Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal estime que la demande de révision a été présentée en retard et que la Commission de l’assurance-emploi du Canada a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire.

Aperçu

[2] L’appelante a présenté une demande initiale de prestations régulières d’assurance-emploi. La Commission a rendu une décision excluant l’appelante du bénéfice des prestations parce que la Commission a déterminé que l’appelante avait perdu son emploi pour cause d’inconduite (décision initiale). Plusieurs mois plus tard, l’appelante a présenté une demande renouvelée et a été avisée qu’elle n’était pas admissible aux prestations parce qu’elle n’avait pas accumulé le nombre d’heures assurables suffisant depuis qu’elle avait perdu son emploi par suite de son inconduite (décision relative à la demande renouvelée).

[3] L’appelante a présenté une demande de révision en prétendant que les heures assurables qu’elle avait accumulées avant son congédiement pour inconduite devraient être prises en considération puisqu’elle est retournée travailler auprès du même employeur. Il n’était pas clair si l’appelante présentait une demande de révision de la décision initiale ou de la décision relative à la demande renouvelée. La Commission a rejeté la demande de révision parce qu’elle a déterminé que la demande a été présentée après le délai prescrit de 30 jours au titre de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE). L’appelante a interjeté appel de cette décision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

Questions préliminaires

[4] L’appelante a interjeté appel devant le Tribunal après le délai de 30 jours établi au titre de l’article 52(1)(a) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS). Dans une décision datée du 8 janvier 2019, le Tribunal a accordé à l’appelante une prorogation du délai pour interjeter appel conformément à l’article 52(2) de la Loi sur le MEDS.

Questions en litige

[5] Question en litige no 1 : La demande de l’appelante a-t-elle été présentée après le délai prescrit de 30 jours pour déposer une demande de révision?

Question en litige no 2 : Dans l’affirmative, la Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a rejeté la demande de l’appelante de prolonger le délai de 30 jours pour présenter une demande de révision?

Analyse

[6] La Loi sur l’AE prévoit qu’un prestataire peut présenter une demande de révision d’une décision de la Commission dans les 30 jours suivant la date où il en reçoit communication (article 112(1) de la Loi sur l’AE). Lorsqu’une demande de révision est formulée après 30 jours, la Commission peut accorder au prestataire un délai supplémentaire pour présenter une demande de révision (article 112(1) de la Loi sur l’AE). La décision de la Commission concernant une prorogation du délai pour demander une révision est discrétionnaire (Daley c Canada (Procureur général), 2017 CF 297). La Commission doit exercer sa discrétion en fonction des critères établis dans le Règlement sur les demandes de révision (Règlement). Lorsque la prorogation du délai demandée vise une période de 365 jours ou moins, comme c’est le cas en l’espèce, la Commission peut accueillir la demande si elle est convaincue qu’il existe une explication raisonnable à l’appui de la demande de prorogation du délai et, d’autre part, que le prestataire a manifesté l’intention persistante de demander la révision.

[7] Les décisions discrétionnaires commandent un niveau élevé de déférence. Cela signifie que le Tribunal ne peut pas intervenir, sauf s’il estime que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de manière « judiciaire ».

Question en litige no 1 : La demande de l’appelante a-t-elle été présentée à l’extérieur du délai de 30 jours pour présenter une demande de révision?

[8] Le Tribunal juge que la demande de révision a été présentée en retard.

[9] Une partie prestataire a 30 jours, à partir de la date à laquelle une décision lui a été communiquée, pour présenter une demande de révision. Les demandes présentées au-delà de ce délai sont acceptées à la discrétion de la Commission conformément à l’article 1 du Règlement.

