Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Aperçu

[2] Le demandeur, R. B. (prestataire), a touché des prestations régulières d’assurance-emploi du 3 novembre 2013 au 13 juillet 2014. Dans une lettre datée du 18 avril 2018, la défenderesse, la Commission de l’emploi du Canada, a informé le prestataire qu’elle avait révisé sa demande et qu’elle avait déterminé qu’il n’avait pas été disponible pour travailler du 6 janvier 2014 au 18 octobre 2014 parce qu’il était travailleur indépendant. Elle a conclu que le prestataire n’était pas admissible au bénéfice des prestations régulières et qu’il y avait eu un trop-payé. Elle a maintenu sa décision après révision. La division générale a déterminé que le prestataire s’était concentré sur la mise sur pied de sa propre entreprise. Elle a maintenu la décision découlant de la révision effectuée par la Commission.  

[3] Le prestataire avait reçu des prestations régulières de novembre 2013 à juillet 2014, mais selon la décision de la division générale, le prestataire devra rembourser les prestations qu’il a reçues. Le prestataire fait maintenant appel de la décision rendue par la division générale. Le prestataire affirme qu’il était disponible à travailler pendant toute cette période et il nie avoir passé du temps à mettre sur pied son entreprise. Il affirme aussi qu’il était injuste de la division générale de s’attendre à ce qu’il puisse répondre à toute question concernant sa disponibilité à travailler, parce que plus de quatre ans s’étaient écoulés depuis qu’il avait présenté sa demande de prestations.

[4] Je dois décider si l’appel a une chance raisonnable de succès. Je refuse cependant la permission d’interjeter appel puisque l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Questions en litige

[5] Les questions en litige sont les suivantes :

Question en litige no 1 : Est-il possible de soutenir que la division générale a omis de tenir compte d’un principe de justice naturelle en s’attendant à ce que le prestataire fournisse des éléments de preuve par rapport à des événements qui ont eu lieu il y a plusieurs années?

Question en litige no 2 : Est-il possible de soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée sans tenir compte des éléments de preuve du prestataire concernant sa participation au sein de son entreprise ou à la vente de sa maison?

Analyse

[6] Aux termes de l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[7] Avant d’accorder la permission d’en appeler, je dois avoir la certitude que les motifs de l’appel se rattachent aux moyens d’appel prévus à l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS et que l’appel a une chance raisonnable de succès. Il s’agit d’un critère relativement peu exigeant. Une partie prestataire n’a pas à prouver sa thèse; elle doit simplement démontrer qu’une erreur susceptible de révision confère à l’appel une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 1. La Cour fédérale a confirmé cette approche dans Joseph c Canada (Procureur général)Note de bas de page 2.

[8] Aux termes de l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS, les moyens d’appel sont limités. L’article n’accorde pas à la division d’appel le pouvoir de procéder à une nouvelle évaluation.

Question en litige no 1 : Est-il possible de soutenir que la division générale a omis de tenir compte d’un principe de justice naturelle en s’attendant à ce que le prestataire fournisse des éléments de preuve par rapport à des événements qui ont eu lieu il y a plusieurs années?

[9] Le prestataire soutient que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle. Il prétend qu’il était injuste de s’attendre à ce qu’il puisse répondre à des questions concernant sa disponibilité à travailler, étant donné que cela fait plus de quatre ans qu’il a présenté sa demande de prestations. Plus particulièrement, il affirme qu’il a eu bien du mal à fournir des dates précises et le nom d’employeurs potentiels des endroits où il avait postulé afin de démontrer qu’il avait entrepris des démarches raisonnables et habituelles pour trouver un emploi. Autrement dit, il prétend que le retard d’environ quatre ans lui a causé un préjudice indu.

[10] J’estime qu’aucun retard ne peut être imputé à la division générale ou, d’ailleurs, au Tribunal de la sécurité sociale. Le prestataire a interjeté appel auprès du Tribunal le 20 juin 2018, et la division générale a procédé à l’audience de l’appel le 10 octobre 2018. Je note de toute manière que le prestataire n’a pas fourni d’élément de preuve démontrant qu’un préjudice a été d’une portée telle qu’il a eu une incidence sur l’équité de l’audience, ou qu’il a entraîné un abus de procédure. La division générale ne jugeait pas nécessairement connaître les détails des démarches entreprises par le prestataire pour trouver un emploi. En effet, la division générale a accepté des renseignements généraux concernant les démarches de recherche d’emploi entreprises par le prestataire.

