Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] Le Tribunal accueille l’appel.

Aperçu

[2] L’intimée, N. C. (prestataire) ,  présente une demande initiale de prestations d’assurance-emploi débutant le 17 août 2014. L’appelante, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, rajuste le revenu de la prestataire pour les semaines du 31 août 2014 au 28 décembre 2014, puisque la prestataire exploite une entreprise. La prestataire demande à la Commission de procéder à une révision. La Commission modifie la répartition des revenus d’entreprise pour les semaines du 31 août 2014 au 28 décembre 2014, et affirme que l’application des revenus d’entreprise pour les semaines du 31 août 2014 au 20 septembre 2014, n’a aucune incidence puisque la prestataire n’a pas reçu de prestations pour lesdites semaines. La prestataire interjette appel de cette décision auprès de la division générale.

[3] La division générale a déterminé qu’aucune répartition de la rémunération de la prestataire ne doit être effectuée en raison du fait que l’entreprise a enregistré des pertes pendant la période en cause.

[4] La permission d’en appeler a été accordée par le Tribunal. La Commission fait valoir que la division générale a erré puisque la preuve démontre que, pour la période en litige, à savoir du ler juillet 2014 au 30 juin 2015, l’entreprise a généré un bénéfice net de 31 040 $.

[5] Le Tribunal accueille l’appel de la Commission.

Questions en litige

[6] Est-ce que la division générale a erré en concluant qu’aucune répartition de la rémunération ne pouvait être effectuée en raison du fait que la compagnie a enregistré des pertes pendant la période du ler juillet 2014 au 30 juin 2015?

[7] Dans l’affirmative, est-ce qu’il y a lieu de répartir le bénéfice net de l’entreprise qui a été utilisé afin de réduire les pertes nettes antérieures de l’entreprise?

Analyse

Mandat de la division d’appel

[8] La Cour d’appel fédérale a déterminé que la division d’appel n’avait d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS)Note de bas de page 1.

[9] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale et n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieure.

[10] En conséquence, à moins que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle, qu’elle ait erré en droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, le Tribunal doit rejeter l’appel.

Question en litige no 1 : Est-ce que la division générale a erré en concluant qu’aucune répartition de la rémunération ne pouvait être effectuée en raison du fait que la compagnie a enregistré une perte pendant la période du ler juillet 2014 au 30 juin 2015?

[11] Oui. Le Tribunal est d’avis que la division générale a erré en concluant qu’aucune répartition de la rémunération ne pouvait être effectuée en raison du fait que la compagnie a enregistré une perte pendant la période du ler juillet 2014 au 30 juin 2015.

[12] La Commission ne conteste pas la décision de la division générale de tenir compte des états financiers annuels de l’entreprise aux fins de la répartition de la rémunération.

[13] La Commission fait cependant valoir que la division générale a erré en concluant qu’aucune répartition de la rémunération ne pouvait être effectuée en raison du fait que la compagnie a enregistré des pertes pendant la période du ler juillet 2014 au 30 juin 2015.

[14] La Commission soutient que la preuve démontre plutôt que l’entreprise a généré un bénéfice net de 31 040 $ pendant la période en question et qu’il y avait donc lieu de répartir la rémunération.

[15] Le Tribunal constate que la division générale mentionne correctement la période du ler juillet 2014 au 30 juin 2015 dans la section « Aperçu » de la décision. Elle y fait également référence dans la section « Preuve » et « Observations » de la décision. 

[16] Cependant, la division générale renvoie aux périodes du 1er juillet 2012 au 30 juin 2013 et du 1er juillet 2013 au 30 juin 2014 dans son analyse pour conclure qu’aucune répartition ne peut être effectuée puisque l’entreprise est déficitaire.

[17] Le Tribunal est d’avis que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. À tout le moins, la décision de la division générale est ambigüe et manque de clarté eu égard à la période utilisée pour en venir à sa conclusion sur la répartition de la rémunération, ce qui constitue une erreur de droit.

[18] Le Tribunal est donc justifié d’intervenir et de rendre la décision qui aurait dû être rendu selon l’article 59 de la Loi sur le MEDS.

Question en litige no 2 : Est-ce qu’il y a lieu de répartir le bénéfice net de l’entreprise qui a été utilisé afin de réduire les pertes nettes antérieures de de l’entreprise?

