Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] La prorogation du délai pour présenter une demande de permission d’en appeler est refusée.

Aperçu

[2] Après avoir été congédié de son emploi, le demandeur, A. T. (prestataire), a reçu une indemnité de départ de 16 422 $. La défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a considéré la totalité du montant comme étant une rémunération et elle l’a donc réparti dans sa rémunération hebdomadaire normale. Le prestataire a contesté cette décision et a soutenu que ce paiement ne constituait pas une indemnité de départ, mais plutôt une indemnisation versée pour une invalidité liée au travail. Il a demandé à la Commission de réviser sa décision, mais elle l’a maintenue. Le prestataire a interjeté appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Il demande maintenant la permission d’en appeler à la division d’appel.

[3] La demande de permission d’en appeler du prestataire a été reçue en retard. J’ai refusé de lui accorder un délai supplémentaire puisqu’il ne serait pas dans l’intérêt de la justice que de permettre la poursuite de sa demande de permission d’en appeler. Le prestataire n’a pas fourni une explication suffisante et raisonnable pour justifier la présentation tardive de sa demande.

Questions préliminaires

La demande de permission d’en appeler a-t-elle été présentée en retard?

[4] Conformément à l’article 57(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), la demande de permission d’en appeler doit être présentée selon les modalités prévues par règlement et dans les 30 jours suivants la date où la partie reçoit communication de la décision de la division générale.

[5] Le dossier ne contient aucune information qui confirmerait avec exactitude la date où la décision a véritablement été communiquée au prestataire. Dans de tels cas, l’article 19(1) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale prévoit qu’une décision est communiquée 10 jours après la date à laquelle elle a été envoyée par la poste. La décision est datée du 20 juin 2018 et a été transmise par la poste ordinaire conjointement à une lettre datée du 25 juin 2018. La décision est donc présumée avoir été communiquée au prestataire le 5 juillet 2018.

[6] La division d’appel a seulement reçu la demande de permission d’en appeler du prestataire le 29 octobre 2018, soit 86 jours après la date où la décision est présumée lui avoir été communiquée. Même si la demande était incomplète lorsque le Tribunal l’a reçue en premier lieu, le prestataire a satisfait à tous les critères de demande du Tribunal le 29 novembre 2019. Le Tribunal a accepté sa demande, comme si elle avait été présentée plus tôt, soit le 29 octobre 2018.

[7] Cependant, le 29 octobre 2018 se trouve bien au-delà du délai de 30 jours, calculé à partir de la date à laquelle la décision est présumée avoir été communiquée. La demande de permission d’en appeler a donc été présentée en retard.

Questions en litige

[8] La division d’appel devrait-elle exercer son pouvoir discrétionnaire et proroger le délai de présentation de la demande de permission d’en appeler?

[9] Si j’accorde une prorogation de délai, peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de droit, de telle façon que la permission d’en appeler devrait être accordée?

Analyse

[10] L’article 57(2) de la Loi sur le MEDS confère à la division d’appel le pouvoir discrétionnaire d’accorder un délai supplémentaire pour présenter une demande de permission d’en appeler. Bien que la division d’appel dispose de ce pouvoir, la Cour d’appel fédérale a exigé qu’elle l’exerce en considérant certains facteursNote de bas de page 1. Ces facteurs, que l’on appelle les facteurs de Gattellaro, sont les suivants :

  • le demandeur a manifesté l’intention persistante de poursuivre l’appel;
  • le retard a été raisonnablement expliqué;
  • la prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l’autre partie;
  • la cause est défendable.

[11] L’importance accordée à chacun des facteurs mentionnés ci-dessus peut varier selon l’affaire et, dans certains cas, d’autres facteurs seront pertinents. Selon la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada (Procureur général) c LarkmanNote de bas de page 2, le facteur primordial est l’intérêt de la justice.

Question en litige no 1 : La division d’appel devrait-elle exercer son pouvoir discrétionnaire et proroger le délai de présentation de la demande de permission d’en appeler?

[12] En réponse à une question dans la demande de permission d’en appeler, qui demandait au prestataire d’expliquer pourquoi il avait fait appel en retard et de traiter de chacun des facteurs de Gattellaro susmentionnés, il a déclaré qu’il ne savait pas ce qu’il devait faire. Il a affirmé qu’il avait appelé des amis, des avocats, Service Canada et Revenu Canada et qu’il essayait de voir qui pourrait l’aiderNote de bas de page 3.

[13] Le premier facteur de Gattellaro à considérer consiste à savoir si le prestataire a manifesté l’intention persistante de faire appel. Le prestataire a démontré l’intention persistante de poursuivre l’appel lorsqu’il a communiqué avec le Tribunal le 12 juillet 2018 pour demander s’il pouvait porter la décision de la division générale en appel. À ce moment-là, il lui restait encore deux semaines pour présenter sa demande de permission d’en appeler dans le délai de 30 jours prévu. Toutefois, le Tribunal a reçu sa demande de permission d’en appeler seulement trois mois et demi plus tard. Il n’y a pas eu d’autre communication entre lui et le Tribunal entre la communication initiale du prestataire et la présentation de sa demande.

