Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli.

Aperçu

[2] L’appelant a eu une longue carrière de 34 ans comme fonctionnaire. Au cours des dix dernières années de celle‑ci, il a occupé le poste de gestionnaire des services de X au sein du X. À la suite d’une décision de regrouper les services de X et le centre de la paie sur une période de deux ans, l’employeur a mis en marche un processus de réaménagement des effectifs. Par suite de ce processus, le poste de l’appelant a été aboli et ce dernier a choisi de prendre sa retraite, laquelle a été assortie d’une importante indemnité de départ. Le 7 mars 2016, la Commission de l’assurance‑emploi (la Commission) a envoyé à l’appelant une lettre l’informant qu’il était exclu du bénéfice des prestations compte tenu du fait qu’il avait volontairement quitté son emploi sans justification.

[3] L’appelant a demandé à la Commission de réviser sa décision du 7 mars 2016. Il a expliqué, pour justifier son retard, qu’il n’avait jamais reçu la lettre de décision de la Commission. La Commission a refusé de réviser sa décision du 7 mars 2016 après avoir conclu que la demande était tardive et que l’appelant ne satisfaisait pas aux exigences énoncées dans le Règlement sur les demandes de révision.

Question en litige

[4] Le Tribunal doit déterminer si la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire lorsqu’elle a refusé de prolonger la période de 30 jours qui s’applique à l’égard de la demande de révision de sa décision.

Analyse

[5] Le Tribunal fait remarquer que l’unique question en litige en appel est celle de savoir si la demande de l’appelant de prolonger le délai de 30 jours qui s’applique à l’égard de sa demande de révision de la décision rendue par la Commission le 7 mars 2016 doit être accueillie. Les décisions initiales de la Commission concernant l’exclusion de l’appelant du bénéfice des prestations en raison d’un départ volontaire ne font pas l’objet de l’appel dont le Tribunal est saisi, de sorte que ce dernier n’abordera pas la question dans la présente décision.

Question en litige en appel : La Commission a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire lorsqu’elle a refusé de prolonger le délai de 30 jours qui s’applique à l’égard de la demande de révision de la décision qu’elle a rendue le 7 mars 2016?

[6] Aux termes de l’article 112 de la Loi sur l’assurance‑emploi (la Loi), un prestataire, un employeur ou une autre personne peut demander à la Commission de réviser sa décision initiale. L’article 1 du Règlement sur les demandes de révision précise les exigences auxquelles il doit être satisfait pour que soit accordée un délai plus long pour présenter une demande de révision en application de l’alinéa 112(1)b) de la Loi. Le prestataire qui demande une révision doit le faire dans un délai de 30 jours suivant la date à laquelle la décision lui a été communiquée.

[7] Dans la présente affaire, le Tribunal conclut que la Commission devrait accueillir la demande de l’appelant de prolonger le délai de 30 jours pour présenter une demande de révision de ses décisions initiales, puisque selon la preuve, la décision initiale n’a jamais été communiquée à l’appelant.

[8] Le Tribunal a examiné la jurisprudence sur les anciennes dispositions concernant la prolongation du délai pour interjeter appel devant le conseil arbitral (article 114 de la Loi tel qu’il était rédigé avant le 1er avril 2013). Cette jurisprudence a établi que le pouvoir de la Commission de reporter à plus tard la date limite pour interjeter appel d’une de ses décisions est a) de nature discrétionnaire et b) que la décision de la Commission d’accorder ou de refuser la prolongation du délai est susceptible d’être annulée uniquement si ce pouvoir discrétionnaire a été exercé de façon non judiciaire (Knowler A-445-93; Chartier A-42-90; Plourde A-80-90).

[9] Le Tribunal a examiné en outre l’alinéa 112(1)b) de la Loi et l’article 1 du Règlement sur les demandes de révision, faisant observer que la Commission peut accorder un délai plus long pour la présentation d’une demande de révision d’une décision. Ce libellé est similaire à celui qui se trouvait auparavant dans l’article 114 de la Loi. Le Tribunal conclut donc que la décision rendue par la Commission en vertu du Règlement sur les demandes de révision est une décision discrétionnaire.

[10] Pour cette raison, le Tribunal doit déterminer si la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire lorsqu’elle a rejeté la demande de l’appelant de prolonger le délai de 30 jours pour présenter une demande de révision de ses décisions initiales. À cette fin, le Tribunal doit déterminer si la Commission a agi de bonne foi et dans un but ou pour des motifs appropriés, si elle a pris en compte tous les facteurs pertinents, si elle a fait abstraction des facteurs non pertinents et si elle a agi de manière non discriminatoire (Sirois, A-600-95, Knowler A-445-93; Chartier, A-42-90; Dunham A-708-95; Purcell A-694-94).

[11] L’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Commission doit être guidé par le Règlement sur les demandes de révision, qui prescrit les critères à prendre en considération aux fins de décider d’accueillir ou non une demande de prolongation du délai. Par conséquent, la Commission doit avoir pris en considération tous les critères avant de prendre sa décision. Les critères sont les suivants : 1) la Commission doit être convaincue qu’il existe une explication raisonnable pour le retard, 2) et l’intéressé doit avoir manifesté l’intention constante de demander la révision. Lorsque la demande est faite plus de 365 jours après la date à laquelle la décision a été communiquée à la personne, deux autres facteurs doivent être pris en considération : 1) la Commission doit être convaincue que la demande de révision a une chance raisonnable de succès, et 2) l’autorisation du délai supplémentaire pour présenter la demande ne lui porterait pas préjudice, ni d’ailleurs à aucune autre partie.

