Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelant travaille comme enseignant en X à la Commission scolaire X. À la fin de la dernière année scolaire, le 29 juin 2018, l’appelant a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi, et une période de prestations a été établie à partir du 1er juillet 2018.

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) a toutefois refusé de verser des prestations à l’appelant entre le 2 juillet et le 10 août 2018, en raison des modalités particulières du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement) s’appliquant aux personnes travaillant dans le domaine de l’enseignement. Plus spécifiquement, la Commission a déterminé que l’appelant ne rencontrait aucun des trois scénarios pouvant permettre le versement de prestations d’assurance-emploi à un enseignant pendant une période de congé.

[4] L’appelant conteste la décision de la Commission. Il soutient qu’il a un statut précaire, que son contrat d’enseignement doit être renouvelé chaque année et qu’il était bel et bien en arrêt de travail pendant l’été 2018 en raison de la fin de son contrat d’enseignement.

Question en litige

[5] L’appelant, en tant qu’enseignant, était-il admissible à recevoir des prestations d’assurance-emploi entre le 2 juillet et le 10 août 2018 ?

Analyse

L’appelant, en tant qu’enseignant, était-il admissible à recevoir des prestations d’assurance-emploi entre le 2 juillet et le 10 août 2018 ?

[6] Le Tribunal considère que l’appelant n’était pas admissible à recevoir des prestations d’assurance-emploi pendant la période en litige, et ce, pour les raisons suivantes.

[7] Le paragraphe 33 (1) du Règlement définit l’enseignement comme étant la profession d’enseignant dans une école maternelle, primaire, intermédiaire ou secondaire, y compris une école de formation technique ou professionnelle.

[8] L’appelant enseigne depuis plus de 20 ans le X au niveau de la formation professionnelle à la Commission scolaire X.  Son poste est situé au X, à X, mais il est en affectation au X (associé à une autre commission scolaire) depuis plusieurs années.

[9] Aux yeux du Tribunal, il est donc clair que l’appelant est bien un enseignant, selon la signification donnée à ce terme par le Règlement.

[10] Le paragraphe 33 (2) du Règlement établit qu’un enseignant est normalement inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi pendant les semaines de chômage comprises dans toute période de congé, à moins de rencontrer l’une des trois exceptions suivantes :

  1. a) Le contrat de travail dans l’enseignement a pris fin; ou
  2. b) L’emploi en enseignement était exercé sur une base occasionnelle ou de suppléance; ou
  3. c) le prestataire remplit les conditions requises pour recevoir des prestations à l’égard d’un emploi dans une profession autre que l’enseignement.

[11] Ainsi, afin de déterminer si l’appelant, en tant qu’enseignant, était admissible à recevoir des prestations d’assurance-emploi entre le 2 juillet et le 10 août 2018, le Tribunal doit évaluer si celui-ci a démontré qu’il rencontrait l’une de ces trois exceptions.

Première exception : le contrat de travail dans l’enseignement a-t-il pris fin ? (alinéa 33(2)a)

[12] La Cour d’appel fédérale s’est penchée à de nombreuses reprises sur les dispositions règlementaires touchant les enseignants.

[13] Il en ressort que l’exception prévue en vertu de l’alinéa 33(2)a) du Règlement est destinée à apporter un soulagement aux enseignants qui souffrent d’une véritable rupture de la relation employeur/employé à la fin de la période d’enseignement et qui se retrouvent au chômage. Ainsi, à moins qu’il y ait une véritable rupture dans la continuité de l’emploi d’un enseignant, celui-ci n’aura pas droit aux prestations pendant la période de congé scolaire. (Oliver et al c Canada (PG), 2003 CAF 98, Stone c Canada (PG), 2006 CAF 27, Canada (PG) c Robin, 2006 CAF 175).

[14] Lorsque le contrat de travail d’un enseignant se termine à la fin du mois de juin et que celui-ci est réengagé pour l’année scolaire suivante avant la fin de son contrat ou peu de temps après, l’enseignant n’a pas droit à l’assurance-emploi pour les mois de juillet et d’août parce qu’il n’y a pas de véritable rupture dans la continuité de son emploi. (Bishop c Canada (Commission de l’assurance-emploi), 2002 CAF 276; Oliver et al c Canada (PG), 2003 CAF 98, Canada (PG) c Robin, 2006 CAF 175, Bazinet et al. c Canada,  2006 CAF 174)

[15] L’appelant occupe le même emploi depuis un peu plus de 20 ans et détient un poste contractuel qui doit être renouvelé chaque année. Il occupait une charge de travail à 100% au cours de l’année scolaire 2017/2018, soit du 21 août 2017 au 29 juin 2018 (GD2-8) et enseigne, encore cette année, avec une charge de travail à 100% depuis le 13 août 2018 (GD2-9, GD3-26).

[16] Selon l’employeur, l’appelant est premier sur la liste d’ancienneté, ce qui lui assure un nouveau contrat de travail année après année, à moins d’une situation exceptionnelle. D’ailleurs, l’employeur savait que le nombre d’élèves inscrits au programme de X était suffisant pour démarrer une nouvelle cohorte pour l’année 2018/2019 dès le mois de mars ou avril 2018 (GD3-20).

