Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Aperçu

[2] Le demandeur, R. B. (prestataire), a travaillé comme agent de sécurité pour de différents employeurs pendant la majeure partie de 2016 et en 2017. Son dernier emploi a pris fin en raison d’un manque de travail. Le prestataire a présenté une demande de prestations ordinaires d’assurance-emploi. La défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission), a accueilli sa demande de prestations. Cependant, après révision, elle a ultimement conclu que le prestataire était admissible à des prestations inférieures à celles qu’elle avait initialement calculées, les établissant désormais à 258 $ par semaine pendant 21 semaines, ce qui a donné lieu à un trop-payé. Le prestataire a fait appel de cette décision de révision à la division générale. Le membre de la division générale a rejeté son appel après avoir conclu que la Commission avait correctement calculé le taux de ses prestations hebdomadaires, le nombre de semaines de prestations, ainsi que le montant du trop-payé.

[3] Le prestataire demande maintenant la permission d’appeler de la décision de la division générale au motif que celle-ci a commis une erreur de droit et fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qu’elle aurait tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Il me faut déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès. Autrement dit, je dois décider si la cause est défendable. Je rejette cependant la demande comme l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Questions en litige

[4] Les questions en litige sont les suivantes :

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en tenant le prestataire responsable du trop-payé?

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit parce qu’elle n’a pas déduit du trop-payé toute aide financière provinciale ayant été touchée par le prestataire?

Question en litige no 3 : La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée parce qu’elle n’a pas tenu compte de certains éléments de preuve?

Analyse

[5] Aux termes de l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[6] Avant d’accorder la permission d’en appeler, je dois avoir la certitude que les motifs de l’appel se rattachent aux moyens d’appel prévus à l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS et que l’appel a une chance raisonnable de succès. Il s’agit d’un critère relativement peu rigoureux. Un prestataire n’est donc pas tenu de prouver sa thèse; il doit simplement démontrer qu’une erreur susceptible de révision confère à son appel une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale a confirmé cette approche dans Joseph c Canada (Procureur général)Note de bas de page 1.

[7] Le prestataire soutient que la division générale a commis les erreurs prévues aux articles 58(1)(b) et (c) de la Loi sur le MEDS.

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en tenant le prestataire responsable du trop-payé?

[8] Le prestataire a écrit que [traduction] « la culpabilité juridique de la décision repose sur madame Khan [la représentante de la Commission]Note de bas de page 2 ». Dans ses observations préliminaires à la division générale, le prestataire a fait valoir qu’il ne devrait aucunement être tenu responsable d’un trop-payé qu'il n'avait pas créé. Il n’avait pas calculé le taux de ses prestations hebdomadaires ni son nombre de semaines de prestations et s’était fié à la Commission pour ces calculs. Il soutient que la Commission a commis de multiples erreurs et qu’elle a mal calculé le taux de ses prestations hebdomadaires ou son nombre de semaines de prestations, lui créditant même à un certain moment 60 % d’heures assurables de plus que ce qu’il avait réellement travaillé. Il affirme que la Commission devrait être la seule à assumer la responsabilité de ce trop-payé découlant de ses propres erreurs.

[9] Je suis d’accord que la Commission a commis de multiples erreurs, notamment en omettant de transmettre au prestataire des avis concernant ses ajustements, et que les explications qu’elle a fournies étaient difficiles à suivre. Par exemple, peu de précisions ont été données par rapport aux feuilles de calcul et à la ventilation du trop-payé. La division générale a également noté que la Commission avait admis qu’elle avait fait des erreurs administratives. La division générale a traité de ces erreurs.

[10] Après un certain temps, la Commission a recalculé le taux des prestations hebdomadaires du prestataire et son nombre de semaines de prestations d’après des renseignements qu’elle avait reçus. Comme le montrent ces documents, certains employeurs du prestataire n’avaient pas été prêts à lui fournir un relevé d’emploi ou ils lui en avaient fourni un tardivement. En effet, le prestataire avait même dû demander lui-même un relevé d’emploi à trois de ses employeursNote de bas de page 3. Il avait aussi dû réclamer à l’Agence du revenu du Canada une décision quant à son statut de travailleurNote de bas de page 4. De plus, le 15 septembre 2017, l’Agence du revenu du Canada a rendu des décisions établissant ses revenus au cours d’une certaine période, à l’égard de trois de ses lieux de travail. La Commission a elle aussi réclamé des décisions.

[11] Le 2 août 2017, la Commission a réduit le taux des prestations hebdomadaires du prestataire et le nombre de ses semaines de prestations, d’après des relevés d’emploi modifiésNote de bas de page 5. Le 20 octobre 2017, une fois rendues les décisions de l’Agence du revenu du Canada, la Commission a maintenu sa décision relative au taux de ses prestations hebdomadaires et à son nombre de semaines de prestationsNote de bas de page 6.

