Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli. La Commission de l’assurance‑emploi du Canada (« Commission » ou « intimée ») n’a pas établi selon la prépondérance des probabilités que l’appelant a volontairement quitté son emploi.

Aperçu

[2] L’appelant a travaillé comme développeur de contenu d’apprentissage chez X (Canada Inc.) (« employeur » ou « X »). Il a rencontré le directeur des ressources humaines pour discuter de l’examen annuel de son rendement. Au cours de cette rencontre, l’appelant a formulé plusieurs préoccupations relatives au milieu de travail. Il a ensuite eu une brève discussion avec son superviseur immédiat (« superviseur »), puis s’en est allé chez lui. Avant de rentrer au travail le lendemain matin, l’appelant a envoyé à son superviseur un courriel dans lequel il a énoncé ses demandes relatives au milieu de travail ainsi qu’un certain nombre d’engagements auxquels il était disposé à adhérer relativement au milieu de travail. À son arrivée au travail, l’appelant a appris qu’il n’avait plus accès à son ordinateur et s’est fait dire de s’en aller chez lui. Il s’est fait verser deux semaines de salaire.

[3] Les courriels échangés entre l’appelant et le directeur des ressources humaines après le départ de l’appelant du lieu de travail révèlent un écart marqué entre leur version et leur interprétation des circonstances entourant le départ de l’appelant. Le directeur des ressources humaines a déclaré qu’au cours de leur rencontre précédente, l’appelant avait démissionné et avait remis à l’employeur un préavis de deux semaines de sa démission. Le directeur des ressources humaines a déclaré dans ces courriels que l’appelant avait obtenu deux semaines de salaire tenant lieu d’avis de démission. En revanche, l’appelant a indiqué dans ces courriels qu’il n’avait pas démissionné lors de la rencontre précédente et qu’il avait tenté d’examiner des options susceptibles d’atténuer ses préoccupations au sujet du milieu de travail. L’appelant a indiqué dans les courriels en question qu’il avait été congédié par son employeur et qu’il avait obtenu deux semaines de salaire tenant lieu d’avis de licenciement.

[4] L’appelant a présenté une demande initiale de prestations régulières d’assurance‑emploi à la Commission. Cette dernière l’a exclu du bénéfice des prestations après avoir conclu qu’il avait volontairement quitté son emploi sans justification. L’appelant a demandé le réexamen de cette décision. Par suite de ce réexamen, la Commission a maintenu sa décision initiale d’exclure l’appelant du bénéfice des prestations. L’appelant a interjeté appel de cette décision devant le Tribunal de la sécurité sociale (« Tribunal »).

Questions en litige

[5] Le Tribunal doit trancher deux questions :

Première question en litige : L’appelant a‑t‑il quitté volontairement son emploi chez X?

Deuxième question en litige : Dans l’affirmative, l’appelant était‑il fondé à quitter volontairement son emploi parce que, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas?

Analyse

[6] Aux termes de la Loi sur l’assurance‑emploi (« Loi »), le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il quitte volontairement son emploi sans justification (article 30 de la Loi). Le prestataire peut établir qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi s’il peut démontrer que, compte tenu de toute les circonstances, son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas (alinéa 29c) de la Loi).

[7] La Commission a le fardeau de prouver que le départ était volontaire. Si elle s’acquitte de ce fardeau, il incombe ensuite à l’appelant de démontrer qu’il était fondé à quitter son emploi (Green c Canada (Procureur général), 2012 CAF 313). Le fardeau de la preuve et de l’appelant et de la Commission est celui de la prépondérance des probabilités, ce qui signifie qu’ils doivent prouver qu’il est « probable » que les événements se soient produits ainsi qu’ils ont été décrits.

Première question en litige : L’appelant a-t-il volontairement quitté son emploi chez X?

[8] Le Tribunal conclut que la Commission n’a pas établi selon la prépondérance des probabilités que l’appelant a quitté volontairement son emploi.

