Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli, et l’affaire est renvoyée à la division générale pour réexamen.

Aperçu

[2] L’appelante, R. S. (prestataire), a travaillé comme commis des postes chez Postes Canada de décembre 1987 à septembre 2013, quand elle s’est blessée dans un accident de la route. Elle a demandé et a touché 15 semaines de prestations de maladie de l’assurance-emploi. Cependant, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) a plus tard conclu que la prestataire avait, en réalité, travaillé au cours de la période où elle avait touché des prestations de maladie et qu’une rémunération non déclarée aurait donc dû être répartie. Un trop-payé s’est ensuivi. La Commission lui a aussi infligé une pénalité pour fausses déclarations. La prestataire soutient que son employeur ne lui a versé aucune somme ayant valeur de rémunération au cours de la période concernée.

[3] La division générale a conclu que la prestataire avait reçu des paiements de la part de son employeur alors qu’elle touchait des prestations de maladie; que ces paiements avaient valeur de rémunération ou étaient présumés représenter une rémunération; et que la Commission avait donc correctement réparti ces paiements.

[4] La prestataire interjette maintenant appel de la décision de la division générale. Elle prétend notamment que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée sans égard pour les éléments portés à sa connaissance en concluant que des paiements lui avaient été versés par son employeur. La Commission admet que l’appel formé par la prestataire contre la décision de la division générale est fondé en vertu de l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) et que l'appel doit être renvoyé à la division générale à des fins de réexamen.

[5] L’appel est accueilli et l’affaire est renvoyée à la division générale comme celle-ci a commis une erreur en négligeant de considérer les principaux arguments de la prestataire et de traiter des éléments de preuve contradictoires portés à sa connaissance.

Question en litige

[6] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en ne traitant pas de la preuve contradictoire?

Analyse

[7] Oui. Je conclus que la division générale a commis une erreur de droit parce qu’elle n’a pas traité de certains éléments de preuve et des observations de la prestataire voulant que ces éléments n’appuyaient pas le fait que son employeur lui ait versé les paiements indiqués dans le relevé d’emploi ou d’autres documents concernant la paye.

[8] Aux termes de l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] La prestataire soutient qu’elle n’a jamais pu reprendre le travail depuis l’accident de septembre 2013, dont elle demeure handicapée. Elle se fonde sur des relevés bancaires pour réfuter les allégations selon lesquelles son employeur l’aurait rémunérée pour du travail effectué après septembre 2013. Elle affirme qu’il incombe à la Commission de prouver qu’elle a reçu des paiements et que ceux-ci ont valeur de rémunération. Elle soutient aussi que je devrais effacer tout trop-payé, advenant qu’elle ait réellement reçu des paiements, pour ne pas l’assujettir à des difficultés financières additionnellesNote de bas de page 1.

[10] La Commission soutient que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée sans égard pour les éléments portés à sa connaissance ou qu’elle a commis une erreur de droit en ne traitant pas des divergences entre les relevés bancaires de la prestataire et le revenu d’emploiNote de bas de page 2 et la demande de renseignements du registre de payeNote de bas de page 3. Le revenu d’emploi et la demande de renseignements du registre de paye donnent à penser que l’employeur lui avait versé certaines sommes; pourtant, leurs montants ne correspondent pas à ceux qui figurent dans les relevés bancaires de la prestataire.

[11] La Commission souligne que, dans Bellefleur c Canada (Procureur général)Note de bas de page 4, la Cour d’appel fédérale a statué que le conseil arbitral (le prédécesseur de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale) était tenu de justifier ses conclusions ainsi que de considérer les éléments de preuve contradictoires, à supposer que de tels éléments soient mis en preuve. S’il décidait ultimement que cette preuve devait être rejetée ou d’y accorder un poids négligeable ou nul, il lui fallait motiver cette décision. S’il ne le faisait pas, sa décision risquait d’être entachée d’une erreur de droit ou taxée d’arbitraire.