[11] Le prestataire affirme essentiellement que la Commission ne devrait pas avoir le droit de réexaminer sa demande des années plus tard, car cela nuit à sa capacité à démontrer qu’il a fait des efforts soutenus pour trouver un emploi. Toutefois, la Loi sur l’assurance-emploi permet à la Commission d’examiner de nouveau une demande de prestations dans les 36 mois qui suivent le moment où des prestations ont été payées ou seraient devenues payablesNote de bas de page 3. En outre, si la Commission estime qu’une déclaration ou affirmation fausse ou trompeuse a été faite relativement à une demande de prestations, elle dispose d’un délai de 72 mois pour réexaminer la demandeNote de bas de page 4. En avril 2018, la Commission a informé le prestataire qu’elle examinait de nouveau sa demande à l’intérieur du délai de 72 mois, car elle était d’avis que le prestataire avait fait de fausses déclarations ou des déclarations fausses ou trompeuses. Dans ses observations à la division générale, la Commission a noté que le prestataire avait indiqué dans sa demande de prestations d’assurance-emploi qu’il n’était propriétaire d’aucune part d’entreprise et qu’il n’était pas un travailleur indépendantNote de bas de page 5. La Commission a clairement agi dans les limites de son pouvoir de réexaminer la demande du prestataire.

[12] Je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès s’il est fondé sur ce motif particulier.

Question en litige no 2 : Est-il possible de soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée sans tenir compte des éléments de preuve du prestataire concernant sa participation au sein de son entreprise ou à la vente de sa maison?

[13] Le prestataire soutient que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qu’elle a rendue sans tenir compte des éléments de preuve lorsqu’elle a déterminé qu’il n’était pas disponible à travail et lorsqu’elle a jugé qu’il n’avait pas démontré qu’il n’avait pas entrepris des démarches raisonnables et habituelles pour trouver un emploi convenable.

a. Entreprise du prestataire

[14] La division générale a déterminé que le prestataire n’avait pas un désir sincère de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable lui serait offert parce qu’il [traduction] « se concentrait sur son désir de devenir un travailleur indépendant et de créer sa propre entrepriseNote de bas de page 6 ». Elle a déterminé qu’il avait signé un contrat de franchise en janvier 2014 et qu’il avait communiqué avec peu d’employeurs potentiels pendant qu’il était au chômage. La division générale a déterminé que la recherche d’emploi du prestataire était limitée et démontrait qu’il ne cherchait pas activement un emploi. La division générale a pris note des éléments de preuve du prestataire démontrant qu’il était prêt, déterminé et disponible à travailler, mais elle a déterminé qu’il était plus concentré sur son désir de devenir un travailleur indépendant, compte tenu du temps qu’il passait sur son entreprise par rapport au temps qu’il passait à chercher du travail, et compte tenu du fait qu’il avait vendu sa maison à X, en Colombie‑Britannique (C.-B.), pour déménager à X, en C.-B., où sa franchise serait située.

[15] Bien que le prestataire reconnaisse qu’il [traduction] « exploitait une entreprise », il prétend qu’il [traduction] « n’a absolument pas participéNote de bas de page 7 » à sa mise sur pied. Il a affirmé à l’audience de la division générale que sa participation était limitée à signer un chèque pour la redevance de franchisage, mais autrement il n’a [traduction] « aucunement participé au processusNote de bas de page 8 ». Il n’était pas responsable de trouver un local, de négocier le bail, le concept, ou la construction de la propriété, ou même d’acheter de l’équipement ou des fournitures pour l’entreprise. Il s’agissait seulement d’une [traduction] « opération clés en mainNote de bas de page 9 ». Il a noté que l’entreprise n’est pas devenue opérationnelle avant le 21 novembre 2014, et il n’a pas reçu de rémunération de son entreprise pendant qu’il recevait des prestations d’assurance-emploi. Il a noté que l’entreprise n’est pas devenue opérationnelle avant le 21 novembre 2014, et il n’a pas reçu de rémunération de son entreprise pendant qu’il recevait des prestations d’assurance-emploi.