[12] Même si le trop-payé est imputable à la Commission comme celle-ci a modifié son calcul relatif au taux des prestations hebdomadaires et au nombre de semaines de prestations en fonction des renseignements additionnels qu’elle avait reçues, un prestataire est tenu de rembourser toute prestation à laquelle il n’était pas admissible en application de l’article 43(b) de la Loi sur l’assurance-emploi. Ainsi, la Commission n’est pas responsable d'un trop-payé causé par les nouveaux calculs qu’elle a effectués après avoir reçu des renseignements complets ou modifiés. Eu égard à l’article 43(b) de la Loi sur l’assurance-emploi, je conclus que ce motif précis ne confère à l’appel aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit parce qu’elle n’a pas déduit du trop-payé toute aide financière provinciale ayant été touchée par le prestataire?

[13] Le prestataire affirme qu’il aurait présenté une demande pour bénéficier d’une aide financière provinciale s’il avait su qu’il était seulement admissible à des prestations d’assurance-emploi fortement réduites. Il fait valoir que la division générale aurait donc dû déduire le montant de l’aide financière provinciale à laquelle il aurait pu avoir droit (qui serait d’environ 3000 $, selon ses calculs) de tout trop-payé qu’il doit rembourser à la Commission.

[14] La Loi sur l’assurance-emploi ne contient aucune disposition permettant de déduire l’aide financière provinciale qu’aurait pu toucher le prestataire dans ses circonstances. La division générale n’a donc commis aucune erreur de droit à cet égard.

Question en litige no 3 : La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée parce qu’elle n’a pas tenu compte de certains éléments de preuve?

[15] Le prestataire soutient que la division générale a fondé sa décision sur plusieurs conclusions de fait erronées sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. En effet, il affirme que la décision ne reflète pas bien le dossier de preuve pour les raisons suivantes :

  1. La décision ne reflète pas ce qui s’est passé le 2 mai 2018 durant l’audience tenue par la division générale;
  2. La décision générale a fait référence à plusieurs appels téléphoniques dont il nie l’existence;
  3. Il a une lettre indiquant [traduction] « Solde total : 19 $Note de bas de page 7 ». Il fait valoir que même son député est d’accord avec lui pour dire que cette lettre est légalement contraignante et que son trop-payé devrait donc se limiter à 19 $.

[16] Le prestataire n’explique pas pourquoi la décision de la division générale ne reflète pas ce qui a eu lieu durant l’audience du 2 mai 2018 tenue par la division générale mais, comme le membre l’a expliqué durant cette audience, la division générale était seulement habilitée à trancher les questions découlant de la décision de révision de la Commission. Le prestataire a produit une preuve substantielle, mais un décideur n’est pas tenu de rédiger des motifs de décision exhaustifs qui traitent de chacun des éléments et des faits mis en preuve. Comme l’a établi la Cour d’appel fédérale dans Simpson c Canada (Procureur général)Note de bas de page 8, un tribunal n’est pas tenu de mentionner dans ses motifs chacun des éléments de preuve qui lui ont été présentés, mais il est présumé avoir examiné l’ensemble de la preuve.

[17] Pour déterminer si la Commission avait bien calculé le taux des prestations hebdomadaires, la division générale devait établir les 20 semaines où la rémunération assurable du prestataire avait été la plus élevée au cours de sa période de référence allant du 17 janvier 2016 au 14 janvier 2017. La division générale a noté que la Commission avait inscrit la rémunération du prestataire dans une feuille de calcul, et elle l’a utilisée pour établir ses 20 semaines de rémunération assurable les plus élevéesNote de bas de page 9. Je remarque que la rémunération indiquée dans la feuille de calcul pour certaines semaines ne correspond pas aux estimations initialement fournies par le prestataire dans sa demande de prestations d’assurance-emploi. Ces chiffres s’équilibrent généralement, mais le prestataire avait sous-évalué sa rémunération pour quatre semaines et l’avait surévaluée pour deux autres semaines. Par contre, la différence nette obtenue dans la feuille de calcul était favorable au prestataire. Il est important de souligner que le prestataire ne conteste pas maintenant les conclusions de la division générale par rapport à ces 20 semaines. Pour cette raison, je juge qu’il n’est pas défendable que la division générale ait tiré une conclusion erronée relativement à sa rémunération pour ses 20 semaines de rémunération assurable les plus élevées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[18] L’un des principaux arguments que le prestataire a invoqués auprès de la division générale est que la Commission a erré en établissant certaines de ses dates d’entrée en serviceNote de bas de page 10. Par exemple, la Commission s’est fiée au relevé d’emploiNote de bas de page 11 de l’un de ses employeurs pour établir qu’il avait commencé cet emploi le 8 septembre 2016; par contre, il fait remarquer que l’Agence du revenu du Canada a statué qu’il avait travaillé à cet endroit à compter du 26 août 2016Note de bas de page 12. Dans la même veine, la Commission a établi qu’il avait commencé à travailler pour un autre employeur le 10 mai 2016Note de bas de page 13, mais l’Agence du revenu du Canada a statué que sa date d’entrée en fonction y avait plutôt été le 15 janvier 2016Note de bas de page 14. Cet employeur avait fourni deux relevés d’emploi pour deux périodes distinctes en 2016 qui, ensemble, totalisaient 428 heures assurables. Autrement dit, le prestataire soutient que la Commission et la division générale ont toutes les deux omis d’inclure une partie de sa rémunération dans leurs calculs.

