dans chacun des cas. Elle a également conclu que le prestataire avait reçu une rémunération de chacun des employeurs et elle a réparti cette rémunération sur les semaines pendant lesquelles celle-ci avait été touchée.

[4] La Commission a maintenu ces décisions après révision, et le prestataire a interjeté appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a rejeté l’appel, et le prestataire demande maintenant la permission d’en appeler à la division d’appel.

[5] L’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Le prestataire n’a pas précisé de quelle façon la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle et il n’a relevé aucun élément de preuve que la division générale a ignoré ou mal interprété.

Questions en litige

[6] Est-il défendable que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a commis une erreur en excédant ou en refusant d’exercer sa compétence?

[7] Est-il défendable que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance?

Analyse

Principes généraux

[8] La tâche de la division d’appel est plus restreinte que celle de la division générale. La division générale doit examiner et apprécier les éléments de preuve portés à sa connaissance et tirer des conclusions de fait. Pour ce faire, la division générale doit appliquer le droit aux faits et tirer des conclusions sur les questions de fond soulevées par l’appel.

[9] La division d’appel ne peut intervenir à l’égard d’une décision de la division générale que si elle conclut que cette dernière a commis l’une des erreurs correspondant aux « moyens d’appel » prévus à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS).

[10] Les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[11] À moins que la division générale ait commis l’une de ces erreurs, l’appel ne peut être accueilli, même si la division d’appel n’est pas d’accord avec la conclusion de la division générale.

[12] Pour accorder la permission d’en appeler et permettre à l’appel de se poursuivre, je dois conclure qu’au moins l’un des moyens d’appel confère à l’appel une chance raisonnable de succès. Une chance raisonnable de succès a été assimilée à une cause défendableNote de bas de page 1.

Question en litige no 1 : Est-il défendable que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a commis une erreur en excédant ou en refusant d’exercer sa compétence?

[13] Le seul moyen d’appel que le prestataire a sélectionné dans sa demande de permission d’en appeler est celui ayant trait à la justice naturelle et à la compétence.

[14] La justice naturelle fait référence à l’équité du processus et comprend les protections procédurales telles que le droit d’avoir un décideur impartial et le droit d’une partie d’être entendue et de connaître les éléments de preuve à réfuter. Le prestataire n’a pas remis en question la pertinence de l’avis d’audience de la division générale, l’échange ou la divulgation de documents avant la tenue de l’audience, la manière dont l’audience devant la division générale a été tenue, sa compréhension du processus, ou toute autre action ou procédure qui aurait nui à son droit d’être entendu ou de réfuter la preuve contre lui. Il n’a pas non plus laissé entendre que la membre de la division générale avait été partiale ou qu’elle avait préjugé de l’issue de l’affaire. Par conséquent, il n’est pas défendable que la division générale a commis une erreur aux termes de l’article 58(1)(a) de la Loi sur le MEDS en manquant à un principe de justice naturelle.

[15] En ce qui concerne la compétence, la division générale était saisie de plusieurs questions. Dans les différentes décisions de révision portées à la connaissance de la division générale, il était conclu que le prestataire avait quitté volontairement les emplois qu’il occupait auprès de l’employeur 1 et de l’employeur 2 sans justification, et qu’il avait reçu une rémunération conformément aux articles 35(1) et 35(2) du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement sur l’AE) de la part de chaque employeur. Par conséquent, le prestataire a été exclu du bénéfice des prestations en vertu de l’article 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE), et la Commission a réparti la rémunération sur la période pendant laquelle le prestataire avait fourni les services lui ayant valu cette rémunération, comme le prévoit l’article 36(4) du Règlement sur l’AE. Le prestataire demeurait responsable de tout versement excédentaire au titre de l’article 43 de la Loi sur l’AE et devait rembourser toute somme versée en trop, comme le prévoit l’article 44.

[16] Le prestataire n’a pas laissé entendre que la division générale avait omis d’examiner ces questions ou qu’elle avait examiné des questions qu’elle n’aurait pas dû examiner, et il n’a soulevé aucune autre erreur de compétence. Par conséquent, il n’est pas défendable que la division générale a commis une erreur au titre de l’article 58(1)(a) de la Loi sur le MEDS en excédant ou en refusant d’exercer sa compétence.

Question en litige no 2 : Est-il défendable que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance?

[17] Bien que le seul moyen d’appel choisi par le prestataire se rapporte à une erreur présumée de justice naturelle, le prestataire conteste manifestement le fait que la division générale n’a pas accepté ses préoccupations en matière de sécurité comme justification pour avoir quitté l’employeur 1. De plus, la Cour fédérale a prescrit à la division d’appel de chercher au-delà des moyens d’appel établis. Dans l’arrêt Karadeolian c Canada (Procureur général)Note de bas de page 2, la Cour établit que « […] le Tribunal doit s’assurer de ne pas appliquer de façon mécanique le libellé de l’article 58 de la Loi [sur le MEDS] quand il exerce sa fonction de gardien. Il ne doit pas se laisser piéger par les moyens d’appel précis avancés par une partie qui se représente elle‑même […] ».

