Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Décision

[1] L’appel est rejeté. L’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi puisqu’elle a perdu son emploi en raison de son inconduite.

Aperçu

[2] L’appelante travaillait chez X, où les employés bénéficiaient d’un régime de soins de santé administré par la X. Une enquête menée par cette dernière a révélé que l’appelante, comme plusieurs employés, avait participé à un stratagème frauduleux et soumis de fausses réclamations pour des articles et des services médicaux qui n’avaient jamais été reçus. L’appelante a été congédiée puisque l'employeur a jugé qu’elle avait enfreint son code de conduite. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a conclu que l’appelante devait être exclue du bénéfice des prestations comme la perte de son emploi était attribuable à son inconduite.

Questions en litige

[3] Le Tribunal doit décider si l’appelante a perdu son emploi en raison de son inconduite. Pour ce faire, il lui faut d’abord déterminer ce qui suit :

  1. Quel est le comportement qui aurait mené au congédiement de l’appelante?
  2. L’appelante a-t-elle adopté le comportement reproché? Le cas échéant, s’agissait-il d’une inconduite?

Questions préliminaires

[4] Au début de l’audience, les participantes se sont exprimées en français. S’apercevant que l’appelante avait expressément demandé dans son avis d’audience que les communications soient en anglais, le Tribunal lui a demandé dans quelle langue officielle elle souhaitait procéder. L’appelante et sa représentante ont répondu qu’elles pouvaient procéder en français, mais l’appelante a aussi précisé qu’elle ne maîtrisait pas parfaitement le français. Compte tenu de cette information, le Tribunal a décidé de procéder en anglais, comme l’avait initialement demandé l’appelante.

Analyse

[5] Sous réserve d’exceptions non pertinentes en l’espèce, l’article 30(1) de la Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’un prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il « perd un emploi en raison de son inconduite ».

Quel est le comportement qui aurait mené au congédiement de l’appelante?

[6] L’employeur a décidé de congédier l'appelante à la suite d'une enquête de la X qui a révélé qu'elle et plusieurs autres employés avaient soumis de fausses réclamations pour des articles et des services reçus par un fournisseur nommé X. Dans le cadre de son enquête, la X a communiqué avec les professionnels de la santé dont les noms figuraient sur les reçus soumis relativement aux réclamations, et ceux-ci ont fait savoir que les services indiqués sur les reçus n’avaient jamais été rendus. L’employeur a donc conclu que l’appelante avait pris part à ce stratagème frauduleux, qui consistait à soumettre de fausses réclamations pour obtenir des remboursements, et qu’elle avait ainsi enfreint son code de conduite.

L’appelante a-t-elle adopté le comportement reproché? Le cas échéant, s’agissait-il d’une inconduite?

[7] C’est à la Commission qu’incombe le fardeau de prouver que l’inconduite a eu lieu (Lepretre c Canada (Procureur général), 2011 CAF 30). Le terme « fardeau » sert à décrire la partie qui doit fournir une preuve étayant suffisamment sa position afin de satisfaire au critère juridique. Le fardeau de la preuve en l’espèce est la prépondérance des probabilités, c’est-à-dire qu’il doit être « plus probable qu’improbable » que les événements se soient produits de la façon décrite. La preuve permet de conclure, après un examen soigneux, que la Commission s’est acquittée du fardeau de prouver que l’appelante avait soumis de fausses réclamations à la X. Le Tribunal a jugé que les éléments de preuve suivants ont été déterminants pour tirer cette conclusion.

[8] Premièrement, l’employeur a confirmé que l’appelante, tout comme 46 autres employés, n’arrivait pas à préciser la nature des traitements reçus chez X ni si les traitements avaient été fournis par un homme ou une femme. Durant l’audience, le Tribunal a aussi remarqué que l’appelante était incapable de décrire les différents traitements reçus et de justifier de façon crédible la raison pour laquelle elle avait eu besoin de ces traitements. Par exemple, l’appelante a témoigné qu’elle avait légitimement subi sept traitements d’acupuncture entre le 2 septembre et le 23 septembre 2016. Par contre, elle avait d’abord affirmé qu’elle ne se souvenait plus de la raison pour laquelle elle avait eu besoin de ces traitements, puis elle a mentionné que les traitements d’acupuncture avaient été recommandés par son médecin de famille pour soulager sa douleur lombaire; cela dit, elle n’avait pu fournir de certificat médical prescrivant de tels traitements. L’appelante avait aussi soumis huit réclamations pour des traitements d’ostéopathie pour la période allant du 3 octobre au 21 octobre 2016 (GD3-26). Cependant, elle a été incapable de répondre au Tribunal quand il lui a demandé d’expliquer comment ces traitements avaient été effectués; en fait, elle a simplement dit qu’ils ciblaient l’ossature. Le Tribunal estime que l’explication donnée par l’appelante relativement aux traitements était vague et que, comme ses collègues qui avaient pris part au stratagème frauduleux, elle ne donnait pas l’impression d’avoir subi les traitements pour lesquels elle avait soumis des réclamations et avait été remboursée.

[9] Deuxièmement, les reçus d’acupuncture de l’appelante précisent que tous les traitements ont été fournis par le docteur S. B. Pourtant, X a communiqué avec le docteur B. au sujet des sept réclamations soumises par l’appelante dans le cadre de son régime d’avantages sociaux collectif, et il a affirmé qu’il ne l’avait jamais traitée. Cela a été corroboré par le témoignage de l’appelante, qui a affirmé qu’elle n’avait jamais été traitée par le docteur B. L’appelante a aussi expliqué que ses traitements d’acupuncture avaient été prodigués par I. E. et qu’elle n’avait pas prêté attention au nom du médecin qui figurait sur ses reçus.

