Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté. L’appelante a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite et est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi (AE). 

Aperçu

[2] L’appelante a présenté une demande de prestations régulières d’AE et a établi une demande prenant effet le 19 août 2018. La Commission a enquêté sur le motif de cessation d’emploi de l’appelante et a établi qu’elle avait été congédiée de son emploi à X pour insubordination et manquement à l’obligation de confidentialité. La Commission a imposé une exclusion du bénéfice des prestations à l’égard de sa demande parce qu’elle a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. L’appelante a contesté la décision de la Commission au motif que X avait modifié son relevé d’emploi (RE), remplaçant « congédiement » par « licenciement non motivé ». L’employeur a indiqué que les gestes de l’appelante constituaient toujours une violation de son contrat de travail et une violation de la confiance. La Commission a maintenu sa décision et l’appelante a interjeté appel auprès du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (le Tribunal). 

Questions préliminaires

[3] La conduite de l’employeur n’est pas en cause dans le présent appel. Bien que l’appelante ait déclaré à maintes reprises dans son témoignage à l’audience que la décision du X de mettre fin à son emploi était « injuste » et « très sévère », la Cour d’appel fédérale a définitivement statué que le rôle du Tribunal n’est pas de décider si un congédiement était justifié ou quelle est la sanction appropriée, ni si le congédiement est une sanction trop sévère dans les circonstances : Caul 2006 CAF 251, Secours A-352-94, Namaro A-834-82. 

[4] Si l’appelante croit qu’elle a été traitée de façon déraisonnable ou congédiée injustement par le X, elle est libre d’exercer les recours qui pourraient lui être offerts pour de tels actes. 

[5] Le Tribunal doit se concentrer sur la conduite de l’appelante en ce qui a trait à la cessation d’emploi et décider si elle constitue une inconduite aux fins de l’article 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) : McNamara 2007 CAF 107, Fleming 2006 CAF 16. 

Question en litige

[6] L’appelante est-elle exclue du bénéfice des prestations d’AE parce qu’elle a fait l’objet d’une cessation d’emploi au X en raison d’une conduite qui constitue de l’inconduite aux fins de l’article 30 de la Loi sur l’AE?

Analyse

[7] L’appelante sera exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi si elle a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite : article 30 de la Loi sur l’AE.

[8] Il incombe à la Commission, avec la preuve obtenue de l’employeur, de prouver que l’appelante, selon la prépondérance des probabilités, a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite (Larivee A-473-06, Falardeau A-396-85).

[9] Le terme « inconduite » n’est pas défini dans la Loi sur l’AE. Son sens aux fins de la Loi sur l’AE a plutôt été établi par la jurisprudence des tribunaux et des organismes administratifs qui ont étudié l’article 30 de la Loi sur l’AE et qui ont énoncé des principes directeurs qui doivent être pris en compte suivant les circonstances.

[10] Pour prouver qu’il y a eu inconduite, il faut démontrer que l’employée s’est comportée autrement qu’elle aurait dû le faire et qu’elle l’a fait de manière volontaire ou délibérée ou avec une insouciance telle qu’elle frôlait le caractère délibéré : Eden A-402-96. Pour qu’elle ait commis une inconduite, il faut démontrer que l’appelante savait ou aurait dû savoir que sa conduite nuisait à l’exécution de ses fonctions pour l’employeur et que par conséquent, le congédiement constituait une véritable possibilité : (Lassonde A-213-09, Mishibinijima A-85-06, Hastings A-592-06, Lock 2003 CAF 262), et que la mauvaise conduite affecterait le rendement au travail de l’appelante, nuirait aux intérêts de son employeur ou nuirait irrémédiablement à la relation employeur-employé : (CUB 73528).

