Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli.

Aperçu

[2] L’appelant, un plongeur au restaurant d’un hôtel, a travaillé pour son employeur pendant plus de dix ans. Son employeur l’a accusé d’avoir quitté le travail sans permission. L’appelant allègue qu’il avait obtenu la permission de sa superviseure de quitter le travail tôt.

[3] L’appelant a demandé des prestations. La Commission de l’assurance‑emploi du Canada (Commission) a conclu que l’appelant était exclu du bénéfice des prestations régulières d’assurance‑emploi en application de l’article 30 de la Loi sur l’assurance‑emploi (Loi), au motif qu’il a perdu son emploi en raison de sa propre inconduite. L’appelant a demandé la révision de cette décision, et la Commission a maintenu sa décision initiale. L’appelant a interjeté appel au Tribunal.

[4] Le Tribunal conclut que l’appelant a perdu son emploi parce qu’il a quitté le travail. Il conclut en outre que l’appelant a cru qu’il avait la permission de quitter le travail et, donc, que l’inconduite alléguée n’était pas délibérée. Le Tribunal conclut que l’appelant n’est pas exclu du bénéfice des prestations régulières d’assurance‑emploi parce qu’il a perdu son emploi.

Questions en litige

[5] Les questions en litige sont les suivantes :

Première question en litige – Pourquoi l’appelant a-t-il perdu son emploi?

Deuxième question en litige – L’appelant a-t-il adopté la conduite qui a mené à la perte de son emploi?

Troisième question en litige – Dans l’affirmative, cette conduite constitue-t-elle une inconduite?

Analyse

[6] Le prestataire peut être exclu du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi s’il perd son emploi en raison de son inconduite. Il est important de se rappeler que les prestations d’assurance‑emploi ont pour but d’indemniser les travailleurs qui ont involontairement perdu leur emploi et qui sont incapables de travailler (Canada c Gagnon [1988] 2 R.C.S. 29).

[7] La Commission assume le fardeau de prouver que la perte de l’emploi était attribuable à l’inconduite du prestataire. Ce fardeau de la preuve est celui de la prépondérance des probabilités, ce qui signifie qu’il faut prouver qu’il est probable que les faits ou les événements se soient produits ainsi qu’ils ont été décrits.

[8] Le Tribunal n’a pas à déterminer si le congédiement était justifié. Son rôle consiste uniquement à déterminer si la conduite du prestataire équivalait à une inconduite au sens de la Loi (Canada (P.G.) c Marion, 2002 CAF 185).

Première question en litige : Pourquoi l’appelant a-t-il perdu son emploi?

[9] La Commission a fourni une preuve que l’appelant a perdu son emploi parce qu’il a quitté son travail sans obtenir la permission de sa superviseure. Cette dernière a informé la Commission qu’elle a congédié l’appelant parce qu’il est parti sans autorisation (GD3‑27).

[10] L’appelant a admis qu’il a perdu son emploi parce qu’il a été accusé de ne pas avoir obtenu la permission de quitter le travail avant sa pause prévue à une seule occasion. Il a fait cette admission dans sa demande de prestations initiale (GD3‑8, GD3‑10), dans sa demande de révision (GD3‑35) et dans sa déclaration à la Commission (GD3‑25). L’appelant a témoigné qu’il a été congédié parce que son employeur a allégué qu’il avait pris sa pause‑repas tôt.

[11] En conséquence, le Tribunal conclut que l’appelant a perdu son emploi parce qu’il a été accusé d’avoir quitté le travail tôt à une occasion sans l’autorisation de sa superviseure.

Deuxième question en litige : L’appelant a-t-il adopté la conduite qui a mené à la perte de son emploi?

[12] Le Tribunal conclut que l’appelant n’a pas adopté la conduite alléguée par la Commission. Plus particulièrement, le Tribunal conclut que l’appelant n’a pas quitté le travail sans avoir obtenu l’autorisation de sa superviseure. Il conclut plutôt que l’appelant avait obtenu l’autorisation préalable de sa superviseure de quitter le travail tôt.

