Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Aperçu

[2] Le demandeur (prestataire) avait un emploi dans le cadre d’un permis temporaire, mais il a perdu son emploi au moment du rejet de sa demande de renouvellement de permis. Le prestataire a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi, mais la défenderesse, à savoir la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a conclu qu’il était inadmissible aux prestations parce qu’il était incapable de prouver sa disponibilité pour travailler. En réponse à la demande de révision présentée par le prestataire, la Commission a maintenu sa décision originale. Le prestataire a interjeté appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, mais l’appel a été rejeté. Il demande maintenant la permission d’en appeler à la division d’appel.

[3] Le prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès. Peu importe les circonstances qui ont entraîné l’expiration de l’autorisation de travail, il ne pouvait pas prouver qu’il était capable de travailler et disponible à cette fin, comme le prévoit l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE), pendant une période au cours de laquelle il n’était pas autorisé à travailler selon la loi. Il n’y a pas de cause défendable au motif que la division générale a commis une erreur en rejetant l’appel du prestataire.

Questions préliminaires

[4] Le prestataire laisse entendre que la Commission n’estime plus qu’il était non disponible pour travailler du 12 juin 2017 au 19 décembre 2017 et il renvoie à « 2018-02-06 EI-6091 ». Je présume qu’il s’agit d’une référence à un documentNote de bas de page 1. Si cette référence constitue une preuve, elle n’a pas été présentée à la division générale et elle n’est pas essentielle à la question de savoir si la division générale a commis une erreur dans son examen de la preuve présentée à ce moment-là. De plus, elle ne fait même pas partie du dossier d’appel à l’heure actuelle, et je n’ai pas la capacité de l’examiner.

[5] Si le document représente une décision ou une position, je souligne que la Commission n’a rien présenté qui donnait à penser que sa position avait changé depuis les observations qu’elle avait présentées devant la division généraleNote de bas de page 2. Même si la Commission avait changé de position, je suis maintenant tenu de déterminer s’il est possible de soutenir que la division générale a commis une des erreurs prévues à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS). Ma décision est nécessairement indépendante de la position de la Commission ou de toute autre mesure ultérieure prise par la Commission.

[6] Je souligne que le prestataire a présenté une demande d’annulation ou de modification de sa décision auprès de la division générale, demande dans le cadre de laquelle la division générale aurait la capacité d’examiner de nouveaux éléments de preuve. Par conséquent, j’ai différé cette décision pour attendre la décision rendue par la division générale relativement à cette autre demande. Cependant, la division générale a refusé la demande d’annulation et de modification le 29 novembre 2018Note de bas de page 3.

Questions en litige

[7] Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit ou qu’elle a omis d’exercer sa compétence en ne tenant pas compte de la demande et de l’effet de l’article 50(10) de la Loi sur l’AE?

[8] Est-il possible de soutenir que la division générale a autrement commis une erreur de droit dans son application du critère relatif à la « disponibilitéNote de bas de page 4 »?

[9] Est-il possible de soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qui a été tirée sans tenir compte des circonstances entourant l’expiration de l’autorisation de travail du prestataire?

Analyse

Principes généraux

[10] La division générale doit examiner et apprécier les éléments de preuve portés à sa connaissance, et tirer des conclusions de fait. Elle doit également tenir compte de la loi. La loi inclut les dispositions législatives prévues dans la Loi sur l’AE et dans le Règlement sur l’assurance-emploi qui sont pertinentes aux questions en litige, et peut également inclure des décisions des tribunaux dans lesquels les dispositions législatives ont été interprétées. Finalement, la division générale doit appliquer le droit relativement aux faits afin de tirer ses conclusions sur les questions qu’elle doit trancher.

[11] Le prestataire n’a pas eu gain de cause devant la division générale, et la division d’appel est maintenant saisie de sa demande. La division d’appel ne peut toucher à une décision de la division générale que si des erreurs de types précis ont été commises par la division générale; ces erreurs sont appelées les « moyens d’appel ».

[12] Aux termes de l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[13] L’appel ne peut être accueilli à moins que la division générale ait commis l’une de ces erreurs, et ce, même si la division d’appel n’est pas d’accord à d’autres points de vue avec sa conclusion et l’issue de l’affaire.

[14] À ce stade, pour pouvoir accorder la permission d’en appeler et permettre à l’appel d’être poursuivi, je dois conclure qu’au moins l’un des motifs d’appel confère à l’appel une chance raisonnable de succès. Une chance raisonnable de succès a été assimilée à une cause défendableNote de bas de page 5.

Question en litige no 1 : Justice naturelle et compétence

[15] Le prestataire fait valoir que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle en limitant la portée de son appel et en ignorant les circonstances qui ont mené à sa non-disponibilité pour travaillerNote de bas de page 6. Le prestataire n’a pas cerné la façon dont le processus d’appel devant la division générale pourrait être considéré comme étant inéquitable sur le plan procédural. Par conséquent, je ne peux pas conclure qu’on peut soutenir que la division générale a omis d’observer un principe de justice naturelle.