[10] Troisièmement, en décembre 2016, l’appelante a soumis deux réclamations totalisant 1600 $ pour des attelles de genoux, que la X lui avait remboursées à hauteur de 1400 $. Interrogée sur la raison pour laquelle il lui avait fallu ces attelles, l’appelante a expliqué au Tribunal qu’elle avait fait des recherches en ligne sur les problèmes qu’elle éprouvait aux genoux et qu’elle avait décidé qu’elle avait besoin d’attelles de genoux. Elle s’était donc rendue chez X, où ses mesures ont été prises, et avait payé 1600 $ en argent comptant pour ses attelles, mais elle ne les avait jamais reçues. Le Tribunal juge que l’appelante aurait dû trouver suspect le fait de ne pas avoir reçu des attelles qui lui avaient coûté très cher, mais elle n’avait pourtant jamais alerté son employeur ni X à ce sujet. En fait, en deux ans, elle n’avait fait que des efforts minimes pour obtenir ses attelles; elle a affirmé qu’elle avait seulement appelé la clinique plusieurs fois pour les obtenir. Les actions de l’appelante mènent le Tribunal à conclure qu’elle avait participé au stratagème frauduleux en soumettant de fausses déclarations pour des produits et des services qu’elle n’avait jamais reçus.

[11] Sur le fondement de ce qui précède, le Tribunal conclut que l’appelante a effectivement soumis de fausses réclamations à X afin d’être remboursée pour des articles et des services qu’elle n’avait jamais reçus.

Cette conduite constitue-t-elle une inconduite?  

[12] L’appelante affirme qu’elle a intenté une poursuite pour congédiement injustifié après avoir été congédiée et, conformément au règlement amiable signé avec son ancien employeur, celui-ci a convenu de ne pas recouvrir la somme de 3400 $ découlant de ses supposées fausses réclamations (GD10). L’appelante soutient donc qu’elle n’est pas coupable d’inconduite. Le Tribunal juge que cet argument ne tient pas; le simple fait qu’il existe un règlement amiable ne tranche pas la question de savoir si un employé a été congédié pour cause d’inconduite (Canada (PG) c Perusse, A-309-81 CAF). Le fait que le règlement amiable obligeait l’employeur à renoncer au recouvrement du trop-payé ne peut être jugé déterminant de la question de savoir s’il y a bel et bien eu une inconduite au sens de la Loi, surtout compte tenu du fait que l’employeur n’y admettait ni expressément ni implicitement que le congédiement motivé n’était pas pleinement justifié. Le Tribunal est chargé d’évaluer la preuve et de tirer ses propres conclusions. Il n’est pas lié par la façon dont l’employeur et l’employé décrivent les motifs qui sous-tendent le congédiement. En l’espèce, il ressort de la preuve que l’appelante a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[13] En effet, l’inconduite nécessite un élément mental, ou une conduite d’une telle insouciance ou négligence de la part du prestataire qu’elle frôle le caractère délibéré (Canada (Procureur général) c Tucker, A-381-85). La preuve révèle que l’appelante a soumis à X 31 fausses réclamations relativement à des soins de santé (GD3-26), et qu’elle avait, en soumettant chacune de ces demandes, attesté que les services déclarés avaient été rendus (GD3-28). Il est aussi notable en l’espèce que l’appelante a récidivé de nombreuses fois entre septembre et décembre 2016, et ce d’une manière plutôt élaborée, puisqu’elle soumettait de faux reçus et avait suivi à de nombreuses reprises toutes les étapes nécessaires à la présentation d’une demande de règlement.

[14] Une bonne application du critère juridique en matière d’inconduite aux faits de l’espèce ne peut que raisonnablement mener à la conclusion que la conduite de l’appelante, qui avait signé des formulaires de réclamation attestant que les frais indiqués avaient été engagés pour des produits et services reçus, était délibérée et constituait une inconduite ayant causé la cessation de son emploi. La présentation de fausses réclamations est un acte d’inconduite volontaire qui a pour effet de détruire la relation de confiance essentielle entre un employeur et son employé (Lefebvre, 2004 CAF; Latour, 2004 CAF 103).

[15] L’inconduite peut se manifester par une violation de la loi, d’un règlement ou d’une règle d’éthique, et il doit être démontré que la conduite reprochée constitue un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail et que ce manquement est d’une portée telle que son auteur pouvait normalement prévoir qu’il serait susceptible de provoquer son congédiement (Brisette; Nolet A-517-91; Langlois A-94-95). Chaque fois qu’elle a soumis une réclamation, l’appelante a confirmé ceci : [traduction] « Je comprends que toute demande de règlement frauduleuse que je soumets, ou que soumet toute autre personne en mon nom, notamment mon époux/conjoint ou toute personne à ma charge, me rend passible de mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement motivé » (GD3-28). Par conséquent, le Tribunal conclut que l’appelante savait ou aurait dû savoir que sa conduite entraînerait probablement son congédiement.

Conclusion

[16] Pour les motifs susmentionnés, l’appel est rejeté.

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparutions :

Le 5 décembre 2018

Téléconférence

C. K., appelante
Marie-France Ouimet, représentante de l’appelante

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.