Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli et l’affaire doit être renvoyée à la division générale pour un nouvel examen.

Aperçu

[2] Cette cause repose fondamentalement sur la question de savoir si l’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, pouvait s’appuyer sur des communications verbales pour communiquer sa décision découlant de la révision à l’appelante, M. V. (prestataire), ou si elle était tenue de donner un avis écrit. La production d’un avis peut établir si la prestataire a déposé son avis d’appel dans un délai d’un an.

[3] La prestataire a reçu des prestations de maladie de l’assurance-emploi, mais la Commission a déterminé qu’elle avait touché des sommes versées en trop. La Commission a maintenu sa décision après révision, mais elle a réduit le montant du trop-payé. La Commission a communiqué sa décision verbalement à la prestataire et lui a envoyé une lettre datée du 28 juin 2017, dans laquelle elle a confirmé sa décision découlant de la révision, ainsi que les droits de recours dont la prestataire disposait auprès du Tribunal de la sécurité socialeNote de bas de page 1.

[4] La prestataire a interjeté appel de la décision découlant de la révision auprès de la division générale en déposant un avis d’appel au Tribunal de la sécurité sociale le 3 juillet 2018Note de bas de page 2. La division générale a conclu que la Commission avait communiqué verbalement sa décision découlant de la révision à la prestataire le 27 juin 2017. La division générale a conclu que la prestataire avait déposé son appel le 3 juillet 2018, soit avec plus d’un an de retard, et qu’elle n’avait donc pas le pouvoir discrétionnaire de proroger le délai prévu pour le dépôt de l’avis d’appel. Elle a établi qu’elle n’avait aucun pouvoir discrétionnaire parce que la prestataire a déposé son appel plus d’un an après la date à laquelle la Commission avait communiqué la décision découlant de la révision.

[5] La prestataire fait appel de la décision rendue par la division générale. La Commission soutient que la preuve portée à la connaissance de la division générale n’est pas concluante en ce qui concerne la date à laquelle la Commission a communiqué la décision découlant de la révision, ainsi que les droits de recours de la prestataire. La Commission soutient que la division générale a donc erré en droit et a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. La Commission demande que la division d’appel renvoie l’affaire à la division générale aux fins de réexamen sur la question de savoir si la prestataire a déposé son appel dans un délai d’un an après que la Commission avait communiqué sa décision découlant de la révision à la prestataire.

[6] J’accueille l’appel et je suis d’accord avec la demande de la Commission de renvoyer l’affaire à la division générale, mais cela pour des raisons différentes.

Question en litige

[7] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu’elle a déterminé que la Commission pouvait communiquer verbalement sa décision découlant de la révision à la prestataire?

Analyse

[8] Aux termes de l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] La Commission soutient que la division générale a commis une erreur au titre des articles 58(1)(b) et 58(1)(c) de la Loi sur le MEDS lorsqu’elle a déterminé que la prestataire avait déposé un avis d’appel plus d’un an après que la Commission lui avait communiqué sa décision découlant de la révision.

La division générale a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu’elle a déterminé que la Commission pouvait communiquer verbalement sa décision découlant de la révision à la prestataire?

[10] Dans le cas d’une décision rendue au titre de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE), une partie prestataire doit déposer un appel auprès de la division générale dans les 30 jours suivant la date à laquelle la décision est communiquée à la partie prestataire. Selon l’article 52 de la Loi sur le MEDS, la division générale peut proroger le délai pour présenter un appel ou interjeter appel, mais en aucun cas une partie prestataire ne peut interjeter appel plus d’un an suivant la date à laquelle la Commission a communiqué sa décision découlant de la révision. Un appel ne peut pas être instruit si une partie prestataire le dépose après le délai prévu d’un anNote de bas de page 3.

[11] Pour cette raison, la Commission affirme que la date à laquelle elle a communiqué sa décision découlant de la révision à la prestataire est essentielle pour tirer une conclusion sur la question de savoir si l’appel avait été déposé après le délai prévu par la loi au titre de l’article 52(2) de la Loi sur le MEDS.

[12] La Commission fait valoir que la division générale a commis une erreur en omettant de vérifier la date à laquelle la prestataire a reçu la décision découlant de la révision, même si la Commission lui avait communiqué verbalement sa décision. La Commission soutient en outre que, sans vérifier la date à laquelle la Commission avait communiqué sa décision découlant de la révision, la division générale ne pouvait possiblement pas déterminer adéquatement si la prestataire a respecté le délai prescrit lorsqu’elle a déposé son appel auprès du Tribunal.

[13] La Commission affirme avoir communiqué à la prestataire sa décision découlant de la révision verbalement et par écrit. La Commission fait valoir que l’article 53 de la Loi sur l’AE s’applique. Cet article permet à la Commission d’aviser une personne de toute décision « de la manière qu’elle juge indiquée ». La Commission s’appuie sur cette disposition et fait valoir que les communications verbales peuvent constituer une communication pour les besoins de la communication des décisions découlant de la révision. Elle rejette toute suggestion selon laquelle il est obligatoire de communiquer les décisions par écrit (mais elle le fait en pratique). La Commission soutient que la preuve portée à la connaissance de la division générale n’est cependant pas concluante en ce qui a trait à la date à laquelle elle aurait communiqué verbalement sa décision découlant de la révision ainsi que l’information concernant les droits de recours à la prestataire.