[11] Le Tribunal reconnaît que le plus récent RE modifié émis par le X indique que l’appelante a été licenciée sans motif valable (GD3-20). Toutefois, le RE ne répond pas complètement à la question de savoir pourquoi l’appelante a fait l’objet d’une cessation d’emploi. Comme l’indique la Cour d’appel fédérale dans Macdonald A-152-96, le Tribunal doit déterminer la cause réelle de la cessation d’emploi du prestataire et s’il s’agit d’une inconduite aux fins de l’article 30 de la Loi sur l’AE.

Première question en litige : Quelle est la conduite ayant entraîné la cessation d’emploi de l’appelante?

[12] La première étape du processus consiste pour le Tribunal à établir pourquoi l’appelante a fait l’objet d’une cessation d’emploi au X.

[13] Les éléments de preuve de l’employeur sont les suivants :

  1. le RE original et un RE modifié, émis respectivement le 28 août 2018 et le 26 septembre 2018, pour « congédiement » (GD3-16 et GD3-18);
  2. les déclarations initiales à la Commission, le 9 octobre 2018, selon lesquelles l’appelante a été congédiée pour insubordination et manquement à la confidentialité (GD3-22 et GD3-25);
  3. d’autres déclarations faites à la Commission, en date du 15 octobre 2018, selon lesquelles l’appelante avait l’intention d’envoyer un courriel à un ancien employé et créait une relation antagoniste au travail (GD3-27);
  4. un autre RE modifié émis le 15 novembre 2018 pour « cessation d’emploi sans motif » (GD3-20);
  5. les déclarations à la Commission au cours du processus de réexamen selon lesquelles l’appelante avait l’intention d’envoyer un courriel contenant des renseignements confidentiels à un ancien employé, ce qui, bien que le courriel ait été contenu, constituait une violation de la confiance de l’employeur (GD3-36);
  6. une copie de la lettre de cessation d’emploi du 14 août 2018 (GD3-38), indiquant que l’appelante a envoyé un « courriel inacceptable » à l’externe à d’anciens employés du X qui contenait également des « renseignements internes confidentiels » – en violation de son contrat de travail;
  7. une copie du courriel en cause (GD3-41 à GD33-44).

[14] Les éléments de preuve présentés par l’appelante à la Commission étaient les suivants :

  1. Le Questionnaire sur le congédiement (GD3-23 à GD3-24), dans lequel elle a donné les détails suivants au sujet de son congédiement :

