Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Aperçu

[2] Le demandeur, S. H. (prestataire), a été congédié pour « vol de temps » parce que ses collègues et lui quittaient le travail avant la fin de leur quart de travail et parce qu’il a fait croire à  son employeur qu’ils avaient terminé leur quart de travail. Il a demandé des prestations d’assurance-emploi, mais la défenderesse, à savoir la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a rejeté sa demande après avoir conclu qu’il avait été congédié pour inconduite. Le prestataire a demandé une révision, mais la Commission a décidé de maintenir sa décision originale. Le prestataire a ensuite interjeté appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, qui a rejeté son appel. Il demande maintenant la permission d’en appeler à la division d’appel.

[3] Le prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès en appel. Le prestataire n’a pas démontré qu’il est défendable que la division générale a ignoré ou mal interprété la preuve ou qu’elle a autrement commis une erreur au titre de l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS).

Question en litige

[4] Est-il défendable que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée sans tenir compte de la preuve du prestataire?

Analyse

[5] La division d’appel ne peut intervenir dans une décision de la division générale que si elle peut déterminer que cette dernière a commis l’une des erreurs correspondant aux « moyens d’appel » prévus à l’article 58(1) de la Loi sur le MEDS.

[6] Les moyens d’appel sont les suivants :

  1. la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[7] Pour accueillir la demande de permission d’en appeler et permettre à l’appel de se poursuivre, je dois déterminer qu’au moins l’un des moyens d’appel confère à l’appel une chance raisonnable de succès. Une chance raisonnable de succès a été assimilée à une cause défendableNote de bas de page 1.

Question en litige no 1 : Est-il défendable que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée sans tenir compte de la preuve du prestataire?

[8] Le prestataire n’a sélectionné aucun moyen d’appel dans sa demande de permission d’en appeler. Toutefois, dans l’affaire Karadeolian c Canada (Procureur général)Note de bas de page 2, la Cour fédérale a conclu que la permission d’en appeler peut être accordée même si la division générale a laissé de côté ou mal interprété des éléments de preuve importants, et ce même si une partie demanderesse n’a pas cerné une telle erreur dans ses moyens d’appel.

[9] Dans la section de la demande de permission d’en appeler dans laquelle le prestataire était invité à expliquer ses moyens d’appel, celui-ci semble avoir soutenu que la division générale n’a pas tenu compte de son témoignage au sujet de l’employeur et qu’elle a injustement préféré la version des faits de l’employeur.

[10] Dans son témoignage devant la division générale, le prestataire a admis ce qui suit :

  • il était chargé de la communication entre le gestionnaire de l’usine et le reste de l’équipe;
  • il a quitté le lieu de travail avant la fin de son quart et il a autorisé l’équipe avec laquelle il travaillait à faire de même, mais il a pris des mesures afin qu’un autre membre du personnel reste afin de pointer leur départ à l’heure à laquelle leur quart de travail était censé prendre fin;
  • ce n’était pas la première fois que le prestataire avait pris des mesures afin que quelqu’un pointe son départ et celui de ses collègues après qu’ils ont quitté le lieu de travail, mais l’employeur n’était pas au courant;
  • le prestataire a reconnu que le pointage du départ avec un délai avait pour but de faire croire à l’employeur que l’équipe et le prestataire n’avaient pas quitté le lieu de travail avant la fin prévue de leur quart de travail afin qu’ils soient rémunérés pour leurs quarts de travail complets;
  • le prestataire savait que la pratique était fautive et qu’elle allait à l’encontre de la politique de l’employeur.

[11] À sa défense, le prestataire a déclaré à la division générale que le gestionnaire de l’usine l’avait initié à la pratique et que celui-ci avait pointé le départ du prestataire de la même façon dans le passé. À d’autres occasions dans le passé, le gestionnaire de l’usine avait donné au prestataire la permission de suivre la même pratique afin que le prestataire et son équipe puissent quitter le travail plus tôt que prévu.

