Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal conclut que l’appelant, monsieur Alain Goulet, n’a pas perdu son emploi en raison de son inconduite, en vertu des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »).

Aperçu

[2] L’appelant a travaillé à titre de « contremaître du marquage ponctuel » pour l’employeur  X ou « l’employeur »), une entreprise de marquage routier et d’aires de stationnement, du 30 avril 2018 au 17 juillet 2018 inclusivement, et a cessé de travailler pour cet employeur en raison d’un congédiement. L’appelant a vendu les biens de son entreprise personnelle à cet employeur, et a travaillé pour celui-ci uniquement comme employé, dans le cadre d’un contrat d’une durée de cinq ans. L’entreprise de l’appelant œuvre également dans le domaine du marquage de la chaussée. L’employeur a indiqué avoir congédié l’appelant pour avoir contrevenu à une entente conclue avec lui prévoyant une clause de non-concurrence, et qu’il avait manqué à son obligation de loyauté envers l’entreprise pour laquelle il travaillait. L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la « Commission »), a déterminé que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite et a refusé de lui verser des prestations d’assurance-emploi. L’appelant a expliqué ne pas avoir respecté une clause de non-concurrence incluse dans l’entente conclue avec l’employeur lorsqu’il lui a vendu les actifs de son entreprise. Il a précisé que l’entreprise qu’il possède a émis des factures à des clients de son employeur, car celui-ci lui avait demandé de le faire afin qu’il puisse être en mesure d’obtenir ou de réaliser les contrats de la part des clients en question. L’appelant a expliqué qu’après que son entreprise ait facturé les clients de l’employeur, celle-ci avait ensuite été facturée par l’employeur des mêmes montants que les factures qu’il avait émises, sauf dans un cas. L’appelant a soutenu que l’employeur s’était servi de ce cas pour le prendre en faute et le congédier pour ne pas avoir respecté la clause de non-concurrence prévue à l’entente qui avait été conclue. Il a fait valoir que l’employeur avait utilisé sans son consentement son numéro de licence (numéro de permis) de la Régie du bâtiment du Québec (RBQ) pour obtenir des contrats. Le 15 octobre 2018, l’appelant a contesté la décision rendue à son endroit après que celle-ci ait fait l’objet d’une révision de la part de la Commission.

Questions en litige

[3] Le Tribunal doit déterminer si l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite, en vertu des articles 29 et 30 de Loi.

[4] Pour établir cette conclusion, le Tribunal doit répondre aux questions suivantes :

  1. Quels sont les gestes reprochés à l’appelant?
  2. L’appelant a-t-il commis les gestes en question?
  3. Si tel est le cas, les gestes reprochés à l’appelant avaient-ils un caractère conscient, délibéré ou intentionnel, de telle sorte qu’il savait ou aurait dû savoir qu’ils seraient susceptibles d’entraîner la perte de son emploi?
  4. La Commission s’est-elle acquittée du fardeau qui lui incombe de démontrer si les gestes posés par l’appelant représentent de l’inconduite?
  5. Est-ce que l’inconduite de l’appelant est la cause de son congédiement?

Analyse

[5] Bien que la Loi ne définisse pas le terme d’inconduite, la jurisprudence mentionne, dans l’arrêt Tucker (A-381-85), que pour constituer de l’inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement au travail.

[6] Dans l’affaire Mishibinijima (2007 CAF 36), la Cour a rappelé qu’il y a inconduite lorsque la conduite du prestataire est délibérée, c’est-à-dire que les actes qui ont mené au congédiement sont conscients, voulus ou intentionnels. En d’autres mots, il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié.

[7] La Cour a défini la notion juridique d’inconduite au sens du paragraphe 30(1) de la Loi comme une inconduite délibérée dont le prestataire savait ou aurait dû savoir qu’elle était de nature à entraîner son congédiement. Pour déterminer si l’inconduite peut mener à un congédiement, il doit exister un lien de causalité entre l’inconduite reprochée au prestataire et la perte de son emploi. L’inconduite doit donc constituer un manquement à une obligation résultant expressément ou implicitement du contrat de travail (Lemire, 2010 CAF 314).

[8] Pour que le Tribunal puisse conclure à l’inconduite, il doit disposer des faits pertinents et d’une preuve suffisamment circonstanciée pour lui permettre d’abord, de savoir comment l’employé a agi et ensuite, de juger si ce comportement était répréhensible (Crichlow, A-592-97, Meunier, A-130-96, Joseph, A-636-85).

[9] Déterminer si la conduite d’un employé ayant entraîné la perte de son emploi constitue une inconduite est une question de fait à régler à partir des circonstances de chaque cas.

Quels sont les gestes reprochés à l’appelant?

[10] Dans le cas présent, les gestes reprochés à l’appelant sont les suivants :

  • Avoir fait une concurrence déloyale à son employeur en ne respectant pas une clause de non-concurrence prévue dans une entente conclue avec celui-ci, en effectuant du travail pour des clients de l’employeur et en conservant l’argent pour lui ;
  • Avoir utilisé l’équipement de l’entreprise de l’employeur et avoir eu recours aux employés de celle-ci ;
  • Avoir effectué de la publicité sur Internet, pour son compte personnel ou pour celui de son entreprise afin d’offrir des services de marquage ;
  • Avoir manqué à son obligation de loyauté et d’honnêteté envers l’employeur.

[11] Dans la lettre de congédiement adressée à l’appelant, en date du 17 juillet 2018, l’employeur l’a avisé qu’il avait contrevenu à son obligation de loyauté et d’honnêteté envers la société, en exécutant des contrats de marquage de la chaussée avec son matériel et ses employés, pour son compte personnel ou pour le compte de la société X dont il est le seul et unique actionnaire, et ce, sans les lui déclarer. L’employeur lui a précisé que ces gestes représentaient de la concurrence déloyale, étaient malhonnêtes, et pouvaient être assimilés à du vol, car il avait utilisé l’équipement de l’entreprise et avait eu recours aux employés de celle-ci. L’employeur a indiqué à l’appelant qu’il avait encaissé tous les profits des contrats qu’il avait réalisés (ex. : X, école située près de la municipalité de X, X de X, X de X, X de X, autres contrats non identifiés). L’employeur a indiqué à l’appelant que ses manquements représentaient une faute grave qui justifiait le congédiement (pièces GD3-25 à GD3-27).

