Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli.

Aperçu

[2] Le prestataire était employé par l’appelante, une entreprise de dotation temporaire. L’appelante informait le prestataire des différentes occasions de travail (ci-dessous, les « affectations ») et le prestataire travaillait ensuite pour des tiers pour effectuer le travail. La dernière affectation que le prestataire a effectuée pour l’appelante était chez un fabricant de pièces. En décembre 2017, l’appelante a informé le prestataire que son affectation prenait fin. L’appelante allègue qu’elle a également informé le prestataire d’autres affectations qu’il a rejetées avant de démissionner. Le prestataire allègue qu’on ne lui a offert qu’une seule affectation qui ne lui convenait pas. Le prestataire a demandé son relevé d’emploi et l’appelante y a inscrit que le prestataire avait quitté volontairement. Le prestataire affirme qu’il n’a pas quitté volontairement et qu’il s’agissait plutôt d’un manque de travail.

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a d’abord déterminé que le prestataire aurait pu raisonnablement faire autre chose que de quitter son emploi. Elle lui a donc refusé les prestations demandées. Le prestataire a demandé une révision de la décision. La Commission a infirmé sa décision initiale et a conclu que le prestataire n’avait pas quitté volontairement son emploi. L’appelante conteste la décision de la Commission et en appelle devant le Tribunal. Après avoir reçu des documents supplémentaires de l’appelante, la Commission a recommandé que le Tribunal accueille favorablement sa demande d’appel.

[4] Le Tribunal conclut que le prestataire a quitté volontairement son emploi en refusant d’autres affectations. Le Tribunal conclut en outre que le prestataire n’avait pas de motif raisonnable pour quitter volontairement son emploi.

Questions en litige

[5] Les questions à trancher sont les suivantes :

Première question – Le prestataire a-t-il quitté volontairement son emploi?

Deuxième question : Dans l’affirmative, compte tenu de l’ensemble des circonstances, le prestataire avait-il d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi?

Analyse

[6] Un prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi s’il quitte volontairement son emploi sans justification. Il importe de garder à l’esprit que les prestations d’assurance-emploi ont pour objet de dédommager les travailleurs qui ont perdu involontairement leur emploi et qui sont incapables de travailler (Canada c Gagnon [1988] 2 RCS 29). Le départ volontaire d’un emploi comprend, entre autres, le refus de reprendre un emploi alors qu’il était censé reprendre (sous-alinéa 29b.1) ii) de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »)) ou le refus d’un nouvel emploi offert en prévision de la perte de l’emploi actuel (sous-alinéa 29b.1) i) de la Loi).

[7] Un prestataire qui quitte volontairement un emploi est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi, sauf s’il peut prouver qu’il avait de bons motifs pour le quitter (paragraphe 30 (1) de la Loi sur l’assurance-emploi (la Loi)). Être fondé à quitter un emploi signifie que, compte tenu de l’ensemble des circonstances, le prestataire n’avait pas d’autre solution raisonnable (paragraphe 29 (c) de la Loi). Bien qu’il incombe à la Commission de prouver que le prestataire a quitté volontairement son emploi, ce dernier doit démontrer que sa décision était justifiée compte tenu de l’ensemble des circonstances (Green c Canada (Procureur général), 2012 CAF 313).

Première question en litige : Première question – Le prestataire a-t-il quitté volontairement son emploi?

[8] L’appelante soutient que le prestataire a quitté volontairement son emploi le 22 décembre 2017. Dans les observations supplémentaires de la Commission, celle-ci accepte la position avancée par l’appelante (GD11-1). Le prestataire nie avoir volontairement quitté son emploi et allègue qu’il a été mis à pied en raison d’un manque de travail (GD3-8).

[9] Le Tribunal conclut que le prestataire a quitté volontairement son emploi le 27 décembre 2017.

[10] Le directeur de succursale de l’appelante a témoigné que dans la période précédant le 22 décembre 2017, le prestataire travaillait pour l’appelante. Un problème est survenu entre le prestataire et l’entreprise où il a été affecté. Peu après 15 h le 22 décembre 2017, l’appelante a reçu un courriel de l’entreprise où le prestataire était affecté (GD10-5). L’entreprise a demandé à l’appelante de mettre fin à l’affectation du prestataire. La directrice de succursale de l’appelante a témoigné qu’un des employés de l’appelante avait appelé le prestataire et lui avait laissé un message vocal l’informant de la décision de mettre fin à son affectation actuelle. La directrice de succursale de l’appelante a témoigné qu’elle avait entendu cette conversation parce qu’elle se déplaçait dans un véhicule avec l’employée au moment de l’appel. Le message informait le prestataire qu’un employé de l’appelante communiquerait avec lui dans une semaine.

[11] Le prestataire a témoigné qu’il a reçu un appel téléphonique de la directrice de la succursale de l’appelante le 22 décembre 2017 avant 17 h 30. Il a témoigné qu’on lui a dit que sa récente affectation prenait fin et que le bureau de l’appelante serait fermé pour les prochains jours fériés. Le prestataire allègue qu’il a demandé son relevé d’emploi à la directrice de succursale de l’appelante.