[14] Malgré les déclarations du prestataire selon lesquelles il a essayé de communiquer avec une variété d’organismes et de personnes afin d’obtenir de l’aide pour présenter sa demande de permission, il ne mentionne pas les dates et le nombre de ses tentatives ni s’il a fait des suivis après avoir reçu des conseils. Le Tribunal l’avait déjà conseillé une fois relativement à sa demande de permission, et le prestataire aurait pu téléphoner encore s’il avait toujours des incertitudes. Je conclus donc qu’il n’a pas manifesté l’intention persistante de faire appel. Ce facteur est en défaveur de la prorogation du délai.

[15] Le deuxième facteur de Gattellaro consiste à savoir si le prestataire a fourni une explication raisonnable pour justifier son retard. Le prestataire affirme qu’il ne savait pas quoi faire, mais il avait déjà appelé le Tribunal le 20 juillet 2018 pour savoir s’il pouvait interjeter appel et le Tribunal l’a informé de la démarche à suivre pour faire appel, puis l’a prévenu qu’il devait présenter sa demande dans les 30 jours suivant la date où la décision a été communiquée. On l’a dirigé vers le site Web et le formulaire de demande. Le fait que les autres ressources qu’il a consultées lui ont fourni une aide négligeable n’est pas pertinent parce qu’on l’avait déjà conseillé sur la façon de demander la permission. S’il estimait avoir besoin de plus d’aide, il savait où il pouvait l’obtenir. Le prestataire n’a pas raisonnablement expliqué son retard. Ce facteur est également défavorable à l’octroi d’une prorogation.

[16] Le troisième facteur est lié au préjudice que pourrait subir la Commission à cause du retard accusé par le prestataire. Le retard est assez grand pour causer préjudice à la capacité de la Commission de préparer une réponse dans le cadre de l’appel. Cependant, la Commission ne s’est pas opposée à la demande de prorogation du prestataire ni n’a fourni d’observation où elle faisait état d’un préjudice réel. J’estime que ce facteur est neutre et je n’en tiendrai pas compte.

[17] Le dernier facteur établi dans l’arrêt Gattellaro est la question de savoir si le prestataire a une cause défendable. Une cause défendable a été assimilée à une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 4. Il s’agit de la même décision que je devrais prendre au sujet de la demande de permission d’en appeler si j’accordais la prorogation. Pour accueillir une demande de permission d’en appeler, je dois pouvoir conclure que l’appel a une chance raisonnable de succès, ou qu’il existe une « cause défendable », parce que la division générale a commis l’une des erreurs suivantes, décrites dans les moyens d’appel prévus à l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[18] À moins de conclure qu’il est défendable que la division générale ait commis l’une de ces erreurs, je ne serais pas en mesure d’accorder la permission d’en appeler, et ce, même si je ne suis pas d’accord avec la conclusion de la division générale.

[19] Le prestataire a spécifié dans son formulaire de demande de permission d’en appeler que la division générale avait commis une erreur de droit. Il n’a pas précisé la façon dont la division générale avait commis une erreur de droit.

[20] La division générale a conclu que l’indemnité de départ constituait une rémunération selon l’article 35 du Règlement sur l’assurance-emploi et elle a réparti de paiement conformément à l’article 36(9) du Règlement. Le prestataire n’a pas expliqué la raison qui le pousse à croire que la division générale a commis une erreur de droit, et aucune erreur de droit n’est apparente à la lumière de la décision. Par conséquent, le prestataire n’a pas présenté une cause défendable. Ce facteur est défavorable à la prorogation du délai.

[21] Avant de prendre ma décision, j’ai considéré l’idée de demander au prestataire de fournir des détails sur l’erreur qui aurait été commise par la division générale selon lui. Cependant, même si le prestataire présentait une cause défendable, cela ne me persuaderait pas d’accorder une prorogation. Le Tribunal avait informé le prestataire de la façon dont il pouvait poursuivre sa demande de permission alors qu’il pouvait la présenter sans qu’une prorogation soit nécessaire. Le prestataire était donc au courant presque dès le début du processus à suivre pour présenter une demande de permission et de l’endroit où il pouvait obtenir de l’aide, pourtant, il n’a rien fait. Je rejette entièrement l’explication qu’il a fournie pour justifier le retard et je conclus qu’il n’a pas exercé ses droits d’appel en temps opportun, de façon volontaire ou par insouciance. Même si le prestataire pouvait me convaincre qu’il existait une cause défendable sur le fond de l’appel, je ne changerais pas ma décision de refuser la prorogation dans ces circonstances.

[22] Selon moi, il ne serait pas dans l’intérêt de la justice de proroger le délai.

Question en litige no 2 : Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit, de telle façon que la permission d’en appeler devrait être accordée?

[23] J’ai déjà conclu qu’il n’existait pas de cause défendable afin d’évaluer si une prorogation de délai devait être accordée, et j’ai refusé la prorogation. Il n’y a donc pas lieu d’approfondir la question.

Conclusion

[24] La prorogation du délai pour présenter une demande de permission d’en appeler est refusée.

Représentant :

A. T., non représenté

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