Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] Depuis plusieurs années, l’appelant travaille pour X (entreprise) à titre de charpentier-menuisier. Il détient 34 % des parts de l’entreprise. Le 27 janvier 2018, l’appelant est mis en pied en raison d’un manque de travail.

[3] L’appelant présente à la Commission une demande pour recevoir des prestations d’assurance emploi.

[4] La Commission refuse de verser des prestations d’assurance emploi à l’appelant, parce qu’il n’est pas considéré en semaine de chômage.

[5] Selon la Commission, l’appelant exploite une entreprise et il est considéré avoir effectué une semaine entière de travail.

[6] Selon l’appelant, il est un salarié et il a le droit de recevoir des prestations d’assurance emploi. Ainsi, lorsqu’il travaille moins d’heures par semaine pour l’entreprise, cet emploi ne constitue pas normalement son principal moyen de subsistance. D’ailleurs, le Tribunal a accueilli l’appel de l’appelant pour les années antérieures.

Question en litige

[7] Est-ce que l’appelant est en état de chômage pendant une semaine entière au cours de la période débutant le 5 mars 2018 ? 

Analyse

[8] Selon l’article 9 de la Loi sur l’assurance emploi (Loi), une personne qui remplit les conditions d’admissibilité établit une période de prestations et des prestations lui sont payables pour chaque semaine de chômage comprise dans sa période de prestation.

[9] Le paragraphe 11 (1) de la Loi définit qu’est-ce qu’une semaine de chômage : « une semaine pendant laquelle le prestataire n’effectue pas une semaine entière de travail ». Des règles additionnelles sont prévues au Règlement de l’assurance-emploi (Règlement).

[10] Selon la Cour d’appel fédérale, les dispositions de la Loi se basent sur le principe que pour être admissible aux prestations, un prestataire doit être sur le marché du travail et libre de tout engagement, de toute occupation ou de tout intérêt qui pourrait limiter ou réduire ses chances ou son désir de retourner sur le marché du travailNote de bas de page 1.

[11] Le Tribunal retient que l’appelant est actionnaire de l’entreprise avec sa conjointe et son fils. Il détient 34 % des parts. Il est admis qu’il est un exploitant d’entreprise.

[12] Lorsqu’une personne exploite une entreprise, on présume qu’elle effectue une semaine entière de travail. Cependant, une personne qui exploite une entreprise peut renverser cette présomption, si elle démontre que cette activité ne constitue pas normalement son principal moyen de subsistanceNote de bas de page 2.

[13] Afin d’y parvenir, on doit analyser et soupeser les six facteurs au paragraphe 30 (3) du Règlement. Ainsi, si l’appelant exploite son entreprise dans une mesure si limitée, on ne peut pas conclure qu’il s’agit de son principal moyen de subsistance. Il ne travaille donc pas une semaine entière de travailNote de bas de page 3.    

[14] Il appartient à l’appelant de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l’exploitation de son entreprise n’est pas son principal moyen de subsistanceNote de bas de page 4.

Le temps consacré

[15] Le Tribunal retient que dans l’ensemble l’appelant travaille entre 30 à 40 heures par semaine pour son entreprise. Il peut travailler les fins de semaine pour finaliser des travaux. Il prépare des soumissions, achète du matériel pour la réalisation des contrats et engage du personnel pendant l’été. Il recherche également des clients.

[16] Le Tribunal retient que l’appelant travaille pour son entreprise pendant toute l’année. Il ne travaille pas pour un ou des employeurs pendant l’année ou pendant les périodes où les activités de l’entreprise sont en baisse.

[17] Le Tribunal a reproduit certaines périodes des heures travaillées par l’appelant. Il réclame des prestations pour les périodes où il travaille moins d’heures par semaine. Il prétend que pendant ces semaines, les heures travaillées ne lui permettent pas de subvenir à ses besoins. Autrement dit, il ne s’agit pas de son principal moyen de subsistance.

