Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli.

Aperçu

[2] L’appelant, J. J. (prestataire), a quitté son emploi le 8 décembre 2015. Par la suite, il a appris qu’il pourrait être admissible à recevoir des prestations d’assurance-emploi parce qu’il avait quitté son emploi pour s’occuper de ses parents malades. Le 21 décembre 2017, il a soumis une demande de prestations à l’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada. En même temps, il a soumis une demande pour que sa demande soit antidatée au 8 décembre 2015.

[3] La Commission a rejeté la demande du prestataire parce qu’il n’avait pas d’heures d’emploi assurable pour la période de référence avant sa demande. Elle a aussi refusé sa demande pour antidater la demande du prestataire parce qu’elle a déterminé que celui‑ci n’avait pas une bonne raison d’avoir attendu de soumettre sa demande. Le prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision de refuser l’antidatation, mais la Commission a maintenu sa décision initiale.

[4] Le prestataire a ensuite interjeté appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Le Tribunal de la sécurité sociale a rejeté sa demande de façon sommaire, et le prestataire interjette maintenant appel à la division d’appel.

[5] L’appel du prestataire est accueilli. La division générale a omis de prendre en considération tous les éléments de preuve devant elle liés aux circonstances exceptionnelles, ou la possibilité d’éléments de preuve supplémentaires lorsqu’elle a conclu que l’appel du prestataire n’avait aucune chance raisonnable de succès.

Questions en litige

[6] La division générale a-t-elle conclu qu’il n’y avait aucunes [traduction] « circonstances exceptionnellesNote de bas de page 1 » sans égard à la preuve du prestataire concernant le caractère limité de l’appui aux soins à domicile qu’il a reçu?

[7] La division générale a-t-elle commis une erreur en droit en omettant de prendre en considération la possibilité que le prestataire puisse présenter une preuve de circonstances exceptionnelles?

Analyse

[8] La division d’appel peut intervenir dans une décision de la division générale seulement si elle peut conclure que celle-ci a commis un des types d’erreurs décrites par les « moyens d’appel » à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS).

[9] Afin accueillir cette demande de permission d’en  appeler et de permettre au processus d’appel d’aller de l’avant, je dois d’abord établir que l’appel a une chance raisonnable de succès sur un ou plusieurs moyens d’appel. Une chance raisonnable de succès a été assimilée à une cause défendableNote de bas de page 2.

[10] Les moyens d’appel à l’article 58(1) sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle conclu qu’il n’existait aucunes circonstances exceptionnelles sans égard à la preuve du prestataire concernant le caractère limité de l’appui aux soins à domicile qu’il a reçus?

[11] À l’article 10(4) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE), les exigences pour antidater une demande sont décrites. Il y est précisé ce qui suit : « Lorsque le prestataire présente une demande initiale de prestations après le premier jour où il remplissait les conditions requises pour la présenter, la demande doit être considérée comme ayant été présentée à une date antérieure si le prestataire démontre qu’à cette date antérieure il remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations et qu’il avait, durant toute la période écoulée entre cette date antérieure et la date à laquelle il présente sa demande, un motif valable justifiant son retard » [mis en évidence par le soussigné].

[12] Par conséquent, la division générale avait raison de croire que la Commission ne pouvait pas antidater la demande à moins que le prestataire puisse établir un motif valable de le faireNote de bas de page 3. La division générale a aussi relevé à juste titre que les tribunaux ont clairement établi que l’ignorance de la loi, même de bonne foi, ne suffit pas pour établir un motif valableNote de bas de page 4 et qu’une partie prestataire doit démontrer qu’il « a agi comme une personne raisonnable dans sa situation l’aurait fait pour s’enquérir de ses droits et de ses obligations selon la LoiNote de bas de page 5 ». Enfin, comme l’a affirmé la division générale, lorsqu’une partie prestataire n’agit pas comme une personne raisonnable et prudente, il faut aussi prendre en considération toutes circonstances exceptionnellesNote de bas de page 6.

[13] Les faits liés à la durée du retard et la raison du retard semblent avoir été représentés avec justesse par la division générale et ils ne sont pas contestés. La division générale a appliqué des principes de droit établis à ces faits pour conclure que le prestataire n’a pas agi comme une personne raisonnable et prudente dans sa situation l’aurait fait. Ainsi, il n’existe aucun élément me permettant d’affirmer que cette conclusion est fautive.

