Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] La demande de permission d’interjeter appel est rejetée.

Aperçu

[2] La demanderesse, M. R. (prestataire), a quitté son travail en février 2016, mais elle n’a présenté une demande de prestations d’assurance‑emploi que le 22 novembre 2016. Le 7 mai 2018, elle a demandé que sa demande de prestations soit antidatée au 21 février 2016. La défenderesse, la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (Commission), a rejeté sa demande, concluant qu’elle n’avait pas de motif valable justifiant son retard. La prestataire a interjeté appel à la division générale, mais son appel a été rejeté. Elle demande maintenant l’autorisation d’interjeter appel.

[3] La prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès. Elle n’a pas établi qu’elle pouvait soutenir que la division générale a commis une erreur de droit ou qu’elle a mal compris des éléments de preuve pertinents sur lesquels la décision était fondée ou en a fait fi. En outre, la division d’appel n’est pas compétente pour déterminer si la division générale a commis une erreur dans la manière dont elle a appliqué le droit aux faits.

Questions en litige

[4] Peut‑on soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en interprétant erronément le sens de « motif valable justifiant [le] retard »?

[5] Peut‑on soutenir que la division générale a mal compris les éléments de preuve se rapportant aux raisons pour lesquelles la prestataire a retardé le dépôt de sa demande ou qu’elle en a fait fi?

Analyse

[6] La division d’appel ne peut intervenir dans une décision de la division générale que si elle peut conclure que cette dernière a commis l’un des types d’erreurs décrits par les « moyens d’appel » prévus à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS).

[7] Les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[8] Pour faire droit à cette demande d’autorisation et permettre que le processus d’appel aille de l’avant, je dois conclure qu’il existe une chance raisonnable de succès sur un ou plusieurs moyens d’appel. Une chance raisonnable de succès a été assimilée à une cause défendableNote de bas de page 1.

Première question en litige : Peut‑on soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en interprétant erronément le sens de « motif valable justifiant [le] retard »?

[9] La prestataire fait valoir que la division générale a commis une erreur de droit, mais elle n’affirme pas clairement comment la division générale a commis cette erreur. La division générale a clairement compris que la prestataire devait démontrer qu’elle avait un « motif valable justifiant son retard » pendant toute la période écoulée, ainsi que le prévoir le article 10(4) de la Loi sur l’assurance‑emploi (Loi sur l’AE). La division générale a renvoyé également aux décisions pertinentes dans lesquelles la Cour d’appel fédérale a interprété le sens de « motif valable » pour l’application du article 10(4) de la Loi sur l’AE.

[10] Dans ses observations, la prestataire a renvoyé à une décision rendue par un juge‑arbitre (que l’on appelle CUB) dans laquelle ce dernier a déclaré que l’ignorance du droit ne signifie pas qu’une demande tardive ne peut être acceptée. La division générale n’est pas tenue de suivre les décisions des juges‑arbitres, mais je signale qu’elle a cité un principe similaire tiré de la décision Canada (Procureur général) c. BeaudinNote de bas de page 2 : [traduction] « La confusion à l’égard du processus de demande [de l’assurance‑emploi] et l’ignorance de la loi, nées de la bonne foi, constitueraient un motif valable à condition que le prestataire soit en mesure d’établir qu’il a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait ou établisse l’existence de circonstances exceptionnelles ».

[11] La division générale n’a pas rejeté l’appel parce que la prestataire ne connaissait pas ou ne comprenait pas le droit. Elle a rejeté l’appel parce que la prestataire n’a pas démontré qu’elle avait fait ce qu’une personne raisonnable et prudente aurait fait dans les mêmes circonstances pour connaître ses droits et ses obligations sous le régime de la Loi sur l’AENote de bas de page 3. Cette décision est conforme à la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale.

[12] L’on ne peut soutenir que la division générale a commis une erreur de droit au sens de l’article 58(1)b) de la Loi sur le MEDS.

Deuxième question en litige : Peut-on soutenir que la division générale a mal compris les éléments de preuve se rapportant aux raisons pour lesquelles la prestataire a retardé le dépôt de sa demande ou qu’elle en a fait fi?

[13] La division générale a compris que la prestataire a cru qu’elle ne pouvait présenter une demande de prestations d’assurance‑emploi à moins que le relevé d’emploi (RE) ne soit déposé, et qu’elle a retardé le dépôt de sa demande pour cette raison. Elle avait demandé à plusieurs reprises à son employeur de lui remettre son RE et elle n’a su qu’au mois de novembre 2016 que ce dernier avait en fait délivré un RE, qui a été déposé auprès de la Commission en avril 2016.  La division générale a compris également que la prestataire n’a communiqué avec la Commission au téléphone ou en personne pour s’enquérir de ses droits et ses obligations à aucun moment entre le mois de février 2016 et le mois de novembre 2016.