[19] À moins que ces semaines ne fassent partie de ses 20 semaines de rémunération assurable les plus élevées au cours de sa période de référence, elles n’étaient pas pertinentes pour calculer le taux de ses prestations hebdomadaires. Le prestataire n’a pas affirmé que les semaines comprises entre le 15 janvier et le 10 mai 2016 ou celles comprises entre le 26 août 2016 et le 8 septembre 2016 comptaient parmi ses 20 semaines de rémunération les plus élevéesNote de bas de page 15. Le prestataire a affirmé que la semaine du 8 mai 2016 était l’une de ses semaines de rémunération les plus élevées, mais la Commission avait inclus cette semaine dans son calcul et n’avait pas fait fi de la rémunération pour cette semaine. En effet, la rémunération indiquée dans la feuille de travail pour la semaine du 8 mai 2016 correspond à la rémunération estimée par le prestataire pour cette semaine. Je juge donc qu’il n’est pas défendable que la division générale ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qu’elle aurait tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance à cet égard.

[20] Le prestataire nie qu’ont eu lieu les appels téléphoniques auxquels la division générale a fait référence dans sa décision. En fait, la division générale a fait référence aux notes contenues au dossier d’audience qui laissaient croire que ces appels avaient effectivement eu lieu. La division générale pouvait se fonder sur le dossier de preuve dont elle disposait. Néanmoins, je constate que la division générale n’a pas fondé sa décision sur le contenu de ces appels téléphoniques ni sur la question de savoir s’ils ont effectivement au lieu. Pour cette raison, il est inutile de savoir si ces appels ont réellement eu lieu. Ainsi, je juge que l’appel n’a pas une chance raisonnable de succès sous prétexte que ces appels téléphoniques n’ont jamais eu lieu.

[21] Le prestataire se fonde sur un avis de dette émis par la Commission le 17 novembre 2017 pour une somme de 19 $Note de bas de page 16. Il soutient que ce document est légalement contraignant et qu’il fait état de la totalité du trop-payé net qu’il doit rembourser. La division générale a traité de cet argument au paragraphe 42 de sa décision, et on ne peut donc pas dire que la division générale ait ignoré cette preuve. Comme l’a expliqué la division générale, la Commission a refait plusieurs calculs, qui l’ont amenée à émettre plusieurs avis de dette. Ultimement, la division générale a constaté qu’elle était liée par les dispositions de la Loi sur l’assurance-emploi en ce qui a trait au calcul du taux des prestations hebdomadaires, du nombre de semaines de prestations, et du montant du trop-payé. Par conséquent, la division générale n’a pas erré en droit ni fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qu’elle aurait tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[22] J’ai examiné le dossier, et je ne constate pas que la division générale aurait commis une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier, ou qu’elle aurait mal tenu compte d’éléments de preuve essentiels portés à sa connaissance.

[23] Je note que le prestataire a laissé entendre que la division générale devrait le dispenser de tout trop-payé comme les erreurs ayant entraîné le trop-payé ne lui étaient pas imputables. Cela dit, la Cour d’appel fédérale a affirmé qu’un prestataire ayant touché une somme à laquelle il n’était pas admissible n’est pas dispensé du remboursement du trop-payé du simple fait qu’une erreur a été commise par un employeur ou la CommissionNote de bas de page 17. Comme l’a conclu la division générale, les articles 43 et 44 de la Loi sur l’assurance-emploi obligent le prestataire à rembourser le trop-payé.

[24] Deux options s’offrent au prestataire : (1) il peut demander à la Commission de considérer officiellement une défalcation de sa dette en vertu de l’article 56 du Règlement sur l’assurance-emploi et interjeter appel à la Cour fédérale s’il est mécontent de la réponse de la Commission, ou (2) il peut communiquer avec l’Agence du revenu du Canada pour s’enquérir d’un calendrier de remboursement. Autrement, ni la division générale ni la division d’appel ne peuvent effacer ou défalquer le trop-payé.

Conclusion

[25] Compte tenu des motifs qui précèdent, la demande de permission d’en appeler est rejetée.

Observations :

R. B., demandeur
Aucune observation de la défenderesse

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