[14] Nonobstant ces observations, je ne suis pas d’avis que l’article 53 de la Loi sur l’AE s’applique. Cet article s’applique lorsque la Commission est tenue d’aviser une personne d’une décision « en application de la présente partie » de la Loi sur l’AE. La Partie 1 de la Loi sur l’AE traite des prestations de chômage. L’article 52(1) est compris dans la Partie 1 et traite du nouvel examen d’une demande. Le libellé de l’article est le suivant : « Malgré l’article 111 mais sous réserve du paragraphe (5), la Commission peut, dans les trente-six mois qui suivent le moment où des prestations ont été payées ou sont devenues payables, examiner de nouveau toute demande au sujet de ces prestations ».

[15] L’article 52 n’oblige pas la Commission à aviser une personne d’une décision. Au plus, il permet à la Commission de réexaminer une demande de prestations. L’article 112, d’autre part, qui fait partie de la Partie VI – Dispositions administratives, oblige la Commission à examiner de nouveau sa décision si une partie prestataire présente une demande au titre de l’article 112(1). L’article 112 est ainsi libellé :

(1) Quiconque fait l’objet d’une décision de la Commission, de même que tout employeur d’un prestataire faisant l’objet d’une telle décision, peut, dans les trente jours suivant la date où il en reçoit communication, ou dans le délai supplémentaire que la Commission peut accorder, et selon les modalités prévues par règlement, demander à la Commission de réviser sa décision.

(2) La Commission est tenue d’examiner de nouveau sa décision si une telle demande lui est présentée.

[16] Étant donné que l’article 53 ne s’applique pas aux circonstances factuelles en l’espèce, la Commission ne peut pas compter sur les communications verbales pour aviser la prestataire de sa décision découlant de la révision. En fait, la Loi sur l’AE ne stipule ni ne prévoit explicitement la communication verbale de ses décisions découlant d’une révision ni toute autre manière de communication que la Commission pourrait considérer comme adéquate.

[17] J’estime que la décision découlant de la révision de la Commission appuie cette interprétation, car elle écrit : [traduction] « Vous avez 30 jours, à la suite de la réception de cet avis, pour déposer un appel à l’aide du formulaire fourni par le Tribunal ». Manifestement, la Commission a envisagé le fait que, bien qu’elle avait informé verbalement la prestataire de sa décision le 27 juin 2017, un avis écrit était tout de même exigé. Autrement dit, la prestataire bénéficierait d’un délai de 30 jours après la réception de la lettre de révision datée du 28 juin 2017 pour déposer un appel. Autrement, si la Commission avait l’intention de s’appuyer sur les communications verbales et de soumettre la prestataire à une période d’appel de 30 jours à compter du 27 juin 2017, elle aurait certainement énoncé cela précisément dans sa lettre.

[18] Si j’acceptais les arguments de la Commission selon lesquels elle pouvait s’appuyer sur l’article 53 de la Loi sur l’AE et permettre la communication verbale de sa décision découlant de la révision, cela ne concorderait pas avec la lettre de révision de la Commission du 28 juin 2017.

[19] J’estime que la division générale a commis une erreur de droit en établissant que la Commission pouvait communiquer verbalement sa décision découlant de la révision à la prestataire.

Décision

[20] Au titre de l’article 59(1) de la Loi sur le MEDS, la division d’appel peut rejeter l’appel, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen conformément aux directives qu’elle juge indiquées, ou confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision de la division générale.

[21] La prestataire a précisé sur l’avis d’appel qu’elle a déposé auprès de la division générale qu’elle ne pouvait pas se souvenir de la date à laquelle elle a reçu la lettre de révision datée du 28 juin 2017. Il est approprié de renvoyer l’affaire à la division générale pour un réexamen, car il est impératif que la division générale clarifie la date à laquelle la Commission aurait pu communiquer sa lettre de révision datée du 28 juin 2017 à la prestataire avant qu’elle puisse déterminer si la prestataire a déposé son avis d’appel dans un délai d’un an. Aux fins de clarification, il ne suffit pas de laisser entendre que l’appel semble avoir été présenté en retard et de [traduction] « vouloir entendre la position [de la prestataire] à ce sujetNote de bas de page 4 ».

[22] De plus, la division générale n’a pas abordé le fond de l’appel de la prestataire, c’est‑à‑dire, la question de savoir si les paiements d’invalidité à long terme de la prestataire constituaient une rémunération et, dans l’affirmative, quel devrait être leur mode de répartition. Je n’ai donc pas la compétence d’aborder ces questions.

Conclusion

[23] L’appel est accueilli et l’affaire doit être renvoyée à la division générale pour un nouvel examen.

Mode d’instruction :

Observations :

Sur la foi du dossier

M. V., appelante
Isabelle Thiffault, représentante de l’intimée

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