Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] La prorogation du délai pour présenter la demande de permission d’en appeler est refusée, et la demande de permission d’en appeler est rejetée.

Aperçu

[2] À la base, cette cause concerne le montant d’un trop-payé que le demandeur, H. H. (prestataire), doit rembourser. Il a présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi, lesquelles lui ont été accordées, à la suite d’un manque de travail, mais il est demeuré en disponibilité auprès pour son employeur. Il a été rappelé et a travaillé pendant une semaine. Son employeur l’a rémunéré plusieurs semaines plus tard. La défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a conclu que ce paiement avait valeur de rémunération et devait être réparti sur les semaines où le prestataire avait travaillé. Cela a donné lieu à un versement excédentaire. Le prestataire a demandé une révision puis a interjeté appel de la décision découlant de la révision auprès de la division générale.

[3] La division générale a conclu que la répartition de la rémunération devait être corrigée afin de refléter la rémunération assurable brute, plutôt que la rémunération de base. Il s’est donc ensuivi un trop-payé plus important, bien que la division générale n’ait pas spécifié le montant de ce trop-payé. Le prestataire cherche maintenant à obtenir la permission d’en appeler relativement à la décision de la division générale. Il fait valoir qu’un nouvel élément de preuve montre que le trop-payé aurait dû demeurer à 191 $ plutôt que d’augmenter d’un montant additionnel de 417 $, ce que demande maintenant la CommissionNote de bas de page 1.

[4] Je dois déterminer si le prestataire a déposé sa demande auprès de la division d’appel dans les délais prescrits et, dans la négative, si je devrais accorder une prorogation pour présenter la demande. Si j’accorde la prorogation du délai pour présenter la demande auprès de la division d’appel, je dois aussi déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

[5] Je refuse la prorogation du délai et je refuse la permission d’en appeler parce que je ne suis pas convaincue que la cause du prestataire est défendable.

Questions en litige

[6] Les questions en litige sont les suivantes :

  1. Le prestataire a-t-il présenté sa demande de permission d’en appeler auprès de la division d’appel dans les délais prescrits?
  2. Si le prestataire a déposé sa demande en retard auprès de la division d’appel, devrais-je accorder une prorogation du délai pour présenter la demande?
  3. Si j’accorde la prorogation du délai pour présenter la demande auprès de la division d’appel, est-ce que l’appel a une chance raisonnable de succès?

Analyse

Question en litige no 1 : Le prestataire a-t-il déposé sa demande de permission auprès de la division d’appel dans les délais prescrits?

[7] Non. J’estime que le prestataire a déposé sa demande auprès de la division d’appel en retard.

[8] Dans le cas d’une décision rendue par la section de l’assurance-emploi, au titre de l’article 57(1)(a) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), une demande de permission d’en appeler doit être présentée à la division d’appel dans les 30 jours suivant la date à laquelle le prestataire reçoit communication de la décision.

[9] La division générale a rendu sa décision le 7 mai 2018. Le prestataire n’a pas précisé la date à laquelle la décision de la division générale lui a été communiquée. Conformément à l’article 19 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement sur le TSS), la décision de la division générale est présumée avoir été communiquée au prestataire le dixième jour suivant celui de sa mise à la poste. D’après ce que je peux constater, le Tribunal de la sécurité sociale a envoyé la décision de la division générale au prestataire le 8 mai 2018. La décision de la division générale est donc présumée avoir été communiquée au prestataire le 18 mai 2018 et le prestataire était tenu de déposer sa demande dans les 30 jours suivants, soit au plus tard le 17 juin 2018. Le prestataire a daté sa demande à la division d’appel du « 2018-10-22 », toutefois, d’après le timbre dateur du Tribunal de la sécurité sociale, la date est le 30 novembre 2018. Le prestataire était de toute évidence en retard lorsqu’il a déposé sa demande auprès de la division d’appel le 30 novembre 2018, plus de cinq mois après la date limite.

Question en litige no 2 : Devrais-je accorder une prorogation du délai pour présenter la demande auprès de la division d’appel?

