Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] À la base, l’espèce porte sur la question de savoir si l’appelant, I. I. (prestataire), un conducteur, aurait dû pouvoir convertir sa demande de prestations de maladie de l’assurance-emploi en prestations ordinaires après le 30 novembre 2015. Le prestataire soutient que son médecin de famille l’avait déclaré apte à travailler à compter du 30 novembre 2015, et un neurologue l’avait autorisé à conduire à partir du 30 novembre 2015. La division générale a rejeté les assertions du prestataire voulant qu’il avait été capable de travailler après le 30 novembre 2015 comme son médecin de famille avait d’abord affirmé qu’il serait incapable de travailler du 31 juillet 2015 au 11 février 2016.

[3] Le prestataire interjette appel de la décision de la division générale sous prétexte que celle-ci a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qu’elle a tirée sans égard pour sa situation médicale ou l’opinion du neurologue. Il prétend notamment que ses problèmes de santé affectaient sa capacité à communiquer avec la Commission et son médecin, et que la division générale aurait dû le reconnaître. Je dois décider si la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qu’elle aurait tirée sans tenir compte de la preuve médicale.

[4] Je rejette cet appel puisque, même si j’ai conclu que la division générale a négligé de traiter de l’un des dossiers médicaux, la preuve dans son ensemble ne permettait pas de démontrer que le prestataire était disponible pour travailler après le 30 novembre 2015.

Questions en litige

[5] Je dois trancher les deux questions suivantes :

  1. La division générale a-t-elle fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées sans tenir compte du fait que les problèmes de santé du prestataire affectaient sa capacité à communiquer avec la Commission et son médecin?
  2. La division générale a-t-elle fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées sans tenir compte de l’opinion formulée par un neurologue?

Analyse

[6] Aux termes de l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées sans tenir compte du fait que les problèmes de santé du prestataire affectaient sa capacité à communiquer avec la Commission et son médecin?

[7] Le prestataire soutient que la division générale a erré au titre de l’article 58(1)(c) de la Loi sur le MEDS parce qu’elle n’a pas tenu compte de la preuve concernant sa situation médicale. Il affirme que ses problèmes de santé le rendaient confus et nuisaient à sa capacité de prendre des décisions et de communiquer efficacement. L’agent de Service Canada l’avait donc mal compris et lui avait demandé d’[traduction] « identifier les maladies dans ses rapportsNote de bas de page 1 », alors qu’il l’avait aussi assuré que cela n’aurait aucune incidence sur sa demande de prestations ordinaires. Le prestataire insiste sur le fait qu’il avait toujours eu l’intention de demander des prestations ordinaires, mais qu’il n’avait pas pu clairement faire savoir à l’agent, en raison de son état de santé, qu’il était encore capable de travailler et qu’il [traduction] « cherchait toujours très activement un emploi quelconque », en dépit de ses restrictions pour conduireNote de bas de page 2.

[8] Le prestataire soutient que ses problèmes de santé ont aussi causé des malentendus avec son médecin de famille, et que celui-ci avait donc fourni une note médicale traitant de sa capacité à détenir son emploi habituel, et non de sa capacité à détenir une occupation quelconque. Le prestataire fait valoir que la division générale aurait dû tenir compte de son état de santé. 

[9] La division générale s’est fondée sur les éléments de preuve et les arguments portés à sa connaissance. Le prestataire a soutenu que son état de santé était tel qu’il lui était impossible de communiquer efficacement avec son médecin de famille ou Service Canada. Cependant, la division générale ne disposait d’aucune preuve documentaire étayant le fait que le prestataire ne pouvait pas communiquer efficacement avec la Commission ou son propre médecin en raison de son état mental. D’autres documents médicaux confirmaient qu’il avait souffert de crises d’épilepsie dues à un sevrage alcoolique, mais ces documents ne décrivaient pas d’autres symptômes liés à l’alcool. Les dossiers médicaux dont disposait la division générale ne faisaient pas état de confusion chez le prestataire et ne révélaient pas qu’il aurait été incapable de prendre ses propres décisions, de communiquer avec autrui, ou d’agir en son propre nom dans une quelconque mesure. La division générale n’a pas négligé de considérer cette preuve comme elle n’en disposait tout simplement pas. En somme, je conclus que la division générale n’a pas fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qu’elle aurait tirée sans tenir compte de l’état de santé du prestataire.