[12] La preuve au dossier indique que l’appelant a conclu, en date du 10 avril 2017, un contrat de travail d’une durée de cinq ans soit, du 10 avril 2017 au 9 avril 2023 avec l’employeur (X).  Ce contrat de travail prévoit entre autres, les dispositions suivantes :

[...] 6. AUTRES SERVICES À RENDRE – L’Employé consacrera tout son temps, son attention, son savoir, et ses compétences aux activités et à l’intérêt de l’Employeur ; et les avantages, revenus ou autre résultat de ses travaux, services et conseils effectués seront attribués à l’Employeur et l’Employé ne devra pas, pendant la durée du présent contrat, bénéficier d’aucun intérêt direct ou indirect en tant que partenaire, dirigeant, membre du Conseil d’administration, actionnaire, conseil ou Employé d’aucune autre entreprise ayant les mêmes activités ou des activités similaires à celles de l’Employeur, pourvu cependant qu’aucune disposition du présent contrat n’empêche l’Employé d’acheter des actions ou tout autre titre dans une Société ou les actions sont vendues au public ou échangées publiquement; de même, aucune disposition du présent contrat n’empêchera l’Employé d’investir dans les finances ou l’immobilier. 7. LOYAUTÉ – L’Employé s’engage à agir avec loyauté et honnêteté envers l’Employeur. [...] 12. INCAPACITÉ DE L’EMPLOYÉ À PRENDRE DES ENGAGEMENTS AU NOM DE LA SOCIÉTÉ – Nonobstant toute disposition contraire du présent contrat, l’Employé n’aura pas le droit de prendre des engagements ou de signer des contrats au nom de la Société sans l’obtention d’une autorisation écrite préalable de l’Employeur (pièces GD2-12 et GD2-13).

[13] La preuve au dossier démontre aussi qu’une entente a été conclue entre l’appelant et l’entreprise X, en date du 14 avril 2017, indiquant que :

[...] le Vendeur [appelant] a vendu à l’Acheteur [employeur] tous les actifs de son entreprise dans le domaine du marquage de la chaussée [...] en date du 30 mars 2017 [...] les parties ont convenu que l’Acheteur engage le Vendeur [...] en vertu d’un contrat de travail de cinq (5) ans [...] les parties ont convenu que le Vendeur sera lié par un engagement de non-concurrence et de non-sollicitation envers l’Acheteur [...] (pièce GD2-21).

[14] Cette entente prévoit spécifiquement que :

Le Vendeur s’engage et s’oblige envers l’Acheteur à ne pas, pendant une durée de cinq (5) années suivant la signature de la présente entente [...] participer et/ou œuvrer et/ou agir de quelque façon que ce soit dans toute entreprise, activité, entité commerciale, entité légale, société et/ou société par actions œuvrant dans le domaine du marquage de la chaussée, et ce, dans tout le territoire de la province de Québec [...] faire affaires avec tout client de l’Acheteur, solliciter tout client de l’Acheteur, embaucher tout employé de l’Acheteur et/ou solliciter tout employé de l’Acheteur, et ce, de façon directe ou indirecte, pour son compte ou pour le compte de toute autre personne, entreprise, entité commerciale ou entité légale, société ou société par actions, relativement au domaine du marquage de la chaussée ou l’amener à mettre fin à sa relation d’affaires ou à son lien d’emploi avec l’Acheteur, et ce, dans tout le territoire de la province de Québec [...] (pièces GD2-21 et GD2-22).

L’appelant a-t-il commis les gestes en question?

[15] Non. Bien que l’appelant ait reconnu avoir facturé des clients de l’entreprise pour laquelle il travaillait, ce qui contrevenait à la clause de non-concurrence prévue à l’entente conclue avec l’employeur, il a précisé avoir posé ces gestes après s’être entendu avec celui-ci ou après avoir obtenu son accord à cet effet. L’appelant a déclaré ne pas avoir conservé l’argent des contrats ayant été facturés par son entreprise, car l’employeur l’avait ensuite facturé des mêmes montants et que ces montants lui avaient toujours été remboursés, sauf dans un cas.

[16] Le Tribunal doit maintenant déterminer si ces gestes constituent de l’inconduite.

Les gestes reprochés à l’appelant avaient-ils un caractère conscient, délibéré ou intentionnel, de telle sorte qu’il savait ou aurait dû savoir qu’ils seraient susceptibles d’entraîner la perte de son emploi?

[17] Non. En tenant compte du contexte particulier dans lequel les gestes reprochés à l’appelant se sont produits, le Tribunal considère que ces gestes ne revêtaient pas un caractère conscient, délibéré ou intentionnel et pouvant être assimilés à de l’inconduite au sens de la Loi (Mishibinijima, 2007 CAF 36, Tucker, A-381-85).

[18] Le Tribunal considère que le témoignage crédible rendu par l’appelant au cours de l’audience a permis d’avoir un portrait complet et très bien circonstancié relativement aux gestes lui ayant été reprochés et ayant mené à son congédiement. Le témoignage de l’appelant était détaillé et exempt de contradictions. Son témoignage a permis de mettre en contexte les gestes qui lui ont été reprochés. L’appelant a apporté plusieurs explications, supportées par une preuve matérielle convaincante quant aux motifs l’ayant amené à utiliser le nom de son entreprise pour réaliser des contrats auprès de clients de l’employeur et les facturer (ex. : factures émises par son entreprise auprès de clients de l’employeur, relevés de dépôts de sommes d’argent de l’entreprise de l’appelant dans le compte de l’entreprise de l’employeur).

[19] Le Tribunal estime que la preuve recueillie par la Commission ne permet pas d’en arriver à la conclusion que l’appelant a eu un comportement répréhensible et qu’il a perdu son emploi en raison de son inconduite (Crichlow, A-592-97, Meunier, A-130-96, Joseph, A-636-85).

[20] L’appelant a expliqué avoir vendu, en avril 2017, les actifs (biens matériels) qu’il possédait dans son entreprise (ex. : camions, peinture, pochoirs) ainsi que des noms d’entreprise qu’il utilisait, à l’entreprise de l’employeur (X). Il a précisé qu’en plus de cette vente, il a conclu un contrat de travail, d’une durée de cinq ans, avec cette entreprise, de même qu’une entente prévoyant une clause de non-concurrence avec celle-ci. L’appelant a précisé que malgré la vente des actifs de son entreprise soit, l’entreprise X, il en est demeuré l’unique actionnaire. Il a précisé que son entreprise utilise aussi le nom de X, comme les renseignements du Bureau du registraire des entreprises du Québec l’indiquent (pièces GD2-8, GD2-11, GD2-17 et GD2-21).

