Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté. La prestataire n’a pas démontré qu’elle n’avait aucune autre solution raisonnable que celle de quitter son emploi au moment où elle l’a fait.

Aperçu

[2] L’appelante (prestataire) détenait un poste à temps partiel dans un magasin de détail lorsqu’elle a démissionné pour accepter un emploi temporaire avant de fréquenter l’université. L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a exclu la prestataire du bénéfice des prestations d’assurance-emploi (AE) après avoir conclu qu’elle avait quitté volontairement son emploi au magasin de détail sans justification. La prestataire a demandé la révision de cette décision, et la Commission a maintenu sa décision originale. La prestataire interjette appel devant le Tribunal de la sécurité sociale.

Questions préliminaires

[3] La prestataire a demandé une audience sous forme de questions et réponses écrites comme mode d’instruction de son appel. Le Tribunal a déterminé qu’une audience par téléconférence était le mode d’instruction approprié compte tenu de la complexité des questions en litige, des renseignements contenus dans le dossier, dont la nécessité d’obtenir des renseignements additionnels, et du fait que ce mode d’instruction satisfaisait à la condition énoncée dans le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement sur le TSS) de procéder de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent et qu’il s’agissait de la meilleure façon de clarifier et de recevoir la preuve relative aux questions en litige.

[4] Aucune des parties à l’appel n’a participé à l’audience par téléconférence à l’heure prévue, même si elles en ont été dûment informés. Le 3 janvier 2019, la prestataire a informé le Tribunal qu’elle désirait annuler l’audience. Le personnel du Tribunal lui a demandé qu’elle précise son intention. La prestataire a répondu qu’elle n’assisterait pas à l’audience, mais qu’elle désirait recevoir une décision du Tribunal.

[5] Compte tenu de ce qui précède, le Tribunal a tenu l’audience en l’absence des parties, comme le permet l’article 12(1) du Règlement sur le TSS.

Questions en litige

Question en litige no 1 : La prestataire a-t-elle quitté volontairement son emploi au magasin de détail?

Question en litige no 2 : Dans l’affirmative, la prestataire était-elle fondée à quitter volontairement son emploi au magasin de détail au moment où elle l’a fait?

Analyse

[6] La Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’un prestataire doit être exclu du bénéfice des prestations d’AE s’il quitte volontairement son emploi sans justification (article 30(1)).

[7] Il incombe à la Commission de démontrer que le départ était volontaire puis, une fois que ce fait a été établi, il incombe à la prestataire de démontrer qu’elle était fondée à quitter son emploi. En l’espèce, le fardeau de la preuve correspond à la prépondérance des probabilités, ce qui signifie qu’il doit être « plus probable qu’improbable » que les événements aient eu lieu de la manière décrite. La partie détenant le fardeau doit fournir une preuve suffisante pour satisfaire au critère juridique.

Question en litige no 1 : La prestataire a-t-elle quitté volontairement son emploi au magasin de détail?

[8] Le Tribunal juge que la prestataire a quitté volontairement son emploi. Pour déterminer si la prestataire a quitté volontairement son emploi, la question à laquelle il faut répondre est celle de savoir si l’appelant avait le choix de conserver son emploi ou de le quitter (Canada (Procureur général) c Peace, 2004 CAF 56).

[9] La prestataire a déclaré à la Commission qu’elle avait quitté son emploi au magasin de détail pour prendre un autre emploi. Un représentant du magasin de détail a dit à la Commission que la prestataire avait quitté son emploi pour prendre un autre emploi. Le relevé d’emploi pour le poste de l’appelante au magasin de détail porte la mention E, soit le code associé à un départ. Par conséquent, le Tribunal estime que la prestataire avait le choix de conserver ou de quitter son emploi et qu’elle a choisi de laisser son emploi au moment où elle a quitté son poste au magasin de détail. Le Tribunal estime donc que la prestataire a quitté volontairement son emploi.

Question en litige no 2 : Dans l’affirmative, la prestataire était-elle fondée à quitter volontairement son emploi au magasin de détail au moment où elle l’a fait?

