Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Décision et motifs

Décision

[1] Le Tribunal refuse la permission d’en appeler à la division d’appel.

Aperçu

[2] La demanderesse, H. L. (prestataire), travaille depuis plusieurs années pour X. Elle détient 24,5 % des parts de X. Au mois de mars 2018, elle est mise à pied en raison d’un manque de travail. La prestataire présente une demande de prestations d’assurance emploi. La Commission refuse de verser des prestations à la prestataire parce qu’elle n’est pas considérée en semaine de chômage. Selon la Commission, la prestataire exploite sa propre entreprise et elle est considérée avoir effectué une semaine entière de travail. Selon la prestataire, elle est une salariée et elle a le droit de recevoir des prestations d’assurance-emploi. La prestataire a demandé à la Commission de procéder à une révision, mais celle-ci a maintenu sa décision initiale. La prestataire a interjeté appel devant la division générale du Tribunal.

[3] La division générale a jugé que malgré le fait que la prestataire soit une salariée et que son emploi soit assurable, elle doit répondre aux critères de la Loi sur l’AE et du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement sur l’AE) pour recevoir des prestations. Elle a conclu que la prestataire n’exploitait pas son entreprise d’une manière si limitée que cet emploi ou cette activité ne constituerait pas normalement son principal moyen de subsistance.

[4] La prestataire demande maintenant au Tribunal la permission d’en appeler de la décision de la division générale.

[5] Le Tribunal doit décider si on peut soutenir que la division générale a commis une erreur révisable qui confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

[6] Le Tribunal refuse la permission d’en appeler puisqu’aucun des moyens d’appel soulevés par la prestataire ne confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

Question en litige

[7] Est-ce que la prestataire soulève, dans ses moyens d’appel, une erreur révisable qu’aurait commise la division générale et qui confère à l’appel une chance raisonnable de succès?

Analyse

[8] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont les suivantes : la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence; elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier; ou elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond relative à l’affaire. C’est une première étape que le prestataire doit franchir, mais le fardeau est ici inférieur à celui dont il devra s’acquitter à l’audience relative à l’appel sur le fond. À l’étape de la demande permission d’en appeler, le prestataire n’a pas à prouver sa thèse, mais il doit établir que son appel a une chance raisonnable de succès. En d’autres mots, il doit établir que l’on peut soutenir qu’il y a eu erreur révisable pouvant donner gain de cause à l’appel.

[10] La permission d’en appeler sera en effet accordée par le Tribunal s’il est convaincu qu’au moins l’un des moyens d’appel soulevés par la prestataire confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

[11] Pour ce faire, le Tribunal doit être en mesure de déterminer, conformément à l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS, s’il existe une question de principe de justice naturelle, de compétence, de droit ou de fait dont la réponse pourrait mener à l’annulation de la décision contestée.

Question en litige : Est-ce que la prestataire soulève, dans ses moyens d’appel, une erreur révisable qu’aurait commise la division générale et qui confère à l’appel une chance raisonnable de succès?

Assurabilité vs admissibilité

[12] Au soutien de sa demande de permission d’en appeler, la demanderesse fait valoir que la division générale a erré en concluant que la Commission pouvait procéder à l’application de l’article 30 du Règlement sur l’AE et conclure qu’elle exploite une entreprise alors qu’il avait été antérieurement décidé par l’Agence du Revenu du Canada (ARC) qu’elle était une employée et que son emploi pour X. était assurable en vertu de l’article 5(l)(a) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE). Selon la prestataire, puisqu’elle est une employée, ceci élimine la possibilité qu’elle exploitait une entreprise.

[13] La division générale se devait de suivre les enseignements de la Cour d’appel fédérale qui a déjà spécifiquement répondu à la question soulevée par la prestataireNote de bas de page 1.

[14] Dans cette affaire, la Cour d’appel fédérale a décidé que la Commission doit franchir deux opérations successives lorsqu’elle étudie la demande de prestations d’assurance-emploi d’un prestataire. Elle doit d’abord déterminer si le prestataire occupait un emploi assurable pendant la période de référence et, par la suite, établir une période de prestations pour le prestataire pendant laquelle son admissibilité sera vérifiée.

[15] Une fois la première étape concernant l’assurabilité du prestataire franchie, comme dans le présent dossier avec la décision de l’ARC, la Commission doit établir à son profit une période de prestations et des prestations lui sont dès lors payables, pour chaque semaine de chômage comprise dans la période de prestationsNote de bas de page 2. Une semaine de chômage, pour un prestataire, est une semaine pendant laquelle il n’effectue pas une semaine entière de travailNote de bas de page 3.

[16] Le paragraphe 30(1) du Règlement sur l’AE prévoit que le prestataire est considéré comme ayant effectué une semaine entière de travail lorsque, durant la semaine, il exerce un emploi à titre de travailleur indépendant ou exploite une entreprise soit à son compte, soit à titre d’associé ou de coïntéressé, ou lorsque, durant cette même semaine, il exerce un autre emploi dans lequel il détermine lui-même ses heures de travail.

[17] Le paragraphe 30(2) du Règlement sur l’AE prévoit que lorsque le prestataire exerce un emploi ou exploite une entreprise selon le paragraphe (1) dans une mesure si limitée que cet emploi ou cette activité ne constituerait pas normalement le principal moyen de subsistance d’une personne, il n’est pas considéré, à l’égard de cet emploi ou de cette activité, comme ayant effectué une semaine entière de travail.