[16] Cependant, les observations du prestataire donnent à penser que celui-ci est préoccupé par le fait que la division générale pourrait avoir refusé d’exercer sa compétence (moyen également prévu à l’article 58(1)(a) de la Loi sur le MEDS).

[17] L’article 18(1)(a) de la Loi sur l’AE prévoit que la partie prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour tout jour ouvrable d’une période de prestations pour lequel elle ne peut prouver qu’elle était, ce jour-là, capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenable. Le prestataire fait valoir que la Commission avait le pouvoir discrétionnaire d’accorder une exemption relativement à l’exigence prévue à l’article 50(10) de la Loi sur l’AE et que la division générale aurait dû en tenir compteNote de bas de page 7.

[18] L’article 50 énumère certaines exigences administratives pour statuer sur des demandes de prestations et les présenter. L’article 50(10) accorde à la Commission le pouvoir discrétionnaire de suspendre ou de modifier les conditions ou exigences de l’article, à savoir les exigences de l’article 50 de la Loi sur l’AE. Cependant, l’article 50(10) n’accorde pas à la Commission le pouvoir discrétionnaire de modifier l’exigence prévue à l’article 18(1)(a), à savoir que la partie doit être capable de travailler et disponible à cette fin.

[19] Il n’existe qu’une intersection particulière entre les articles 50 et 18 : l’article 50(8) prévoit que la Commission peut exiger que les parties prestataires prouvent qu’elles font des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable afin d’établir qu’elles sont disponibles pour travailler et incapables d’obtenir un emploi convenable.

[20] L’article 50(10) accorde à la Commission le pouvoir discrétionnaire de déterminer si la partie prestataire est capable de travailler et disponible à cette fin en l’absence de la preuve décrite à l’article 50(8), mais il n’autorise pas à la Commission de suspendre l’exigence selon laquelle la partie prestataire doit être capable de travailler et disponible à cette fin, ou d’ignorer d’autres éléments de preuve selon lesquels la partie prestataire n’est pas capable de travailler ou raisonnablement disponible pour travailler.

[21] Peu importe si la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire au titre de l’article 50(10) de la Loi sur l’AE de manière appropriée ou judiciaire lorsqu’elle a demandé au prestataire de prouver sa disponibilité au moyen de démarches habituelles et raisonnables au titre de l’article 50(8)Note de bas de page 8, le prestataire aurait tout de même dû prouver sa disponibilité d’une manière quelconque. La division générale a conclu que le prestataire ne pouvait pas travailler sans permis de travail ou sans situation relative à l’emploi et que le prestataire était donc incapable de prouver sa disponibilité pour travailler. Il n’était donc pas nécessaire que la division générale détermine si la Commission avait exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire. Il est impossible de soutenir que la division générale a commis une erreur en refusant d’exercer son pouvoir discrétionnaire.

[22] Je souligne que le prestataire a également fait valoir que la division générale a commis une erreur en concluant que le rôle joué par son employeur dans la perte de son permis de travail devrait être traité dans le cadre d’une autre tribuneNote de bas de page 9 (au paragraphe 35 de la décision). La division générale a conclu que le rôle de l’employeur dans le renouvellement du permis de travail du prestataire et la question de savoir si l’employeur a agi de façon discriminatoire ne constituaient pas des questions qu’elle devait trancher. Même si la division générale a bel et bien renvoyé aux Normes d’emploi et au Tribunal des droits de la personne, il s’agissait seulement de suggestions d’autres pistes possibles pour le prestataire. Elles n’étaient pas essentielles à la décision.

[23] La seule question que la division générale devait trancher était celle de savoir si le prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations au titre de l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’AE. On ne peut pas soutenir que la division générale aurait dû exercer sa compétence par rapport à la préoccupation du prestataire selon laquelle son employeur avait agi de façon discriminatoire en n’appuyant pas sa demande de renouvellement de sa situation relative à l’emploi en temps opportun.

[24] On ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de compétence prévue à l’article 58(1)(a) de la Loi sur le MEDS lorsqu’elle n’a pas examiné la question de savoir si la Commission avait exercé adéquatement son pouvoir discrétionnaire au titre de l’article 50(10) de la Loi sur l’AE et lorsqu’elle a refusé d’aborder la préoccupation du prestataire selon laquelle son employeur avait agi de façon discriminatoire à son égard.

Question en litige no 2 : Erreur de droit

[25] Pour compléter sa demande de permission d’en appeler, le prestataire a également déclaré que la division générale a commis une erreur de droit. Il n’a pas clairement précisé la nature de cette erreur, mais je fais remarquer qu’il a soutenu que le fait qu’il n’avait pas un permis de travail valide ne peut pas être considéré comme une exigence [traduction] « personnelle » qui limiterait de façon indue ses chances de retourner sur le marché du travailNote de bas de page 10 supposément pour déterminer l’applicabilité de l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’AE à ses circonstances.