[9] Afin de déterminer si l’appelant a quitté volontairement son emploi, le Tribunal doit examiner s’il avait le choix de rester ou de partir (Canada (Procureur général) c Peace, 2004 CAF 56).

[10] Compte tenu des renseignements fournis au dossier et du témoignage de l’appelant à l’audience, le Tribunal conclut que les faits suivants ne sont pas contestés.

Rencontre du 26 juillet 2018 entre l’appelant et le directeur des ressources humaines

  • L’appelant a pris contact avec le directeur des ressources humaines le 26 juillet 2018 pour discuter de l’examen annuel de son rendement. Il a profité de l’occasion pour discuter de préoccupations qu’il avait en ce qui concerne ses conditions de travail, sa relation avec son superviseur, la mise en application d’un nouveau logiciel qui aurait une incidence sur ses tâches et la portée des projets relevant de sa responsabilité. Au cours de cette rencontre, l’appelant a indiqué qu’il voulait changer de poste au sein de l’organisation. Le statut excédentaire du poste de l’appelant a également été abordé.
  • À l’issue de cette rencontre, l’appelant est retourné à son bureau.
  • Le directeur des ressources humaines a communiqué avec le superviseur de l’appelant pour l’informer de la conversation qu’il avait eue avec l’appelant.

Rencontre du 26 juillet 2018 entre l’appelant et son superviseur

  • À la suite de sa rencontre avec le directeur des ressources humaines, l’appelant a eu une discussion avec son superviseur dans le terrain de stationnement. Quelque temps après cette discussion, l’appelant a quitté le lieu de travail.

Événements du 27 juillet 2018

  • Le lendemain matin, l’appelant a envoyé un courriel à son superviseur avant de rentrer au travail. Dans ce courriel, portant le titre « Pour éviter Brexit », l’appelant a proposé des options qui contribueraient à améliorer son environnement de travail, a réitéré la nécessité d’adopter certaines méthodes de travail et a énoncé les engagements auxquels il se proposait d’adhérer. L’appelant a proposé que le directeur du service intervienne à titre d’arbitre.
  • L’appelant s’est ensuite rendu au travail. À son arrivée dans l’immeuble, il a été informé qu’il n’avait plus accès à son ordinateur. L’appelant a discuté séparément avec son superviseur et le directeur des ressources humaines. Ce dernier lui a dit qu’il devrait retourner chez lui et qu’il toucherait deux semaines de salaire.
  • Après avoir quitté le lieu de travail, l’appelant a envoyé au directeur des ressources humaines un courriel dont il a fait parvenir une copie conforme à son superviseur et au directeur du service. Ce courriel, envoyé à 13 h 32 le 27 juillet 2018, porte le titre « Objet : Contrat de X – congédiement ». Dans ce courriel, l’appelant a résumé ce qu’il considérait être les circonstances entourant son départ de la compagnie. Il a écrit ceci : [TRADUCTION] « Je crois comprendre, compte tenu de la discussion que nous avons eue aujourd’hui, que je serai congédié sous toutes réserves et que je toucherai une indemnité de départ de dix jours de travail tenant lieu d’avis et une indemnité de vacances de six jours. Avec mention véridique et exacte dans mon relevé d’emploi que la description de travail a été réduite pour des raisons opérationnelles, en raison de la mise en application d’un logiciel de modèle de présentation Powerpoint ».
  • Dans ce même courriel, l’appelant a écrit ceci : [TRADUCTION] « 3) [p]our votre information, et pour dissiper tout doute, je n’ai pas démissionné. J’ai demandé que l’on reconnaisse la baisse du niveau de la description de travail et que l’on me congédie si je ne pouvais pas être réaffecté à un rôle correspondant à mes compétences et à mon expérience ».
  • Le directeur des ressources humaines a répondu à ce courriel le 30 juillet 2018, affirmant qu’au cours de la rencontre du 26 juillet 2018, l’appelant l’avait informé qu’il partait dans deux semaines.