Semaine débutant le 25 février 2018 Nombre d’heures travaillées : 40
Semaine débutant le 4 mars 2018 Nombre d’heures travaillées : 35,50
Semaine débutant le 11 mars 2018 Nombre d’heures travaillées : 23,50
Semaine débutant le 18 mars 2018 Nombre d’heures travaillées : 32
Semaine débutant le 25 mars 2018 Nombre d’heures travaillées : 6
Semaine débutant le 1er avril 2018 Nombre d’heures travaillées : 13
Semaine débutant le 8 avril 2018 Nombre d’heures travaillées : 32
Semaine débutant le 15 avril 2018 Nombre d’heures travaillées : 20
Semaine débutant le 22 avril 2018 Nombre d’heures travaillées : 29

 

Semaine débutant le 25 novembre 2018 Nombre d’heures travaillées : 26
Semaine débutant le 2 décembre 2018 Nombre d’heures travaillées : 25
Semaine débutant le 9 décembre 2018 Nombre d’heures travaillées : 38
Semaine débutant le 16 décembre 2018 Nombre d’heures travaillées : 38
Semaine débutant le 23 décembre 2018 Nombre d’heures travaillé : 9,25

[18] L’appelant soumet qu’il a le droit de recevoir des prestations, lorsqu’il y a une baisse des activités de l’entreprise puisqu’il est un salarié. Ainsi, l’Agence du revenu du Canada (ARC) a reconnu qu’il est un salarié et que ses heures d’emploi sont assurables.

[19] Le Tribunal est d’avis qu’effectivement les heures travaillées par l’appelant pour l’entreprise sont assurables. Son emploi est donc assurable.

[20] Toutefois, il s’agit de deux questions et ce n’est pas parce que l’ARC reconnait que les heures d’emploi sont assurables qu’un travailleur indépendant ou un exploitant d’entreprise a le droit de recevoir des prestations d’assurance-emploi.

[21] En effet, la Cour d’appel fédérale a établi qu’une fois que l’ARC a déterminé qu’une personne occupe un emploi assurable, elle doit satisfaire la deuxième étape du test en démontrant qu’elle est admissible à l’assurance-emploi. Ainsi, la décision de l’ARC sur l’assurabilité ne peut pas lier la Commission sur l’admissibilité aux prestations.Note de bas de page 5

[22] L’appelant soumet également que le facteur du temps consacré doit s’analyser chaque semaine. Ainsi, lorsque l’appelant ne travaille pas pendant une semaine ou s’il travaille seulement quelques heures, il consacre moins de temps à l’exploitation de son entreprise. Par conséquent, l’exploitation de son entreprise n’est pas son principal moyen de subsistance.

[23] La Cour d’appel fédérale a statué dans l’arrêt ChildsNote de bas de page 6 que les facteurs ne peuvent pas être analysés par semaine :

« De plus, cette méthode conduirait au résultat absurde que dans une semaine un prestataire serait réputé être un travailleur indépendant, mais pas dans les autres. À mon avis, le cadre de l’analyse à la semaine préconisé est inconciliable avec le système législatif dans son ensemble. »Note de bas de page 7

[24] Ainsi, le temps consacré ne peut pas se limiter à un nombre d’heures facturées durant les périodes où l’appelante demande des prestations, il doit s’analyser dans son ensemble. Par conséquent, le Tribunal est d’avis qu’il doit prendre en compte l’ensemble les heures travaillées et investies dans l’entrepriseNote de bas de page 8

[25] Dans cette perspective, le Tribunal constate qu’un membre du Tribunal n’a pas tenu compte de cette décision de la Cour d’appel fédérale lorsqu’il s’est prononcé dans les causes GE-738, GE-18-739, GE-18-740 et GE-18-741 de l’appelant.

[26] Par conséquent, le Tribunal estime ne pas être lié par les conclusions du membre du Tribunal.

