Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli en partie. Je conclus que seule une petite partie du paiement visait à indemniser l’appelante de la perte de revenus subie.

Aperçu

[2] Le superviseur de l’appelante lui a fait des avances sexuelles qu’elle a refusées. Au fur et à mesure que la situation a évolué, la conjointe du superviseur et celui-ci ont envoyé des messages de menace à l’appelante. Finalement, l’employeur a congédié l’appelante. L’appelante a demandé des conseils juridiques et a réclamé une indemnité à l’employeur. Près de six mois plus tard, l’employeur a versé 30 000 $ à l’appelante. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a conclu que la totalité de cette somme, moins les frais juridiques engagés par l’appelante, était un revenu provenant d’un emploi et a réparti la somme versée en raison de la cessation d’emploi. Comme l’appelante avait déjà reçu des prestations d’assurance-emploi, cela a donné lieu à un trop-payé. L’appelante a demandé une révision, mais la Commission a maintenu ses décisions initiales. L’appelante a interjeté appel auprès du Tribunal de la sécurité sociale.

[3] J’estime que l’appelante a démontré, selon la prépondérance des probabilités, que 25 000 $ de la somme totale lui ont été versés pour l’indemniser pour le harcèlement. J’estime que 4 768 $ de la somme totale représentent ses frais juridiques. Je conclus que ces parties de la somme totale ne sont pas des revenus provenant d’un emploi et qu’elles ne constituent donc pas une rémunération aux fins de l’assurance-emploi. Je conclus que le reste de la somme – 232 $ – constitue une rémunération parce qu’ils visaient à indemniser l’appelante de la perte de revenus subie, et je juge donc que cette somme doit être répartie à compter de la semaine de la cessation d’emploi.

Questions en litige

  • Question en litige no 1 : La somme d’argent que l’appelante a reçue de son ancien employeur constitue-t-elle une rémunération?
  • Question en litige no 2 : S’il s’agit d’une rémunération, comment devrait-elle être répartie?

Analyse

[4] La période de prestations correspond à la période au cours de laquelle une partie prestataire d’assurance-emploi peut toucher des prestations. Si une partie prestataire reçoit une rémunération durant la période de prestations, cette rémunération doit être déduite de toutes prestations payables (article 19 de la Loi sur l’assurance-emploi [Loi sur l’AE]). Cela est dû au fait que l’objectif du programme d’assurance-emploi est de protéger les personnes des pertes de revenu causées par le chômage; si une partie prestataire reçoit une rémunération de la part d’un employeur, alors il n’y a pas de perte de revenu (Canada (Procureur général) c Walford, A‑263‑78).

[5] Aux fins de la détermination du montant à déduire des prestations payables, la rémunération comprend le revenu intégral provenant tout emploi (article 35(2) du Règlement sur l’assurance‑emploi [Règlement sur l’AE]). Lorsque l’on détermine qu’une somme constitue une rémunération, elle doit être répartie sur une semaine donnée. Lorsqu’une rémunération est répartie sur une semaine donnée, cette somme d’argent est considérée comme une rémunération reçue durant cette semaine. Le motif du paiement détermine la façon dont la rémunération sera répartie (article 36(1) du Règlement sur l’AE).

[6] Toute rémunération payée en raison d’un licenciement ou d’une cessation d’emploi doit être répartie à un taux équivalent à la rémunération hebdomadaire normale de l’appelante à compter de la semaine de la cessation d’emploi (article 36(9) du Règlement sur l’AE). Un paiement est effectué en raison de la cessation d’emploi s’il est « déclenché » par la fin de l’emploi (Canada (Procureur général) c Savarie, A-704-95). Il incombe à une partie prestataire de prouver que toute somme reçue à la cessation d’emploi n’est pas un revenu provenant d’un emploi; en d’autres termes, le paiement effectué lors de la cessation d’emploi est réputé être une rémunération, à moins que la partie prestataire ne puisse prouver que le paiement visait à l’indemniser d’une autre perte ou dépense (Canada (Procureur général) c Radigan, A‑567‑99).

Question en litige n1 : La somme d’argent que l’appelante a reçue de son ancien employeur constitue-t-elle une rémunération?

[7] J’estime que sur les 30 000 $ versés à l’appelante, seulement 232 $ constituent une rémunération aux fins des prestations d’assurance-emploi. Je juge que l’appelante a reçu 25 000 $ à titre d’indemnité pour le harcèlement et 4768 $ pour ses frais juridiques. Je conclus que ces parties du paiement ne sont pas des revenus provenant d’un emploi et qu’ils ne constituent donc pas une rémunération.

[8] L’appelante a constamment déclaré que son superviseur l’avait harcelée sexuellement et que sa conjointe lui avait envoyé des messages de menace parce qu’elle pensait que l’appelante avait une liaison avec lui. Elle a déclaré que l’employeur l’avait congédié à la suite de ces événements.