[12] La directrice de succursale de l’appelante a témoigné que la procédure habituelle du bureau de l’appelante consistait à consigner un résumé de chaque appel téléphonique dans son système électronique. L’appelante a produit un rapport de message de l’appel téléphonique du 22 décembre 2017 (GD10-8). Le rapport du message est daté du 21 novembre 2018. La directrice de succursale a témoigné que c’était parce que l’employé qui a fait l’appel téléphonique du 22 décembre 2017 au prestataire l’a fait de l’extérieur du bureau.

[13] Bien que le rapport de l’appel téléphonique du 22 décembre 2017 ait été consigné plusieurs mois plus tard, l’appelante et le prestataire soutiennent tous deux que le prestataire a été informé le 22 décembre 2017 que sa récente affectation prenait fin. De plus, ni l’une ni l’autre des parties ne suggère que l’appelante a offert d’autres affectations au prestataire le 22 décembre 2017. Compte tenu de la preuve dont il disposait, le Tribunal a conclu que le prestataire était au courant de la fin de sa récente affectation le 22 décembre 2017, mais qu’on ne lui avait pas offert d’autres affectations à ce moment-là.

[14] La directrice de succursale a témoigné que, le 27 décembre 2017, le prestataire a appelé leur bureau pour demander son relevé d’emploi. Le rapport de cet appel téléphonique est daté du 27 décembre 2017 à 14 h 45. (GD10-9). La directrice de succursale a témoigné que le 27 décembre 2017, le prestataire s’est vu offert trois affectations différentes par l’employé de l’appelante. Le registre des messages indique que le prestataire n’était « pas réceptif » et qu’il a exigé son relevé d’emploi. La directrice de la succursale a témoigné que l’appel avait pris fin lorsque le prestataire a refusé trois affectations et que l’appelante lui a confirmé qu’elle lui fournirait son relevé d’emploi.

[15] Le prestataire a témoigné qu’il avait bel et bien eu un appel téléphonique avec le bureau de l’appelante le 27 décembre 2017, mais qu’une seule autre affectation lui avait été offerte. Il a témoigné que l’affectation qu’on lui a offerte était pour une entreprise de charpente avec laquelle il avait travaillé dans le passé. Le prestataire a témoigné qu’il avait cru comprendre que le travail de charpente était situé à plus de 100 kilomètres de son lieu de résidence. Le prestataire a témoigné qu’il n’avait pas les moyens de se rendre à l’endroit où il situait le lieu de la prochaine affectation liée à du travail de charpente. Il a donc refusé l’affectation.

[16] La directrice de succursale de l’appelante a témoigné que les travaux de charpente liés à l’affectation offerte au prestataire le 27 décembre 2017 ne se déroulaient pas dans la région où le prestataire les situait. De plus, ces travaux se déroulaient tout près d’un circuit d’autobus. Le registre des messages de l’appel téléphonique du 27 décembre 2017 (GD10-9) indique que le prestataire criait contre l’employé de l’appelante et qu’il n’écoutait pas les détails des trois autres affectations de travail.

[17] Le prestataire témoigne que l’appelante lui avait envoyé toutes les affectations de travail antérieures par courriel. Le prestataire affirme que s’il y avait eu d’autres affectations de travail, comme le prétend l’appelante, il aurait reçu un courriel pour lui offrir ces affectations le 27 décembre 2017. La directrice de l’appelante a témoigné que la pratique de leur entreprise ne consiste pas à envoyer systématiquement toutes les offres d’affectation par courriel. La directrice explique que lorsque les délais sont serrés, il arrive que les offres d’affectation soient faites par téléphone. Compte tenu du fait que le prestataire ne travaillait pas sur une affectation et qu’il admet qu’au moins une offre de travail (les travaux de charpente) lui a été faite au cours de l’appel téléphonique du 27 décembre 2017, le Tribunal conclut que l’appelante a bel et bien offert au prestataire d’autres affectations de travail lors de l’entretien téléphonique du 27 décembre 2017, plutôt que par courriel.

[18] La directrice de succursale de l’appelante a témoigné que le 28 décembre 2017, à 9 h 4, le prestataire a envoyé un courriel à l’employée de l’appelante pour s’excuser d’avoir été véhément la veille. Dans ce courriel, le prestataire indique qu’il était désolé de s’être emporté et d’avoir été impoli envers l’employée de l’appelante le 27 décembre 2017 (GD10-26).

[19] Les deux parties soutiennent qu’un appel téléphonique a eu lieu entre elles le 27 décembre 2017. Les deux parties conviennent qu’au moins une autre affectation a été offerte au prestataire par l’appelante. Les deux parties conviennent également que le prestataire a rejeté cette offre de travail. Compte tenu de la preuve qui lui a été présentée, y compris le journal des messages produit par l’appelant qui décrit en détail trois affectations de rechange, l’admission du prestataire qu’au moins une affectation lui a été offerte et qu’il était en colère pendant l’appel téléphonique du 27 décembre 2017, le Tribunal conclut que l’appelante a offert au prestataire trois affectations possibles le 27 décembre 2017. Le Tribunal conclut en outre que le prestataire a rejeté les autres affectations de travail en démontrant de la colère et qu’il a exigé son relevé d’emploi.

