Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L'appel est accueilli.

Aperçu

[2] L’appelante a travaillé à X jusqu’au 28 août 2018. L’appelante a établi une demande de prestations régulières d’assurance-emploi (prestations d’AE) le 2 septembre 2018. L’appelante a commencé à travailler à temps partiel comme barmaid chez X le 11 septembre 2018. L’employeur (L. A., qui est également la propriétaire), a indiqué que l’appelante a fait parvenir un message texte à sa fille (K.) le 20 septembre 2018 et lui a donné un préavis de deux semaines. L’appelante a témoigné qu’elle n’avait pas l’intention de mettre fin à son emploi et a fait son quart de travail complet pour l’employeur le 20 septembre 2018. L’intimée a déterminé qu’elle ne pouvait pas verser de prestations d’AE à l’appelante à compter du 16 septembre 2018 parce qu’elle a quitté de son plein gré son emploi chez X le 20 septembre 2018, et ce sans justification. L’appelante fait valoir qu’elle n’a pas démissionné de son emploi et qu’elle cherchait à recevoir des prestations d’AE jusqu’au 5 novembre 2018, date à laquelle elle a obtenu un emploi à temps plein. Je conclus que l’appelante n’a pas quitté volontairement son emploi chez X. Je conclus en outre que l’appelante n’a pas perdu son emploi en raison de sa propre inconduite.

Questions en litige

[3] Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

L’appelante a-t-elle quitté son emploi volontairement? Dans l’affirmative, l’appelante était-elle fondée à quitter volontairement son emploi?

Analyse

[4] Le paragraphe 30(1) de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi sur l’AE ») prévoit notamment que le prestataire « est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification [...] »

[5] L’alinéa 29c) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE)énumère de nombreuses circonstances dans lesquelles le prestataire est fondé à quitter volontairement un emploi. Toutefois, la Cour d’appel fédérale a expliqué qu’il incombe au prestataire de démontrer qu’il n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter un emploi compte tenu de l’ensemble des circonstances (Patel c Procureur général du Canada, 2010 CAF 95; White c Procureur général du Canada, 2011 CAF 190).

L’appelante a-t-elle quitté son emploi volontairement?

[6] Je conclus que l’appelante n’a pas quitté volontairement son emploi à temps partiel chez X pour les motifs qui suivent. Premièrement, l’appelante a témoigné qu’elle n’a pas démissionné de son emploi et qu’elle a été congédiée par son employeur. Je réalise que l’intimée a fait valoir que l’appelante n’avait fourni aucune preuve étayant son affirmation selon laquelle elle avait fait l’objet d’un congédiement déguisé. Je juge toutefois crédible le témoignage fait sous serment de l’appelante selon lequel elle n’a pas démissionné de son emploi, car ses déclarations étaient détaillées, plausibles et raisonnablement cohérentes.

[7] Deuxièmement, je préfère le témoignage de l’appelante aux déclarations de l’employeur faites par L. A. dans le dossier d’appel. Je me rends compte que L. A. a dit à l’intimée que l’appelante a fait parvenir un message texte à sa fille (K.) dans lequel elle lui donne un préavis de deux semaines et lui offre de rester à temps partiel (pièce GD3-35). L’employeur (L. A.) a également dit à l’intimée qu’il n’était pas nécessaire que l’appelante continue à travailler pendant deux semaines. Toutefois, L. A. a confirmé dans le dossier d’appel que l’appelante a offert de demeurer en poste à temps partiel (pièce GD3-35). Dans les circonstances, je ne décrirais pas cela comme une démission volontaire de l’appelante, notamment parce qu’elle avait seulement travaillé pour l’employeur à temps partiel. De plus, l’appelante a témoigné sous serment qu’elle n’a jamais quitté son emploi et que l’employeur l’a congédiée lorsqu’il lui a remis un dernier chèque de paie après le 20 septembre 2018. Je constate que le message texte envoyé par l’appelante à la fille de l’employeur n’était pas tout à fait clair. Je conclus quand même selon la prépondérance des probabilités que l’appelante n’a jamais remis sa démission et a plutôt envoyé un message texte portant à confusion à la fille de l’employeur pour lui offrir de continuer à travailler chez l’employeur.

