Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté. La Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a prouvé qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire ait perdu son emploi en raison de son inconduite.

Aperçu

[2] Le prestataire, D. F., travaillait comme X pour X depuis plus de sept ans lorsque son employeur l’a mis en congé.

[3] La Commission avait déterminé que le prestataire avait été suspendu du travail en raison de son inconduite et l’avait exclu du bénéfice des prestations en vertu de l’article 31 de la Loi sur l’assurance-emploi (la Loi).

[4] Je dois décider si le prestataire a été suspendu de son emploi et, dans l’affirmative, si la conduite qui a mené à sa suspension est une inconduite au sens de la Loi.

Questions en litige

[5] Le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi?

[6] Pourquoi le prestataire a-t-il été suspendu?

[7] Le prestataire a-t-il commis une inconduite au sens de la Loi en ne se rendant pas au travail pour s’acquitter de ses fonctions?

Analyse

[8] Si la Commission prouve qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire soit suspendu de son emploi en raison de son inconduite, il n’aura pas droit à des prestations jusqu’à ce :

  1. que la suspension prenne fin;
  2. qu’il perde son emploi ou le quitte volontairement;
  3. qu’il accumule suffisamment d’heures d’emploi assurable auprès d’un autre employeur pour être admissible aux prestationsNote de bas de page 1.

Le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi?

[9] Oui. Je conclus que le prestataire a été suspendu de son emploi parce qu’il n’avait pas le choix de demeurer en poste et qu’il a un emploi qu’il peut reprendre lorsqu’il est en mesure de le faire.

[10] Je conclus que le prestataire n’avait pas le choix de rester employé pour les raisons suivantes :

  1. sa superviseure directe a dit à la Commission qu’elle l’avait personnellement mis en congé et qu’il n’avait pas le choix;
  2. la demande de réexamen du prestataire indiquait qu’il avait été « mis » en congé, ce qui sous-entend qu’il n’avait pas le choix;
  3. le directeur de la X, G. F., a témoigné que le prestataire n’avait pas le choix de prendre un congé.

[11] Je conclus que selon l’intention de l’employeur et du prestataire, le congé du prestataire sera temporaire et il sera en mesure de reprendre son emploi s’il satisfait aux conditions de l’employeur pour les raisons suivantes :

  1. son relevé d’emploi indique qu’il est en congé, ce qui implique que son congé est temporaire;
  2. le directeur de la X a témoigné que le prestataire peut retourner au travail en août 2019;
  3. la lettre du 13 septembre 2018 de l’employeur indique qu’il est convaincu que le prestataire sera en mesure de reprendre le travail dans un an;
  4. la lettre de l’employeur datée du 21 septembre 2018 indique que le prestataire a un poste qui l’attend;
  5. Le prestataire a indiqué dans sa demande de réexamen qu’un emploi l’attend lorsqu’il sera en mesure de revenir.

[12] J’ai examiné la demande de prestations du prestataire et ses déclarations initiales à la Commission selon lesquelles il a pris un congé en raison de problèmes familiaux. Toutefois, je trouve plus plausible qu’il ait été forcé de prendre un congé ou, en d’autres termes, qu’il ait été suspendu de son travail. Je préfère la preuve susmentionnée aux déclarations initiales du prestataire parce qu’elle est cohérente et fournie par trois personnes différentes pour l’employeur.

Pourquoi le prestataire a-t-il été suspendu?

[13] Je conclus que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison de son absentéisme et de l’omission de s’acquitter de ses fonctions. Les lettres de l’employeur indiquent que son [traduction] « rendement était inférieur à ce que nous avions besoin et à ce que nous attendions de son poste » et qu’il n’a pas exécuté les fonctions qui lui étaient désignées. La superviseure directe du prestataire a dit à la Commission que le prestataire avait une mauvaise assiduité au travail, ce qui a nui à sa capacité de faire le travail.

[14] Selon les notes de la Commission, la superviseure directe du prestataire a déclaré que le prestataire ne s’acquittait pas de ses fonctions à cause de problèmes à la maison, qu’il avait perdu son permis de conduire, qu’il buvait davantage et qu’il n’allait pas travailler. Elle a déclaré qu’elle avait simplement besoin qu’il se présente au travail et s’acquitte de ses fonctions.

[15] Je conclus que le prestataire avait de la difficulté à se rendre au travail et à exercer ses fonctions parce qu’il n’avait pas de permis de conduire. Le prestataire et le directeur de la X ont tous deux témoigné que ses problèmes au travail et à la maison étaient attribuables à la perte de son permis de conduire. Le prestataire a témoigné que le fait de ne pas pouvoir conduire avait nui à sa capacité de s’acquitter de ses fonctions, l’avait forcé à s’absenter du travail et avait causé des conflits entre lui et son épouse, ce qui avait également nui à son travail.

[16] Le directeur de la X a témoigné que le prestataire n’a pas été congédié à la suite d’un incident en particulier, mais que le prestataire avait de la difficulté à s’acquitter de ses fonctions parce qu’il ne pouvait pas conduire. Il a expliqué que la conduite automobile est une exigence et que, depuis que le prestataire a perdu son permis, il s’absentait du travail et n’était pas en mesure de s’acquitter correctement de ses fonctions. Le directeur de la X a témoigné que l’employeur n’avait aucun problème à ce que le prestataire tente de s’acquitter de ses fonctions en demandant à d’autres personnes de le conduire. Bien que le prestataire ait tenté de travailler en se faisant conduire par d’autres personnes, il était incapable de s’acquitter de ses fonctions sans pouvoir conduire lui-même.