[19] La Commission soutient que, puisque l’entreprise a généré un bénéfice net de 31 040 $ pour la période du 1er juillet 2014 au 30 juin 2015, il y a lieu de maintenir la répartition de la rémunération conformément aux articles 35 et 36 du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement sur l’AE).

[20] La prestataire fait valoir que les états financiers préparés par la firme de comptables externes de l’entreprise démontrent clairement que la société n’a enregistré aucun profit en date du 30 juin 2015, mais plutôt une perte au montant de 12 643 $. Elle soutient que retenir la position de la Commission lorsqu’une entreprise est déficitaire et sans bénéfices ferait en sorte que l’application de la Loi sur l’assurance‑emploi et sa règlementation viendrait en contradiction avec la Loi sur les sociétés par actions du Québec.

[21] La preuve non contestée démontre que l’entreprise a généré un bénéfice net de 31 040 $ pendant la période du ler juillet 2014 au 30 juin 2015. Cependant, le bénéfice net a été utilisé afin de réduire les pertes des années antérieures de l’entrepriseNote de bas de page 2.

[22] Une personne qui exploite une entreprise, même comme cointéressé, est un travailleur indépendant, et le revenu qu’il en retire doit être réparti conformément à l’article 36(6) du Règlement sur l’AE.

[23] En l’espèce, la division générale a reconnu la qualification de la prestataire comme travailleur indépendant puisqu’elle participe aux opérations de son entreprise et qu’elle a droit aux dividendes de l’entreprise.

[24] La Cour d’appel fédérale a confirmé à maintes reprises que certaines « constantes », même si elles pouvaient prêter flanc à la critique, ont rendu l’application des dispositions relatives au travailleur indépendant plus constante et moins aléatoireNote de bas de page 3.

[25] Premièrement, le statut juridique de l’exploitation ou de l’entreprise à laquelle le travailleur autonome s’emploie n’importe pas. Deuxièmement, le temps plus ou moins important consacré à l’exploitation ou à l’entreprise ne change rien. Troisièmement, la réception, pendant l’état de chômage, de revenus venant de l’exploitation ou de l’entreprise n’est pas requise; seul un droit à tel revenu suffit.

[26] Il est vrai que les actionnaires ne perçoivent aucun dividende jusqu’à ce qu’il y ait des profits nets à partir desquels ils peuvent être payés et jusqu’à ce que les directeurs déterminent qu’ils doivent être payés. Cependant, selon la troisième constante dégagée par la Cour d'appel fédérale, seul un droit aux dividendes suffit et il n'est pas nécessaire que les dividendes soient effectivement versés.

[27] Il y a donc lieu, selon le Règlement sur l’AE et les précédents de la Cour d’appel fédérale, de répartir les sommes attribuables à la prestataire, peu importe les décisions qui ont été prises par les actionnaires quant à la distribution ou non du bénéfice, ou que le bénéfice net ait été affecté au paiement du déficit antérieur de l’entreprise, comme dans le présent casNote de bas de page 4.

[28] Tel qu’il est souligné par la Cour d’appel fédérale, les constantes se sont imposées par la perception de la volonté du législateur de rejoindre tout revenu rattaché directement ou indirectement au travail, par opposition au revenu de pur placement.

[29] La Cour d’appel fédérale a également rappelé qu’elle ne satisferait pas aux exigences et aux fins de la justice si elle s’employait à remettre en cause, et peut-être contrer, ces constantes que l’application de ces dispositions relatives aux travailleurs indépendants a permis de dégager.

[30] Compte tenu de la preuve devant la division générale, plus particulièrement les états financiers de l’entreprise qui indique un bénéfice net de 31 040 $ pour la période du 1er juillet 2014 au 30 juin 2015, le Tribunal en vient à la conclusion que le bénéfice net de l’entreprise représente une rémunération selon l’article 35(10)(c) du Règlement sur l’AE et que cette rémunération doit être repartie conformément à l’article 36(6) du Règlement sur l’AE.

Conclusion

[31] Pour les motifs ci-dessus mentionnés, le Tribunal accueille l’appel.

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

15 janvier 2019

Téléconférence

Julie Meilleur, représentante de l’appelante
N. C., intimée
Me Jacques Landry, représentant de l’intimée

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