[14] La prestataire ne conteste aucun des faits susmentionnés. Elle semble plutôt faire valoir que la division générale a fait fi d’éléments de preuve supplémentaires; son témoignage selon lequel elle a accédé au site Web de la Commission et vérifié quelle avait besoin d’un RE pour présenter une demande de prestations d’assurance‑emploi et qu’elle avait besoin de communiquer avec son employeur pour qu’il lui en délivre un. Elle a témoigné en outre qu’elle avait vérifié son compte en ligne sur un site Web de l’assurance‑emploi en mars 2016 et qu’elle avait vérifié que l’employeur n’avait pas délivré son RE à cette date. Je suis d’accord avec la prestataire pour dire que la division générale n’a pas mentionné expressément les visites de la prestataire sur le site Web de l’assurance‑emploi, ni ce qu’elle a compris après avoir lu le contenu de ce site, et qu’elle n’a pas admis que la prestataire avait vérifié si son RE avait été délivré jusqu’au mois de mars 2016.

[15] Toutefois, la division générale a clairement compris que la prestataire était à tout le moins familière avec son propre compte en litige auprès de Service Canada. Elle a compris également que c’est ainsi qu’elle a finalement découvert que le RE avait été soumis. La division générale a reconnu que la prestataire avait cru qu’elle ne pouvait déposer une demande sans un RE et qu’elle avait fait des efforts pour l’obtenir auprès de son employeur.

[16] Dans sa décision, la division générale a conclu que la prestataire n’avait pas agi comme l’aurait fait une personne raisonnable ou prudente pour déterminer son droit à des prestations d’assurance‑emploi et qu’elle n’avait par conséquent aucun motif valable justifiant son retard. La division générale n’en est pas arrivée à cette décision après avoir conclu que la prestataire avait omis d’accéder au renseignements sur les prestations d’assurance‑emploi fournis en ligne ou après avoir conclu qu’elle n’avait jamais vérifié son compte en ligne. La décision de la division générale reposait sur sa conclusion selon laquelle la prestataire a attendu neuf mois avant d’effectuer faire de véritables recherches et avant de déposer sa demande.

[17] La division générale n’est pas tenue de mentionner chacun des éléments de preuve qui lui ont été présentés, mais elle est présumée avoir pris en considération toute la preuveNote de bas de page 4. À mon avis, la preuve à laquelle la prestataire renvoie n’est pas à ce point importante que l’omission de la division générale d’en faire mention dans sa décision doit aussi signifier qu’elle n’a pas pris cet élément de preuve en considération ou qu’elle ne l’a pas compris.

[18] Même si j’acceptais que la division générale a fait fi de la preuve de la prestataire selon laquelle elle a accédé au site Web de l’assurance‑emploi pour obtenir ses renseignements ou qu’elle avait confirmé que l’employeur n’avait pas encore soumis son RE (à une date précédent de huit mois approximativement la date à laquelle elle a demandé des prestations), je ne peux admettre que cela aurait modifié la manière dont la division générale a compris les faits essentiels sur lesquels elle a fondé sa décision.

[19] Par conséquent, on ne peut soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou compte non tenu des éléments portés à sa connaissance en vertu de l’article 58(1)c) de la Loi sur le MEDS.

[20] Dans ses observations, la prestataire laisse entendre qu’elle croit aussi que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a omis d’accepter que les mesures qu’elle a prises pour connaître ses droits et ses obligations étaient celles qu’une personne « raisonnable et prudente » aurait prises. Si elle n’avait commis aucune erreur de droit et qu’elle avait pris en considération tous les faits pertinents sur lesquels elle a fondé sa décision, l’on pourrait alors soutenir que la division générale a commis ce que l’on appelle une erreur « mixte de fait et de droit ». La Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt récent Quadir c. Canada (Procureur général)Note de bas de page 5, a confirmé que la division d’appel n’est pas compétente pour se pencher sur les questions mixtes de fait et de droit. Je ne suis pas habilité à déterminer si la division générale a commis une erreur dans la manière dont elle a appliqué le droit établi aux faits tels qu’elle les a compris.

[21] La prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès en appel.

Conclusion

[22] La demande de permission d’interjeter appel est rejetée.

Représentante :

M. R., non représentée

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