Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli.

Aperçu

[2] Après avoir subi une blessure à l’épaule, l’appelant a présenté une demande de prestations de maladie. La période de prestations a été établie le 24 novembre 2014, et l’appelant a reçu des prestations jusqu’en mars 2015.

[3] Le 11 octobre 2018, la Commission de l’assurance-emploi du Canada a révisé la demande de l’appelant et a déterminé qu’il n’était pas admissible au versement de prestations de maladie parce qu’il n’avait pas fourni un certificat médical prouvant qu’il était incapable de travailler.

[4] L’appelant conteste maintenant la décision de la Commission. Il soutient que la Commission n’a pas démontré qu’il avait fait des déclarations fausses ou trompeuses qui justifieraient une révision de sa demande plus de 36 mois après que les prestations ont été payées ou étaient devenues payables.

Question en litige

[5] La Commission pouvait-elle réviser la demande de prestations de l’appelant plus de 36 mois après que les prestations ont été payées ou étaient devenues payables?

Analyse

[6] La question principale dans ce dossier concerne une inadmissibilité aux prestations de maladie. Toutefois, à l’audience, le représentant de l’appelant a soulevé la question du délai concernant la révision de la demande de l’appelant, puisque cette révision a été effectuée après le délai de 36 mois prévu normalement par la Loi sur l’assurance-emploi (Loi).

[7] Même si cette question n’est pas directement abordée dans la décision découlant de la révision par la Commission (GD3-22), le Tribunal estime qu’il a la compétence de rendre une décision sur la révision de la demande étant donné que la décision originale et celle découlant de la révision sont le résultat direct de l’initiative de la Commission de réviser la demande plus de 36 mois après que les prestations ont été payées ou étaient devenues payables. Autrement dit, si la Commission n’avait pas décidé de réviser la demande de l’appelant sur la foi des dispositions particulières de l’article 52(5) de la Loi, l’espèce n’existerait tout simplement pas. Par conséquent, le Tribunal abordera cette question d’abord, puisqu’une décision en faveur de l’appelant rendrait l’autre question spéculative.

La Commission pouvait-elle réviser la demande de prestations de l’appelant plus de 36 mois après que les prestations ont été payées ou étaient devenues payables?

[8] Non, le Tribunal estime que la Commission ne pouvait pas réviser la demande de l’appelant pour les motifs ci-après.

[9] La Commission peut, dans les 36 mois suivant la journée où les prestations ont été payées ou sont devenues payables, réviser une demande concernant ces prestations. Toutefois, la Commission a 72 mois pour réexaminer une demande de prestations si elle croit qu’une déclaration fausse ou trompeuse a été faite relativement à cette demande (articles 52(1) et 52(5) de la Loi).

[10] La Commission n’est pas obligée de prouver qu’une déclaration fausse ou trompeuse a été sciemment faite ou qu’elle a été sanctionnée par une pénalité afin d’invoquer l’article 52(5). La simple existence ou présence d’une déclaration fausse ou trompeuse suffit, dans la mesure où la Commission est raisonnablement satisfaite de ce fait, pour réviser la demande dans les 72 mois suivants (Canada (Procureur général) c Dussault, 2003 CAF 372).

[11] Afin de justifier sa décision de réviser la demande de l’appelant plus de 36 mois après que les prestations ont été payées ou étaient devenues payables, la Commission affirme que l’appelant a fait une déclaration fausse ou trompeuse lorsqu’il a omis de fournir la note médicale demandée (GD3-15).

[12] Selon le Tribunal, le fait que l’appelant n’a pas été en mesure de fournir les documents demandés par la Commission ne démontre pas qu’il a fait des déclarations fausses ou trompeuses concernant ses problèmes médicaux ou qu’il ne pouvait pas travailler pendant les semaines pour lesquelles il avait demandé des prestations de maladie. Autrement dit, le fait qu’il n’y a aucun certificat médical démontrant l’incapacité de travailler pendant une certaine période ne signifie pas nécessairement qu’il n’existe aucune incapacité de travailler.