[11] Les éléments de preuve de l’appelant et de l’intimée divergent sur plusieurs points se rapportant au départ de l’appelant de chez X. Le Tribunal conclut, sur le fondement du dossier et du témoignage donné au cours de l’audience, que l’intimée n’a pas établi selon la prépondérance des probabilités que l’appelant a quitté volontairement son emploi.

L’appelant a-t-il quitté volontairement son emploi en servant un ultimatum le 26 juillet 2018 ou en demandant qu’on le congédie?

[12] Le Tribunal conclut que l’intimée n’a pas prouvé selon la prépondérance des probabilités que l’appelant a quitté volontairement son emploi en servant un ultimatum au cours de sa conversation avec le directeur des ressources humaines le 26 juillet 2018 ou en demandant qu’on le congédie.

[13] L’intimée soutient qu’au cours de la conversation tenue le 26 juillet 2018, l’appelant a servi un ultimatum au directeur des ressources humaines et a ainsi amorcé la fin de la relation de travail. L’intimée se fonde sur la déclaration du directeur des ressources humaines selon laquelle l’appelant l’a informé le 26 juillet 2018 qu’il démissionnerait dans deux semaines s’il n’était pas affecté à un autre poste au sein de l’organisation ou qu’il n’était pas mis à pied en raison de la mise en application du nouveau logiciel de modèle de présentation PowerPoint. Étant donné qu’aucune autre possibilité n’existait au sein de l’organisation, l’intimée a fait valoir que l’appelant avait mis en marche la fin de sa relation de travail parce que la seule solution en bout de ligne était un congédiement ou une démission. L’intimée se fonde également sur un courriel que l’appelant a envoyé le 27 juillet 2018 et qu’il a intitulé [TRADUCTION] « Objet : Contrat de X – congédiement », et sur un courriel envoyé le 1er novembre 2018, à l’appui de l’argument selon lequel l’appelant avait servi un ultimatum, à savoir qu’il partirait à moins qu’il ne soit mis à pied ou affecté à un autre poste, de sorte qu’il a mis son départ de chez X en branle.

[14] L’appelant a témoigné que, le 26 juillet 2018, il a dit au directeur des ressources humaines qu’il aurait [TRADUCTION] « besoin de peser ses options » si sa situation au travail ne s’améliorait pas. Dans le courriel daté du 27 juillet 2018, l’appelant a décrit la conversation qu’il a eue avec le directeur des ressources humaines dans les termes suivants : [TRADUCTION « […] Je vous ai dit [directeur des ressources humaines] au cours d’une conversation privée que ces questions étaient graves et que je démissionnerais si elles n’étaient pas résolues dans un délai de quelques semaines. Mais j’ai indiqué en des termes clairs que je ne démissionnais pas ce jour‑là. » Dans un courriel daté du 1er novembre 2018, l’appelant a décrit la conversation qui a eu lieu le 26 juillet 2018 dans les termes mêmes qu’il a utilisés dans le courriel daté du 27 juillet 2018.

[15] Le Tribunal conclut que le témoignage de l’appelant concernant la conversation du 26 juillet 2018 était très détaillé. L’appelant a témoigné que 80 pour cent de la discussion a porté surtout sur son examen du rendement positif. Le reste du temps a été passé à discuter des préoccupations qu’il avait concernant le milieu de travail et à tenter d’étudier des options qui lui étaient ouvertes, tant au sein de l’organisation (un autre poste au sein de l’organisation, s’occuper de la mise en place du nouveau logiciel), que sur le plan des options possibles relatives à son départ de l’organisation (le statut excédentaire de son rôle, la possibilité d’une démission). L’appelant a témoigné que la discussion était cordiale et ouverte.