[10] La division générale a tout de même considéré les arguments du prestataire voulant qu’il n’avait jamais eu l’intention que sa demande soit convertie en demande de prestations de maladie, qu’il avait cherché un emploi pendant toute la période en cause, et que les notes de son médecin de famille négligeaient de mentionner qu’il pouvait travailler, moyennant certaines restrictions. La division générale a cependant rejeté ces arguments qu’elle a jugés incohérents par rapport à la preuve déjà présentée. Elle était libre de tirer cette conclusion sur le fondement des éléments de preuve portés à sa connaissance. 

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées sans tenir compte de l’opinion formulée par un neurologue?

[11] Le prestataire affirme que, même si son médecin de famille avait préparé en février 2016 une note médicale qui le déclarait inapte à conduire en raison de crises épileptiques, un neurologue l’avait déjà déclaré apte à conduire en novembre 2015 et il lui était donc possible, dans les faits, de reprendre le travail en date du 30 novembre 2015. Le prestataire soutient que la division générale aurait dû tenir compte de l’opinion du neurologue concernant son aptitude à conduire parce qu'elle aidait à démontrer qu’il était disponible pour travailler. Le prestataire a d’ailleurs invoqué cet argument dans le cadre de l’instance auprès de la division généraleNote de bas de page 3.

[12] Selon le prestataire, si la division générale avait tenu compte du rapport du neurologue, elle aurait conclu qu’il était capable de travailler en date du 30 novembre 2015, et aurait ainsi décidé qu’il pouvait convertir sa demande en prestations ordinaires à compter de cette date.

[13] La division générale n’a ni mentionné ni examiné le rapport du neurologue. Elle a plutôt considéré les notes du médecin de famille. Celui-ci avait préparé des notes le 27 novembre 2015 (modifiées le 3 février 2016), le 18 avril 2016 et le 14 novembre 2017 :

  • La note de novembre 2015Note de bas de page 4 expliquait simplement que le prestataire était incapable de travailler pour une durée indéterminée à compter du 31 juillet 2015;
  • La note modifiée en date du 3 février 2016Note de bas de page 5 expliquait que le prestataire avait été incapable de travailler pour une période indéterminée depuis le 31 juillet 2015. Il avait été incapable de travailler [travailler] « puisque son permis de conduire avait été révoqué à la suite d’une crise d’épilepsie);
  • La note d’avril 2016Note de bas de page 6 expliquait que le prestataire avait été incapable de travailler du 31 juillet 2015 au 11 février 2016, et qu’il pouvait reprendre le travail le 11 février 2016;
  • La note de novembre 2017Note de bas de page 7 spécifie que le prestataire était capable de reprendre le travail à compter du 30 novembre 2015, même si le médecin n’expliquait pas comment il était arrivé à ce constat.

[14] La division générale a accordé peu de valeur à l’opinion formulée en novembre 2017 étant donné que le médecin n’avait pas expliqué pourquoi il avait changé d’avis et croyait désormais que le prestataire avait été capable de recommencer à travailler à partir du 30 novembre 2015. Rien n’étayait la nouvelle opinion du médecin.

[15] Le rapport du neurologue aurait pu être déterminant pour appuyer la note de novembre 2017 du médecin de famille. En plus de représenter l’un des seuls documents préparés aux environs de novembre 2015, ce rapport traitait notamment de l’état fonctionnel du prestataire. La division générale aurait donc dû considérer le rapport du neurologue. Je juge qu’en négligeant de le considérer, la division générale a commis l’erreur décrite à l’article 58(1)(c) de la Loi sur le MEDS en fondant sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Décision

[16] En vertu de l’article 59(1) de la Loi sur le MEDS, la division d’appel peut rejeter l’appel, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen conformément aux directives qu’elle juge indiquées, ou confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision de la division générale.