[13] À l’audience, l’appelant a rendu un témoignage crédible et détaillé, et il a donné au Tribunal des renseignements utiles concernant ses problèmes médicaux pendant les semaines qu’il touchait des prestations de maladie. L’appelant a également fourni des documents médicaux démontrant qu’il avait consulté un médecin, une ou un physiothérapeute et une ou un ergothérapeute à plusieurs reprises durant les mois de novembre et décembre 2014 (GD8-3 à GD8-5).

[14] De plus, l’appelant a présenté un certificat médical produit par son médecin de famille qui confirme qu’il était incapable de travailler entre le 25 novembre 2014 et le 5 janvier 2015 (GD3‑18). La Commission a refusé ce document parce qu’il était [traduction] « erroné »  : la date du début de l’incapacité inscrite est le 25 novembre 2015 alors qu’il aurait dû s’agir du 25 novembre 2014. Selon le Tribunal, il est évident que le médecin de l’appelant a commis une erreur de rédaction : le document a été signé le 12 décembre 2014, il a été imprimé le même jour, et la date de fin de l’incapacité de travailler inscrite est le 5 janvier 2015. Le Tribunal accepte ce certificat médical comme preuve de l’incapacité de l’appelant à travailler et estime que la Commission aurait dû accepter ce document, puisqu’il satisfaisait aux exigences de l’article 40 du Règlement (du moins, pour les premières semaines des prestations de maladie), à l’exception d’une petite erreur de rédaction.

[15] L’appelant a également présenté plusieurs autres documents produits par son médecin en vue d’une demande d’indemnisation des accidents du travail à la CSST. Trois de ces documents mentionnent un « arrêt de travail » (GD8-10, GD8-11 et GD8-13).

[16] Selon le Tribunal, il est évident que l’appelant disait la vérité lorsqu’il a déclaré qu’il était incapable de travailler pendant les semaines pour lesquelles il a fait une demande de prestations de maladie.

[17] Le fardeau de la preuve qui incombe à la Commission lorsqu’elle souhaite revenir plus de trois ans en arrière afin de demander un remboursement à la partie prestataire n’est pas négligeable, car les conséquences sur cette dernière peuvent être considérables (Langelier c Procureur général du Canada, A-140-01).

[18] La preuve présentée par la Commission ne démontre pas que l’appelant a fait des déclarations fausses ou trompeuses sur son état de santé ou son incapacité de travailler. Au contraire, la preuve tend à démontrer que l’appelant a toujours dit la vérité. La seule chose pour laquelle on peut blâmer l’appelant est le fait qu’il n’a pas fourni un certificat médical couvrant toute la période de ses prestations de maladie, ce qui ne démontre pas en soi des déclarations fausses ou trompeuses.

[19] Étant donné que la Commission n’a pas présenté une autre preuve pour appuyer les prétendues déclarations fausses ou trompeuses, le Tribunal n’est pas en mesure d’établir que la Commission était raisonnablement satisfaite de l’existence de déclarations fausses ou trompeuses concernant la demande de prestations de l’appelant lorsque cette demande a été révisée.

[20] Si la Commission souhaitait réviser la demande de l’appelant, il lui était loisible de le faire dans la période de 36 mois normalement prévue par la Loi, à moins qu’elle puisse démontrer que des déclarations fausses ou trompeuses ont été faites, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

[21] Le Tribunal estime que la Commission n’a pas démontré que l’appelant a fait des déclarations fausses ou trompeuses. Par conséquent, la Commission ne pouvait pas se fonder sur l’article 52(5) de la Loi pour réviser les demandes de l’appelant plus de 36 mois après que les prestations ont été payées ou étaient devenues payables.

[22] Étant donné qu’il a été déterminé que la Commission ne pouvait pas réviser la demande de l’appelant, le Tribunal n’est pas tenu de tenir compte des autres arguments soulevés par le représentant de l’appelant au cours de l’audience.

Conclusion

[23] L’appel est accueilli.

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 18 février 2019

En personne

M. C. C., appelant
Me Richard-Alexandre Laniel, représentant de l’appelant

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