[17] L’appelant confirme qu’il a été avisé verbalement du renouvellement probable de son contrat pour l’année scolaire 2018/2019 au cours du mois de juin 2018, soit avant la fin de son contrat pour l’année 2017/2018 (qui s’est terminé le 29 juin). Incidemment, l’appelant reconnait aussi avoir laissé ses effets dans son bureau au centre de formation au cours de l’été (GD3-26).

[18] Pour le Tribunal, le fait que l’appelant savait, avant même la fin de son contrat d’enseignement pour l’année 2017/2018, qu’il reviendrait presque assurément enseigner l’année suivante confirme clairement la continuité de son emploi à la commission scolaire X, et ce, même si l’offre qui lui a été faite par l’employeur en juin 2018 était verbale et sujette à changement advenant une variation dans le nombre d’inscriptions au programme.

[19] D’ailleurs, le relevé d’emploi émis le 9 juillet 2018 par l’employeur mentionne clairement que l’appelant doit revenir au travail le 13 août 2018. (GD3-17)

[20] Ainsi, puisque l’appelant a été avisé en juin 2018 qu’il obtiendrait un nouveau contrat d’enseignement à partir du mois d’août 2018, le Tribunal estime qu’il n’y a pas eu une véritable rupture dans la continuité de l’emploi de l’appelant avec la Commission scolaire X.

[21] La simple existence d’un intervalle de temps entre les deux contrats d’enseignement, pendant lequel l’appelant n’était pas sous contrat, ne fait pas en sorte de créer automatiquement une véritable rupture de la relation entre l’appelant et son employeur, puisque le retour au travail de l’appelant, même s’il n’était pas garanti, était presque assuré dès la fin du congé scolaire estival. (Canada (PG) c Robin, 2006 CAF 175)

[22] L’appelant est premier dans la liste d’ancienneté, et a travaillé de manière constante pour ce même employeur au cours des 20 dernières années ; sa situation n’est donc pas aussi précaire qu’il le soutient, même si, dans les faits, son contrat de travail prend fin au terme de chaque année scolaire. Selon l’employeur, à moins d’une situation exceptionnelle, l’appelant doit revenir au travail chaque année et il le sait très bien. (GD3-20)

[23] Après une revue des facteurs retenus par la Cour d’appel fédérale pour trancher sur l’application de cette exception (notamment dans Stone, précitée), il est clair pour le Tribunal que le lien d’emploi entre l’appelant et son employeur s’est maintenu à partir du moment où l’appelant a conclu une entente verbale avec son employeur pour travailler au cours de l’année d’enseignement suivant la fin de son contrat.

[24] Par conséquent, l’appelant ne rencontre pas la première exception prévue au Règlement.

Deuxième exception : L’appelant exerçait-il son emploi sur une base occasionnelle ou de suppléance ? (alinéa 33(2)b))

[25] Au cours de l’année scolaire 2017/2018, soit du 21 août 2017 au 29 juin 2018, l’appelant avait un horaire d’enseignement le gardant occupé à temps plein, puisqu’il avait 100% de la tâche normale attribuée à un enseignant (GD2-8).

[26] Même si le contrat d’enseignement de l’appelant avait une date de fin, il demeure que l’appelant ne remplaçait personne, et avait un horaire régulier et une tâche de travail complète tout au long de l’année. La Cour d’appel fédérale a clairement établi que les enseignants qui travaillent à contrat, mais de manière régulière au cours d’une année scolaire ne répondent pas à la définition d’enseignement « occasionnel » ou de « suppléance » au sens de l’alinéa 33(2)b) du Règlement. (Arkinstall c Canada (PG) 2009 CAF 313 ; Canada (PG) c Blanchet 2007 CAF 377)

[27] Par conséquent, l’appelant ne rencontre pas la deuxième exception prévue au Règlement.

Troisième exception : L’appelant remplit-il les conditions requises pour recevoir des prestations à l’égard d’un emploi dans une profession autre que l’enseignement ? (alinéa 33(2)c))

[28] Il n’y a rien dans la preuve au présent dossier permettant de croire que l’appelant rencontre les conditions requises pour recevoir des prestations à l’égard d’un emploi dans un autre domaine que l’enseignement. Par conséquent, l’appelant ne rencontre pas la troisième exception prévue au Règlement.

[29] À la lumière des principes de jurisprudence mentionnés précédemment, le Tribunal estime que l’appelant n’a pas démontré qu’il était admissible, à titre d’enseignant, au bénéfice des prestations d’assurance-emploi pendant la période du congé scolaire estival, parce qu’il ne rencontre aucune des trois exceptions prévues au paragraphe 33(2) du Règlement.

Conclusion

[30] L’appel est rejeté et la décision rendue par la Commission est maintenue.

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparutions :

11 décembre 2018

Téléconférence

L. H., appelant

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