[12] Le prestataire a déclaré qu’il n’avait pas eu la permission du gestionnaire de l’usine à cette occasion particulière. Cependant, ce n’était pas la première fois qu’il faisait en sorte que son équipe ou lui partent plus tôt sans obtenir une permission expresse du gestionnaire de l’usine. Il en avait informé le gestionnaire de l’usine après les faits, et celui-ci ne s’est pas opposé. Le prestataire a également déclaré que le gestionnaire de l’usine lui a dit qu’il utilisait cette pratique du pointage de départ afin de partir plus tôt au lieu d’apposer une note aux cartes de pointage du personnel parce que le gestionnaire de l’usine ne voulait pas que le personnel des ressources humaines ou la haute direction de l’employeur soient au courant que le personnel partait plus tôt que prévu.

[13] La division générale a particulièrement tenu compte des actions du gestionnaire de l’usine et a conclu que celui-ci n’était pas l’employeur du prestataire et que l’employeur n’était pas au courant de la conduite du gestionnaire de l’usine. La division générale a souligné que le prestataire avait admis savoir que la pratique du pointage de départ à laquelle il avait recours avait pour but de cacher à l’employeur que le personnel partait plus tôt que prévu. La division générale a déterminé que le prestataire avait adopté une conduite qui est définie comme étant une inconduite, que la conduite était délibérée ou intentionnelle, et qu’il s’agissait d’un manquement à une responsabilité ou une obligation envers l’employeur.

[14] Le prestataire est peut-être en désaccord avec les conclusions de la division générale, mais il est impossible de soutenir que la division générale a ignoré ou mal interprété la preuve du prestataire au moment de conclure que celui-ci savait qu’il contrevenait à une obligation envers l’employeur. La division générale a fondé ses conclusions sur une preuve non contestée, dont une grande partie provenait du prestataire même.

[15] L’exigence finale afin d’établir l’existence d’une inconduite aux fins de l’article 30 de la Loi sur l’assurance-emploi est que la partie prestataire sait ou aurait dû savoir qu’elle pouvait être congédiée en raison de sa conduite. Le critère élaboré par les tribunaux n’exige pas une preuve selon laquelle la partie prestataire sait qu’elle sera véritablement congédiée, mais plutôt qu’elle sait ou aurait dû savoir qu’elle pourrait être congédiée. Comme il est prévu dans l’arrêt Mishibinijima c Procureur général du CanadaNote de bas de page 3,2007 CAF 36, « il y a inconduite lorsque le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite était de nature à entraver l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit congédié ».

[16] La division générale a reconnu que le prestataire croyait être protégé par les actions de son supérieur, mais elle a conclu que le prestataire a fait preuve d’insouciance en se fondant sur cette conviction pour agir ainsi. La division générale a appliqué le droit aux faits pour déterminer que le prestataire aurait dû savoir que sa conduite pouvait mener à la perte de son emploiNote de bas de page 4.

[17] L’application de la jurisprudence établie aux faits est ce qu’on appelle une question « mixte de fait et de droit ». La Cour d’appel fédérale a confirmé que la division d’appel n’a pas compétence pour examiner les questions mixtes de fait et de droitNote de bas de page 5.

[18] Il est donc impossible de soutenir que la division générale a ignoré ou mal interprété la preuve lorsqu’elle a conclu que le prestataire aurait dû savoir qu’il était possible qu’il soit congédié. Le prestataire n’a pas démontré qu’il est possible de soutenir que la division générale a commis une erreur au titre de l’article 58(1)(c) de la Loi sur le MEDS.

[19] Le prestataire a également laissé entendre dans sa demande de permission d’en appeler qu’il croyait qu’il y avait un problème avec le fait que l’employeur n’a pas comparu à l’audience. S’il s’agissait d’une erreur, celle-ci serait prévue à l’article 58(1)(a) de la Loi sur le MEDS comme une erreur relative à la justice naturelle. Cependant, la division générale n’a pas le pouvoir de contraindre un témoin à témoigner. De plus, le prestataire n’a soulevé aucune préoccupation à l’audience selon laquelle il ne pouvait pas être entendu adéquatement ou répondre aux arguments sans la présence d’une représentante ou d’un représentant de l’employeur.

[20] Il est impossible de soutenir que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle.

[21] Le prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès en appel.

Conclusion

[22] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

 

Représentant :

S. H., non représenté

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