[10] Non. Essentiellement parce que j’ai établi qu’il n’existe pas de cause défendable au paragraphe 15 de cette décision, j’estime que j’irais à l’encontre de l’intérêt de la justice si j’exerçais mon pouvoir discrétionnaire pour accorder une prorogation du délai pour déposer la demande.

[11] Selon l’article 57(2) de la Loi sur le MEDS, la division d’appel peut proroger le délai pour la présentation d’une demande de permission d’en appeler. Cependant, en aucun cas une demande ne peut être présentée plus d’un an après la date à laquelle la décision a été communiquée à l’appelant.

[12] La décision d’accorder ou non une prorogation du délai pour la présentation d’une demande de permission d’en appeler a pour considération primordiale l’intérêt de la justice. Dans les arrêts X (Re)Note de bas de page 2 et Canada (Procureur général) c LarkmanNote de bas de page 3, la Cour d’appel fédérale a défini les facteurs pertinents à prendre en considération :

  1. a) si l’appel soulève une cause défendable ou si la demande a un certain fondement;
  2. b) s’il existe des circonstances particulières ou une explication raisonnable pour justifier le retard;
  3. c) si le retard est excessif;
  4. d) si la prorogation du délai imparti causera un préjudice au défendeur.

[13] Dans l’arrêt Larkman, la Cour d’appel fédérale s’est également demandé si la partie avait manifesté une intention persistante de poursuivre sa demande.

[14] Dans le litige dont je suis saisie, j’estime qu’il est peu probable que la Commission subisse un préjudice si une prorogation du délai était accordée. En effet, la Commission était déjà au courant des préoccupations du prestataire depuis juillet 2018Note de bas de page 4. Bien que la demande ait été déposée plusieurs mois en retard, le retard n’est pas excessif. Un fait plus préoccupant est la question de savoir s’il existe une explication raisonnable pour justifier le retard et une cause défendable en appel. Le prestataire affirme avoir trouvé [traduction] « seulement tout récemmentNote de bas de page 5 » ses talons de chèque pour les mois d’août à septembre 2015, bien qu’il ne mentionne pas exactement quand il les a trouvés. Cela ne montre pas nécessairement que le prestataire avait l’intention persistante de déposer une demande parce que, jusqu’à ce qu’il trouve les talons de chèque, rien ne montrait qu’il allait interjeter appel. Les raisons pour lesquelles le prestataire n’a pas été en mesure d’interjeter appel avant de trouver les talons de chèque ne sont pas claires.

[15] J’examinerai à présent la question de savoir s’il existe une cause défendable. Pour décider s’il existe une cause défendable en appel, je note que l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS énonce que les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[16] Le prestataire n’a pas soulevé de moyens d’appel prescrits par l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS. Rien ne donne à penser que la division générale a privé le prestataire d’une occasion de défendre pleinement sa cause lors de l’audience qu’elle a tenue, qu’elle a fait preuve de partialité à l’égard du prestataire, qu’elle a commis une erreur de droit ou qu’elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Dans cette optique, j’estime que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[17] Le prestataire note que la division générale a écrit au paragraphe 14 de sa décision que la Commission devrait examiner la question de savoir si une indemnité pour le kilométrage était considérée comme une rémunération ou était payée à titre de dépense liée au véhicule. Le prestataire note que les talons de chèque d’août à septembre 2015 fournissent les détails de son revenu. Il soutient que les talons de chèque montrent que le revenu inclut des dépenses liées au véhicule que la division générale aurait dû exclure de la répartition de sa rémunération. Par conséquent, il demande que la division générale rajuste la répartition de la rémunération en enlevant le kilométrage ou les dépenses liées au véhicule. Il fait valoir qu’une fois que les dépenses liées au véhicule auront été enlevées, le trop-payé reviendra à 191 $.

