Assurance-emploi (AE)

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Aperçu

[1] L’appelant, K. B., un travailleur de Labrador City (Terre‑Neuve), a initialement été approuvé pour toucher des prestations, mais, à la suite d’un réexamen demandé par l’employeur, a été informé par la Commission que celle‑ci ne serait pas en mesure de lui verser des prestations régulières d’assurance‑emploi à compter du 7 août 2018 au motif qu’il a été congédié de son emploi occupé chez X, un sous‑traitant de la compagnie minière X, ce jour‑là en raison de sa propre inconduite. L’appelant affirme que, contrairement à ce dont on l’accusait, il n’était pas du tout en train de [traduction] « chahuter ». Le Tribunal doit déterminer si l’appelant a commis l’acte reproché et, dans l’affirmative, si ses actes constituaient une inconduite. C’est à la lumière des réponses à ces questions que son admissibilité au bénéfice des prestations en vertu de la Loi sur l’assurance‑emploi (la « Loi ») sera déterminée.

Décision

[2] L’appel est accueilli. L’appelant s’est acquitté de la charge qui lui incombait de démontrer que ses actes en l’espèce ne satisfont pas aux critères selon lesquels ils pourraient être considérés comme ayant été délibérés au point qu’il aurait dû ou pouvait s’attendre à être congédié. Par conséquent, l’appelant est en droit de toucher des prestations d’AE en lien avec cette demande.

Questions en litige

[3] Question 1 : L’appelant a‑t‑il commis l’acte allégué?

Question 2 : Dans l’affirmative, l’appelant a‑t‑il agi volontairement au point qu’il pouvait raisonnablement s’attendre à être congédié ou suspendu pour ses actes?

Question 3 : Devrait‑on imposer une exclusion du bénéfice des prestations en application des articles 29 et 30 de la Loi au motif que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite?

Analyse

[4] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites dans la pièce GD‑4.

[5] La Loi ne définit pas l’« inconduite ». Le critère permettant de déterminer s’il y a eu inconduite consiste à se demander si l’acte reproché avait un caractère volontaire ou délibéré ou, du moins, s’il résultait d’une insouscience ou d’une négligence telle que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement au travail. (Tucker, A‑381‑85)

[6] Les tribunaux doivent se concentrer sur le comportement du prestataire, pas sur l’employeur. Il ne s’agit pas de savoir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en congédiant le prestataire d’une manière qui constituait un congédiement injuste, mais de déterminer si le prestataire était coupable d’inconduite et si cette inconduite lui a fait perdre son emploi (McNamara, 2007 CAF 107; Fleming, 2006 CAF 16).

[7] C’est à l’employeur et à la Commission qu’il incombe de démontrer que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite, cette décision devant être rendue selon la prépondérance des probabilités (LARIVEE,A‑473‑06; FALARDEAU, A‑396‑85).

[8] Il faut qu’il y ait un lien de causalité entre l’inconduite dont un prestataire est accusé et la perte de son emploi. Il faut que l’inconduite cause la perte d’emploi, qu’elle en soit une cause opérante. Il faut également, en plus de la relation causale, que l’inconduite soit commise par le prestataire alors qu’il était à l’emploi de l’employeur et qu’elle constitue un manquement à une obligation résultat expressément ou implicitement du contrat de travail (Cartier, 2001 CAF 274; Smith, A‑875‑96; Brissette, A‑1342‑92; Nolet, A‑517‑ 91).

[9] Le fait que le prestataire ait agi de manière impulsive n’est pas pertinent pour déterminer si ses actes constituent une inconduite. En agissant comme il l’a fait, le prestataire aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraîner son congédiement (Kaba, 2013 CAF 208; Hastings, 2007 CAF 372).

Question 1 : L’appelant a‑t‑il commis l’acte allégué?

[10] Non.

[11] L’appelant n’a jamais nié le fait qu’il tirait sur une corde. Il était en train de déplacer la corde en question, dans le cadre de sa description de tâches, afin de faciliter le placement d’une grosse pièce d’équipement. La corde était prise et il a tiré plus fort, ce qui a détaché un objet qui se trouvait sur la poutre au plafond et qui, en tombant, a heurté l’appelant à la tête.