[16] Le Tribunal conclut que l’objet principal de la discussion n’était pas le départ imminent de l’appelant, mais plutôt ses services passés chez l’employeur et la façon dont ses préoccupations relatives au milieu travail pouvait être résolues. De plus, le Tribunal conclut que la prétention de l’appelant selon laquelle il s’efforçait d’étudier plusieurs options au sein de l’organisation est corroborée par la conduite qu’il a adoptée à la suite de sa rencontre avec le directeur des ressources humaines. Après cette rencontre, l’appelant a discuté avec son superviseur dans le terrain de stationnement au sujet de façons dont ils pourraient satisfaire l’appelant dans son poste actuel. Le courriel que l’appelant a envoyé à son superviseur le 27 juillet 2018 en matinée dresse une liste de demandes et d’engagements de l’appelant de travailler de manière constructive dans le poste de développeur de contenu d’apprentissage qu’il occupait alors. Dans la même veine, le Tribunal accepte le témoignage de l’appelant selon lequel le courriel envoyé le 27 juillet 2018 en matinée visait à étudier davantage ses options au travail.

[17] À l’audience, l’appelant a expliqué que bien que le titre du courriel, envoyé le 27 juillet 2018 en matinée, « Pour éviter Brexit », puisse paraître indiquer qu’il quittait l’organisation, il s’agissait d’une tentative d’alléger l’atmosphère. L’appelant et son superviseur sont tous deux d’origine britannique et ont discuté souvent des négociations ardues associées à Brexit. Le renvoi à Brexit visait à décrire des négociations qui, de l’avis de l’appelant, étaient des « négociations compliquées ». Le contenu du courriel appuie le témoignage de l’appelant selon lequel il cherchait à trouver une solution pratique dans son rôle de développeur de contenu d’apprentissage. Dans ce même courriel, l’appelant a demandé à son superviseur si le directeur du service pouvait l’aider à trouver une solution lorsqu’il écrit : [TRADUCTION] « Peut‑être pouvons‑nous demander à A. d’intervenir comme arbitre ». Le Tribunal conclut que la conduite de l’appelant concorde avec celle d’un employé qui tente activement de négocier des changements dans le milieu de travail pour faciliter le travail dans son rôle plutôt qu’avec celle d’un employé qui a servi un ultimatum à son employeur.

[18] Le Tribunal conclut que, malgré l’écart entre la déclaration de l’appelant à l’audience en ce qui concerne le « besoin de peser ses options » et sa déclaration faite dans le courriel daté du 27 juillet 2018, aucune de ses déclarations n’équivaut à un ultimatum dans le contexte des discussions. Le Tribunal conclut que ces deux déclarations témoignent d’un degré de complexité qui est beaucoup plus nuancé que celui d’un ultimatum direct. Le Tribunal conclut que l’appelant était un participant actif aux efforts visant à trouver une solution aux discussions concernant le lieu de travail, ainsi que le révèle sa conduite après sa rencontre avec le directeur des ressources humaines. Étant donné ce contexte, le Tribunal conclut que même la déclaration selon laquelle l’appelant démissionnerait si les problèmes ne pouvaient être résolus dans un délai de quelques semaines ne peut être considérée comme étant un ultimatum parce que l’appelant lui‑même tentait de résoudre les problèmes et d’accepter certaines concessions lui‑même plutôt que de simplement exiger que l’employeur règle une impasse.

[19] En conséquence, le Tribunal préfère le témoignage plus détaillé de l’appelant concernant la discussion qui a eu lieu le 26 juillet 2018 à la version donnée par le directeur des ressources humaines, car le témoignage de l’appelant est davantage conforme à la nature exploratoire des discussions qui se sont alors déroulées. Le Tribunal conclut que l’intimée n’a pas pris en considération le contexte des discussions et qu’elle a conclu hâtivement que l’appelant avait servi un ultimatum qui aboutirait inévitablement à sa démission. Le Tribunal conclut que l’appelant a effectivement exprimé son insatisfaction à l’égard des conditions au travail, dont la mise en application du nouveau programme de présentation PowerPoint. Le Tribunal conclut toutefois que, dans le contexte de la discussion tenue avec le directeur des ressources humaines, l’expression de son insatisfaction par l’appelant n’équivalait pas à un ultimatum.