[18] Les talons de chèque d’août à septembre 2015 n’avaient évidemment pas été portés à la connaissance de la division générale, et donc l’article 58(1)(c) de la Loi sur le MEDS n’est pas pertinent. Les talons de chèque constituent de « nouveaux éléments de preuve ». Généralement, les nouveaux éléments de preuve ne sont pas acceptés devant la division d’appel, à quelques exceptions prèsNote de bas de page 6. Ces exceptions ne s’appliquent pas en l’espèce. Le prestataire pourrait aussi présenter à la division générale une demande d’annulation ou de modification de sa décision dans le délai d’un an imposé au titre de l’article 66 de la Loi sur le MEDS. Cela nécessiterait de renvoyer l’affaire au même membre de la division générale afin de déterminer si les talons de chèque satisfont aux critères relatifs au caractère essentiel et à la possibilité de découverte au titre de l’article 66 de la Loi sur le MEDS. Autrement dit, le prestataire devrait établir que les nouveaux éléments de preuve sont essentiels puisqu’il est raisonnablement probable qu’ils auraient influé sur le résultat de l’audience antérieure. Il devrait aussi établir que cette preuve ne pouvait être connue au moment de l’audience malgré l’exercice d’une diligence raisonnable. Il y a lieu de se demander si le prestataire serait en mesure de prouver qu’il n’aurait pas pu trouver les talons de chèque malgré l’exercice d’une diligence raisonnable. J’estime aussi que cela retarderait indûment la présente affaire.

[19] Essentiellement, le prestataire fait valoir que la répartition de la rémunération incluait des montants, comme des dépenses liées à un véhicule, qui auraient dû être exclus. Cependant, je ne constate pas que la division générale a inclus des dépenses liées à un véhicule dans la répartition de la rémunération.

Semaine débutant le (2015) Rémunération déclarée ($) Répartition de rémunération Total de la répartition de rémunération ($) Répartition de la division générale ($)
Formation ou travail ($)Note de bas de page 7 Indemnité pour jour férié ($) Autre allocation variable ($)

9 août

538,00

522,30

1,03

23,50

546,53

546,83Note de bas de page 8

16 août

200,00

52,40

53,40

137,59

53,13

32,80

32,80

23,36

385,48

385,94Note de bas de page 9

23 août

400,00

55,71

55,71

55,71

55,71

55,71

77,20

77,20

77,20

77,20

 

57,46

57,46

57,46

57,46

57,46

874,65

874,65Note de bas de page 10

30 août

500,00

132,90

132,90

132,90

132,90

132,90

55,67

57,46

57,46

57,46

57,46

57,46

1 007,47

1 007,47Note de bas de page 11

[20] La répartition de la rémunération incluait les indemnités pour jours fériés et des allocations variables, mais les deux éléments sont considérés comme une rémunération pour l’application de l’article 35(2) du Règlement sur l’assurance-emploiNote de bas de page 12 et ont donc été inclus à juste titre dans la répartition de la rémunération.

[21] Compte tenu de ces facteurs, j’estime qu’on ne peut pas soutenir que la répartition de la rémunération était incorrecte. La répartition de la rémunération incluait à juste titre les revenus d’emploi, les indemnités pour jours fériés et les allocations variables. La répartition de la rémunération n’incluait pas les dépenses liées à un véhicule. Le fait que la rémunération a été répartie adéquatement est une raison convaincante défavorable à l’octroi d’une prorogation du délai au prestataire pour présenter une demande auprès de la division d’appel.

Question en litige no 3 : L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

[22] Étant donné que j’ai décidé de refuser au prestataire la prorogation du délai pour présenter une demande auprès de la division générale, il n’est pas nécessaire que j’aborde séparément la dernière question en litige, bien que je note que j’ai déjà établi qu’il n’existe pas de cause défendable. La Cour d’appel fédérale a établi que le critère relatif à une cause défendable est le même que celui pour « une chance raisonnable de succès en appelNote de bas de page 13 ».

Conclusion

[23] La prorogation du délai pour présenter la demande de permission d’en appeler est refusée, et la demande de permission d’en appeler est rejetée.

Observations :

H. H., demandeur

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