    « Il y a eu une réorganisation au travail et mon patron a quitté son emploi, j’ai ensuite été placée sous la direction d’un nouveau patron qui m’a envoyé un courriel que j’ai essentiellement considéré comme du harcèlement. J’ai ensuite envoyé un courriel à mon ancienne patronne pour lui faire part de mes préoccupations concernant la microgestion et pour lui demander si j’étais trop sensible. J’ai envoyé le courriel à l’ancienne adresse de courriel au travail de ma patronne par erreur et ce que j’ignorais, c’est que mon nouveau patron avait accès à cette adresse de courriel. Il s’en est servi pour me congédier. J’ai été en contact avec un avocat et il mentionne que je pourrais avoir une cause de congédiement injustifié. À l’origine, j’ai reçu une lettre indiquant que j’avais été congédiée sans motif valable, mais ils ont depuis communiqué avec mon avocat pour lui dire qu’ils voulaient changer la décision pour un motif valable. Les avocats négocient toujours. » (GD3-23)
  2. Les déclarations initiales à la Commission faites le 12 octobre 2018 (GD3-26) selon lesquelles elle avait l’intention d’envoyer le courriel à son ancienne patronne, mais selon lesquelles le courriel ne contenait pas de renseignements financiers. Il s’agissait d’un rapport sur le volume d’appels qui n’a aucune incidence sur quoi que ce soit. Elle ne s’est même pas rendu compte que le rapport était joint. Elle demandait conseil à son ancienne patronne pour savoir si elle était trop sensible à un courriel de son nouveau patron.
  3. D’autres déclarations faites à la Commission le 15 octobre 2018 (GD3-28) selon lesquelles elle a commis une erreur et aurait pu faire les choses différemment, mais elle voulait simplement obtenir une opinion de son ancienne patronne au sujet du courriel de son nouveau patron. Son ancienne patronne avait été congédiée par le X deux semaines avant l’incident.
  4. Déclarations à la Commission au cours du processus de réexamen (GD3-34 à GD3-35) selon lesquelles :
    • Elle a envoyé un courriel à son ancienne patronne (X) pour lui demander son opinion sur ce qui s’était dit dans un courriel troublant de son nouveau patron – qui faisait partie d’une chaîne de courriels qu’elle a également transmis à X.
    • X avait fait l’objet d’un congédiement déguisé et avait démissionné deux semaines plus tôt en août, et sa patronne (X) a également été congédiée en août.
    • Par mégarde, l’appelante a envoyé le courriel à l’ancienne adresse de courriel interne de X au X. Le courriel n’a pas été envoyé à l’externe et aucun renseignement confidentiel n’a été transmis, mais parce qu’il est resté à l’interne, l’employeur en a pris connaissance. 
    • Le courriel comprenait une pièce jointe que l’appelante n’avait pas reçue, mais X avait déjà l’information de toute façon parce qu’elle travaillait au X et ce n’était nullement confidentiel.
    • L’appelante prévoyait se présenter au travail le lundi et prendre un congé de maladie parce qu’elle était bouleversée par le courriel de son nouveau patron. 
  5. Voici d’autres déclarations faites à la Commission durant le processus de réexamen (GD3-45 à GD3-46) :
    • Elle estimait que le courriel de son nouveau patron était du harcèlement et que ce qu’il demandait dans ce courriel était ridicule.
    • Elle a transmis le courriel de son nouveau patron à deux personnes : a) X, son ancienne patronne qui a été licenciée quelques semaines auparavant et b) XX, la patronne de son ancienne patronne, qui avait également été licenciée.
    • Elle a agi ainsi parce que X venait tout juste de vivre la même situation que l’appelante, et elle a envoyé une copie conforme à la patronne de X, X, parce qu’elle venait tout juste de vivre elle aussi cette situation. Elle cherchait des conseils à partir de ce moment-là.
    • Elle a reconnu sur-le-champ avoir commis une erreur.
    • Elle ne s’est pas rendu compte que le rapport était joint, mais il n’y avait rien de confidentiel dans ce rapport et X et X étaient au courant de l’information figurant dans la pièce jointe.
    • Dans son contrat de travail, une ligne porte sur la non-communication de renseignements à des tiers.
    • Son avocat a dit que l’intention était présente, mais que le contrat était mal formulé et qu’il ne résisterait pas à l’analyse devant les tribunaux.
    • La mesure prise par l’employeur n’était pas adaptée à l’erreur. Elle était une bonne employée et l’employeur a bel et bien réagi de façon exagérée. Elle allait prendre sa retraite dans 16 mois et ne méritait pas cela.
    • Elle n’a pas fait preuve d’insubordination. Elle n’aurait jamais dit ce qu’elle a exprimé dans son courriel à qui que ce soit d’autre qui travaillait encore au X.

[15] L’appelante a témoigné comme suit à l’audience :