[10] Non, le Tribunal juge que la prestataire n’était pas fondée à quitter volontairement son emploi.

[11] Pour établir qu’elle était fondée à quitter son emploi, la prestataire doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle n’avait aucune autre solution raisonnable que celle de quitter son emploi compte tenu de toutes les circonstances (Canada (Procureur général) c White, 2011 CAF 190; Canada (Procureur général) c Imran, 2008 CAF 17).

[12] Une liste non exhaustive de circonstances que le Tribunal doit prendre en considération pour déterminer s’il existe une justification figure à l’article 29(c). Cependant, une partie prestataire qui souhaite invoquer les dispositions de l’article 29(c) n’est pas tenue de démontrer que sa situation correspond à l’une des circonstances expressément énumérées dans cet article. Une partie prestataire peut faire la preuve que « compte tenu des circonstances », son départ constitue « la seule solution raisonnable dans son cas » (Canada (Procureur général) c Lessard, 2002 CAF 469).

Assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat

[13] L’article 29(c)(vi) de la Loi énonce, comme circonstance à prendre en compte, l’« assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat ».

[14] Dans son appel devant le Tribunal, la prestataire a écrit qu’elle avait une bonne raison de quitter son emploi au magasin de détail. On lui avait offert un poste au sein de l’administration municipale à titre de coordonnatrice d’un camp X qui lui donnerait de l’expérience dans son futur domaine d’études, l’administration des affaires. Le poste de coordonnatrice lui garantissait 35 heures par semaine, alors qu’elle travaillait en moyenne de 10 à 15 heures par semaine au magasin de détail. Elle savait qu’elle irait à l’université à la fin de l’été et elle avait besoin d’un nombre plus élevé d’heures garanties. Elle voulait également économiser. La prestataire a mentionné dans sa demande de révision qu’elle savait qu’elle occuperait le poste de coordonnatrice jusqu’à ce qu’elle parte pour l’université. La prestataire a déclaré à la Commission que le poste était financé par le programme Stage d’emploi étudiant pour demain (SEED), qui procure aux employeurs un bon pour embaucher une personne pendant neuf semaines. Elle a occupé son poste au magasin de détail pendant la première semaine où elle est entrée en fonction comme coordonnatrice pendant que le magasin de détail cherchait à la remplacer.

[15] Le Tribunal estime que la prestataire avait l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat. Les mots « assurance raisonnable » selon le contexte et leur sens naturel, laissent entendre un certain degré mesurable de garantie. Le qualificatif « raisonnable » assouplit le sens plus rigoureux qu’on prête sinon au mot « assurance »; ce qui constitue moins qu’une assurance formelle peut ainsi constituer une « assurance raisonnable » (Canada (Procureur général c Sacrey, 2003 CAF 377). Le Tribunal juge que l’emploi de la prestataire comme coordonnatrice, qui a chevauché son autre emploi au magasin de détail, constituait une assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat.

[16] La question à trancher ne consiste pas à savoir s’il était raisonnable pour la prestataire de quitter son emploi, mais bien à savoir si la seule solution raisonnable dans son cas était qu’elle quitte son emploi (Canada (Procureur général) c Laughland, 2003 CAF 12).

[17] La Commission a déclaré que la prestataire n’a pas été fondée à quitter son emploi au magasin de détail au motif qu’elle n’avait pas épuisé toutes les solutions raisonnables avant son départ. Compte tenu de tous les éléments de preuve, une solution raisonnable aurait été de conserver cet emploi jusqu’à ce qu’elle trouve un autre poste permanent à temps plein, elle aurait pu cumuler ces deux emplois étant donné que le poste à temps plein était de courte durée, ou elle aurait pu demander un congé de son poste permanent le temps d’occuper le poste à temps plein à court terme. La prestataire n’a donc pas démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi au sens de la Loi.