[21] L’appelant a expliqué ne pas avoir respecté la clause de non-concurrence faisant partie de l’entente qu’il a conclue avec l’employeur (entreprise X) après lui avoir vendu, en avril 2017, les actifs qu’il possédait dans son entreprise (pièce GD3-24).

[22] L’appelant a fait valoir que malgré l’existence de cette clause, l’employeur lui a demandé de facturer des clients, au nom de l’entreprise que lui-même possède (X) et qu’ensuite, l’employeur avait facturé son entreprise afin que les sommes facturées aux clients lui soient remises.

[23] L’appelant a expliqué avoir accepté, de bonne foi, de fonctionner de cette façon et de facturer des clients en utilisant le nom de son entreprise, malgré l’engagement de non-concurrence qu’il avait envers son employeur. Il a affirmé que ce n’était pas lui qui avait décidé d’émettre des factures au nom de son entreprise, mais qu’il l’avait fait à la demande de l’employeur.

[24] L’appelant a expliqué que l’entreprise de l’employeur avait utilisé cette procédure de facturation parce qu’elle avait un mauvais nom auprès de certains clients et que ceux-ci voulaient s’assurer que ce soit lui qui effectue les travaux, étant donné l’expérience qu’il avait acquise dans le domaine du marquage ou encore, parce que cette procédure avait permis à l’employeur d’obtenir d’autres contrats qu’il n’aurait pas pu obtenir autrement.

[25] L’appelant a expliqué que selon le fonctionnement de cette procédure, il encaissait d’abord le chèque du client et payait ensuite l’entreprise de l’employeur selon montant qu’il avait encaissé après que celle-ci lui ait transmis une facture.

[26] L’appelant a affirmé qu’il ne conservait pas de pourcentage sur le montant facturé et qu’il ne faisait pas d’argent (« pas une cent ») en effectuant une facturation de cette façon. Il a souligné n’avoir rien eu en retour.

[27] L’appelant a indiqué que les preuves de dépôt qu’il a effectué au compte de l’entreprise de l’employeur démontrent qu’il lui a payé les factures relatives à la réalisation de contrats lorsque celui-ci le facturait (pièces GD2-15, GD2-28, GD2-29, GD2-32 et GD2-33).

[28] L’appelant a précisé avoir facturé des clients, à la demande de l’employeur, et qu’il recevait, par la suite, les factures de cet employeur pour le rembourser, sauf dans un cas soit, une facture qu’il a émise pour X, en date du 18 mai 2018, au montant de 550,00 $ (avant les taxes applicables), (pièces GD2-8 et GD2-34).

[29] L’appelant a soutenu que l’employeur s’était servi de ce cas pour le prendre en défaut et le congédier en ne lui transmettant pas la facture qu’il aurait dû lui envoyer afin qu’un paiement lui soit fait par l’entreprise X. Il a souligné que c’était la seule facture qu’il avait faite sans recevoir une facture de la part de l’entreprise de l’employeur par la suite. Il a souligné qu’exception faite de ce cas, pour chaque facture faite par son entreprise, le montant intégral qu’il facturait était ensuite transféré à l’entreprise de l’employeur.

[30] L’appelant a présenté trois exemples concernant la procédure de facturation existant chez l’employeur pour démontrer que cette procédure avait permis à l’entreprise de l’employeur d’obtenir des contrats soit, un contrat avec X et dans les deux autres cas, des contrats avec la X.

[31] L’appelant a expliqué que pour la réalisation d’un contrat auprès de X, son entreprise avait facturé ce client, à la demande de son employeur (facture émise par l’entreprise X), au montant de 9 072,50 $, en date du 27 août 2017 – pièce GD2-23). Il a indiqué que l’entreprise X l’a ensuite facturé d’un montant équivalent (facture émise par l’entreprise X, au montant de 9 072,52 $, en date du 31 août 2017 – pièce GD2-24). Il a souligné que les montants apparaissant sur ces deux factures étaient identiques. L’appelant a affirmé que l’entreprise X n’avait pas été en mesure d’obtenir un contrat avec ce client, étant donné que c’était lui qui avait obtenu le contrat avec ce client dans les années passées. Il a expliqué qu’il n’était pas censé facturer un client puisqu’il n’avait plus le droit de le faire en raison de l’entente de non-concurrence qu’il avait conclue avec l’entreprise de l’employeur. L’appelant a précisé avoir expliqué à l’employeur que normalement, il n’avait pas le droit d’émettre de facture par le biais de son entreprise, mais que celui-ci lui avait demandé de le faire pour cette fois. L’appelant a souligné avoir dit à l’employeur de ne pas arriver par la suite avec une question de non-concurrence.

[32] L’appelant a précisé que dans ce cas (X) la procédure de facturation avait été faite en accord avec l’employeur (X), mais que cela avait été différent dans les deux autres exemples relatifs à des contrats réalisés pour X.

[33] L’appelant a expliqué que deux autres factures référant à deux contrats réalisés par l’employeur auprès de X (postes de X et de X) avaient été adressées à son entreprise (facture émise par l’entreprise de l’employeur et adressée à celle de l’appelant au montant de 9 177,06 $, en date du 13 octobre 2017, correspondant à la facture émise par l’entreprise de l’appelant et adressée à X, du même montant, en date du 13 octobre 2017 – pièces GD2-26 et GD2-27 ; facture émise par l’entreprise de l’employeur et adressée à celle de l’appelant au montant de 2 278,24 $, en date du 13 octobre 2017, correspondant à la facture du même montant émise par l’entreprise de l’appelant et adressée à X, en date du 13 octobre 2017 – pièces GD2-31 et GD2-32).

[34] Dans une déclaration faite à la Régie du bâtiment du Québec (RBQ), en date du 26 juillet 2018, l’appelant a expliqué que l’employeur l’avait informé qu’après avoir effectué des travaux pour le compte du service de la gestion immobilière de X, il avait besoin qu’il facture ce client avec son numéro d’entreprise et son numéro de licence de la RBQ. L’appelant a souligné ne jamais avoir vu les appels d’offres relativement à ces travaux (pièces GD2-9, GD2-10 et pièces GD3-36 à GD3-38).