[8] J’aimerais souligner que l’employeur avait la prérogative de congédier l’appelante s’il était insatisfait de son rendement ou mécontent de la façon dont elle a demandé à quitter hâtivement son quart de travail le 20 septembre 2018. Toutefois, la question qui m’est soumise consiste à déterminer si l’appelante a quitté volontairement son emploi. Comme je l’ai mentionné précédemment, j’accepte le témoignage de l’appelante selon lequel elle n’a pas remis sa démission et elle souhaitait continuer à travailler pour l’employeur. Dans ces circonstances, je ne peux simplement pas conclure que l’appelante a quitté volontairement son emploi.

[9] Comme j’ai déterminé que l’appelante n’a pas quitté volontairement son emploi, je ne traiterai pas de la question de savoir si l’appelante était fondée à quitter volontairement son emploi. Je juge toutefois que l’appelante a été congédiée par son employeur. Par conséquent, il s’agirait de déterminer si l’appelante a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite tel qu’il est prévu aux articles 29 et 30 de la Loi sur l’AE. Relativement à cette question, j’aimerais citer Easson c Procureur général du Canada (A-1598-92, CAF) arrêt dans lequel le juge Marceau a écrit : « Il existe plusieurs circonstances dans lesquelles, en raison des faits ou tout au moins de preuves contradictoires, il n’est pas clair si la perte d’emploi est attribuable à la propre inconduite du prestataire ou au fait que ce dernier a quitté volontairement son emploi. [...] En réunissant les deux concepts aux fins de la sanction, la Loi montre clairement que la distinction entre les deux situations doit être prise en considération seulement dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire lorsqu’il s’agit de déterminer la sanction applicable dans les limites établies par la loi. »

L’appelante a-t-elle perdu son emploi en raison de sa propre inconduite? 

[10] Le paragraphe 30(1) de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi sur l’AE ») prévoit notamment que le prestataire « est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification [...] »

[11] La Loi sur l’AE ne définit pas l’inconduite. La Cour d’appel fédérale (CAF) a expliqué la notion juridique d’inconduite aux fins de la présente disposition en l’assimilant à des actes volontaires ou délibérés, où le ou la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraîner son congédiement (Lemire c Canada (Procureur général), 2010 CAF 314; Mishibinijima c Canada (Procureur général), 2007 CAF 36; Tucker c Canada (Procureur général), A-381-85)

[12] Je conclus que l’appelante n’a pas perdu son emploi en raison de sa propre inconduite pour les motifs suivants. Premièrement, l’appelante a terminé son quart de travail le 20 septembre 2018 malgré sa demande de quitter tôt son lieu de travail ce jour-là. Je suis conscient que l’employeur (L. A.) a dit à l’intimée que l’appelante a demandé par téléphone de quitter tôt son quart de travail et que ce n’était pas la bonne façon de demander un congé. Néanmoins, l’appelante a effectué son quart de travail complet le 20 septembre 2018. En outre, je ne peux conclure que le geste de l’appelante de téléphoner à l’employeur et de lui demander de quitter tôt ce jour-là était délibéré. Il aurait peut-être été plus judicieux de la part de l’appelante de présenter une demande écrite, mais il n’existait aucune preuve d’un geste délibéré de la part de l’appelante.

[13] Deuxièmement, l’appelante a témoigné que depuis qu’elle est entrée en fonctions chez l’employeur, elle n’a manqué aucun quart de travail. J’accepte le témoignage de l’appelante sur cette question, car ses déclarations demeuraient détaillées, plausibles et raisonnablement cohérentes. Par conséquent, je ne puis conclure que la présence au travail de l’appelante constituerait le critère juridique de l’inconduite.

[14] Tel qu’il a été mentionné précédemment, l’employeur avait la prérogative de congédier l’appelante s’il était insatisfait de sa façon de demander à la dernière minute de quitter hâtivement son quart de travail. Je dois toutefois déterminer si l’appelante a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. Rappelons que je ne puis conclure que les gestes de l’appelante étaient volontaires ou délibérés et que ses gestes ne satisfont donc pas au critère de l’inconduite.

[15] Au vu de l’examen de la preuve, j’aimerais souligner que la communication entre l’appelante et l’employeur n’était pas idéale. Je reconnais en outre que les circonstances portaient à confusion en l’espèce. Cependant, je ne peux quand même pas conclure que l’appelante a quitté volontairement son emploi. Je juge plutôt que l’appelante a a été congédiée par l’employeur et je ne puis conclure qu’elle a perdu cet emploi en raison de sa propre inconduite.

Conclusion

[16] L’appel est accueilli.

 

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 17 janvier 2019

Téléconférence

J. T., appelante

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