[18] L’assurabilité et l’admissibilité aux prestations sont deux facteurs que la Commission doit évaluer eu égard à deux périodes différentes. Le Parlement a décidé que l’analyse des deux facteurs en question se ferait selon des règles différentes, lesquelles ne doivent pas être mélangées, le processus d’assurabilité étant distinct de celui de l’admissibilité.

[19] Nul doute que la question de l’assurabilité doit être décidée par l’ARC selon les termes de l’article 90 de la Loi sur l’AE, et par la Cour Canadienne de l’impôt en cas d’appel, et se réfère à la période de référence, alors que la question de l’admissibilité doit être décidée par la Commission et par la division générale en cas d’appel, et se réfère à la période de prestations.

[20] La division générale n’a pas commis d’erreur en concluant que la décision sur l’assurabilité de l’ARC ne pouvait lier la Commission et la division générale sur la question de l’admissibilité aux prestations et que la Commission pouvait procéder à l’application de l’article 30 du Règlement sur l’AE et soutenir que la prestataire exploitait une entreprise pendant sa période de prestations.

État de chômage

[21] Au soutien de sa demande de permission d’en appeler, la prestataire fait valoir que l’article 30(3) du Règlement sur l’AE amène à une interprétation très arbitraire puisqu’elle est fondée sur un résumé de ses réponses effectué par la Commission. Elle présente les faits qui soutiennent sa position et fait valoir que l’article 30(3) du Règlement sur l’AE ne devrait pas être applicable dans son cas.

[22] Le Tribunal retient que la prestataire, qui a assisté à l’audience, a reçu le dossier d’appel avant l’audience devant la division générale. Elle a eu amplement l’occasion de préparer son dossier et de clarifier ou de compléter devant la division générale les réponses données à la Commission qu’elle considérait comme incomplètes ou arbitraires. La division générale n’a donc pas omis d’observer un principe de justice naturelle.

[23] Il ressort clairement de la preuve devant la division générale que la prestataire exploite une entreprise à titre d’associée ou de coïntéressée selon les dispositions du paragraphe 30(1) du Règlement sur l’AE. Elle y a en fait, sans égard aux formes juridiques, un intérêt avec d’autres personnes dans l’entrepriseNote de bas de page 4.

[24] La division générale a évalué la preuve et, en tenant compte des six facteurs énoncés au paragraphe 30(3) du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement sur l’AE), a jugé que la prestataire n’avait pas démontré que son niveau d’engagement dans son entreprise était dans une mesure si limitée qu’il ne pouvait constituer son principal moyen de subsistance.

[25] La division générale a conclu, en fonction de la preuve, que pendant sa période de prestations, malgré un ralentissement des opérations, la prestataire s’est consacrée aux activités de l’entreprise.

[26] La preuve devant la division générale démontre que la prestataire est copropriétaire de l’entreprise et l’exploite depuis sa fondation. Elle occupe le poste de directrice du marketing/service à la clientèle, et elle supervise certains employés, ainsi que les ventes. Elle travaille habituellement 30 heures et plus par semaine. La preuve démontre également que la prestataire était la seule employée, sur les 18 employés, incluant les employés à temps partiel dont elle assure la gestion, à être en manque de travail dans l’entreprise en mars 2018. Elle a pourtant confirmé qu’elle devrait être remplacée si elle quittait son poste rattaché à la vente et au marketing.

[27] La division générale a également conclu que l’entreprise, dont la prestataire est actionnaire, avait procédé à des investissements de 1,5 million. Elle a constaté que la prestataire était engagée de façon importante dans l’entreprise puisqu’elle avait cautionné personnellement l’entreprise avec ses deux partenaires d’affaires, soit son conjoint et sa fille.

[28] La division générale a conclu que l’entreprise était une réussite compte tenu de l’ampleur de la croissance de l’entreprise et de l’importance des investissements. Elle a considéré que la prestataire y travaillait depuis sa fondation et qu’elle était actionnaire de l’entreprise, ce qui constituait des éléments qui témoignaient du maintien de l’emploi ou de l’entreprise. Elle a également conclu que la prestataire occupait un emploi au sein de l’entreprise en lien avec sa formation académique.

[29] La division générale a constaté que la prestataire avait effectué une seule démarche concrète pour travailler ailleurs que pour l’entreprise, soit auprès du directeur des élections. Elle a conclu qu’au cours des périodes en cause, l’intention première de la prestataire était de travailler pour son entreprise et de la faire fonctionner, et non de chercher et d’accepter, sans tarder, un nouvel emploi.

[30] Le Tribunal constate que la décision de la division générale repose sur la preuve portée à sa connaissance. La division générale n’a pas erré en concluant, d’après les faits, que plus de quatre (4) critères du paragraphe 30(3) du Règlement sur l’AE nous amènent à conclure que la prestataire n’exploite pas son entreprise dans une mesure si limitée.

[31] La prestataire n’a donc pas démontré devant la division générale que son niveau d’engagement dans son entreprise était dans une mesure si limitée qu’elle ne pouvait constituer son principal moyen de subsistance.

[32] Malheureusement pour la prestataire, l’appel devant la division d’appel n’est pas un appel où l’on procède à une nouvelle audience où une partie peut présenter de nouveau sa preuve et espérer une décision favorable.

[33] Le Tribunal constate que, malgré la demande spécifique du Tribunal, la prestataire ne soulève aucune question de droit ou de fait ou de compétence dont la réponse pourrait mener à l’annulation de la décision contestée.

[34] Après examen du dossier d’appel, de la décision de la division générale et des arguments au soutien de la demande de permission d’en appeler, le Tribunal n’a d’autres choix que de conclure que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[35] Le Tribunal refuse la permission d’en appeler à la division d’appel.

 

Représentante :

H. L., non représentée

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.