[16] La division générale a tenu compte des éléments de preuve du prestataire à cet égard. La division générale a noté que les éléments de preuve du prestataire démontrant que le franchisé [traduction] « s’était occupé de tout jusqu’à ce que les portes soient prêtes à ouvrir le 21 novembre 2014Note de bas de page 10 ». Par conséquent, j’estime que les allégations du prestataire selon lesquelles la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance ne sont pas fondées. La division générale a apprécié cette considération par rapport à ses conclusions selon lesquelles le prestataire avait affirmé à la Commission qu’il passait deux heures par semaine sur son entreprise. De plus, la division générale a déterminé qu’il était sans importance que le prestataire ait reçu ou non une rémunération ou un revenu de son entreprise pendant qu’il recevait des prestations d’assurance‑emploi puisque la question déterminante consistait à savoir si, de façon générale, le prestataire avait cherché activement à trouver un emploi.

b. Vente de la maison du prestataire

[17] La division générale a déterminé que le fait que le prestataire avait vendu sa maison était un autre exemple qui démontrait qu’il se concentrait sur son entreprise. La division générale a considéré la vente de la maison du prestataire comme pertinente pour déterminer s’il avait établi des conditions personnelles qui pourraient avoir eu comme effet de limiter indûment ses chances de retour sur le marché du travail. Aux paragraphes 20 et 26 de sa décision, la division générale a déterminé que la priorité du prestataire était d’aller de l’avant avec son entreprise franchisée et que cela exigeait qu’il vende sa maison, qu’il déménage et qu’il nettoie et rénove son appartement afin d’avoir un endroit où habiter plus près de son entreprise.

[18] Le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur en établissant un lien entre la vente de sa maison et ses projets d’entreprise, car il avait déjà vendu sa maison bien avant de signer tout contrat lié à son entreprise. D’ailleurs, la vente de sa maison avait été inévitable étant donné qu’il ne pouvait plus se la permettre et qu’il avait l’intention d’aller vivre dans l’appartement vide de ses parents. Toutefois, les déclarations du prestataire à cet effet constituent de nouveaux éléments de preuve. De nouveaux éléments de preuve ne sont généralement pas admis durant un appel, sauf dans des circonstances très exceptionnelles. Ces circonstances n’existent pas en l’espèceNote de bas de page 11.

[19] Le prestataire a effectivement affirmé à la division générale que son père avait un logement locatif dans un immeuble d’habitation et que, étant donné que les règlements de copropriété établis ne permettaient plus la location, il vivait dans ce logementNote de bas de page 12.

[20] La raison pour laquelle le prestataire a vendu sa maison n’était pas importante, que ce soit pour habiter dans l’appartement vide de ses parents ou une autre raison. Toutefois, il était important que la division générale prenne en considération le fait que le prestataire a vendu sa maison et déménagé à un autre endroit étant donné que cela a nui à sa capacité à passer du temps à se trouver un emploi. La division générale a écrit que le prestataire n’avait pas présenté d’éléments de preuve suffisants pour démontrer que ses efforts pour trouver un emploi étaient soutenus, en partie, parce qu’il vendait sa maison, déménageait et rénovait et nettoyait son appartement à X, en C.-B. Autrement dit, la division générale n’a pas fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée selon laquelle le prestataire pourrait avoir vendu sa maison à X pour la simple raison que cela lui permettrait de mettre sur pied son entreprise à X.

[21] La division générale peut ne pas l’avoir mentionné dans ses motifs, mais le prestataire allait vendre sa maison de toute manière, afin de pouvoir déménager et d’aller habiter dans l’appartement vide de ses parents. Il aurait nécessairement fini par prendre le temps de déménager, de rénover et de nettoyer l’appartement dans lequel il allait emménager. La décision de la division générale aurait été la même, peu importe la raison pour la vente de la maison du prestataire.

[22] Le prestataire demande essentiellement une nouvelle appréciation, mais un appel à la division d’appel ne suppose pas d’évaluer ni d’entendre la preuve à nouveau. Comme je l’ai déjà mentionné, les moyens d’appel prévus à l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS sont limités. Comme la juge Gleason a écrit dans Garvey c CanadaNote de bas de page 13, le simple désaccord quant à l’application de principes établis aux faits de l’espèce ne justifie pas une intervention de ma part. Un tel désaccord ne correspond pas à une erreur de droit ni à une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans égard pour la preuve, aux termes de l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS.

[23] Finalement, j’ai examiné le dossier sous-jacent. Je ne crois pas que la division générale ait commis une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non au dossier, ou qu’elle ait omis de rendre dûment compte de l’une ou l’autre des preuves dont elle disposait.

Conclusion

[24] Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès. La demande de permission d’en appeler est donc rejetée.

Observations :

R. B., demandeur

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