[35] L’appelant a expliqué que l’entreprise de l’employeur a reçu des appels d’offres de la X mais, étant donné que cette entreprise ne pouvait pas soumissionner pour ces appels d’offres, elle avait utilisé le numéro de licence de la RBQ de son entreprise (X) afin de pouvoir présenter des soumissions. Il a affirmé que de cette manière, l’employeur avait obtenu des contrats auprès de X.

[36] L’appelant a affirmé ne jamais avoir fait de soumissions auprès de la X ni avoir vu les contrats en question et ne jamais les avoir signés. Il a expliqué que pour qu’il puisse facturer la X, il doit d’abord remplir un contrat d’appel d’offres. L’appelant a affirmé avoir été obligé de facturer ce client. Il a expliqué détenir les preuves de la démarche effectuée par l’entreprise de l’employeur, mais qu’il n’avait pas encore tous les documents pour le démontrer, étant donné qu’il n’y a pas eu de conclusion à la suite de la déclaration qu’il a faite auprès de la RBQ (pièces GD2-8 à GD2-10, et pièces GD3-36 à GD3-39).

[37] Selon l’appelant, dans le cas des contrats effectués à X, il y avait eu un vol d’identité de sa licence de la RBQ puisque des appels d’offres ont été faits à l’aide du site d’appels d’offres du gouvernement (système électronique d’appel d’offres du gouvernement du Québec – SEAO) au nom de son entreprise, alors qu’il n’avait pas signé ces appels d’offres et ne savait pas qui les avait signés. L’appelant a expliqué qu’il avait des appels d’offres, mais qu’il ne savait pas qui les avait signés (pièces GD2-8 à GD2-10, et pièces GD3-36 à GD3-39).

[38] L’appelant a expliqué que normalement l’employeur le facturait en premier, avant qu’il n’effectue le travail, en lui indiquant les renseignements qu’il devait inscrire sur la facture que l’entreprise X allait émettre. Il a précisé que c’était ce qu’il avait fait pour les deux factures émises pour la X après que l’employeur ait soumissionné sous le nom de l’entreprise X, avec le numéro de licence de la RBQ de cette entreprise.

[39] L’appelant a expliqué ne pas avoir accepté que l’entreprise de l’employeur ait utilisé le numéro de licence de la RBQ de l’entreprise qu’il possède. Il a souligné avoir demandé à l’employeur s’il allait toujours fonctionner de cette façon (« tu vas-tu "runner" tout le temps comme ça? ») parce que cela faisait trois factures qui étaient émises par l’entreprise X.

[40] L’appelant a indiqué être en désaccord avec la déclaration qui lui est attribuée selon laquelle il a indiqué à la Commission, au sujet du vol de sa licence de la RBQ, qu’il ne disait rien avant qu’il ne soit congédié, parce que l’employeur lui prêtait son entrepôt. Il a indiqué qu’il n’avait rien qui lui appartenait dans cet entrepôt puisque c’est l’actif de l’entreprise de l’employeur qui s’y trouve (pièce GD3-39).

[41] L’appelant a émis l’avis que c’est l’employeur qui a dérogé, à trois reprises, de l’entente qui avait été conclue entre eux, et selon laquelle il n’avait pas le droit de facturer des clients en utilisant le nom de son entreprise.

[42] L’appelant a expliqué que la facture émise par l’entreprise X pour le travail effectué au X (facture en date du 18 mai 2018 au montant de 550,00 $ avant les taxes – pièce GD2-34) réfère à un travail de lignes, effectué en mai 2018, au X, où il avait séjourné pendant une période d’environ deux semaines dans le cadre d’un contrat qu’il réalisait pour l’employeur pour X. Il a relaté que la propriétaire de l’établissement lui avait demandé de faire une soumission pour effectuer un travail de lignage (faire des lignes) à son établissement. L’appelant a expliqué avoir dit à la propriétaire que s’il faisait le travail demandé, il allait devoir en parler à son employeur et que c’était l’entreprise X qui allait la facturer. Il a souligné qu’il fallait qu’il donne le prix de cette soumission à son employeur pour qu’elle soit acceptée. L’appelant a affirmé avoir communiqué avec le président de l’entreprise, monsieur Jean-Sébastien Roy, pour lui parler de ce contrat et de son prix (montant forfaitaire de 550,00 $, plus les taxes). Il a affirmé que le président lui a indiqué qu’il n’y avait pas de trouble à ce qu’il réalise ce contrat et lui a dit : « Tu le factureras [...] ». L’appelant a indiqué avoir accepté de faire le travail et que ce soit son entreprise qui émette la facture à ce client. Il a affirmé que lorsque le travail a été fait, il a dit à l’employeur de ne pas oublier de lui facturer le montant du contrat réalisé pour ce client, mais que ce montant ne lui a jamais été facturé, alors que cela aurait dû être le cas. L’appelant a indiqué qu’il s’agissait d’un oubli de la part du président de l’entreprise parce qu’il avait la facture de ce contrat entre les mains. L’appelant a précisé que pour cette facture, il n’y avait pas eu d’entente préalable avec l’employeur qu’une facturation lui soit ensuite faite par l’entreprise de l’employeur soit, après avoir facturé le client pour lequel il avait travaillé (pièces GD2-8, GD2-34 et GD3-36 à GD3-39).

[43] L’appelant a expliqué que l’employeur n’avait qu’à lui facturer le montant qu’il avait lui-même facturé au client. Il a précisé que l’employeur aurait pu le facturer de la même façon qu’il l’avait fait pour deux autres clients (X, X). Il a affirmé que l’employeur était au courant du fait qu’il avait facturé un client au montant de 550,00 $ puisqu’il avait la facture en main, car il s’était rendu chez le client pour lequel il avait travaillé pour obtenir cette facture (pièce GD3-41).

[44] L’appelant a précisé ne pas avoir facturé le travail qu’il avait fait pour ce client au nom de l’entreprise X parce que son entreprise n’utilise pas le même système de facturation (Excel) et qu’elle n’a pas le même numéro d’entreprise que celle de l’employeur.

[45] L’appelant a expliqué que c’était la seule facture qu’il avait faite sans avoir, par la suite, la facture correspondante de la part de l’entreprise de l’employeur.

