Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] La demande de permission d’interjeter appel est rejetée.

Aperçu

[2] La demanderesse, F. R. (prestataire), a vécu et travaillé en Ontario pendant de nombreuses années, mais elle a ensuite décidé de retourner vivre dans sa province natale de Terre-Neuve-et-Labrador, en grande partie pour des raisons financières. Après avoir déménagé, elle a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi (AE) régulières, mais la défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission), a conclu qu’elle n’était pas admissible à ces prestations parce qu’elle avait volontairement quitté son ancien emploi sans justificationNote de bas de page 1. La prestataire a contesté la décision de la Commission, mais cette dernière a maintenu sa décision initiale après réexamen.

[3] La prestataire a ensuite interjeté appel de la décision rendue après réexamen à la division générale du Tribunal, mais son appel a été rejeté. En bref, la division générale a conclu que la prestataire avait de bonnes raisons de quitter son emploi en Ontario, mais que ces raisons ne constituaient pas une justification au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE). La division générale a plutôt conclu que la prestataire aurait pu rester en Ontario jusqu’à ce qu’elle trouve un travail à Terre-Neuve-et-Labrador.

[4] La prestataire souhaite maintenant interjeter appel de la décision de la division générale à la division d’appel du Tribunal, mais elle doit obtenir l’autorisation (ou la permission) d’interjeter appel pour que le dossier puisse aller de l’avant. Malheureusement pour la prestataire, toutefois, j’ai conclu que son appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Autrement dit, je dois rejeter la demande de permission d’interjeter appel.

Questions en litige

[5] Pour en arriver à cette décision, je me suis penchée sur les questions suivantes :

  1. Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur en concluant que la prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi en raison de sa situation financière?
  2. Existe-t-il un autre moyen défendable sur le fondement duquel l’appel pourrait être accueilli?

Analyse

Le cadre juridique de la division d’appel

[6] Le Tribunal est formé de deux divisions qui fonctionnent très différemment l’une de l’autre. Au sein de la division d’appel, l’accent est mis sur la question de savoir si la division générale a pu commettre une ou plusieurs des trois erreurs (ou moyens d’appel) énoncées au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la « Loi sur le MEDS »). De manière générale, les seules erreurs pertinentes découlent des questions de savoir si la division générale :

  1. a) a manqué à un principe de justice naturelle ou a commis une erreur liée à sa compétence;
  2. b) a rendu une décision entachée d’une erreur de droit;
  3. c) a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[7] Il y a également des différences procédurales entre les deux divisions du Tribunal. La plupart des affaires dont la division d’appel est saisie suivent un processus en deux étapes : l’étape de la permission d’interjeter appel et l’étape du bien-fondé. Le présent appel relève de l’étape de la permission d’interjeter appel, ce qui signifie qu’il faut que cette permission soit accordée pour que l’appel puisse aller de l’avant. Il s’agit d’un obstacle préliminaire visant à filtrer les causes qui n’ont aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 2. Le critère juridique auquel les prestataires doivent satisfaire à ce stade est peu exigeant : peut-on soutenir qu’il faut faire droit à l’appelNote de bas de page 3?

Première question en litige : Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur en concluant que la prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi en raison de sa situation financière?

[8] En vertu de l’article 30 de la Loi sur l’AE, les prestataires qui quittent leur emploi sans justification sont exclus du bénéfice des prestations. Pour établir l’existence de cette justification, les prestataires doivent prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’ils n’avaient d’autre choix que de quitter leur emploiNote de bas de page 4. Dans le cadre de cette évaluation, le Tribunal doit prendre en considération toutes les circonstances pertinentes, y compris celles qui sont énumérées à l’alinéa 29c) de la Loi sur l’AE.