[13] Il doit y avoir une preuve suffisamment détaillée pour déterminer si l’appelant s’est comporté ainsi qu’on l’accuse de l’avoir fait et ensuite déterminer si ce comportement est considéré comme étant une inconduite (Joseph c Canada (Procureur général), A‑636‑85).

[14] La preuve de la Commission est que l’appelant a demandé un congé et que celui‑ci n’a pas été approuvé. La superviseure de l’appelant a informé la Commission que l’appelant avait un rendez‑vous à 11 h le 13 juin 2017 et qu’il avait demandé congé pour s’y rendre. Elle a indiqué qu’il a fait cette demande la semaine précédant la date de son rendez‑vous et qu’elle a refusé d’y acquiescer (GD3‑27).

[15] La superviseure de l’appelante a indiqué que, le 13 juin 2017, elle est arrivée au travail à 10 h 30 approximativement et a constaté que l’appelant était parti sans autorisation (GD3‑36). La superviseure de l’appelant a ajouté qu’elle avait rencontré l’appelant au cours de l’après‑midi du 13 juin 2018 et lui avait dit qu’il était congédié parce qu’il avait quitté le travail sans autorisation.

[16] Le prestataire a témoigné qu’il a effectivement demandé la permission de se rendre à son rendez‑vous du 13 juin 2017 la semaine précédant ce rendez‑vous. Il a ajouté qu’il a présenté une demande écrite, mais que l’employeur a perdu celle‑ci, de sorte qu’il en a immédiatement présenté une autre. Le prestataire a témoigné que la semaine précédant le 13 juin 2017, il a remis sa deuxième demande écrite directement à sa superviseure. Il a dit à sa superviseure que son rendez‑vous était au poste de police de l’endroit, et que ce poste de police se trouvait à environ 20 minutes à pied de son travail.

[17] L’appelant a témoigné que sa superviseure lui a dit qu’elle demanderait l’autorisation de l’employeur pour l’absence de l’appelant, mais qu’elle conduirait ce dernier à son rendez‑vous. L’appelant a témoigné qu’il avait par le passé demandé la permission de s’absenter du travail pour les vacances ou pour des rendez‑vous médicaux. Pour savoir si ses absences du travail précédentes étaient approuvées par l’employeur, l’appelant vérifiait son horaire hebdomadaire. L’appelant a témoigné que si une demande en vue de s’absenter était approuvée, on ne lui donnait aucun quart de travail pour la journée en question. L’appelant a témoigné qu’il n’avait jamais auparavant demandé de s’absenter pendant une partie d’un quart de travail prévu.

[18] L’appelant a témoigné que, le 12 juin 2017, il s’est présenté au travail et a constaté qu’on lui avait donné congé pour la journée. Il a ajouté qu’il a demandé à sa superviseure pourquoi il n’était pas à l’horaire et qu’elle lui a dit qu’il avait demandé congé. L’appelant nie avoir demandé congé le 12 juin 2017.

[19] L’appelant a témoigné que, le 13 juin 2017, il devait travailler de 8 h à 11 h et ensuite de 13 h à 15 h. Il a indiqué qu’il a travaillé de 8 h à 10 h 30, heure à laquelle il a pointé son départ, et s’est en allé rejoindre sa superviseure pour qu’elle le conduise à son rendez‑vous. L’appelant a témoigné que le personnel de la réception de l’hôtel ignorait où était sa superviseure et qu’il a donc quitté l’hôtel à 10 h 40 pour se rendre au poste de police à pied. Après son rendez‑vous, l’appelant est retourné à l’hôtel avant le début de son quart d’après‑midi à 13 h.

[20] L’appelant a témoigné qu’à son retour au travail, il est allé voir sa superviseure pour l’informer de son retour. L’appelant a témoigné que sa superviseure lui a alors dit qu’il avait quitté le travail sans autorisation et qu’elle communiquerait avec lui plus tard ce jour‑là pour lui faire part de sa réprimande. La superviseure de l’appelant a finalement informé l’appelant qu’il avait perdu son emploi parce qu’il avait quitté le travail sans en avoir obtenu l’autorisation.