[46] L’appelant a affirmé avoir été congédié peu de temps après avoir effectué le travail au X, en mai 2018. Il a expliqué que la journée de son congédiement, l’employeur l’avait d’abord appelé pour qu’il se rende à l’entrepôt afin de décharger du matériel. Il a expliqué que dès son arrivée à l’entrepôt, les deux représentants de l’employeur lui ont annoncé qu’il était congédié en raison de la facture qu’il avait émise pour X. L’appelant a affirmé ne pas avoir été averti de quoi que ce soit au préalable. Il a expliqué avoir dit à l’employeur qu’il lui avait fait faire trois factures, dont deux sans même qu’il ne le sache (contrats à la X) et qu’il avait été obligé de facturer l’entreprise de l’employeur, ce qui dérogeait à l’entente qui avait été conclue (clause de non-concurrence), et que parce qu’il avait fait une seule facture, en 2018, il le congédiait. L’appelant a expliqué que l’employeur aurait pu lui demander de lui donner l’argent correspondant au contrat qu’il avait réalisé, mais qu’il l’avait plutôt congédié sur-le-champ. Il a indiqué qu’il aurait fait le chèque de 550,00 $ à l’entreprise et que cela aurait réglé le problème.

[47] Dans une déclaration faite à la Commission, en date du 9 octobre 2018, l’appelant a fait valoir que l’employeur aurait pu lui faire une mise en garde ou une suspension, mais pas le congédier. Il a dit trouver vraiment ridicule d’avoir été congédié pour une somme de 550,00 $, car il rapportait à l’employeur un million de dollars en rentrée d’argent par année (pièce GD3-39).

[48] L’appelant a affirmé qu’il n’a fait aucune autre facture, qu’il n’a conservé aucune somme et qu’il n’a accompli aucune tâche sans qu’elle ne soit facturée par l’entreprise de l’employeur. Il a souligné que dans l’une de ses déclarations, l’employeur a affirmé que c’était vrai qu’il n’avait pas d’autre preuve matérielle que l’appelant travaillait ailleurs avec les outils de la compagnie, sauf la facture de 550,00 $ (facture du X), (pièce GD3-41).

[49] L’appelant a soutenu que c’est l’employeur qui a mal agi en ne lui présentant pas la facture pour le travail réalisé pour X. Il a affirmé avoir fait ce que l’employeur lui avait demandé de faire.

[50] Selon l’appelant, l’employeur a fait exprès de ne pas le facturer pour lui dire ensuite qu’il l’avait volé. Il a soutenu que l’employeur ne l’avait pas facturé pour le contrat effectué au X pour le faire chier et afin de se trouver une raison pour le congédier et se débarrasser de lui. L’appelant a affirmé que l’employeur a fait cela pour l’éliminer de la compagnie. Il a indiqué que l’employeur ne voulait plus l’avoir dans l’entreprise, car il leur coûtait assez cher (52 000,00 $ pour une période de six mois dans le cadre d’un contrat de travail de cinq ans).

[51] L’appelant a expliqué qu’il avait commencé à moins bien s’entendre avec l’employeur en 2018 (ex. : temps pris pour la réalisation d’un contrat, vente du numéro de téléphone de l’entreprise X).

[52] L’appelant a affirmé que depuis le début, l’employeur lui a fait faire des choses qui contreviennent à l’entente qui avait été conclue entre eux.

[53] L’appelant a fait valoir qu’en aucun temps, il n’a voulu nuire à l’entreprise pour laquelle il a travaillé. Il a souligné qu’il avait un contrat d’une durée de cinq ans avec l’entreprise X et n’a pas voulu être sur le chômage.

[54] L’appelant a affirmé avoir amené son âme au sein de l’entreprise de l’employeur et n’avoir rien fait de mal.

[55] Il a précisé avoir tout fait selon le contrat de travail qu’il a conclu avec l’employeur, avoir facturé des clients, à la demande de celui-ci, et a par la suite, reçu les factures de cet employeur, sauf dans un cas.

[56] L’appelant a fait valoir que l’inconduite qui lui est reprochée est d’avoir fait une facture et que l’employeur ne l’a pas facturé par la suite alors qu’il aurait dû le faire.

[57] Il a soutenu que son congédiement en raison de son inconduite ou d’un manque de loyauté à l’endroit de son employeur n’est pas fondé (pièce GD2-8).

[58] De son côté, dans une déclaration faite à la Commission, en date du 4 septembre 2018, l’employeur a expliqué qu’après avoir acheté la compagnie de l’appelant, celui-ci a continué de travailler comme employé et avait signé une clause de non-concurrence pour une période de cinq ans. L’employeur a affirmé que l’appelant travaillait pour des clients et gardait l’argent pour lui. Selon l’employeur, il s’agissait d’un manque de loyauté de la part de l’appelant. Il a souligné que l’appelant a brisé irrémédiablement le lien de confiance (pièce GD3-23).

[59] Dans une déclaration faite à la Commission, en date du 9 octobre 2018, l’employeur (X et X) a expliqué qu’il n’avait pas toutes les preuves quant aux endroits où l’appelant aurait pu travailler à son propre compte avec les outils de la compagnie, exception faite d’une facture de 550,00 $ lorsqu’il a travaillé pour X. Il a indiqué que pour les autres contrats pour lesquels il a reproché à l’appelant de les avoir réalisés à son compte, ce n’était que du verbal. L’employeur a expliqué que pour un contrat, lorsqu’il s’est rendu au X, il avait demandé à la propriétaire qui avait fait les lignes du stationnement de son établissement et que celle-ci avait répondu que c’était l’appelant. L’employeur a expliqué que ce qui lui avait mis la puce à l’oreille, ce fut lorsqu’il a constaté à quel point la peinture baissait et le millage important du véhicule utilisé par l’appelant. L’employeur a affirmé que l’appelant partait avec des employés et faisait son travail la fin de semaine. Il a indiqué que les employés ne disaient rien, car ils ne pouvaient pas savoir que l’appelant facturait à son nom ou au nom de sa compagnie, le travail qu’il effectuait. L’employeur a dit avoir remarqué, une semaine avant de congédier l’appelant, que celui-ci faisait de la publicité sur Internet pour faire du marquage à son nom, et ce, même s’il avait signé une entente de non-concurrence. L’employeur a indiqué que c’était vrai qu’il y avait un contrat qui avait été réalisé l’année dernière lorsque l’entreprise a été vendue, qui avait été facturé en utilisant la licence de la Régie du bâtiment du Québec (RBQ) de l’appelant (ex. : contrat avec la X), mais que puisque le contrat avait déjà été signé, il avait été conclu entre les deux parties qu’il n’y aurait pas de problème. L’employeur a expliqué que, par la suite, la compagnie n’a plus jamais utilisé la licence de la RBQ de l’appelant (pièce GD3-41).