[20] En outre, le Tribunal conclut que le courriel envoyé au cours de l’après‑midi du 27 juillet 2018 n’appuie pas l’argument de l’intimée selon lequel l’appelant a mis son départ de chez l’employeur en branle et volontairement quitté son emploi. Le langage utilisé par l’appelant dans ce courriel n’est pas compatible avec l’argument de l’intimée selon lequel l’appelant a exigé certains changements, à défaut de quoi il partirait. Le langage utilisé dans le courriel daté du 27 juillet 2018 renvoie à une demande « que l’on reconnaisse la baisse du niveau de la description de travail et que l’on me congédie si je ne pouvais pas être réaffecté à un rôle correspondant à mes compétences et à mon expérience ». Le Tribunal conclut que la demande de l’appelant d’être congédié parce qu’il croyait que son rôle était excédentaire n’équivalait pas à un départ volontaire de l’appelant parce qu’en dépit de sa demande, l’appelant ne pouvait amorcer son propre congédiement.

L’appelant a-t-il quitté volontairement son emploi le 26 juillet 2018 en démissionnant et en donnant un avis de deux semaines?

[21] Le Tribunal conclut que l’appelant n’a pas quitté volontairement son emploi le 26 juillet 2018 en démissionnant et en donnant un avis de deux semaines.

[22] L’appelant a affirmé catégoriquement au cours de son témoignage qu’il n’a pas démissionné de son poste et qu’il n’a pas donné d’avis de deux semaines. Le directeur des ressources humaines a déclaré que l’appelant avait démissionné et donné un avis de deux semaines.

[23] Le Tribunal conclut que la version du directeur des ressources humaines des événements survenus le 26 juillet 2018 vient contredire le relevé d’emploi délivré par l’employeur. En effet, ce dernier n’y a pas indiqué que l’appelant avait « démissionné ». Il a plutôt inscrit la lettre « K », qui signifie « autre », comme motif de délivrance du relevé d’emploi. Dans les notes faites dans le relevé d’emploi, l’employeur a indiqué ceci : [TRADUCTION] « J. R. a dit être d’avis que le rôle lui était inférieur compte tenu de son expérience et que ce n’était pas ce pourquoi il avait été embauché ». Le relevé d’emploi indiquait en outre que le dernier jour de paie de l’appelant était le 27 juillet 2018, ce qui ne concorde pas avec la déclaration du directeur des ressources humaines selon laquelle l’appelant a obtenu deux semaines de paie tenant lieu d’avis de démission. Étant donné ces incompatibilités, le Tribunal conclut que le témoignage uniforme de l’appelant dans lequel il a nié avoir démissionné en donnant un avis de deux semaines est plus crédible que la déclaration du directeur des ressources humaines.

[24] En outre, le Tribunal conclut que l’intimée n’a produit aucune preuve à l’appui de son argument selon lequel l’appelant a donné un avis de deux semaines et à son superviseur et au directeur des ressources humaines. Compte tenu de la conclusion qui précède, le Tribunal n’accepte pas que l’appelant a donné un avis de deux semaines de sa démission au directeur des ressources humaines. En outre, il n’y a au dossier aucune preuve qui vient confirmer que l’appelant a démissionné au cours de la conversation qu’il a eue avec son superviseur le 26 juillet 2018. Le dossier révèle que le superviseur a indiqué que c’est le directeur des ressources humaines [TRADUCTION] « qui lui a dit que le prestataire donnait son avis de deux semaines et que [l’appelant] ne voulait plus travailler ici ». Le dossier ne contient aucune preuve que l’appelant a informé son superviseur qu’il donnait un avis de deux semaines de sa démission.

[25] Au cours de l’audience, l’appelant a témoigné qu’il devait partir en vacances deux semaines après la rencontre du 26 juillet 2018. Le Tribunal accepte l’argument de l’appelant selon lequel il n’aurait pas donné un avis de deux semaines de sa démission, sachant parfaitement que de toute façon il ne serait pas au travail au cours de cette période parce qu’il serait en vacances. Le Tribunal conclut que l’imminence des vacances de l’appelant au début du mois d’août 2018 vient appuyer la prétention de l’appelant selon laquelle il avait besoin de peser ses options et que cette réflexion se ferait sur une période de « quelques semaines » et non sur une période fixe de deux semaines.

