Assurance-emploi (AE)

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Décisions

[1] Les appels sont accueillis. L’appelant a prouvé que sa demande de révision a été déposée dans le respect du délai de 30 jours suivant la date à laquelle les décisions de l’intimée lui ont été communiquées.

Question préliminaire

[2] L’article 13 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (le « Règlement sur le TSS ») porte ce qui suit : « le Tribunal peut, de sa propre initiative ou sur dépôt d’une demande par une partie, joindre plusieurs appels ou demandes si les conditions ci‑après sont réunies : a) les appels ou demandes soulèvent des questions de droit ou de fait qui leur sont communes; b) une telle mesure ne risque pas de causer d’injustice aux parties. »

[3] L’appelant a accepté que les trois appels (numéros de dossier GE‑18‑3790, GE‑18‑3812 et GE‑18‑3814) soient entendus conjointement. J’estime aussi que les trois dossiers soulèvent des questions de droit ou de fait qui leur sont communes et qu’une telle mesure ne risque pas de causer d’injustice aux parties. Par conséquent, les dossiers d’appel sont joints en application de l’article 13 du Règlement sur le TSS et la présente décision tranche les trois appels. 

Aperçu

[4] À partir de 2010, l’appelant a touché des prestations d’assurance‑emploi durant diverses périodes. L’intimée a déterminé que l’appelant tirait un revenu de son emploi pendant qu’il touchait des prestations d’assurance‑emploi et qu’il a omis de déclarer la rémunération reçue de trois employeurs différents. L’intimée a conclu que l’appelant avait sciemment fait de fausses déclarations. C’est ainsi que trois lettres distinctes de décision initiale ont été émises par l’intimée, chacune renfermant des décisions concernant les trop‑payés résultant des rémunérations non déclarées, l’imposition de pénalités et l’émission d’avis de violation.

[5] Le 26 septembre 2018, l’appelant a soumis à l’intimée une demande de révision portant sur les trois décisions initiales. L’appelant a indiqué à l’intimée qu’il ne se souvenait pas de la date précise à laquelle les décisions initiales lui ont été communiquées. L’appelant a reconnu qu’il était conscient qu’il avait une dette en 2014 mais a déclaré qu’il ignorait les détails de cette lettre, notamment à qui l’argent était dû et combien d’argent était dû. L’intimée a déterminé que les demandes de révision ont été reçues tardivement et a refusé d’accorder à l’appelant une prorogation du délai pour déposer ces demandes de révision. L’appelant a interjeté appel de cette décision devant le Tribunal de la sécurité sociale (le « Tribunal »).

Questions en litige

[6] Question 1 : Les décisions initiales ci-dessous ont-elles été communiquées à l’appelant et, dans l’affirmative, quelle est la date de leur communication?

  • GE-18-3814 : lettre de décision initiale datée du 30 octobre 2012 (GD3-11 à GD3-12)
  • GE-18-3790 : lettre de décision initiale datée du 24 juin 2013 (GD3-13 à GD3-15)
  • GE-18- 3812 : lettre de décision initiale datée du 9 décembre 2013 (GD3-12 à GD3-14)

[7] Question 2 : La demande de révision a-t-elle été soumise tardivement à l’intimée?

[8] Question 3 : L’intimée a-t-elle adéquatement exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a refusé d’accorder à l’appelant un délai supplémentaire pour le dépôt d’une demande de révision?

Analyse

[9] La question à trancher est de savoir si l’intimée a correctement exercé son pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle a refusé d’accorder à l’appelant un délai supplémentaire pour apporter sa demande de révision. Il n’est permis au Tribunal d’intervenir que si l’intimée n’a pas correctement exercé son pouvoir discrétionnaire.

[10] La nature discrétionnaire de la décision de refuser ou d’accorder un délai supplémentaire pour le dépôt d’une demande de révision a été récemment confirmée par la Cour fédérale (Daley c Canada (Procureur général), 2017 CF 297).