[60] Dans une lettre adressée à l’appelant, en date du 17 juillet 2018, le cabinet Matte Poirier avocats, représentant de l’employeur, lui a indiqué qu’il avait été congédié et qu’il avait signé une entente de non-concurrence et de non-sollicitation à laquelle il a contrevenu. Dans cette lettre l’appelant a été mis en demeure de verser une somme de 10 000,00 $ à l’employeur pour troubles et inconvénients. Le représentant de l’employeur a aussi demandé à l’appelant de cesser toute activité de marquage sur l’ensemble du territoire du Québec et de ne pas solliciter ou faire affaire avec leurs clients, pour son compte, ou le compte d’une autre personne (pièces GD3-28 à GD3-31).

[61] Pour sa part, la Commission a déterminé que le geste rapporté par l’employeur, soit que l’appelant a facturé un des clients de l’employeur au compte de sa propre compagnie, représente la cause directe du congédiement. Elle a souligné que l’employeur et l’appelant avaient tous deux mentionné qu’il s’agissait de l’événement ayant conduit au congédiement (pièces GD3-23, GD3-24, GD3-39, GD3-41 et GD4-4).

[62] Selon la Commission, l’appelant a spécifiquement contrevenu à trois clauses du contrat de travail soit, les clauses suivantes :

  • « 6. Autres services à rendre [...] l’Employé ne devra pas [...] bénéficier d’aucun intérêt direct ou indirect en tant que partenaire, dirigeant, membre du Conseil d’administration, actionnaire, conseil ou Employé d’aucune autre entreprise ayant les mêmes activités ou des activités similaires à celles de l’Employeur » (pièce GD2-12) ;
  • « 7. Loyauté – L’employé s’engage à agir avec loyauté et honnêteté envers l’Employeur » (pièce GD2-13) ;
  • Clause de l’entente conclue entre l’employeur et l’appelant, en date du 14 avril 2017, interdisant à ce dernier de participer ou d’œuvrer de quelconque façon dans le domaine du marquage de la chaussée sur l’ensemble du territoire du Québec pour une période de cinq ans (pièces GD2-21 et GD2-22), (pièce GD4-4).

[63] La Commission a soutenu qu’en facturant à son compte un client de l’employeur, l’appelant a justement fait valoir son intérêt en tant que dirigeant de sa propre entreprise, au détriment de l’intérêt de son employeur. Elle a expliqué qu’il serait difficile d’affirmer que l’appelant, en utilisant le matériel et les employés de l’employeur pour exécuter et facturer un contrat au compte de son entreprise, agissait avec honnêteté envers son employeur. La Commission a évalué qu’en faisant des travaux et en facturant ceux-ci au compte de son entreprise, l’appelant a contrevenu directement à l’entente qu’il a conclue avec son employeur. Elle a fait valoir qu’en facturant le contrat pour le compte de son entreprise, l’appelant s’est approprié les biens de son employeur et le temps des employés pour son profit personnel (pièces GD4-4 et GD4-5).

[64] La Commission a conclu que le fait que l’appelant ait exécuté et facturé un contrat au compte de sa propre entreprise, plutôt qu’au compte de l’employeur, constituait de l’inconduite au sens de la Loiparce qu’en agissant ainsi il a contrevenu à son contrat de travail et s’est approprié les biens de l’employeur (profits du contrat), tout en brisant le lien de confiance avec celui-ci (pièces GD4-6 et GD4-7).

[65] Le Tribunal considère que c’est en accord avec son employeur que l’appelant n’a pas respecté les termes prévus de la clause de non-concurrence faisant partie de l’entente conclue avec celui-ci.

[66] Le Tribunal est d’avis que dans le cas présent, il y avait une pratique chez l’employeur faisant en sorte que même si une clause de non-concurrence avait été conclue entre ce dernier et l’appelant, celui-ci avait obtenu l’autorisation de prendre des engagements ou de réaliser des contrats pour le compte de l’entreprise de l’employeur.

[67] Dans ce contexte, le Tribunal considère que le fait que l’appelant n’ait pas respecté l’engagement de non-concurrence prévu à l’entente qu’il a conclue avec l’employeur ne fait pas en sorte qu’il lui a fait une concurrence déloyale ou qu’il a manqué d’honnêteté et de loyauté à son endroit.

[68] Le Tribunal tient pour avéré le témoignage de l’appelant selon lequel il a facturé des clients en utilisant le nom de son entreprise et non celle de l’employeur pour répondre à la demande de ce dernier ou parce qu’il s’était entendu avec celui-ci à cet effet.

[69] L’examen des factures émises par les entreprises X et X est très révélatrice de la pratique en place chez l’employeur pour démontrer que le non-respect de la clause de non-concurrence qu’il avait conclue avec l’appelant ne représentait pas un geste délibéré ou intentionnel de la part de ce dernier.

[70] Pour ce qui est du contrat réalisé au X, au coût de 550,00 $ (avant les taxes applicables), le témoignage de l’appelant, lequel n’a pas été contredit, indique qu’avant d’effectuer le travail demandé par la propriétaire de cet établissement, il avait d’abord obtenu la permission de son employeur pour réaliser ce travail au coût prévu et que la facture de ce contrat allait être émise par l’entreprise de l’appelant, comme cela avait été le cas pour d’autres contrats (ex. : X et X).

[71] Dans ce cas, une facture a été émise au nom du X par l’entreprise de l’appelant, en date du 18 mai 2018, au montant de 632,36 $ (550,00 $ plus les taxes applicables), (pièce GD2-34). Toutefois, l’entreprise de l’employeur n’a pas émis de facture à l’entreprise de l’appelant pour la réalisation de ce travail afin que celui-ci puisse le rembourser d’une somme équivalente, comme cela avait été le cas pour les contrats réalisés pour X et X.

[72] Le témoignage de l’appelant indique que c’est à la suite de l’émission de cette facture que l’employeur a pris la décision de le congédier parce qu’il n’avait pas respecté la clause de non-concurrence faisant partie de l’entente qui avait été conclue entre eux.