[10] L’appelante soutient que sa demande de révision n’est pas en retard. À l’appui de cet argument, l’appelante a reconnu avoir reçu la décision initiale de la Commission datée du 24 novembre 2017, qui déterminait qu’elle avait été exclue du bénéfice des prestations parce qu’elle a perdu son emploi pour cause d’inconduite. L’appelante a aussi accusé réception de la décision de la Commission relativement à la demande renouvelée, datée du 16 mai 2018, concernant sa demande renouvelée. Dans cette décision, la Commission a déterminé que l’appelante n’était pas admissible aux prestations parce qu’elle n’avait pas travaillé pendant une période suffisamment longue pour recevoir des prestations depuis qu’elle avait perdu son emploi par suite de son inconduite. La Commission a déterminé qu’elle avait accumulé 397 heures assurables alors que 665 heures assurables étaient requises pour établir l’admissibilité aux prestations régulières. L’appelante a affirmé dans son témoignage que peu après avoir reçu cette décision, elle a présenté une demande de révision qui a été reçue par la Commission le 25 mai 2018. Dans cette demande de révision, l’appelante a énoncé les motifs de sa demande de révision de la façon suivante : [traduction] « J’ai accumulé plus de 397 heures d’emploi assurable, car j’ai travaillé pour le même employeur pendant plus de 10 ans. J’ai été réembauchée... après avoir réglé le malentendu avec mon patron [...] Mes heures assurables d’avant le 1er octobre 2017 devraient être prises en compte pour ma demande étant donné que j’ai conservé mon emploi auprès du même employeur ».

[11] L’appelante a repris ces arguments devant le Tribunal pour appuyer sa position selon laquelle sa demande de révision n’était pas en retard. Elle a ensuite précisé qu’elle n’était pas en retard parce qu’elle ne cherche pas à réactiver les prestations de sa demande précédente qui devait entrer en vigueur le 8 octobre 2017. Elle a fait valoir qu’elle demande une révision seulement dans le but d’établir sa demande renouvelée et que sa demande de révision vise donc la décision du 16 mai 2018.

[12] Le Tribunal juge que le fondement de la demande de révision n’a pas trait à la décision de la Commission du 16 mai 2018 suivant sa demande renouvelée, mais plutôt à la décision initiale du 24 novembre 2017 dans laquelle une exclusion a été imposée parce que la Commission a découvert que l’appelante avait perdu son emploi en raison de son inconduite. La décision initiale de la Commission avait non seulement tranché la question de la capacité de l’appelante à recevoir des prestations en date du 8 octobre 2017, mais elle avait également eu une incidence sur son admissibilité future aux prestations. La décision précise que [traduction] « pour recevoir des prestations, vous [l’appelante] devez travailler le nombre minimum requis d’heures d’emploi assurable après avoir perdu votre emploi par suite de votre inconduite ». Essentiellement, la décision initiale qui a donné lieu à l’imposition d’une exclusion parce qu’il avait été déterminé que l’appelante avait perdu son emploi par suite de son inconduite signifiait que les heures accumulées avant de perdre cet emploi ne pourraient pas être prises en compte pour déterminer son admissibilité aux prestations. La demande de révision de l’appelante cherche à réactiver les heures assurables qui sont antérieures à la décision initiale de la Commission et équivaut donc à une demande de révision de la décision initiale qui a imposé l’exclusion.

[13] Le Tribunal estime que même si l’appelante ne cherche pas à réactiver sa demande originale qui devait prendre effet le 8 octobre 2017, l’objet de sa demande de révision est en lien avec la décision du 24 novembre 2017.

[14] Pour ces raisons, le Tribunal juge que la demande de révision qui a été reçue par la Commission le 25 mai 2018 a été présentée après le délai de 30 jours. Elle a donc été présentée en retard.

Question en litige no 2 : La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a rejeté la demande de l’appelante de prolonger le délai de 30 jours pour présenter une demande de révision?

[15] La Cour fédérale a confirmé que la décision de la Commission, à savoir d’accorder ou non une prorogation du délai pour présenter une demande de révision, est discrétionnaire (Daley, précité).

[16] Le Tribunal juge que l’appelante a présenté sa demande de révision après le délai de 30 jours, mais moins de 365 jours après la date à laquelle la décision lui a été communiquée. Par conséquent, le Tribunal estime que la Commission a appliqué le critère approprié à l’article 1(1) du Règlement en décidant si elle devait accorder ou non à l’appelante une prorogation du délai pour cette demande de révision.