[11] L’intimée peut accorder un délai plus long pour la présentation d’une demande de révision si elle est convaincue qu’il existe une explication raisonnable à l’appui de la demande de prolongation du délai et, d’autre part, que l’intéressé a manifesté l’intention constante de demander la révision (par. 1(1) du Règlement sur les demandes de révision).

[12] Pour les délais de plus de 365 jours, le paragraphe 1(2) de ce même règlement exige que l’intimée soit aussi convaincue que la demande de révision a des chances raisonnables de succès et que l’autorisation du délai supplémentaire ne porte pas préjudice aux parties.

[13] Question 1 : Quand les décisions initiales ont-elles été communiquées à l’appelant?

[14] J’estime plus probable que non que toutes les décisions initiales ont été communiquées à l’appelant au même moment, soit au cours de la semaine du 27 au 31 août 2018.

[15] Le fardeau de prouver la communication incombe au décideur, en l’occurrence l’intimée (Bartlett c Canada (Procureur général), 2012 CAF 230).

[16] Le terme « communiqué » n’est pas défini dans la Loi sur l’assurance-emploi (la « Loi »); néanmoins, les tribunaux l’ont interprété comme signifiant une action concrète de la part du décideur pour informer une partie de la teneur et de l’effet d’une décision. La communication d’une décision ne nécessite pas de donner tous les détails de la décision à une partie ou de renseigner une partie sur son droit d’appel ou de demande de révision (R & S Industries Inc. c ministre du Revenu national, 2007 CF 469).

[17] L’intimée soutient que la date de communication initiale des trois décisions initiales est le 31 décembre 2014 (GD4-1 à GD4-4). L’intimée a déclaré qu’à la lumière de l’orientation fournie par son conseiller en expertise opérationnelle, elle a déterminé que la date de communication des trois lettres de décision initiale était le 31 décembre 2014, du fait que l’appelant n’avait pas en mémoire une date précise. L’intimée note que l’appelant était au courant d’une dette en 2014 et qu’elle lui a donné le bénéfice du doute en déterminant que cela datait du dernier jour de cette année‑là.

[18] L’appelant a dit à l’intimée qu’il savait qu’il avait une dette importante en 2014, soit quelque temps avant son hospitalisation (GD3-31). Il a déclaré avoir communiqué avec l’Agence du revenu du Canada (ARC) en août 2018 pour se renseigner sur la dette. Il a fait observer que lorsqu’il a communiqué avec l’ARC on lui a dit qu’il devait la somme de 21 703,15 $ et que cela découlait d’une dette d’assurance-emploi.

[19] Dans son témoignage, l’appelant a déclaré qu’il était au courant du fait qu’il avait une dette en 2014, mais il a indiqué qu’il n’avait alors aucune idée du montant de cette dette ni de son créancier. Il ignorait ce qui avait causé ou engendré la dette. Il ne se souvient pas d’avoir vu ou reçu des lettres. Il a indiqué qu’à cette époque il ne prenait pas de médicaments et que ses problèmes de santé mentale affaiblissaient ses facultés. Plus précisément, il a indiqué que ses symptômes permanents et la peur qu’il ressentait nuisaient à sa capacité d’enquêter ou de prendre des mesures à ce sujet, étant donné son état d’esprit. Il a expliqué qu’il n’avait pas fait de déclarations de revenus pendant plusieurs années et c’est ce qui l’avait incité à communiquer avec l’ARC en août 2018, vu qu’il avait alors le sentiment que sa vie, sa situation et ses questions de santé mentale s’étaient stabilisées depuis. Il a indiqué qu’il était en contact avec un organisme local de santé mentale qui lui fournissait un soutien en l’aidant dans diverses tâches, notamment à démêler ses dossiers d’impôt.

[20] L’appelant a déclaré qu’il poursuit ces appels parce qu’il est désireux de régler toute question de dette en souffrance ainsi que ses impôts, bien qu’il reçoive actuellement une aide financière du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées (POSPH) et qu’il est peu probable qu’il ait les moyens financiers de rembourser l’une ou l’autre de ses dettes, ni que l’on puisse saisir ses prestations du POSPH pour rembourser le trop-payé.