[21] Si elle a indiqué à la Commission que l’appelant n’était pas autorisé à quitter le travail, la superviseure de l’appelant a aussi affirmé qu’elle est arrivée au travail une heure plus tôt le 13 juin 2017, soit à 10 h 30, pour conduire l’appelant à son rendez‑vous (GD3‑36). L’arrivée de la superviseure au travail une heure plus tôt concorde avec le témoignage de l’appelant selon lequel sa superviseure avait offert de le conduire à son rendez‑vous et qu’il a tenté de trouver sa superviseure avant de quitter le travail pour se rendre à pied à son rendez‑vous.

[22] Compte tenu de la preuve produite devant le Tribunal, à savoir le témoignage de l’appelant et les déclarations que ce dernier a faites à la Commission, le Tribunal conclut que l’appelant avait obtenu l’autorisation de quitter le travail. Même s’il y a eu un malentendu quant à la question de savoir si l’appelant pouvait quitter le travail, un malentendu aussi simple ne pouvait pas être une raison de congédier l’appelant (Canada (P.G.) c St.-Laurent, A‑440‑83). En dépit de la conclusion sur la question de l’absence approuvée, le Tribunal se penchera sur la question de savoir si les actions de l’appelant équivalent à une inconduite.

Troisième question en litige : La conduite constituait‑elle une inconduite?

[23] Il y a inconduite lorsque la conduite du prestataire était délibérée, c’est‑à‑dire que les actes qui ont mené au congédiement étaient conscients, voulus ou intentionnels. Autrement dit, il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié (Canada (P.G.) c Lemire, 2010 CAF 314).

[24] S’il ne fait aucun doute que les actions du prestataire, qui a quitté le travail, étaient conscientes et voulues parce qu’il a volontiers admis qu’il avait intentionnellement quitté le travail pour se rendre à un rendez‑vous, le Tribunal a conclu que l’appelant avait obtenu l’autorisation de sa superviseure de quitter le travail. Le Tribunal doit déterminer si l’appelant savait ou aurait dû savoir qu’il était réellement possible que ses actions mènent à son congédiement.

[25] L’appelant a déclaré qu’il ne croyait pas devoir obtenir une approbation écrite pour s’absenter du travail parce qu’il ne serait absent que pendant 20 minutes avant sa pause. Il a témoigné que sa superviseure lui a dit qu’elle le conduirait à son rendez‑vous. La superviseure de l’appelant a indiqué à la Commission qu’elle est arrivée tôt pour conduire l’appelant à son rendez‑vous. Elle a en outre indiqué à la Commission que l’appelant n’avait jamais auparavant quitté le travail sans permission.

[26] L’appelant a témoigné qu’il savait que, par le passé, d’autres collègues de travail ne s’étaient pas présentés au travail, et qu’il avait cru comprendre que ces collègues de travail avaient reçu trois avertissements de l’employeur avant de perdre leur emploi.

[27] Compte tenu de la preuve dont il disposait, à savoir que l’appelant avait été autorisé verbalement à quitter le travail, qu’il n’a jamais quitté le travail sans permission auparavant, et que les collègues de travail ont reçu des avertissements pour une conduite similaire avant d’être congédiés, le Tribunal conclut que l’appelant ne pouvait savoir qu’il était réellement possible qu’il soit congédié par suite de ses actions.

[28] La preuve ne permet pas de conclure que la conduite alléguée de l’appelant est une inconduite et qu’elle a entraîné la perte de son emploi. Par conséquent, il n’existe pas de lien de causalité entre l’inconduite alléguée et la perte d’emploi (Canada (P.G.) c Cartier, 2001 CAF 274; Smith c Canada (P.G.), A-875-96; Canada (P.G.) c Nolet, A-517-91).

[29] Par conséquent, l’appelant n’est pas exclu du bénéfice des prestations en application de l’article 30 de la Loi.

Conclusion

[30] L’appel est accueilli.

Appel entendu le :

Mode d’instruction :

Comparutions :

15 février 2019

En personne

W. C., appelant

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