[17] Le Tribunal peut uniquement intervenir dans la décision de la Commission de refuser la prorogation du délai pour présenter la demande de révision si la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire. Le pouvoir discrétionnaire de la Commission n’est pas exercé de manière judiciaire si l’appelante démontre que la Commission a agi de mauvaise foi, dans un but ou pour un motif irrégulier, a pris en compte un facteur non pertinent, a ignoré un facteur pertinent ou a agi de manière discriminatoire (Canada (Procureur général) c Purcell, A-694-94).

[18] Le Tribunal estime que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a refusé de proroger le délai accordé à l’appelante pour qu’elle présente sa demande de révision.

Retard raisonnablement expliqué

[19] L’appelante a affirmé qu’elle s’était réconciliée avec son ancien employeur et qu’elle était retournée travailler à son emploi initial lorsqu’elle a reçu la décision initiale de la Commission. Elle a mentionné qu’étant donné qu’elle travaillait, elle n’avait plus besoin de prestations d’assurance-emploi. L’appelante a affirmé que si elle n’était pas retournée travailler pour le même employeur, elle aurait demandé une révision. L’appelante a affirmé que ce n’est que lorsque son employeur a fermé temporairement pour faire des rénovations qu’elle a senti l’incidence de la décision. Elle a affirmé que la décision de ne pas accepter les heures assurables antérieures à la décision de la Commission concernant l’inconduite était injuste parce qu’elle était retournée à son ancien emploi auprès de son ancien employeur. Même si la Commission a tiré une conclusion d’inconduite, l’appelante a affirmé que les choses avaient été réglées entre son employeur et elle.

[20] La Commission a déterminé que l’explication de l’appelante au sujet du retard était raisonnable.

[21] Bien que le Tribunal soit en désaccord avec la conclusion de la Commission selon laquelle l’explication de l’appelante au sujet du retard de sa demande de révision était raisonnable, le Tribunal ne peut pas substituer sa décision à celle de la Commission à moins que la Commission n’ait pas agi de façon judiciaire. Le Tribunal juge que la Commission a agi de façon judiciaire dans son évaluation de ce critère, car il n’y a aucune preuve que la Commission a agi de mauvaise foi, dans un but irrégulier, a pris en compte un facteur non pertinent, a ignoré un facteur pertinent ou a agi de manière discriminatoire. Ainsi, le Tribunal doit faire preuve de déférence envers la décision de la Commission et ne peut pas, en ce qui a trait à ce critère, substituer sa conclusion à celle de la Commission.

Intention constante de demander la révision

[22] L’appelante a affirmé que lorsqu’elle a reçu la décision initiale, elle a communiqué avec la Commission pour demander si elle devait faire quelque chose pour fermer son dossier. On lui a dit qu’elle n’avait rien à faire. L’appelante a également affirmé que lorsqu’elle a reçu la décision relative à la demande renouvelée, elle était prête à accepter la décision de la Commission selon laquelle elle n’avait pas accumulé assez d’heures. C’est seulement après avoir parlé avec des collègues qui avaient présenté des demandes en raison de l’arrêt temporaire des activités de l’employeur et qui recevaient des prestations que l’appelante a décidé de faire valoir son admissibilité aux prestations.

[23] Le Tribunal note que les arguments présentés par l’appelante au Tribunal sont essentiellement les mêmes que ceux présentés à la Commission pour appuyer sa demande de révision. L’appelante soutient principalement que l’incidence de la décision initiale de la Commission était injuste et l’a pénalisée indûment compte tenu de son retour au travail auprès du même employeur. L’appelante n’a pas soulevé d’arguments qui appuieraient une conclusion selon laquelle la Commission aurait agi de mauvaise foi, dans un but irrégulier, a pris en compte un facteur non pertinent ou a agi de manière discriminatoire.

[24] Par conséquent, le Tribunal conclut que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire d’une manière judiciaire lorsqu’il a examiné la demande de prorogation du délai formulée par la prestataire pour déposer sa demande de révision. Par conséquent, le Tribunal n’interférera pas avec la décision discrétionnaire de la Commission de refuser la prorogation du délai afin de permettre à l’appelante de présenter sa demande de révision.

Conclusion

[25] L’appel est rejeté.

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 24 janvier 2019

Téléconférence

V. S., appelante

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