[21] Je n’ai pas été convaincue par l’argument de l’intimée selon lequel les décisions initiales ont été communiquées à l’appelant le 31 décembre 2014, comme date de communication par défaut. Je note que l’intimée a reconnu et tenu pour avéré que l’appelant n’était pas au courant des détails de la dette ni ne savait à qui elle était due (GD3-29 et GD3-31). J’estime que, bien que l’appelant savait qu’il avait une dette à rembourser en 2014, cela n’est pas suffisant pour établir que les décisions initiales lui ont été communiquées d’une manière qui montrerait qu’il a été renseigné sur la teneur et l’effet des décisions prises par l’intimée. À tout le moins, l’appelant aurait eu besoin de savoir à qui la dette était due pour pouvoir prendre des mesures à cet égard, or il n’a eu connaissance de cette information que lorsqu’il a appelé l’ARC en août 2018.

[22] J’ai aussi été convaincue par le témoignage de l’appelant et sa preuve documentaire concernant les problèmes de santé mentale qu’il avait alors, son itinérance, son impossibilité à obtenir son courrier, le fait que sa sœur avait jeté ses effets personnels, y compris son courrier, et son hospitalisation involontaire. J’estime que cela étaye le fait qu’il n’était pas au courant de la teneur des décisions rendues par l’intimée et que, sans que ce soit décisif, vu que c’est à l’intimée qu’il incombe de prouver la communication des décisions et que j’ai jugé qu’en l’espèce l’intimée ne s’est pas acquittée de ce fardeau de la preuve, j’accepte que l’appelant n’a pas reçu les lettres et qu’il n’avait sans doute pas la capacité de se renseigner davantage à ce sujet pendant qu’il était hospitalisé.

[23] Par conséquent, j’ai préféré la preuve de l’appelant selon laquelle il n’a eu connaissance pour la première fois du montant de la dette et de son créancier que lorsqu’il a communiqué avec l’ARC en août 2018 et qu’il a alors appris l’existence des décisions d’assurance-emploi qui étaient à l’origine de la dette. C’est à ce moment-là que toutes les décisions en cause lui ont été communiquées. Une fois qu’il a été mis au courant des décisions d’AE par l’ARC, il a déposé sa demande de révision. J’accepte aussi le fait que sa motivation à prendre contact avec l’ARC en août 2018 était dictée par sa volonté de tirer les choses au clair quant à sa situation fiscale, parce qu’il n’avait pas fait de déclarations de revenus depuis quatre ou cinq ans.

[24] L’appelant ne se souvient pas de la date précise, en août 2018, à laquelle il a appelé l’ARC; cependant, il se souvenait que cela s’était produit à la fin de l’été, parce qu’il avait passé environ neuf heures à appeler à six numéros de téléphone différents pour parvenir à joindre le service compétent. Je note que la dernière semaine de l’été commence du 27 au 31 août 2018. Par conséquent, j’estime qu’il est plus probable que le contraire que les décisions ont été communiquées à l’appelant durant la semaine du 27 au 31 août 2018, lorsqu’il a appelé l’ARC.

[25] Question 2 : La demande de révision a-t-elle été présentée tardivement à l’intimée?

[26] Non. J’estime que la demande de révision n’a pas été présentée tardivement à l’intimée parce qu’elle a été déposée le 26 septembre 2018 et que les décisions n’ont été communiquées à l’appelant que durant la semaine du 27 au 31 août 2018, lorsque l’ARC l’a mis au courant des détails de la dette, ce qui est dans le respect du délai de 30 jours suivant la date de communication.

Question 3 : L’intimée a-t-elle adéquatement exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a refusé d’accorder à l’appelant un délai plus long pour présenter une demande de révision?

[27] Il n’est pas nécessaire de répondre à la question de savoir si l’intimée a dûment exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire puisque les demandes de réexamen concernant les trois dossiers n’ont pas été présentées tardivement.

Conclusion

[28] Les appels sont accueillis.

Appel entendu le :

Mode d’instrution :

Comparutions :

23 janvier 2019

Téléconférence

G. M., appelant

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