  • Elle s’appuie sur la lettre d’explication (GD2-6 à GD2-7) dans ses documents d’appel.
  • Le X a déclaré que le licenciement est sans motif et elle ne comprend pas pourquoi ce n’est pas la fin de cette affaire.
  • Elle n’a pas fait preuve d’insubordination parce qu’elle n’a pas dit ouvertement ou publiquement à son personnel ou à l’un ou l’autre des membres du personnel de son patron qu’elle ne le respectait pas ou qu’elle ne voulait pas relever de lui.
  • Elle a envoyé ce qu’elle croyait être un courriel confidentiel à son ancienne patronne.
  • En situation d’émotivité, elle a commis une erreur en choisissant la mauvaise adresse électronique. Son employeur a donc pris connaissance de ce qu’elle avait fait et [traduction] « c’est ce qui a causé tout cela ».
  • L’employeur a intercepté le courriel. Rien n’a été transmis à son ancienne patronne, de sorte qu’il n’y a pas eu de partage de quoi que ce soit. 
  • Elle a payé [traduction] « un très lourd tribut » pour son erreur, mais aucun préjudice n’a été causé au X parce que X et X avaient déjà vu les statistiques dans le rapport ci-joint. L’appelante a déclaré : [traduction] « Oui, il y avait peut-être eu une intention », mais X n’avait rien vu auparavant, si ce n’est que l’appelante [traduction] « devait maintenant relever de X » (son nouveau patron).
  • Une structure hiérarchique n’est pas une information confidentielle. 
  • Sa conduite ne correspond pas à la « définition de l’AE » d’une inconduite délibérée.
  • Elle ne savait pas que sa conduite entraînerait ou pourrait entraîner son congédiement parce qu’elle croyait qu’elle envoyait un courriel privé à son ancienne patronne et que l’employeur ne le découvrirait jamais. Il n’y avait rien de délibéré concernant le fait de « taper la mauvaise adresse de courriel sur un téléphone cellulaire ».
  • Elle n’avait pas l’intention de nuire à qui que ce soit. Elle cherchait à obtenir des conseils et a envoyé accidentellement son courriel à la mauvaise adresse.
  • Elle était très émotive lorsqu’elle a envoyé le courriel et n’avait pas dormi pendant deux jours.
  • Il était « ridicule » de devoir relever de son nouveau patron, X. Elle cherchait à obtenir des conseils de quelqu’un qui connaissait bien « la politique et tout ce qui se passe » au X.
  • Elle était une très bonne employée et il s’agissait de la « première erreur » qu’elle a commise au cours des 3,5 années où elle a travaillé au X. L’appelante a déclaré : « Et tout ce que j’ai fait, c’est de me tromper d’adresse électronique. »
  • L’appelante a déclaré : « Si j’avais choisi la bonne adresse électronique, nous n’aurions pas eu cette discussion. Je ne serais pas dans cette situation. »
  • Son avocat lui a dit que c’était [traduction] « très sévère », étant donné qu’elle n’était [traduction] « pas du tout une employée à problème ».
  • L’appelante a déclaré : « J’ai compris que je ne pouvais pas retourner travailler là-bas après avoir tenu ces propos. » 
  • Mais maintenant, elle est doublement pénalisée pour une « légère erreur », soit d’avoir « tapé la mauvaise adresse électronique » en n’obtenant même pas de prestations d’assurance-emploi après avoir cotisé au programme pendant 40 ans. 

[16] Le Tribunal conclut que la cessation d’emploi de l’appelante chez X a été causée par son comportement d’avoir envoyé un courriel contenant les renseignements de l’employeur (GD3-41 à GD3-44) à des tiers – à savoir son ancienne patronne et l’ancienne patronne de cette dernière – et par la déclaration qu’elle a fait dans le courriel qu’elle n’avait aucun respect pour son patron actuel et qu’elle ne serait pas « microgérée » par lui. 

[17] L’employeur a clairement et uniformément identifié ces gestes comme étant les raisons pour lesquelles X a rompu sa relation d’emploi avec l’appelante. L’appelante ne conteste pas qu’elle a envoyé à ces deux personnes un courriel contenant des communications internes entre elle et sa patronne et un rapport de X, et elle admet qu’elles n’étaient pas des employées de X à l’époque. Elle reconnaît avoir envoyé le courriel, mais affirme qu’il n’a pas été transmis aux destinataires visés parce qu’elle a utilisé par inadvertance la mauvaise adresse électronique et qu’elle a été interceptée par l’employeur. L’appelante ne nie pas non plus avoir indiqué dans le courriel qu’elle n’avait aucun respect pour son patron et qu’elle ne serait pas « microgérée » par lui. Elle admet avoir fait ces commentaires, mais affirme qu’ils étaient censés être privés et qu’ils n’étaient pas censés être communiqués à l’employeur.