[17] Dans son appel à la division générale, le prestataire a soutenu que le rapport d’examen médical du neurologue, considéré conjointement au reste de la preuve médicale, démontrait qu’il avait été capable de réintégrer le marché du travail le 30 novembre 2015Note de bas de page 8. Dans le rapport, le neurologue a recommandé un permis de conduire de classe 5Note de bas de page 9. Le rapport d’examen médical est le seul dossier médical ayant été préparé le 30 novembre 2015. Sinon, le neurologue n’a pas traité de la capacité de travail du prestataire.

[18] La Commission soutient que le rapport d’examen du neurologue n’est pas déterminant puisqu’il ne démontre pas que le prestataire était capable de recommencer à travailler en date du 30 novembre 2015. Selon la Commission, ce rapport traite tout au plus de l’aptitude du prestataire à conduire un véhicule motorisé. Elle affirme que la division générale n’avait pas besoin de mentionner ni de considérer le rapport du neurologue comme il n’avait aucune incidence sur l’issue de l’instance, qu’on le considère indépendamment ou conjointement aux autres opinions médicales.

[19] La note de février 2016 est la seule opinion médicale expliquant pourquoi le prestataire avait été incapable de travailler. L’explication du médecin de famille voulait que le prestataire n’avait plus de permis de conduire après avoir été victime d’une crise d’épilepsie.

[20] La preuve médicale révèle que le prestataire avait des antécédents de crises d’épilepsie dues à un sevrage alcoolique. En date du 30 novembre 2015, le neurologue du prestataire avait recommandé un permis de classe 5 sans restriction liée à la conduite. Si le fait de conduire représentait le seul obstacle à son retour au travail, on pourrait soutenir que le prestataire aurait alors été disponible pour travailler, dans la mesure où son permis de conduire avait été rétabli, bien entendu.

[21] Même s’il est possible que le prestataire ait de nouveau été en mesure de conduire, il se peut que d’autres problèmes de santé – comme la confusion neurologique, le délire, le degré de lucidité et les anxiétés émotionnelles extrêmes auxquels il a fait référence dans son avis d’appelNote de bas de page 10, affectaient aussi sa capacité à travailler et son aptitude à reprendre le travail après novembre 2015. Autrement dit, la preuve dont disposait la division générale ne permettait simplement pas de démontrer que le prestataire était capable de travailler et disponible à cet effet du 30 novembre 2015 à février 2016.

[22] Le prestataire affirme que seules ses crises d’épilepsie l’avaient empêché de conduire et de reprendre le travail. J’aurais pu être prête à accepter cet argument, compte tenu de la preuve médicale dont disposait la division générale. Par contre, le prestataire affirme qu’il n’avait pas été autorisé à conduire pendant six mois, et ce à compter du 17 août 2015. Je remarque qu’il y a des éléments de preuve contradictoires à cet égard. Le prestataire a témoigné devant la division générale qui lui avait été interdit de conduire jusqu’aux environs de la mi-janvier 2016Note de bas de page 11. De toute façon, même si le neurologue a pu recommander qu’il était capable de conduire en date du 30 novembre 2015, il demeurait interdit au prestataire de conduire sur le plan légal jusqu’à la mi-janvier 2016 ou février 2016 et, pour cette raison, il n’était pas disponible pour travailler. Il a reconnu qu’il se fiait au fait de pouvoir conduire pour travailler.

[23] Même si la division générale aurait dû traiter du rapport du neurologue, je juge que cette erreur n’est pas fatale pour sa décision, compte tenu de la preuve portée à sa connaissance. Si le rapport du neurologue révélait que le prestataire était apte à conduire d’un point de vue neurologique et médical, il ne précisait aucunement s’il était dorénavant autorisé à conduire de nouveau, ou si d’autres problèmes médicaux affectant sa capacité à conduire étaient présents. Par-dessus tout, même si le prestataire était disponible pour travailler, la preuve de ses efforts pour trouver un emploi était mince, voire inexistante.

Conclusion

[24] Pour les motifs que je viens d’exposer, l’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparutions :

Le 6 décembre 2018

Téléconférence

I. I., appelant

Carol Robillard, représentante de l’intimée

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