[73] Le Tribunal considère que le fait que l’appelant ait utilisé le nom de son entreprise pour facturer X ne démontre pas que ce geste a été posé de façon délibérée ou intentionnelle dans le but de concurrencer son employeur et de conserver l’argent provenant de ce contrat.

[74] Le Tribunal considère comme véridique l’explication donnée par l’appelant selon laquelle la procédure de facturation en place chez l’employeur a permis à ce dernier d’obtenir des contrats qu’il n’aurait pas pu obtenir autrement soit, parce que l’entreprise de l’employeur n’avait pas un bon nom auprès de certains clients (ex. : X) ou parce qu’elle avait utilisé le numéro de licence de la Régie du bâtiment du Québec (RBQ) détenu par l’entreprise de l’appelant afin de pouvoir présenter des soumissions et obtenir des contrats de la part de X.

[75] Le témoignage de l’appelant est appuyé par une preuve matérielle concluante permettant de constater que lorsqu’il a réalisé des contrats pour différents clients (ex. : X et X, des factures ont été émises à ces clients par son entreprise X et qu’ensuite, l’entreprise de l’employeur X lui a facturé des montants équivalents (pièces GD2-23 à GD2-33). La preuve démontre que ces montants ont tous été payés à l’entreprise de l’employeur par l’entreprise de l’appelant.

[76] L’appelant a présenté plusieurs exemples de facturation que son entreprise avait d’abord faite auprès de clients de l’employeur et que les montants facturés avaient ensuite été remboursés à l’employeur suivant l’émission de factures de montants équivalents.

[77] Ainsi, pour ce qui est du contrat réalisé par l’appelant pour X, une facture a été émise à ce client par son entreprise X, en date du 27 août 2017, au montant de 9 072,50 $ (pièce GD2-23). L’entreprise de l’employeur, X, a ensuite émis une facture à l’entreprise de l’appelant, en date du 31 août 2017, au montant de 9 072,52 $ (pièce GD2-24). La description des services effectués est essentiellement la même dans les deux cas. Un document intitulé « Desjardins – Récapitulatif des opérations monétaires », en date du 30 octobre 2017, indique qu’un paiement de 9 072,52 $ a été effectué à l’entreprise de l’employeur X, (pièce GD2-25).

[78] En ce qui concerne un contrat effectué pour la X (poste de X), une facture a été émise à ce client par l’entreprise de l’appelant, en date du 13 octobre 2017, au montant de 9 177,06 $ (pièce GD2-26). L’entreprise de l’employeur a ensuite facturé l’entreprise de l’appelant, le même jour, pour un montant identique et pour les mêmes types de services (pièce GD2-27). Des documents intitulés « Desjardins – Paiements de factures – Paiements immédiats » et « Desjardins – Récapitulatif des opérations monétaires », en date du 17 novembre 2017, indiquent aussi qu’un paiement de 9 177,06 $ a été effectué à l’entreprise de l’employeur ( X), (pièces GD2-28 et GD2-29).

[79] Relativement à un autre contrat réalisé pour la X (poste de X), une facture a été émise à ce client par l’entreprise de l’appelant, en date du 13 octobre 2017, au montant de 2 278,24 $ (pièce GD2-30). L’entreprise de l’employeur a ensuite facturé l’entreprise de l’appelant, le même jour, pour un montant identique et pour les mêmes types de services (pièce GD2-31). Des documents intitulés « Desjardins – Paiements de factures – Paiements immédiats » et « Desjardins – Récapitulatif des opérations monétaires », en date du 20 décembre 2017, indiquent également qu’un paiement de 2 278,24 $ a été effectué à l’entreprise de l’employeur (X), (pièces GD2-32 et GD2-33).

[80] Dans ce contexte, le Tribunal est d’avis que le fait que l’appelant ait utilisé le nom de son entreprise pour facturer des clients de l’employeur après avoir réalisé des contrats pour eux, ne représente pas un manquement à une exigence spécifique découlant expressément ou implicitement de son contrat de travail, étant donné la pratique qui avait cours chez l’employeur pour facturer des clients (Tucker, A-381-85, Lemire, 2010 CAF 314).

[81] Le Tribunal considère que l’appelant n’a pas enfreint les normes de comportement que l’employeur avait le droit d’exiger à son endroit (Tucker, A-381-85).

[82] L’appelant n’a pas négligé volontairement ou gratuitement les intérêts de son employeur ni fait preuve d’une intention délictuelle à son endroit (Tucker, A-381-85).

[83] Le Tribunal considère que les exemples fournis par l’appelant au sujet de l’existence de la procédure de facturation en vigueur chez l’employeur et la preuve documentaire qu’il a présentée viennent réfuter les allégations de celui-ci selon lesquelles l’appelant n’a pas agi avec loyauté et honnêteté à son endroit (ex. : utilisation du matériel de l’employeur, avoir eu recours aux employés de l’entreprise de l’employeur, encaissement des profits des contrats réalisés).

[84] Le Tribunal souligne que dans la lettre de congédiement adressée à l’appelant, l’employeur a mentionné, en plus du X, les noms de plusieurs autres clients où des contrats auraient été réalisés par l’appelant (pièces GD3-25 à GD3-27). Toutefois, malgré cette énumération, l’employeur n’a pas fourni de preuve matérielle (ex. : copie de contrats, de factures, preuve de paiement) pouvant démontrer que l’appelant avait effectué des contrats auprès des clients en question et qu’il avait encaissé tous les profits.

[85] Sur ce point, le Tribunal souligne que la preuve au dossier ne contient qu’une facture émise par l’entreprise de l’appelant à l’un des clients mentionnés par l’employeur soit, X. Dans ce cas, c’est l’appelant lui-même qui a présenté cette facture, parmi d’autres, pour démontrer la pratique en place chez l’employeur au sujet de la facturation de clients.

[86] Le Tribunal souligne également que l’employeur a indiqué à la Commission qu’exception faite de la facture de 550,00 $ (X), il n’avait pas toutes les preuves quant aux endroits où l’appelant aurait pu travailler à son propre compte avec le matériel de l’entreprise et que pour les autres contrats, la preuve qu’il détenait n’était que verbale (pièce GD3-41).