Deuxième question en litige : Cette conduite constitue-t-elle une « inconduite » aux fins de la Loi sur l’AE?  

[18] Le Tribunal doit établir si la conduite qu’il a jugé être la cause de la cessation d’emploi de l’appelante constitue de l’inconduite au sens de l’article 30 de la Loi (Marion 2002 CAF 185, Macdonald, précité). 

[19] Le Tribunal conclut qu’il s’agit bel et bien d’une inconduite.

Manquement à l’obligation de confidentialité

[20] En tant qu’employée, l’appelante avait une obligation de confidentialité envers son employeur. Elle savait également que son contrat de travail lui interdisait de partager les renseignements de l’employeur avec des tiers (GD3-46). Pourtant, l’appelante a délibérément transmis une chaîne de courriels avec des communications internes entre elle et sa patronne, ainsi qu’un rapport interne de X, à deux personnes à l’extérieur de l’organisation (voir GD3-41 à GD3-44). Il s’agissait d’un manquement à l’obligation de confidentialité de l’appelante et à son contrat de travail. 

[21] Le fait que l’appelante croyait qu’elle dirigeait le courriel vers une adresse électronique personnelle et qu’elle n’avait jamais eu l’intention d’en prendre connaissance ne change pas la nature de ses actions. Bien que les deux destinataires visées aient pu être d’anciennes employées de X, elles n’étaient pas des employées de X au moment où l’appelante leur a envoyé un courriel. De plus, ces personnes ont toutes deux été congédiées récemment par X, ce qui amplifie la violation de la confidentialité. C’est particulièrement le cas étant donné que l’appelante savait qu’il y avait des problèmes d’indemnités de départ en lien avec leurs cessations d’emploi (GD3-34 à GD3-35 et GD3-45 à GD3-46). Il importe peu que le courriel ait été intercepté par l’employeur et qu’il n’ait jamais été envoyé aux tiers. L’envoi comme tel du courriel, quoiqu’à la « mauvaise adresse », démontre que l’appelante avait l’intention de partager des communications internes entre elle et son patron avec des personnes à l’extérieur du X. Cette intention prouve à son tour la nature délibérée et volontaire de la conduite. 

[22] Il importe peu que, de l’avis de l’appelante, il n’y ait pas de renseignements financiers et qu’il n’y ait rien de significatif ou de confidentiel dans la chaîne de courriels ou dans le rapport qui y est joint. L’obligation de confidentialité ne dépend pas de l’évaluation personnelle de l’appelante quant à savoir si les renseignements qu’elle partage avec des tiers sont de nature financière ou confidentielle. Le Tribunal n’accepte pas non plus le témoignage de l’appelante selon lequel une structure hiérarchique n’est pas confidentielle. C’est à l’employeur qu’il incombe de déterminer la nature confidentielle d’un élément particulier d’information de X, et X a affirmé que le courriel envoyé par l’appelante contenait des renseignements confidentiels qui n’étaient pas destinés à l’extérieur de l’entreprise (GD3-36). L’appelante savait qu’il lui était interdit de communiquer les renseignements de l’employeur à des tiers, ce qui comprendrait certes des communications internes comme la chaîne de courriels et le rapport joint (GD3-41 à GD3-44). L’appelante a décrit l’information figurant dans la pièce jointe comme [traduction] « des numéros de volume d’appels/de courriels et rapports sur les niveaux de service, aucune information financière ou quoi que ce soit qui serait utile » (GD2-7). Toutefois, elle a aussi indiqué que l’exercice financier de X se terminait en août et que le X avait tendance à mettre à pied des employés lorsqu’il n’atteignait pas les statistiques requises, ce qu’il n’avait pas fait en août 2018 (GD3-34). Le rapport joint au courriel de l’appelante (GD3-43) montre les changements d’une année à l’autre dans diverses catégories de services entre 2017 et 2018. En toute logique, ces renseignements seraient évidemment assujettis à l’obligation de confidentialité et à l’interdiction prévue dans le contrat de travail de l’appelante. Le fait que les destinataires visées puissent avoir déjà vu le rapport avant leur propre cessation d’emploi (mais non l’échange de courriels entre l’appelante et son nouveau patron) ne change pas la nature des actions de l’appelante. 