[26] La membre de la division générale a correctement noté le critère fondamental relatif à la disponibilité prévue à l’article 18(1), qui a été souligné par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Faucher c Procureur général du CanadaNote de bas de page 11. Le critère prévoit l’analyse des trois facteurs suivants :

  • le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable est offert;
  • l’expression de ce désir par des efforts pour trouver un emploi convenable;
  • l’absence de conditions personnelles pouvant limiter indument les chances de retour sur le marché du travail.

[27] Après avoir renvoyé aux trois critèresNote de bas de page 12, la division générale a conclu que l’absence de permis de travail chez le prestataire a limité indument ses chances de retourner sur le marché du travailNote de bas de page 13 et elle a conclu à ce motif que le prestataire n’était pas disponible pour travailler au titre de l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’AE.

[28] L’application de l’article 18(1)(a) n’est pas discrétionnaire, mais prescriptive. Cela signifie que la Commission et la division générale doivent l’appliquer. Si le prestataire n’était pas capable de travailler ni disponible à cette fin, il est inadmissible aux prestations.

[29] À mon avis, la division générale a bien tenu compte de l’exigence prévue à l’article 18(1)(a) selon laquelle la partie prestataire doit être « capable de travailler et disponible à cette fin » et elle a bien énoncé et appliqué le critère décrit dans l’arrêt Faucher. Je ne peux pas soutenir que la division générale a commis une erreur de droit.

[30] Je reconnais que le prestataire n’est pas d’accord avec le fait que l’absence de permis de travail valide doit être catégorisée comme une condition ou une [traduction] « circonstance personnelle ». Toutefois, la question de savoir si une circonstance particulière peut être considérée comme une [traduction] « condition personnelle » au sens de la Loi sur l’AE et selon l’interprétation faite dans l’arrêt Faucher est une question mixte de fait et de droit. La Cour d’appel fédérale a récemment confirmé que la division d’appel n’a pas compétence pour intervenir dans une question mixte de fait et de droitNote de bas de page 14.

[31] La division d’appel est liée par la Cour d’appel fédérale et elle ne peut donc pas examiner des erreurs mixtes de fait et de droit. Par conséquent, on ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de droit prévue à l’article 58(1)(b) de la Loi sur le MEDS en considérant l’absence de permis de travail chez le prestataire comme une condition personnelle qui limitait indument le prestataire dans ses perspectives d’emploi.

Question en litige no 3 : Examen des circonstances entourant l’expiration de l’autorisation de travail du prestataire

[32] Le prestataire convient qu’il n’était pas disponible pour travailler en raison de la perte de son autorisation de travail, mais il demande que les circonstances ayant mené à la perte de sa situation soient prises en considération. Dans cette demande, il y a une allégation implicite selon laquelle la division générale a ignoré ou mal interprété ses circonstances.

[33] La division générale a souligné son interprétation du fait que le prestataire a présenté une demande de prolongation de son permis de travail avant l’expirationNote de bas de page 15, et l’explication du prestataire selon laquelle son employeur n’avait pas coopéré dans le cadre du processus de la demande de renouvellement en fournissant les renseignements nécessaires relatifs à l’emploiNote de bas de page 16. Toutefois, la division générale n’a pas accepté la justification du prestataire quant au fait que la perte de son permis de travail a modifié le fait essentiel selon lequel il n’était pas disponible pour travailler, comme il est prévu à l’article 18(1)(a) et comme le prestataire lui-même l’a reconnuNote de bas de page 17.

[34] La Cour d’appel fédérale a conclu ce qui suit dans l’arrêt Vezina c Canada (Procureur général)Note de bas de page 18 :

La question de la disponibilité est une question objective, il s’agit de savoir si un prestataire est suffisamment disponible en vue d’un emploi convenable : pour avoir droit aux prestations [d’assurance-emploi]. Elle ne peut pas être subordonnée aux raisons particulières, quelque compassion qu’elles puissent susciter, pour lesquelles un prestataire impose des restrictions à sa disponibilité. Car, si le contraire était vrai, la disponibilité serait une exigence très variable, tributaire qu’elle serait des raisons particulières qu’invoque l’intéressé pour expliquer son manque relatif de disponibilité.

[35] Le prestataire n’a pas cerné un élément de preuve que la division générale a ignoré ou mal interprété. Il est simplement en désaccord avec la conclusion de la division générale selon laquelle il était inadmissible en raison de sa non-disponibilité, et ce, malgré les circonstances malheureuses entourant la perte de son permis de travail. Mon rôle ne consiste pas à apprécier de nouveau la preuve ou à soupeser de nouveau les facteurs pris en considération par la division générale pour conclure que le prestataire n’était pas disponible pour travaillerNote de bas de page 19.

[36] Je n’estime pas que le prestataire a présenté une cause défendable selon laquelle la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte de la preuve portée à sa connaissance au titre de l’article 58(1)(c) de la Loi sur le MEDS.

[37] L’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[38] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

 

Représentant :

A. S., non représenté

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.