[9] L’appelante a présenté des preuves de harcèlement de la part de son superviseur et de sa conjointe. Elle a déposé un courriel de son superviseur dans lequel il décrit ses sentiments romantiques pour elle; elle a aussi déposé une copie de sa réponse, dans laquelle elle a dit à son superviseur qu’elle ne voulait pas de relation intime avec lui. L’appelante a également présenté des copies des messages textes qu’elle a reçus de la conjointe de son superviseur. Dans ces messages, cette dernière traite l’appelante de noms vulgaires, menace son emploi et menace de publier des choses sur l’appelante sur les médias sociaux. L’appelante a également présenté des messages textes de son superviseur dans lesquels il menace de communiquer avec les membres de sa famille.

[10] La Commission ne conteste pas la description que l’appelante a faite du harcèlement. Étant donné la nature et le contenu des courriels et des messages textes que la requérante a déposés, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelante a été victime de harcèlement sexuel et de harcèlement de la part de son superviseur.

[11] L’appelante a déposé une copie de la lettre de mise en demeure initiale de son avocate à l’employeur, ainsi qu’une copie de la version préliminaire de cette même lettre. Dans les deux versions, l’avocate demande à l’employeur une indemnité pour pertes de revenus et harcèlement. En réponse, l’employeur a fait remarquer que l’appelante avait déjà reçu une semaine de salaire à titre d’indemnité de préavis. L’employeur a d’abord offert 25 000 $ pour le [traduction] « règlement global de toutes les questions en litige », puis a finalement bonifié l’offre à 30 000 $.

[12] Selon la décharge signée par l’appelante, la somme d’argent était une [traduction] « indemnité de règlement ». En particulier, je note que dans une section distincte de la décharge, l’appelante a accepté de ne pas donner suite à des plaintes déposées en vertu des lois provinciales sur les droits de la personne et de ne pas intenter d’autre action en justice concernant la façon dont elle avait été traitée par d’autres employés.

[13] Je suis convaincue que le superviseur de l’appelante et sa conjointe ont harcelé l’appelante. En conséquence, j’estime qu’il est crédible que l’employeur ait versé une somme d’argent à l’appelante en règlement de sa plainte pour harcèlement. J’estime que l’appelante a démontré, selon la prépondérance des probabilités, que le paiement ne lui a pas été versé simplement pour l’indemniser de la perte de revenus subie. Je conclus qu’une partie de la somme que l’appelante a reçue de son employeur visait à l’indemniser pour le harcèlement.

[14] Toutefois, je reconnais qu’aucun des documents n’indique explicitement quelles parties de la somme ont été versées à titre d’indemnité pour perte de revenus et d’indemnité pour harcèlement, et je dois donc examiner les éléments de preuve pour trancher cette question.

[15] Dans sa discussion par courriel avec l’appelante, l’avocate de l’appelante lui suggère de combiner la question de l’absence de préavis et celle du harcèlement et de demander au moins 25 000 $. Dans la version préliminaire de la mise en demeure, l’avocate de l’appelante suggère 20 880 $ comme indemnité de préavis et 25 000 $ de dommages et intérêts pour harcèlement.

[16] Je note que la décharge signée par l’appelante comprend une section où elle a explicitement accepté de ne pas intenter d’autres actions liées aux droits de la personne. Je note également que l’employeur avait déjà versé une somme d’argent à l’appelante à titre d’indemnité de préavis. Compte tenu de ces facteurs, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que la majeure partie de l’indemnité de règlement visait à indemniser l’appelante pour le harcèlement. Étant donné que les discussions de l’appelante avec son avocate font plusieurs fois référence à une somme de 25 000 $ comme étant appropriée pour le règlement de la question du harcèlement, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que 25 000 $ de la somme totale visait à indemniser l’appelante pour le harcèlement. Je conclus que cette partie du paiement n’est pas un revenu provenant d’un emploi.

[17] La Commission a déjà déterminé que 4 768 $ de la somme étaient des frais juridiques et que cette partie ne constituait pas non plus une rémunération. J’accepte cette conclusion. Considérant que l’employeur a versé 30 000 $ à l’appelante, je conclus que 29 768 $ – 25 000 $ comme indemnité pour harcèlement et 4 768 $ pour les frais juridiques – ne sont pas un revenu provenant d’un emploi, et qu’ils constituent donc une rémunération. Il reste donc un montant de 232 $, et je conclus que cette partie restante du paiement visait à indemniser l’appelante pour perte de revenus. Par conséquent, je conclus que cette partie du paiement constitue une rémunération.

Question en litige n2 : Comment la rémunération doit-elle être répartie?

[18] Lors de l’audience, l’appelante a reconnu qu’elle avait reçu le paiement en raison de sa cessation d’emploi. Par conséquent, je suis convaincue que le paiement a été déclenché par la cessation d’emploi de l’appelante. J’estime que la partie du paiement qui constitue une rémunération – 232 $ – a été versée en raison de la cessation d’emploi et qu’elle devrait donc être répartie à compter de la semaine de la cessation d’emploi de l’appelante, à un taux équivalent à sa rémunération hebdomadaire normale.

Conclusion

[19] L’appel est accueilli en partie.

Date de l’audience :

Le 30 janvier 2019

Mode d’instruction  :

Téléconférence

Comparution :

L. J., appelante

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