[87] Aucun document ne vient non plus démontrer que l’appelant a fait de la publicité sur Internet pour son propre compte ou pour celui de son entreprise, comme l’a pourtant affirmé l’employeur dans l’une de ses déclarations, pour démontrer que l’appelant n’avait pas respecté la clause de non-concurrence prévue à l’entente qu’il avait conclue avec l’employeur.

[88] Le Tribunal considère que la preuve recueillie auprès de l’employeur ne démontre pas en quoi les gestes posés par l’appelant, en utilisant le nom de son entreprise pour facturer les travaux accomplis chez des clients de l’employeur, pouvaient représenter des gestes ayant un caractère conscient, délibéré ou intentionnel, associés à de l’inconduite (Crichlow, A-592-97, Meunier, A-130-96, Joseph, A-636-85).

[89] Le Tribunal est d’avis que les actes reprochés à l’appelant n’étaient pas d’une portée telle que celui-ci pouvait normalement prévoir qu’ils seraient susceptibles de provoquer son congédiement. Même s’il a dérogé à la clause de non-concurrence incluse dans l’entente qu’il a conclue avec son employeur, l’appelant ne pouvait savoir que sa conduite était de nature à entraver les obligations envers celui-ci et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié en effectuant des travaux pour des clients et en utilisant le nom de son entreprise pour les facturer (Tucker, A-381-85, Mishibinijima, 2007 CAF 36).

[90] Le Tribunal conclut que rien ne démontre que l’appelant a fait une concurrence déloyale à son employeur. Le Tribunal considère que l’appelant n’a pas effectué de travail pour des clients de l’employeur en ayant recours aux employés de l’entreprise de celui-ci ou encore, en utilisant l’équipement de l’employeur, et qu’il a conservé les profits des contrats réalisés. Rien ne vient non plus démontrer que l’appelant a effectué de la publicité sur Internet, pour son compte personnel ou pour celui de son entreprise afin d’offrir des services de marquage. Le Tribunal considère que l’appelant n’a pas manqué à son obligation de loyauté et d’honnêteté envers l’employeur.

La Commission s’est-elle acquittée du fardeau qui lui incombe de démontrer si les gestes posés par l’appelant représentent de l’inconduite?

[91] La Cour a réaffirmé le principe selon lequel il appartient à la Commission de prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite (Bartone, A-369-88, Davlut, A-241-82, Meunier, A-130-96, Joseph, A-636-85, Lepretre, 2011 CAF 30, Granstrom, 2003 CAF 485).

[92] Le Tribunal est d’avis que dans le cas présent, la Commission ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombe à cet égard (Bartone, A-369-88, Davlut, A-241-82, Meunier, A-130-96, Joseph, A-636-85, Lepretre, 2011 CAF 30, Granstrom, 2003 CAF 485).

[93] Le Tribunal considère que dans son analyse, la Commission n’a pas démontré en quoi les gestes reprochés à l’appelant possédaient un caractère conscient, délibéré ou intentionnel, étant donné que celui-ci avait obtenu l’autorisation de son employeur pour réaliser des contrats auprès de clients et de les facturer en utilisant le nom de son entreprise au lieu du nom de l’entreprise de l’employeur.

[94] Le Tribunal considère que la preuve recueillie par la Commission ne soutient pas sa conclusion voulant que l’appelant a contrevenu aux clauses de son contrat de travail prévoyant qu’il ne devait bénéficier d’aucun intérêt direct ou indirect provenant d’une entreprise ayant les mêmes activités ou des activités similaires à celle de l’employeur, qu’il ne devait pas œuvrer dans le domaine du marquage de la chaussée sur le territoire du Québec pour une période de cinq ans ou encore, qu’il devait agir avec loyauté et honnêteté à l’endroit de son employeur (pièce GD4-4).

[95] Le Tribunal considère que la Commission s’est montrée satisfaite des déclarations de l’employeur indiquant que l’appelant avait contrevenu à la clause de non-concurrence qu’il avait conclue avec l’employeur, sans prendre en compte la pratique existante selon laquelle l’appelant pouvait réaliser des contrats auprès de clients et les facturer par le biais de l’entreprise que celui-ci possède.

[96] Le Tribunal souligne que la Commission n’a pas effectué la comparaison des factures émises par l’entreprise de l’appelant et celles émises ensuite par son employeur. Cette comparaison laisse voir que ces factures représentaient le même travail ou le même service auprès de clients de l’employeur.

[97] Le Tribunal considère que malgré les gestes reprochés à l’appelant, la preuve recueillie par la Commission est insuffisante et que cette preuve n’est pas suffisamment circonstanciée pour conclure, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite (Lepretre, 2011 CAF 30, Granstrom, 2003 CAF 485, Crichlow, A-592-97, Meunier, A-130-96, Joseph).

Est-ce que l’inconduite de l’appelant est la cause de son congédiement?

[98] Non. Bien que l’appelant ait perdu son emploi, la cause de la perte de son emploi ne représente pas de l’inconduite au sens de la Loi.

[99] Les décisions rendues dans les affaires Cartier (A-168-00) et MacDonald (A-152-96) confirment le principe établi dans la cause Namaro (A-834-82) selon lequel il doit également être établi que l’inconduite a constitué la cause du congédiement du prestataire.

[100] L’appelant a fait valoir que l’employeur avait voulu se débarrasser de lui en se servant de la facture émise pour X pour le prendre en défaut au sujet de la clause de non-concurrence qu’il devait respecter et pour le congédier.

[101] Sans présumer du bien-fondé des affirmations de l’appelant concernant les causes de la fin de son emploi, le Tribunal considère qu’il n’a pas été congédié en raison d’actes posés de manière volontaire, délibérée ou intentionnelle (Tucker, A-381-85, Mishibinijima, 2007 CAF 36).

[102] L’appelant n’a pas perdu son emploi en raison de son inconduite, aux termes des articles 29 et 30 de la Loi (Namaro, A-834-82, MacDonald, A-152-96, Cartier, A-168-00, Tucker, A-381-85, Mishibinijima, 2007 CAF 36).

[103] En conséquence, la décision de la Commission d’exclure l’appelant du bénéfice des prestations d’assurance-emploi en vertu des articles 29 et 30 de la Loi n’est pas justifiée dans les circonstances.

Conclusion

[104] L’appel est accueilli.

 

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparutions :

Le 6 décembre 2018

Vidéoconférence

A. G., appelant

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