[23] L’appelante occupait un poste de gestion (GD3-45) et aurait dû savoir qu’elle pouvait perdre son emploi pour avoir partagé avec des tiers les renseignements de l’employeur (GD3-41 à GD3-44). Bien que l’appelante ait témoigné qu’elle ne croyait pas que l’envoi d’un courriel privé à son ancienne patronne entraînerait la perte de son emploi, ce n’est que parce qu’elle n’avait jamais pensé qu’elle se ferait prendre. Ses mentions répétées du fait qu’elle a commis une seule erreur en « tapant la mauvaise adresse électronique » démontrent que l’appelante savait non seulement qu’elle enfreignait son obligation de confidentialité et les dispositions de son contrat de travail, mais qu’elle ne devait pas en informer l’employeur en raison des conséquences très graves qui en découlaient. Le Tribunal conclut donc que l’appelante savait ou aurait dû savoir qu’elle pouvait vraiment être congédiée pour avoir envoyé le courriel mentionné de GD3-41 à GD3-45 à des tiers. Le Tribunal conclut en outre qu’un tel geste a causé un préjudice irréparable à la relation d’emploi, d’autant plus que les deux destinataires visées étaient d’anciennes employées du X qui avaient été congédiées très récemment. 

Insubordination

[24] Le 12 août 2018, l’appelante a transmis un échange de courriels entre elle et son nouveau patron (qui a eu lieu le 10 août 2018) à son ancienne patronne et à la patronne de cette dernière. Elle a ajouté ce qui suit à cette chaîne de courriels :
[Traduction] « C’est ce qui m’a fâchée. Suis-je trop sensible? Je ne serai pas microgérée par quelqu’un pour qui je n’ai aucun respect. J’ai réfléchi à quelques options et j’aimerais recevoir de la rétroaction. X » (GD3-41)

[25] L’appelante a témoigné qu’elle exprimait son mécontentement d’être contrainte de relever d’une personne pour laquelle elle n’avait aucun respect. 

[26] Le fait que l’appelante n’ait jamais eu l’intention de faire connaître à l’employeur ses déclarations au sujet de son nouveau patron ne change rien au fait que le X en a pris connaissance et les a citées comme motif de son licenciement. Ces déclarations doivent donc être considérées dans le contexte où elles ont été communiquées à l’employeur. 

[27] Le Tribunal conclut que les déclarations de l’appelante sont désobligeantes à leur face même et reflètent un refus délibéré et intentionnel d’obéir à la demande raisonnable de l’employeur. Bien que l’appelante ait pu penser que le courriel original de son patron daté du 10 août 2018 était [traduction] « ridicule » et [traduction] « du harcèlement », le Tribunal accorde plus de poids à la preuve de l’employeur selon laquelle ce que X a écrit et demandé était tout à fait approprié pour un nouveau titulaire du poste, ce qui était le cas pour X (voir GD3-27 et GD3-36). Un examen des courriels échangés entre l’appelante et X appuie cette interprétation fondée sur le bon sens. Le Tribunal conclut qu’il s’agit d’insubordination. 