[18] Le prestataire n’a relevé aucun élément de preuve que la division générale a ignoré ou mal interprété pour tirer ses conclusions. Toutefois, conformément aux directives établies dans Karadeolian, j’ai examiné le dossier afin d’y déceler tout autre élément de preuve qui aurait pu être ignoré ou négligé et qui pourrait, par conséquent, soulever une cause défendable.

[19] La division générale s’est reportée aux diverses préoccupations en matière de sécurité soulevées par le prestataire concernant l’employeur 1Note de bas de page 3, ainsi qu’à la preuve de l’employeur 1 selon laquelle celui-ci avait interrogé ses clients (employeurs à la tâche) pour s’assurer que les lieux de travail étaient sécuritaires et selon laquelle il n’avait eu vent d’aucune préoccupation de la part des autres travailleurs qui avaient travaillé dans le même lieu de travail que celui du prestataireNote de bas de page 4. La division générale a expliqué qu’elle avait accordé plus de poids aux déclarations antérieures du prestataire selon lesquelles il n’aimait pas son travail et que celui-ci ne lui convenait pas, et elle a noté que le prestataire n’avait pas fait part de ses préoccupations en matière de sécurité à l’employeur. La division générale a jugé que la preuve ne lui permettait pas de conclure que les conditions de travail constituaient un danger pour la santé et la sécurité, et elle a constaté que le prestataire n’avait pas discuté de ses préoccupations avec l’employeur 1 avant de quitter son emploi.

[20] La division générale a également reconnu que le prestataire avait soutenu que l’employeur 2 n’avait offert aucune formation et que le travail n’était pas sécuritaire. Toutefois, la division générale a déclaré qu’elle n’était pas convaincue que les conditions chez l’employeur 2 constituaient un danger pour la santé et la sécurité, de sorte que le prestataire n’avait d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi pour les mêmes motifs que pour l’employeur 1, c’est-à-dire que la preuve ne permettait pas de conclure que les conditions étaient réellement dangereuses et que le prestataire n’avait pas discuté de ses préoccupations avec l’employeur ou un supérieur de son lieu de travail.

[21] Le prestataire a mentionné les questions de formation et de sécurité, mais il a également témoigné de son insatisfaction quant au fait de travailler dans [traduction] « l’outillage » alors qu’il pensait avoir été embauché comme opérateur de machineNote de bas de page 5. Cette affirmation est cohérente avec ses déclarations antérieures à la Commission et avec les déclarations de l’employeur 2 à la CommissionNote de bas de page 6. Rien ne prouvait que le prestataire avait considéré l’absence de formation lors de son premier jour de travail comme étant une préoccupation en matière de sécurité ou qu’il avait fait part de ses préoccupations en matière de sécurité à son employeur, à la Commission ou à toute autre personne avant l’audience tenue par la division générale.

[22] Je comprends que le prestataire n’est pas d’accord avec les conclusions de la division générale ni avec la façon dont elle a apprécié et analysé la preuve. Cependant, le simple fait d’être en désaccord avec ces conclusions ne représente pas un moyen d’appel pour l’application de l’article 58(1) de la Loi sur le MEDSNote de bas de page 7. En réclamant d’apprécier la preuve de nouveau, une partie prestataire n’invoque pas non plus un moyen d’appel qui aurait une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 8.

[23] À l’examen du dossier, j’ai été incapable de conclure qu’il était défendable que la division générale ait négligé ou mal interprété des éléments de preuve pertinents à sa conclusion que le départ du prestataire n’avait pas constitué la seule solution dans son cas, pour ni l’un ni l’autre de ses employeurs, ni à la question liée à la rémunération et à sa répartition.

[24] Il n’est pas défendable que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée au titre de l’article 58(1)(c) de la Loi sur le MEDS.

[25] Je remarque que le prestataire a affirmé qu’il ne devrait pas avoir à rembourser les prestations qu’il a reçues après son exclusion et que la somme devrait au moins être réduite s’il devait la rembourser. La division générale a déclaré qu’une [traduction] « partie prestataire est tenue de rembourser une somme qui lui est versée par la [Commission] pour des prestations qu’elle a touchées au titre d’une période pour laquelle elle est exclue ou pour laquelle elle n’est pas admissible (article 43 de la Loi sur l’AE) ». Le prestataire n’a pas soutenu que la division générale a commis une erreur de droit, mais quoi qu’il en soit, il n’est pas possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en omettant d’annuler ou de réduire la somme à rembourser. Ni la Commission ni la division générale n’ont la compétence d’ignorer le sens ordinaire de la Loi sur l’AE.

Conclusion

[26] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Représentant :

A. K., non représenté

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