Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] La demande de permission d’interjeter appel est accueillie. L’appel est lui aussi accueilli. En conséquence, la Division générale doit entendre l’appel à nouveau. Les présents motifs expliquent pourquoi.

Aperçu

[2] R. A. est la demanderesse dans la présente affaire. Elle a travaillé dans un restaurant de X (Alberta), du 20 novembre 2017 au 2 mars 2018, puis elle a cessé de travailler parce qu’elle voulait suivre un programme d’apprenti offert dans un collège communautaire de Calgary.

[3] Elle a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi, mais la Commission d’assurance-emploi du Canada (que j’appelle la « défenderesse » dans les présents motifs) a refusé cette demande, faisant valoir que la demanderesse n’était pas admissible à des prestations parce qu’elle avait choisi de quitter son emploi.

[4] La demanderesse a interjeté appel de cette décision à la Division générale du Tribunal le 31 août 2018.

[5] Lorsqu’elle a rempli son formulaire d’appel, la demanderesse a demandé au Tribunal de communiquer avec elle par courriel. Elle a fourni son adresse électronique. Elle a aussi demandé la tenue d’une audience sous forme de questions et de réponses écrites parce qu’elle devait être à l’extérieur du Canada au cours des six mois suivants.

[6] Le Tribunal a acquiescé à sa demande. Il a préparé les questions écrites dont le membre avait besoin pour trancher l’affaire et les a envoyées dans un avis d’audience. Il a donné à la demanderesse le temps d’y répondre et de retourner ses réponses.

[7] Le Tribunal a cependant commis une erreur. Il a envoyé l’avis d’audience à la mauvaise adresse électronique. En effet, il manquait un caractère dans l’adresse électronique.

[8] En raison de cette erreur, la demanderesse n’a pas reçu l’avis d’audience. En conséquence, elle n’a pas eu la possibilité d’expliquer pourquoi elle était d’avis que la défenderesse avait rendu la mauvaise décision. Le membre a décidé que la demanderesse n’était pas admissible à des prestations, mais il n’a pas eu l’occasion de lire les réponses de cette dernière aux questions qu’il lui a posées lorsqu’il a rendu sa décision.

[9] Elle interjette maintenant appel de cette décision, faisant valoir qu’elle n’a pas reçu l’avis d’audience et que cela était injuste parce que le membre a tranché l’affaire sans entendre sa version des faits.

Questions en litige et analyse

[10] Je dois trancher deux questions en litige. Premièrement, la demanderesse devrait-elle être autorisée à interjeter appel de la décision de la Division générale? Si la réponse à cette question est affirmative, la deuxième question est la suivante : Son appel devrait-il être accueilli ou rejeté?

Première question en litige : La demanderesse devrait-elle être autorisée à interjeter appel?

[11] Dans la plupart des affaires, la partie qui souhaite interjeter appel d’une décision rendue par la Division générale doit suivre un processus en deux étapesNote de bas de page 1.

[12] La première étape consiste à obtenir la permission d’interjeter appel. La Division d’appel accorde la permission d’interjeter appel si l’on peut soutenirNote de bas de page 2 que la Division générale a commis une erreur. Pour pouvoir soutenir que la Division générale a commis une erreur, la demanderesse ne doit pas nécessairement démontrer que la Division générale a effectivement commis une erreur. Elle doit simplement démontrer que la Division générale pourrait avoir commis une erreur.

[13] Le droit est clair sur un autre point : il ne peut s’agir simplement d’une erreur quelconque. Il doit s’agir d’une erreur susceptible de permettre à la Division d’appel d’infirmer la décision de la Division généraleNote de bas de page 3. Ce n’est que dans ce cas que la Division d’appel décidera si elle doit accueillir ou rejeter l’appel.

[14] La demanderesse peut soutenir qu’une erreur a été commise parce qu’elle a démontré que le Tribunal pourrait avoir commis une erreur.

[15] Sa demande de permission d’interjeter appel indique qu’il n’y a eu [traduction] « aucune réponse à la demande de questions et réponses adressée au Tribunal en raison d’erreurs de communication survenues entre le Tribunal et la [demanderesse] ».