[12] Un collègue de travail qui se trouvait à proximité a été témoin de cet incident et a fourni la même version des faits. Les autres ont simplement vu l’appelant allongé sur le sol et en train de saigner après l’incident, hormis une personne, qui travaillait à une certaine distance de la scène, et qui a indiqué qu’elle avait été témoin de [traduction] « chahut ».

[13] Le collègue qui a été témoin de l’incident a été suspendu un jour, l’employeur l’ayant accusé d’avoir menti. Cela suffirait à d’autres pour accepter l’interprétation des événements donnée par l’employeur. Il faut garder à l’esprit que l’appelant n’était pas syndiqué et qu’il n’avait nulle part où aller pour obtenir un recours. Qui plus est, il a été témoigné à l’audience que le responsable de la sécurité au sein de la compagnie, qui s’est rendu à l’hôpital avec l’appelant, a déclaré qu’il s’agissait, ce jour‑là, du cinquième incident ayant nécessité l’envoi d’un employé à l’urgence. Je note qu’il s’agit d’une information par ouï‑dire, mais les tribunaux ont davantage de latitude pour ce qui est de prendre en considération ce genre de renseignements.

[14] Toutes ces informations viennent étayer la thèse de l’appelant selon laquelle l’employeur voulait éviter d’avoir à signaler des blessures et qu’il lui est plus facile de congédier l’employé en cause.

[15] Le superviseur de la compagnie X a fourni à l’appelant une lettre de recommandation qui a aidé ce dernier à obtenir l’emploi qu’il occupe actuellement. Manifestement, s’il y avait eu de réelles préoccupations concernant le respect des protocoles de sécurité par l’appelant, une telle lettre de recommandation ne lui aurait jamais été offerte ou donnée.

[16] Je conclus que l’appelant n’a pas commis l’acte allégué.

[17] Je note aussi que, dans la lettre de congédiement rédigée par l’employeur, il est indiqué que l’appelant [traduction] « participait à du chahutage le 8 août 2018 » alors que l’appelant ne se trouvait pas au lieu de travail ce jour‑là.

[18] La décision de Workplace NL qui semble reposer sur la version des événements fournie par l’employeur ne lie pas le Tribunal.

Question 2 : Dans l’affirmative, l’appelant a‑t‑il agi volontairement au point qu’il pouvait raisonnablement s’attendre à être congédié ou suspendu pour ses actes?

[19] Non.

[20] L’appelant ne pouvait pas anticiper de répercussions négatives pour avoir exécuté une tâche qui lui était assignée.

[21] Je conclus que l’appelant n’aurait pas pu savoir que ses actes entraîneraient son congédiement et que, par conséquent, il ne satisfait pas à l’élément mental du critère de la nature volontaire inhérente à une conclusion d’inconduite.

Question 3 : Devrait‑on imposer une exclusion du bénéfice des prestations en application des articles 29 et 30 de la Loi au motif que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduite?

[22] Non.

[23] L’employeur et la Commission n’ont pas démontré que l’appelant avait perdu son emploi en raison d’une inconduite, leur décision devant être rendue selon la prépondérance des probabilités (LARIVEE, A‑473‑06, FALARDEAU, A‑396‑85).

[24] J’estime que, étant donné l’absence de tout caractère volontaire, il serait improbable de conclure à une inconduite de la part de l’appelant. Comme la Commission l’avait initialement décidé, aucune inadmissibilité ne devrait être imposée.

Conclusion

[25] Le Tribunal doit évaluer les faits et non pas simplement s’en remettre à la conclusion d’inconduite tirée par l’employeur. Il faut une appréciation objective permettant de dire que l’inconduite a vraiment été la cause de la perte d’emploi (Meunier, A‑130‑96).

[26] L’ayant fait, je conclus, après avoir dûment tenu compte de toutes les circonstances de l’espèce, que les actes de l’appelant ne constituaient pas une inconduite aux termes de la Loi, si bien que son appel est accueilli et que des prestations sont payables.

Appel entendu le :

Mode d’instruction :

Comparutions :

7 février 2019

En personne

K. B., appelant
J. B., représentante de l’appelant

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