[28] Le Tribunal conclut en outre qu’il était insouciant de la part de l’appelante de faire de telles déclarations par écrit. C’est particulièrement le cas étant donné que les destinataires visées du courriel de l’appelante étaient toutes deux d’anciennes employées du X – dont l’une avait déjà occupé le poste de X – et qu’elles avaient été congédiées récemment par le X. Ayant fait les déclarations par écrit dans un courriel envoyé, quoiqu’accidentellement, à une adresse de courriel interne du X, l’appelante ne peut modifier le sens clair et évident de ses mots ni leur impact.

[29] L’appelante a également témoigné qu’elle avait compris qu’elle n’aurait pas pu retourner travailler au X après que l’employeur eut pris connaissance de ce qu’elle avait écrit dans le courriel au sujet de son nouveau patron. Le Tribunal est d’accord et conclut que les déclarations de l’appelante ont causé un préjudice irréparable à la relation employeur-employée. 

[30] Le Tribunal conclut également qu’en tant que gestionnaire elle-même, l’appelante aurait dû savoir que de tels commentaires pouvaient mener à son congédiement s’ils étaient transmis à l’employeur. Bien que le Tribunal reconnaisse que l’appelante était émotive lorsqu’elle a envoyé le courriel en question, la Cour d’appel fédérale a statué que le fait qu’un prestataire ait agi de façon impulsive et qu’il regrette maintenant son geste n’est pas pertinent pour décider si ses gestes constituent de l’inconduite (Kaba 2013 CAF 2008, Hastings 2007 CAF 372). Le Tribunal doit juger si, en agissant comme elle l’a fait, l’appelante aurait dû savoir que sa conduite était telle qu’elle pouvait mener à son congédiement. Pour les motifs énoncés aux paragraphes 20 à 29 ci-dessus, le Tribunal conclut que l’appelante aurait dû savoir qu’elle pouvait être congédiée si son employeur avait su qu’elle envoyait un courriel à son ancienne patronne et à la patronne de son ancienne patronne pour leur dire qu’elle n’avait aucun respect pour son patron actuel et qu’elle ne serait pas « microgérée » par lui. L’appelante se plaint d’avoir [traduction] « choisi une mauvaise adresse de courriel » par mégarde lorsqu’elle a envoyé le courriel. Toutefois, cette « erreur » ne change pas la nature des déclarations ni le fait que l’appelante a pris un risque par insouciance lorsqu’elle les a mises par écrit et qu’elle aurait dû connaître les conséquences graves possibles, y compris la perte de son emploi, si ses déclarations étaient communiquées à l’employeur. 

Résumé

[31] Le Tribunal conclut que la conduite de l’appelante d’envoyer le courriel avec les renseignements de l’employeur (GD3-41 à GD3-44) à des tiers, à savoir son ancienne patronne et la patronne de celle-ci, et d’indiquer dans son courriel qu’elle n’avait aucun respect pour son patron actuel et qu’elle ne serait pas [traduction] « microgérée » par lui était volontaire, délibérée et insouciante. Le Tribunal conclut en outre que ces gestes ont irrémédiablement nui à sa relation d’emploi avec son employeur et que l’appelante aurait dû savoir qu’elle pourrait perdre son emploi en raison de ce comportement. Le Tribunal conclut donc que la conduite de l’appelante constitue de l’inconduite au sens de l’article 30 de la Loi sur l’AE

[32] Enfin, le Tribunal reconnaît les circonstances difficiles que l’appelante a vécues depuis qu’elle a été congédiée par le X. Malheureusement pour l’appelante, elle ne peut éviter l’exclusion prévue à l’article 30 de la Loi sur l’AE parce qu’elle a besoin de soutien financier ou qu’elle a cotisé au régime d’assurance-emploi pendant de nombreuses années.

Conclusion

[33] Le Tribunal conclut que la cessation d’emploi de l’appelante au X était attribuable à sa propre inconduite. L’appelante est donc exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter du 19 août 2018 en vertu de l’article 30 de la Loi sur l’AE.

[34] L’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 30 janvier 2019

Téléconférence

E. E., appelante

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