[16] J’ai examiné le dossier du Tribunal et la décision de la Division générale. Ils démontrent clairement que la demanderesse voulait donner suite à son appel à la Division générale. Ainsi, elle avait fait parvenir au Tribunal des éléments de preuve à l’appui de sa position avant même que ce dernier n’envoie l’avis d’audience. Ses actions avant que le Tribunal n’envoie l’avis d’audience, ainsi que l’affirmation faite dans la demande de permission d’interjeter appel selon laquelle elle n’a pas reçu les questions du Tribunal, m’amènent à conclure qu’elle a fait la preuve que le Tribunal pourrait avoir commis une erreur dans la manière dont il a traité son appel. En conséquence, ma réponse à la première question est affirmative.

Deuxième question en litige : Son appel devrait-il être accueilli?

[17] Normalement, lorsque la Division d’appel accorde la permission d’interjeter appel, le demandeur et la défenderesse disposent ensuite d’un délai de 45 joursNote de bas de page 4 pour envoyer au Tribunal des observations écrites sur la question de savoir si l’appel devrait être accueilli ou rejeté.  

[18] Après 45 jours, la Division d’appel décidera d’accueillir ou de rejeter l’appel, ou elle fixera la date d’une audition de l’appelNote de bas de page 5. Toutefois, en présence de circonstances spécialesNote de bas de page 6, la Division d’appel n’est pas obligée de s’en tenir à ce calendrier.

[19] Il y a dans la présente affaire des circonstances spéciales. En effet, il est inhabituel pour le Tribunal de commettre une erreur par suite de laquelle l’une des parties ne reçoit pas d’avis d’audience de sa demande. En outre, il est clair que cette erreur seule n’est pas une raison suffisante pour infirmer la décision de la Division générale. Je n’ai pas besoin d’entendre la demanderesse ou la défenderesse pour en arriver à cette décision. En fait, je ne ferais que gaspiller leur temps et leurs efforts si je les obligeais à prendre 45 jours supplémentaires pour me faire parvenir des observations écrites. Pour ces motifs, je déciderai s’il y a lieu d’accueillir ou de rejeter l’appel dès maintenant.

[20] Notre système juridique repose sur des principes fondamentaux d’équité. Suivant l’un de ces principes, si un tribunal rend une décision qui a une incidence sur les droits d’une personne, cette dernière doit avoir l’occasion de présenter ses arguments à l’auteur de la décision. Cela signifie dans la pratique que la personne en cause a le droit de recevoir un avis d’audience de sa demande. L’avis doit lui être remis à l’adresse la plus récente qu’elle a fournie au tribunal. Il peut s’agir d’une adresse électronique ou d’une adresse postale.

[21] Dans la présente affaire, cela ne s’est pas produit. Les faits ne sont pas contestés. Le dossier même du Tribunal montre ce qui suit :

  • la demanderesse a donné au Tribunal des renseignements clairs sur la manière de communiquer avec elle par courrier électronique;
  • elle voulait donner suite à son appel par écrit;
  • le tribunal a commis une erreur en envoyant l’avis d’audience à la mauvaise adresse électronique;
  • en conséquence directe de cette erreur, le membre a supposé que la demanderesse ne souhaitait plus donner suite à son appel. Il a tranché l’appel sans avoir entendu sa version des faits.

[22] Du fait qu’il n’a pas envoyé l’avis d’audience à la bonne adresse, le Tribunal n’a pas donné à la demanderesse le droit de participer pleinement à son propre appel. Il est bien établi dans notre droit que lorsqu’un tribunal rend une décision ayant une incidence sur les droits d’une personne, mais qu’il ne lui donne pas l’occasion de participer au processus, il en découle que cette décision est inéquitableNote de bas de page 7. La décision inéquitable doit être infirmée. La réponse à la deuxième question est elle aussi affirmative, de sorte que l’appel est accueilli.

Conclusion

[23] La demande de permission d’interjeter appel est accueillie, et l’appel est accueilli. L’appel est renvoyé à la Division générale pour une nouvelle audience.

[24] Au nom du Tribunal, je m’excuse auprès de la demanderesse et de la défenderesse pour les inconvénients que l’erreur du Tribunal leur a causés dans la présente affaire.

 

Representant :

Dean Adams, pour la demanderesse

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