[27] Par ailleurs, le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelant que les paragraphes 3 et 28 de l’arrêt Martens permettent de conclure que l’analyse peut se faire par semaine. En fait, aux paragraphes 3 et 28 de la décision, la Cour établit les principes et l’exception qui sont prévus au Règlement. Ainsi, lorsque la Cour analyse le critère du temps consacré, elle tient compte du temps que monsieur Martens a consacré avant la période de prestations.Note de bas de page 9

[28] Dans la présente affaire, l’appelant exploite son entreprise depuis plusieurs années. Il consacre principalement son temps à l’entreprise. Ce n’est pas parce qu’il y a une baisse des activités de son entreprise pendant quelques semaines que soudainement, il réfute la présomption.

[29] Par conséquent, objectivement le temps consacré dans l’entreprise n’était pas dans une mesure limité.

Nature et montant du capital et des autres ressources

[30] Le Tribunal retient que l’appelant a peu investi dans son entreprise au court des dernières années. Il a une marge de crédit de 10 000 $ et il n’a pas d’inventaire. En fait, il achète le matériel dont il a besoin pour exécuter les travaux selon les besoins.

[31] Le Tribunal retient que l’entreprise possède des outils, pour l’exécution des travaux. La question n’est pas de déterminer si les outils appartiennent à l’appelant ou à l’entreprise. Il faut retenir qu’il y a eu des investissements pour faire l’acquisition d’outils.

[32] Le Tribunal est d’avis qu’objectivement la preuve démontre une implication plus limitée dans l’entreprise.

Réussite ou échec de l’entreprise

[33] Le Tribunal retient de la preuve que l’entreprise de l’appelant a été créée en 1999. Il est le premier actionnaire et le président. L’entreprise est en activité depuis près de 20 ans et il a reçu des dividendes en 2016. En 2018, il a obtenu beaucoup de contrats de travail. Il est admis qu’il s’agit d’une année où l’appelant a travaillé de nombreuses heures.

[34] Le Tribunal est d’avis qu’objectivement l’entreprise est une réussite. 

Le maintien de l’entreprise ou de l’emploi

[35] L’entreprise existe depuis plus d’une vingtaine d’années et elle est la principale source de revenus de l’appelant.

[36] Le Tribunal est d’avis qu’objectivement la preuve démontre que l’exploitation de l’entreprise représente la principale source de revenus de l’appelant et son principal moyen de subsistance.

Nature de l’entreprise

[37] Le Tribunal retient que l’appelant possède une formation professionnelle de menuisier-charpentier. Il détient une carte de compétence de niveau compagnon de la Commission de la construction du Québec. Il possède une licence de la Régie du bâtiment du Québec. L’entreprise offre des services dans le domaine de la rénovation depuis près de 20 ans.

[38] Le Tribunal est d’avis qu’objectivement l’exploitation de l’entreprise tend à démontrer qu’elle constitue le principal moyen de subsistance.

L’intention et la volonté de l’appelant de chercher et d’accepter sans tarder un autre emploi

[39] Selon l’appelant, il avait la volonté de se chercher un emploi et d’accepter un emploi sans tarder. Ainsi, lors de l’audience, l’appelant a déclaré qu’il a fait de la recherche d’emploi, mais que cela n’a pas donné de résultats. Il a déclaré qu’il est disponible pour se trouver un emploi et qu’il a fait de la recherche d’emploi. Il a soumis une liste d’entreprises.

[40] L’appelant nie avoir déclaré à la Commission qu’il n’a pas fait de recherche d’emploi. Il a des problèmes auditifs, ce qui pourrait expliquer son manque de compréhension.

[41] Le Tribunal est d’avis que l’appelant a effectivement fait des recherches d’emploi. Cependant, le Tribunal n’est pas convaincu qu’il aurait accepté un autre emploi sans tarder. En effet, l’appelant a travaillé pendant les semaines en litige. Il a lui-même admis avoir repris le travail à temps plein le 1er avril 2018.

[42] Le Tribunal comprend que l’entreprise de l’appelant ait eu une baisse d’activités, mais il n’a pas démontré qu’il était prêt à accepter un autre emploi, puisqu’il a consacré du temps à son entreprise.