[14] Toutefois, l’appel du prestataire semble concerner la conclusion implicite de la division générale selon laquelle il n’y avait aucunes circonstances exceptionnelles dans cette affaire qui empêcheraient le prestataire d’agir comme une personne raisonnable et prudente. Dans ses observations à la division générale, le prestataire a affirmé qu’il n’avait pas eu d’appui aux soins à domicile pendant trois jours complets par semaine, mais seulement pendant une heure par jour, trois jours par semaine. Il répète cet argument dans son appel du rejet sommaire de la division générale.

[15] Bien que la division générale n’ait pas conclu explicitement qu’il n’y avait pas de circonstances exceptionnelles dans le cas du prestataire, elle a tout de même affirmé que si le prestataire avait obtenu de l’appui aux soins à domicile trois jours complets par semaine, cela lui aurait permis d’exercer ses droits et de remplir ses obligations. Cette compréhension des soins à domicile du prestataire est fondée sur les notes d’une conversation entre un agent de la Commission et le prestataireNote de bas de page 7.

[16] La division générale a reconnu que les observations d’appel du prestataire établissent que son appui aux soins à domicile était en fait limité à seulement une heure par jour, trois jours par semaine. Toutefois, la division générale semble s’être fiée uniquement à la déclaration précédente du prestataire à la Commission pour conclure que le prestataire avait trois jours complets par semaine d’appui aux soins à domicile, et lorsqu’elle a apparemment déterminé que les soins que le prestataire a offert à ses parents ne constituaient pas une circonstance exceptionnelle. Elle a conclu que [traduction] « [les trois jours complets par semaine] auraient donné au prestataire l’occasion de déterminer quelles autres options s’offraient à lui et comment en faire la demande ».

[17] Je note que la division générale n’a fait aucune tentative de concilier la déclaration du prestataire à la Commission concernant l’étendue de l’appui aux soins à domicile avec sa preuve à l’appui de l’appel. En examinant les motifs de la division générale, il est difficile de savoir si celle-ci a intentionnellement accordé une préférence à la preuve de la déclaration précédente du prestataire à la Commission et, si c’est le cas, pourquoi elle l’a fait. Par conséquent, malgré le fait que la division générale a fait référence à la clarification apportée par le prestataire au niveau d’appui aux soins à domicile qu’il a reçu, je ne suis pas convaincu que la division générale a bien pris en considération et analysé sa preuve.

[18] Ainsi, j’estime que la division générale a commis une erreur au titre de l’article 58(1)(c) de la Loi sur le MEDS en fondant sa décision voulant que l’appel n’ait aucune chance raisonnable de succès sur une conclusion selon laquelle elle ne disposait d’aucunes circonstances exceptionnelles, sans tenir compte de l’ensemble de la preuve.

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant de considérer la possibilité que le prestataire puisse présenter une preuve de circonstances exceptionnelles?

[19] Le prestataire n’a pas présenté son appel comme un appel fondé sur une « erreur en droit ». Néanmoins, je note que les appels à la division générale devraient seulement être rejetés de façon sommaire s’il est [traduction] « clair et évident que l’appel n’a pas de chance de succès, peu importe la preuve qui pourrait être présentée à l’audience », comme la division générale l’a reconnuNote de bas de page 8.

[20] Toutefois, la division générale ne semble pas avoir appliqué ce critère. L’existence de « circonstances exceptionnelles » est une conclusion factuelle à laquelle il serait possible d’arriver en se fondant sur un large éventail de facteurs inconnus qui pourraient être présentés à une audience complète relative à l’affaire. La division générale n’a pas considéré la possibilité qu’il aurait pu y avoir d’autres facteurs que le niveau d’appui aux soins à domicile que le prestataire a reçu, qui auraient pu permettre de considérer les soins fournis à ses parents comme étant une circonstance exceptionnelle. En outre, la division générale n’aborde pas la possibilité qu’il pourrait exister des circonstances, autres que la préoccupation possible du prestataire avec le soin d’un de ses parents ou de ses deux parents, qui pourraient être estimés individuellement ou collectivement comme étant exceptionnels.

[21] Lorsque la division générale a déterminé que l’appel n’avait aucune chance de succès, elle a seulement pris en considération la preuve à sa disposition et elle n’a pas évalué s’il était possible que le prestataire présente d’autres faits relatifs à ces circonstances exceptionnelles. Je conclus donc que la division générale a commis une erreur de droit au titre de l’article 58(1)(a) en n’appliquant pas correctement le critère relatif au rejet sommaire.

Conclusion

[22] L’appel est accueilli. L’affaire est renvoyée à la division générale aux fins de réexamen conformément à l’article 59 de la Loi sur le MEDS.

[23] La division générale est sommée de tenir une audience orale dans toute la mesure possible.

Mode d’instruction :

Observations :

Sur la foi du dossier

J. J., appelant

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