[12] Voilà l’affaire dont je suis saisie. Il existe des éléments de preuve contradictoires dont la division générale n’a pas traité. D’une part, la preuve de l’employeur laisse croire qu’il a versé des sommes précises à la prestataire. D’autre part, les relevés bancaires de la prestataire montrent qu’elle a effectivement reçu des sommes de la part de son employeur, mais que leurs montants diffèrent de ceux figurant aux dossiers de l’employeur. La prestataire a toujours nié avoir travaillé après septembre 2013 et avoir reçu les [traduction] « paiements contestés » (ceux dont il est question au paragraphe 9 ci-dessus) de la part de son employeur, et elle n’a donc pas déclaré ces paiements à titre de rémunération. La division générale n’a traité ni des arguments de la prestataire ni des divergences présentes dans la preuve. En fait, elle a conclu que la raison du versement des différentes sommes de 207,60 $ n’avait pu être établie, mais que ces sommes étaient présumées constituer une rémunération comme elles avaient été versées par l’employeur alors que la prestataire était toujours une employée. Le fait de ne pas traiter d’un argument ou d’un élément de preuve contradictoire qui aurait pu être déterminant par rapport à l’issue de l’affaire représente une erreur de droit. Je ne laisse pas entendre que la preuve permettait à la division générale de réconcilier les divergences qu’elle contenait, mais la division générale se devait à tout le moins de traiter des arguments de la prestataire.

Conclusion

[13] En vertu de l’article 59(1) de la Loi sur le MEDS, la division d’appel peut rejeter l’appel, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen conformément aux directives qu’elle juge indiquées, ou confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision de la division générale.

[14] La prestataire me demande d’effacer tout trop-payé. Par contre, je n’ai tiré aucune conclusion qui concerne un trop-payé et, surtout, je ne suis pas habilitée à défalquer un trop-payé puisque seule la Commission en a le pouvoir.

[15] La Commission demande que l’appel soit accueilli et que l’affaire soit renvoyée à la division générale pour réexamen, conformément à l’article 59(1) de la Loi sur le MEDS. La Commission demande aussi la permission d’entrer en contact avec l’employeur de nouveau, dans le but de clarifier les écarts entre l’information contenue dans la demande de renseignements du registre de paye, le relevé d’emploi, et les relevés bancaires de la prestataire. J’estime que rien n’empêche la Commission de communiquer avec l’employeur et qu’une ordonnance n’est pas nécessaire à cet effet; par contre, si ses demandes précédentes sont restées sans réponse, je me demande si des demandes d’information supplémentaires seront plus fécondes.

[16] La division générale a commis une erreur de droit en négligeant de traiter des observations de la prestataire. La division générale a pris acte de ses affirmations voulant qu’elle n’avait pas reçu les supposés paiements et que seules des prestations d’invalidité de courte durée lui avaient été versées. La division générale a aussi admis que la prestataire avait fourni des copies de ses relevés bancaires, même si ceux-ci ne corroboraient pas les chiffres indiqués dans le relevé d’emploi et la demande de renseignements du registre de paye que l’employeur avait soumis. La division générale a présumé que les sommes rapportées dans le relevé d’emploi et la demande de renseignements du registre de paye et ayant été versées à la prestataire avaient valeur de rémunération, sans avoir déterminé si la prestataire avait bel et bien touché ces sommes et quelle était la raison de leur versement.

[17] La division générale aurait dû considérer l’ensemble des éléments de preuve portés à sa connaissance, ainsi que les observations de l’appelante voulant qu’elle n’avait pas reçu les sommes lui ayant supposément été versées et qu’elle n’avait donc pas pu avoir de rémunération à déclarer après septembre 2013.

[18] Enfin, je souligne que la Commission n’a pas fait appel de la question de la pénalité. Je tiens à préciser que la division générale ne pourra donc plus être saisie de cette question. La question de la pénalité ne pourra pas être examinée par la division générale.

[19] L’appel est accueilli, et l’affaire est renvoyée à la division générale pour réexamen quant à la question de la rémunération et de sa répartition.

 

Mode d’instruction :

Observations :

Sur la foi du dossier

R. S., appelante

S. Prud’Homme, représentante de l’intimée

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