[43] Selon l’appelant, il n’était pas obligé d’accepter un emploi, puisqu’il devait demeurer disponible pour son entreprise. L’appelant a soumis quelques décisions concernant la disponibilité. Ainsi, les arrêts MacDonald Note de bas de page 10, Carpentier Note de bas de page 11 et Faucher Note de bas de page 12 ont été cités au soutien de ses prétentions.

[44] Le Tribunal est d’avis que l’arrêt MacDonald ne s’applique pas en l’espèce. Dans cette affaire, la Cour d’appel fédérale devait statuer sur une question de disponibilité. L’appelante avait l’habitude de suivre des cours à l’Université tout en travaillant pour le Canadian National.

[45] L’arrêt ProulxNote de bas de page 13 ne peut pas s’appliquer en l’espèce. Dans cette affaire, le prestataire travaillait pour une compagnie d’assurance. Il a été congédié. Alors qu’il recevait des prestations d’assurance emploi, il a suivi une formation d’agent d’immeuble et il a signé un contrat pour être agent d’immeuble chez un courtier. Il a commencé à travailler quelques heures par semaine et il n’a pas reçu de commission. 

[46] Quant à l’arrêt Faucher, le Tribunal est d’avis qu’il ne peut pas s’appliquer en l’espèce. Dans cette affaire, monsieur Faucher travaille comme couvreur de toiture. Il perd son emploi et présente une demande pour recevoir des prestations d’assurance-emploi. Il décide de démarrer son entreprise de couvreur de toiture. On lui reprochait de ne pas être disponible pour se trouver en emploi, puisqu’il consacrait du temps à chercher des clients... au mois de février alors qu’il n’y a pas d’emploi pour les couvreurs.

[47] Le Tribunal est d’avis que ce n’est pas la situation de l’appelant. Il travaille pour son entreprise depuis plusieurs années. Et, il a travaillé des heures pour son entreprise pendant les périodes en litige.

[48] Enfin, l’arrêt Carpentier n’est pas pertinent. Dans cette affaire, le conseil arbitral n’avait pas pris en compte certains faits au dossier, afin de déterminer la disponibilité de l’appelant. La cause a été renvoyée au juge arbitre en chef pour qu’un nouveau conseil arbitral soit saisi du dossier.

[49] Dans ce contexte, le Tribunal est d’avis que l’appelant a démontré sa volonté de chercher un emploi, mais il n’a pas démontré sa volonté d’accepter un autre emploi.

[50] Le Tribunal est d’avis qu’objectivement cela démontre que l’appelant ne s’impliquait pas dans une mesure limitée dans son entreprise.

Application

[51] La Cour d’appel fédérale a statué que le temps consacré à l’exploitation de l’entreprise et l’intention et la volonté de chercher un emploi sans tarder sont les deux facteurs les plus importants.Note de bas de page 14

[52] Selon l’appelant, l’analyse des six facteurs démontre que l’appelant exploitait son entreprise de façon si limitée pendant les périodes de prestations, qu’il ne s’agissait pas de son seul moyen de substance.

[53] Selon la Commission, l’appelant n’a pas réfuté la présomption qu’il n’était pas en chômage. Il a consacré plusieurs heures pendant l’année à son entreprise mis à part quelques semaines ou il a moins travaillé d’heures. L’appelant consacre exclusivement son temps à l’entreprise.

[54] Après avoir analysé et soupesé les six facteurs, le Tribunal estime que l’application du test objectif démontre que l’appelant n’exploite pas son entreprise dans une mesure limitée. En effet, au moins cinq facteurs, dont les deux plus importants,  nous amènent à conclure qu’il n’exploite pas de son entreprise dans une mesure si limitée.

[55] Le Tribunal est d’avis que l’exploitation de l’entreprise par l’appelant constitue son principal moyen de subsistance. En fait, l’appelant n’a pas réfuté la présomption prévue au paragraphe 30 (1) du Règlement.

Conclusion

[56] Le Tribunal conclut que l’appelant n’est pas en semaine de chômage pour la période débutant le 5 mars 2018.

[57] L’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Mode d’audience :

Comparutions :

Le 1er février 2019

En personne

H. D., appelant

Me Kim Bouchard, représentante de l’appelant

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