[9] Dans la présente affaire, la prestataire s’est servie de sa demande de permission d’interjeter appel pour faire valoir ses arguments à nouveau, sans renvoyer ou en renvoyant peu aux motifs reconnus d’appel décrits précédemmentNote de bas de page 5. Le Tribunal lui a donc demandé de fournir des détails plus précis sur les raisons pour lesquelles elle interjette appel à la division générale, puis de relier ces raisons aux motifs d’appel qui sont énumérés au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. C’est ce que la prestataire a fait dans la lettre qu’elle a fait parvenir au Tribunal et que ce dernier a reçue le 27 janvier 2019Note de bas de page 6. Il est donc maintenant clair que la contestation de la prestataire vise le paragraphe 15 de la décision de la division générale, où l’on peut lire ceci :

[traduction] La [prestataire] a fait valoir qu’elle a quitté son emploi dans le but d’atténuer les difficultés financières dont elle a fait mention. La volonté générale d’une personne d’améliorer sa situation financière peut être une bonne raison de quitter un emploi, mais cela ne constitue pas une « justification » au sens de la Loi (Loi sur l’AE, alinéa 29c); Canada (Procureur général) c Richard, 2009 CAF 122).

[10] La prestataire affirme que la volonté d’une personne d’améliorer sa situation financière est une bonne raison de quitter son emploi et qu’elle devrait aussi être considérée comme étant une justification au sens de la Loi sur l’AE. Si la prestataire a qualifié son erreur alléguée d’erreur de fait, j’estime plutôt qu’il s’agit d’une erreur de droit.

[11] À cet égard, cependant, je remarque que la division générale s’est fondée sur la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans Canada (Procureur général) c. Richard, bien qu’il y ait de nombreuses autres décisions que la division générale aurait pu citer à l’appui de sa conclusionNote de bas de page 7. La prestataire pourrait ne pas aimer la conclusion tirée dans ces affaires, mais le Tribunal n’a d’autre choix que de les suivre.

[12] En ce qui concerne l’argument de la prestataire selon lequel les circonstances financières devraient dans son cas constituer une justification, je crois comprendre que la prestataire allègue que la division générale a commis une erreur mixte de fait et de droit. Malheureusement, toutefois, la division d’appel n’est pas habilitée à se pencher sur ce type d’erreurNote de bas de page 8.

[13] Par conséquent, dans l’ensemble, j’ai conclu que ces arguments n’ont aucune chance raisonnable de succès.

Deuxième question en litige : Existe-t-il un autre moyen défendable sur le fondement duquel l’appel pourrait être accueilli?

[14] Dans le cadre de sa demande de permission d’interjeter appel, la prestataire a aussi demandé pourquoi les Canadiens cotisent au programme d’AE s’ils ne peuvent en bénéficier lorsqu’ils en ont besoin. Elle a demandé également pourquoi ce programme couvre certaines personnes qui sont incapables de travailler (en raison d’une maladie ou de responsabilités parentales, par exemple), mais pas les personnes qui, pour des raisons à la fois bonnes et valides, se retrouvent entre deux emplois.

[15] La prestataire soulève des questions légitimes; elle devrait cependant adresser ses doléances au législateur. Le régime de l’AE est un régime d’assurance public, dont les modalités complètes – y compris celles qui se rapportent à l’exclusion – sont énoncées dans la Loi sur l’AE. Dans la présente affaire, la prestataire n’a pas satisfait à toutes les conditions requises pour obtenir des prestations, de sorte qu’elle ne peut toucher celles-ciNote de bas de page 9. Malheureusement, je ne peux assouplir les conditions de la Loi sur l’AE, même dans des cas qui, comme celui-ci, sont  impérieux ou inspirent la compassionNote de bas de page 10.

[16] Pour en arriver à cette décision, je suis consciente également des décisions rendues par la Cour fédérale, dans lesquelles la division d’appel s’est fait dire de ne pas s’en tenir au cadre des documents écrits et de déterminer si la division générale pourrait avoir mal interprété des éléments de preuve ou ne pas en avoir tenu compteNote de bas de page 11 . Si tel est le cas, la permission d’interjeter appel devrait normalement être accordée sans égard aux problèmes techniques que l’on pourrait relever dans la demande de permission d’interjeter appel.

[17] Toutefois, après avoir examiné le dossier documentaire ainsi que la décision portée en appel, je suis convaincue que la division générale n’a ni négligé ni mal interprété la preuve pertinente.

Conclusion

[18] Si je compatis avec la prestataire, j’ai toutefois conclu que son appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Autrement dit, je dois rejeter sa demande de permission d’interjeter appel.

 

Représentante :

F. R., se représentant elle-même

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