[12] Avant d’analyser ces critères, le Tribunal estime nécessaire de calculer avec exactitude les délais et les échéanciers en cause, de sorte qu’il faut cerner correctement les dates importantes. Étant donné que l’article 112 de la Loi prescrit qu’un prestataire peut présenter à la Commission une demande de révision d’une décision qui le concerne dans un délai de 30 jours suivant la date à laquelle la décision lui a été communiquée, le Tribunal doit déterminer la date à laquelle la décision a été communiquée à l’appelant (je souligne).

[13] Dans la présente affaire, l’appelant soutient qu’il n’a jamais reçu la lettre de décision de la Commission datée du 7 mars 2016 l’informant de son exclusion du bénéfice des prestations. L’appelant a déclaré qu’il était chez lui au cours de l’hiver de 2016‑2017 et qu’il aurait été présent pour recevoir la lettre. Il ne voit pas pourquoi il n’aurait pas reçu la lettre, si ce n’est de la possibilité qu’il y ait eu une certaine confusion avec une autre adresse dans une rue appelée X, puisqu’il habite sur la X. Il a fait valoir qu’il a affirmé sous serment qu’il n’a jamais vu cette lettre. Il a ajouté qu’il rejette catégoriquement l’idée qu’il a quitté volontairement son emploi et que, s’il avait été informé de cette conclusion, il aurait sans aucun doute contesté la décision.

[14] Le Tribunal a accordé beaucoup de poids au témoignage de l’appelant, qu’il a jugé logique, uniforme et donc crédible. L’appelant a expliqué en des termes très clairs que lorsqu’il a eu des conversations téléphoniques avec la Commission, la question du départ volontaire n’a jamais été mentionnée. Il a indiqué que les discussions tournaient toujours autour du fait qu’il avait touché une généreuse indemnité de départ et qu’en raison de celle‑ci, il ne pourrait toucher de prestations. Le Tribunal retient son témoignage selon lequel il n’aurait jamais accepté d’être considéré comme ayant quitté son emploi volontairement. Il a expliqué de façon très détaillée qu’il a quitté son emploi par suite du réaménagement des effectifs qui avait eu lieu au travail et qu’il aurait été heureux de conserver son poste s’il en avait eu la possibilité. Il a indiqué en outre qu’à son ancien lieu de travail, l’employé qui quitte son emploi volontairement n’a pas droit à une indemnité de départ, ce qui démontre encore une fois qu’il n’a pas quitté son emploi volontairement. Ainsi qu’il a été mentionné précédemment, le Tribunal ne se penchera pas sur la question du départ volontaire de l’appelant, puisqu’il n’en est pas saisi dans la présente affaire. En revanche, il a retenu la déclaration de l’appelant parce qu’elle offre un certain contexte. Le contexte offert par l’appelant a aidé le Tribunal à conclure qu’il n’a pas reçu la lettre de décision de la Commission. L’appelant a convaincu le Tribunal qu’il aurait demandé la révision de la décision dans les délais prescrits s’il avait reçu celle‑ci.

[15] La Commission soutient que l’appelant connaissait l’existence de la décision rendue par la Commission le 7 mars 2016. Elle a pris acte de la prétention de l’appelant selon laquelle il n’a jamais reçu la décision, mais elle n’aborde pas ce point dans ses observations, si ce n’est pour dire uniquement qu’on ne lui a retourné aucun courrier non livrable. En outre, la Commission n’a fourni aucune preuve que la décision avait effectivement été communiquée à l’appelant.

[16] Le Tribunal conclut que la Commission n’a pas réussi à contredire la version de l’appelant de façon convaincante. Par conséquent, compte tenu de la preuve actuellement au dossier, plus particulièrement du témoignage de l’appelant, le Tribunal conclut que la décision datée du 7 mars 2016, dont l’appelant demande la révision, n’a jamais été communiquée à ce dernier. Par conséquent, il serait déraisonnable et arbitraire d’exiger que l’appelant demande, dans un délai de 30 jours, la révision d’une décision qui ne lui a jamais été communiquée. Pour ce motif, le Tribunal conclut que la Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire. La Commission n’a pas pris en considération toutes les circonstances de l’affaire lorsque, d’une part, elle a pris acte de la version de l’appelant selon laquelle il n’avait pas reçu la décision qu’elle avait rendue, mais que, d’autre part, elle n’a pas expliqué suffisamment pourquoi elle a écarté cette possibilité.

[17] Étant donné cette conclusion, il n’est pas nécessaire de passer en revue les quatre critères à prendre en considération dans les cas de demandes de révision tardives. La Commission doit procéder à la révision de sa décision datée du 7 mars 2016. La demande de révision n’a pas été présentée tardivement, puisque la décision à réviser n’a pas été communiquée à l’appelant ni n’a été reçue par ce dernier.

Conclusion

[18] L’appel est accueilli.

Appel entendu le :

Mode d’instruction :

Comparutions :

17 janvier 2019

Téléconférence

L. C., appelant

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