[17] Je conclus qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire n’ait pas été suspendu directement à la suite de la perte de son permis de conduire parce qu’il a perdu son permis en mars 2018 et qu’il n’a pas été suspendu avant août 2018. Le dossier ne renferme aucune preuve établissant que l’employeur a appris qu’il avait perdu son permis en août. De plus, le directeur de la X a confirmé que l’employeur était d’accord pour permettre au prestataire de continuer à travailler sans permis de conduire tant qu’il était en mesure d’effectuer le travail.

[18] Je conclus que l’absentéisme du prestataire n’était pas attribuable à sa consommation d’alcool, car le directeur de la X a témoigné que la consommation d’alcool du prestataire n’était pas un problème et que le prestataire a témoigné qu’il buvait seulement pendant ses temps libres et que cela n’affectait pas sa capacité de travailler.

Le prestataire a-t-il commis une inconduite au sens de la Loi en ne se rendant pas au travail pour s’acquitter de ses fonctions?

[19] Oui. Le défaut du prestataire de se rendre au travail et d’exercer ses fonctions constitue une inconduite au sens de la Loi pour les deux raisons suivantes :

  1. Il aurait pu raisonnablement prévoir que s’il ne se présentait pas au travail et n’accomplissait pas ses fonctions, il pourrait être suspendu de ses fonctions. Je conclus que son défaut d’améliorer la situation était délibéré et volontaire et qu’il s’agit donc d’une inconduite au sens de la Loi.
  2. Il aurait pu raisonnablement prévoir qu’il aurait de la difficulté à se rendre au travail et à s’acquitter de ses fonctions s’il n’avait pas de permis de conduire, ce qui est un élément essentiel de son emploi. Je conclus que sa conduite ayant mené à la perte de son permis de conduire par suite d’une déclaration de culpabilité en vertu du Code criminel était insouciante au point de frôler le caractère délibéré et qu’il s’agit donc d’une inconduite au sens de la Loi.

[20] Pour conclure que la suspension du prestataire était attribuable à son inconduite, je dois être convaincue que l’inconduite est un manquement d’une portée telle que le prestataire pouvait normalement prévoir qu’elle entraînerait vraisemblablement sa suspensionNote de bas de page 2. Il doit y avoir un élément mental de caractère délibéré dans la conduite, ou la conduite doit être si insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 3.

[21] La question à poser est la suivante : Le prestataire croyait-il ou était-il conscient qu’il était susceptible d’être suspendu s’il ne se rendait pas au travail et n’accomplissait pas ses fonctions, même si c’était parce qu’il avait perdu son permis de conduireNote de bas de page 4?

[22] Par sa nature même, le fait d’être employé signifie que vous vous rendez au travail et que vous accomplissez vos tâches. Je conclus que le prestataire savait ou aurait dû savoir qu’il pouvait être suspendu de son emploi s’il ne se rendait pas au travail et ne s’acquittait pas de ses fonctions parce que ne pas le faire est une violation de deux des conditions d’emploi les plus élémentaires.

[23] Je conclus que le prestataire savait que son emploi était en péril s’il continuait de s’absenter du travail et de ne pas s’acquitter de ses fonctions pour les raisons suivantes :

  1. sa superviseure directe a dit à la Commission qu’elle avait parlé au prestataire à de nombreuses reprises et lui avait dit exactement ce qu’il devait faire : se présenter et faire le travail;
  2. sa superviseure directe a déclaré qu’elle avait préparé une entente exposant ce que le prestataire devait faire et qu’elle l’avait fait signer;
  3. selon les notes de la Commission, le prestataire a convenu qu’il avait été mis en congé parce qu’il ne faisait pas son travail.

[24] Compte tenu de la violation continue des conditions d’emploi de base, le prestataire aurait pu prévoir que son action (ou son inaction pour améliorer la situation) entraînerait sa suspension. Comme le prestataire savait que son emploi était en péril si son assiduité et son rendement ne s’amélioraient pas, je conclus que son geste de ne pas améliorer la situation était à la fois délibéré et volontaire et qu’il s’agissait donc d’une inconduite au sens de la Loi.

[25] J’accepte le témoignage du prestataire selon lequel son incapacité d’aller travailler et d’exécuter ses fonctions est liée à la perte de son permis de conduire. Il a témoigné qu’il a perdu son permis de conduire en raison d’une condamnation en vertu du Code criminel. Il n’a pas contesté qu’il a commis la conduite qui a mené à sa condamnation. Il existe donc un lien direct entre la suspension du prestataire de son travail et sa condamnation en vertu du Code criminel.

[26] Je conclus que sa conduite qui a mené à la perte de son permis de conduire, dont il a été reconnu coupable en vertu du Code criminel, était insouciante au point de frôler le caractère délibéré parce qu’il aurait pu raisonnablement prévoir qu’il aurait de la difficulté à se rendre au travail et à s’acquitter de ses fonctions s’il n’avait pas de permis de conduire. Comme la conduite constitue une partie fondamentale de son emploi, comme l’ont indiqué le prestataire, sa superviseure directe et le directeur de la X, en perdant son permis de conduire, il s’est sciemment placé dans une situation où, comme il l’a déclaré, il ne pouvait pas se rendre au travail et s’acquitter de ses fonctions. Je conclus qu’il s’agit d’une inconduite au sens de la Loi.

Conclusion

[27] L’appel est rejeté. Le prestataire est suspendu de ses fonctions en raison de son inconduite. Par conséquent, il est inadmissible au bénéfice des prestations jusqu’à ce qu’il satisfasse à l’un des critères énoncés à l’article 31 de la LoiNote de bas de page 5.

 

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 4 février 2019

Téléconférence

D. F., appelant

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