[18] La réalisation de la circonstance de l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat dépend de la seule volonté du prestataire (Canada (Procureur général) c Langlois, 2008 CAF 18). Il incombe à la partie prestataire de ne pas provoquer un risque de chômage et de ne pas transformer un simple risque en une certitude de chômage (Langlois, précité). Cependant, rien dans les dispositions législatives ne qualifie ni ne restreint [l’]« autre emploi ». Dans l’arrêt Langlois, la Cour a laissé entendre que le moment où un prestataire quitte un emploi permanent et la durée restante de l’emploi saisonnier sont les circonstances les plus importantes à considérer pour déterminer si le départ de l’emploi permanent était une solution raisonnable et était donc justifié. La Cour a déclaré que la partie prestataire n’est pas fondée à quitter son emploi s’il est évident qu’elle n’accumulera pas le nombre d’heures requis pour être admissible aux prestations d’AE au cours de la période de travail de l’emploi saisonnier.

[19] La prestataire a mentionné à la Commission que le poste était financé par un bon de neuf semaines. Un représentant de la municipalité qui employait la prestataire comme coordonnatrice a déclaré à la Commission qu’on ne s’attendait pas à ce que l’emploi de la prestataire se poursuive au-delà de la période des neuf semaines correspondant au bon. Elle pouvait s’attendre de façon constante à travailler 35 heures par semaine. Par conséquent, le Tribunal juge que la prestataire était au courant que le poste de coordonnatrice ne se poursuivrait pas au-delà de la période de neuf semaines. Par conséquent, le Tribunal juge qu’en acceptant l’emploi dont la fin était prévue dans neuf semaines, elle a garanti son emploi à la fin de la période de neuf semaines.

[20] Pour recevoir des prestations régulières, une partie prestataire doit travailler le nombre minimum d’heures d’emploi assurable requis après avoir quitté volontairement un emploi. Le représentant de l’employeur pour le poste de coordonnatrice a déclaré à la Commission que la prestataire pouvait s’attendre à être employée 35 heures par semaine pendant neuf semaines, soit un minimum de 315 heures. Cependant, 315 heures, le nombre maximum d’heures que la prestataire pouvait s’attendre à travailler en occupant le poste de coordonnatrice, ne sont pas suffisantes pour être admissible aux prestations régulières d’AE dans chacune des régions économiques de l’AE pour la période visée. Par conséquent, le Tribunal juge que la durée de l’emploi de la prestataire dans son poste temporaire de coordonnatrice ne lui permettrait pas d’accumuler suffisamment d’heures d’emploi assurable pour établir une demande de prestations d’AE. Le Tribunal estime donc que la solution de quitter son emploi permanent au magasin de détail n’était pas la seule solution raisonnable pour la prestataire. Par conséquent, le Tribunal juge que la prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi au magasin de détail au moment où elle l’a fait.

[21] La prestataire a écrit dans son appel devant le Tribunal que le poste de coordonnatrice exigeait qu’elle exécute aussi des tâches connexes en dehors de ses heures régulières de travail. Elle était aussi tenue de faire une randonnée en région sauvage d’une durée de cinq jours avec les participants au programme. La prestataire a déclaré à la Commission qu’elle ne voulait pas travailler à temps partiel au magasin de détail pendant qu’elle occupait à temps plein le poste de coordonnatrice. Le Tribunal estime que, selon la prépondérance des probabilités, continuer à travailler au magasin de détail n’est pas une solution raisonnable compte tenu du nombre d’heures de travail supplémentaires exigées dans le poste de coordonnatrice.

[22] La prestataire a déclaré à la Commission qu’elle ne pensait pas demander un congé de son poste au magasin pour prendre le poste de coordonnatrice, car elle allait quitter sa province natale à la fin de l’été pour fréquenter l’université. Le Tribunal juge qu’il aurait été raisonnable pour la prestataire de faire quelques efforts pour discuter d’un congé avec son employeur au magasin de détail pour voir si elle pourrait occuper à temps plein le poste de coordonnatrice. En n’épuisant pas cette solution de rechange, le Tribunal juge que la prestataire n’a pas démontré qu’elle n’avait aucune autre solution raisonnable que celle de quitter son emploi au moment où elle l’a fait. Par conséquent, le Tribunal juge que la prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi permanent au magasin de détail pour prendre le poste temporaire de coordonnatrice.