[20] Comme la conversation téléphonique au cours de laquelle le prestataire a exigé son relevé d’emploi et a refusé d’autres affectations a eu lieu le 27 décembre 2017, le Tribunal conclut que le prestataire a quitté son emploi ce jour-là. Le Tribunal conclut que le prestataire a quitté volontairement son emploi le 27 décembre 2017.

Deuxième question en litige : Dans l’affirmative, compte tenu de l’ensemble des circonstances, le prestataire avait-il d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi?

[21] Aux termes de la Loi, un prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il ou elle quitte volontairement un emploi sans justification. Un prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi si, compte tenu de l’ensemble des circonstances, son départ constitue pour lui la seule solution raisonnable (articles 29 et 30 de la Loi). L’alinéa 29 (c) de la Loi énonce une liste non exhaustive de circonstances que le Tribunal doit prendre en compte lorsqu’il détermine si l’appelant n’avait d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi. La Cour d’appel fédérale a statué que pour déterminer si un prestataire est fondé à quitter son emploi, il « faut se demander si compte tenu de toutes les circonstances, son départ constitue [selon la prépondérance des probabilités], la seule solution raisonnable dans son cas [...]. » (Canada (Procureur général) c White, 2011 CAF 190, au paragraphe 3).

[22] Bien qu’un employé puisse, à ses yeux, avoir de bons motifs de quitter son emploi, la Cour d’appel fédérale a confirmé que « bon motif et motif valable sont des concepts différents » (Canada (Procureur général) c Laughlin, 2003 CAF 129, au paragraphe 9).

[23] Le Tribunal conclut que l’le prestataire a volontairement quitté son emploi sans cause valable.

[24] Le prestataire soutient qu’il était fondé à quitter son emploi parce que la seule autre affectation qui lui avait été offerte était à plus de 100 kilomètres de sa résidence. La directrice de l’appelante a témoigné que le prestataire comprenait mal cette affectation particulière et qu’il aurait pu s’y rendre en utilisant les transports en commun.

[25] Comme l’a conclu le Tribunal ci-dessus, l’appelante a offert au prestataire trois affectations de travail différentes le 27 décembre 2017. Le prestataire a rejeté de manière coléreuse ces autres affectations. En ce qui concerne la seule affectation dont se souvient le prestataire, le registre des messages de l’appelante concernant l’appel téléphonique appuie la position de l’appelante selon laquelle les travaux de cette affectation particulière ne se déroulaient pas à l’endroit où le prestataire croyait qu’ils se déroulaient. Le registre des messages indique également que les autres affectations de travail offraient un salaire horaire de plus de 15,50 $ l’heure. Le prestataire a indiqué que son salaire récent le plus élevé était de 15,00 $ l’heure et qu’il avait travaillé pour seulement 12,00 $ l’heure.

[26] Le prestataire a témoigné qu’il ne refuserait pas un emploi raisonnable parce qu’il risquerait alors de devenir un sans domicile fixe. Il a également témoigné qu’il ne refuserait aucun emploi à une distance raisonnable. Malheureusement, le prestataire a rejeté avec colère les autres affectations de travail offertes par l’appelante et n’a pas demandé de détails à leur sujet.

[27] Compte tenu du fait que l’appelante a offert trois affectations différentes au prestataire, le Tribunal conclut qu’une solution raisonnable aurait été que le prestataire accepte l’une ou l’autre de ces affectations. Pendant que le prestataire était fâché durant l’appel téléphonique du 27 décembre 2017, exiger son relevé d’emploi n’était pas la seule solution raisonnable disponible. Le Tribunal conclut que le 27 décembre 2017, le prestataire avait d’autres solutions raisonnables que celle de quitter volontairement son emploi.

[28] Compte tenu de toutes les circonstances, le prestataire avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi. Le prestataire aurait pu demander des détails supplémentaires sur les trois autres affectations. Il aurait pu accepter l’une des offres de travail et chercher un autre emploi.

[29] Selon la prépondérance des probabilités, le prestataire avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi, comme il est indiqué ci-dessus, et n’avait donc pas de justification pour quitter son emploi. Le Tribunal conclut que le prestataire n’a pas exploré ces solutions de rechange.

[30] Compte tenu de l’ensemble de la preuve qui lui a été présentée et compte tenu de toutes les circonstances, le Tribunal conclut que le prestataire a quitté volontairement son emploi sans justification aux termes des articles 29 et 30 de la Loi, parce qu’il avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi.

Conclusion

[31] L’appel est accueilli.

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 6 décembre 2018

Téléconférence

X, appelante
D. B., prestataire

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