[26] Le Tribunal écarte l’argument de l’intimée selon lequel l’appelant [TRADUCTION] « a effectivement menacé de démissionner » et que [TRADUCTION] « peu importe qu’il [l’appelant] ait réellement eu l’intention de partir immédiatement ou non, l’employeur l’a devancé et a accepté sa démission ». Le Tribunal conclut qu’il y a un écart marqué entre le fait pour un employé d’affirmer qu’il songe à quitter son emploi à une date indéterminée à l’avenir (surtout lorsqu’il y a des discussions en cours visant à résoudre des préoccupations relatives au milieu de travail) et la remise par cet employé à son employeur d’un avis de démission. Dans la présente affaire, le Tribunal conclut que la conduite de l’appelant était compatible avec la première situation et que, le 26 juillet 2018, il a indiqué au directeur des ressources humaines qu’il songeait, entre autres options, à quitter son emploi. Le Tribunal conclut que cela n’équivaut pas au fait pour l’appelant de quitter volontairement son emploi.

[27] Le Tribunal conclut que l’appelant n’avait pas le choix de partir ou de rester et qu’il a été contraint de quitter son emploi le 27 juillet 2018. Personne ne conteste que l’employeur a envoyé l’appelant chez lui le 27 juillet 2018 et qu’il lui a versé deux semaines de paie tenant lieu d’avis. Le dossier révèle que le directeur des ressources humaines a déclaré qu’[TRADUCTION] « ils ne voulaient pas de l’appelant, qu’ils lui ont dit de s’en aller chez lui et qu’ils lui verseraient une indemnité de deux semaines ». Le superviseur a déclaré qu’après sa rencontre avec l’appelant dans le terrain de stationnement le 26 juillet 2018, il [TRADUCTION] « s’est rendu à l’étage et lui a retiré ses privilèges [à l’appelant] et l’accès à son ordinateur » et que le [TRADUCTION] « prestataire était si mécontent qu’il [le superviseur] a décidé qu’il ne voulait plus de lui [l’appelant] là ». Cette version des faits est compatible avec la prétention de l’appelant selon laquelle, lorsqu’il est retourné au travail le 27 juillet 2018, il a appris que l’accès à son ordinateur lui était refusé, son superviseur lui a dit qu’il ne [TRADUCTION] « convenait plus », et on lui a dit de s’en aller chez lui et qu’il toucherait deux semaines de salaire tenant lieu d’avis.

[28] Le Tribunal conclut que l’employeur a conclu erronément que l’appelant avait provoqué la fin de sa relation de travail, qu’il a fermé la porte à toute autre discussion au sujet des conditions de travail d’alors et qu’il a rompu la relation de travail avec l’appelant.

[29] Pour déterminer si l’appelant a quitté volontairement son emploi, le Tribunal doit se pencher sur la question de savoir si l’appelant avait le choix de rester ou de partir (Canada (Procureur général) c Peace, 2004 CAF 56). Le Tribunal conclut que la Commission n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant a quitté volontairement son emploi chez X. Le Tribunal conclut que, dans les circonstances, l’appelant n’avait pas le choix étant donné la décision de l’employeur de l’envoyer chez lui et de mettre un terme à la relation de travail.

Deuxième question en litige : L’appelant était‑il fondé à quitter volontairement son emploi parce que, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas?

[30] Étant donné que le Tribunal en est arrivé à la conclusion que l’appelant n’a pas quitté son emploi volontairement, il n’est pas nécessaire d’examiner cette question.

Conclusion

[31] L’appel est accueilli.

Appel entendu le :

Mode d’instruction :

Comparutions :

16 janvier 2019

En personne

J. R., appelant Christopher Ware, représentant de l’appelant

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