Recommandation d’une formation

[23] Il est de jurisprudence constante que le fait de quitter un emploi pour retourner aux études ou effectuer un stage de formation ne constitue pas une justification au sens de la Loi, à moins d’y avoir été autorisé par la Commission (Canada (Procureur général) c Lessard, 2002 CAF 469).

[24] La prestataire a déclaré à la Commission qu’elle avait été acceptée à l’université lorsqu’elle faisait ses études secondaires. La prestataire a mentionné dans son appel qu’elle avait été acceptée dans le Programme Connexion Nouveau-Brunswick Assurance-Emploi pour la période de formation du 2 septembre 2018 au 27 avril 2019. La Commission a reconnu que la prestataire avait été dirigée vers une formation et a demandé à la prestataire si elle avait reçu l’approbation de quitter son emploi au magasin de détail.

[25] Le Tribunal note que les dispositions législatives n’exigent pas qu’une personne reçoive [traduction] « l’approbation de quitter » son emploi pour être considérée en situation de chômage, et capable de travailler et disponible à cette fin pendant une période où une personne suit un cours vers lequel elle a été dirigée par la Commission ou l’autorité qu’elle peut désigner. La Commission peut avoir une politique qui exige qu’une personne obtienne la permission de quitter son emploi avant de suivre un programme de formation qui a été recommandé, mais cette politique n’a aucune autorité législative et ne peut pas exclure la partie prestataire du bénéfice des prestations qui sont prévues par les dispositions législatives.

[26] Le Tribunal peut uniquement tenir compte des circonstances qui étaient présentes au moment où l’appelant a quitté son emploi lorsqu’il détermine si la partie prestataire était fondée à quitter son emploi (Canada (Procureur général) c Lamonde, 2006 CAF 44).

[27] La preuve démontre que la prestataire a quitté son emploi au magasin de détail pour accepter le poste de coordonnatrice qui devait, selon elle, prendre fin avant qu’elle commence à fréquenter l’université. Par conséquent, le Tribunal juge que la prestataire n’a pas démontré qu’elle a quitté son emploi au magasin de détail pour retourner aux études. Par conséquent, le Tribunal estime que la prestataire n’a pas démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi conformément à la jurisprudence décrite ci-dessus.

Exigence relative à la justification

[28] Il existe une distinction entre les concepts de « motif valable » et de « justification » dans le cas d’un départ volontaire. Il ne suffit pas pour une partie prestataire de prouver qu’il était raisonnable de quitter son emploi, car ce qui est raisonnable peut correspondre à un motif valable sans constituer une justification. Elle doit démontrer que, compte tenu de toutes les circonstances, le départ de la partie prestataire constituait la seule solution raisonnable (McCarthy, A-600-93). La « justification » n’est pas synonyme de « raison » ou de « motif » (Tanguay c Canada (Commission de l’assurance-emploi), A-1458-84).

[29] Bien que la prestataire puisse avoir estimé qu’elle avait une bonne raison de quitter volontairement son emploi, une bonne raison n’est pas nécessairement suffisante pour satisfaire au critère relatif à la justification (Laughland, précité).

[30] Bien que la prestataire ait fourni des éléments de preuve relativement à ce qu’elle estimait être de bonnes raisons de quitter son emploi au magasin de détail, le Tribunal juge qu’elle n’a pas démontré qu’elle n’avait aucune autre solution raisonnable que celle de quitter son emploi au moment où elle l’a fait. Par conséquent, compte tenu de l’ensemble des circonstances, le Tribunal conclut que, selon la prépondérance des probabilités, la décision de quitter son emploi ne satisfait pas au critère relatif à la justification de quitter volontairement son emploi prescrit par la Loi et la jurisprudence décrite ci-dessus.

Conclusion

[31] L’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Le 10 janvier 2019

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