Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Résumé :

AE – La DG a erré en établissant la rémunération hebdomadaire normale – Les arrêts Canada (Procureur général) c Fox, A-841-96 et Chaulk c Canada (Procureur général), 2012 CAF 190 sont appliqués pour établir la rémunération hebdomadaire normale du prestataire aux fins de l’article 36(9) du Règlement sur l’assurance-emploi.

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli. La décision de la division générale est modifiée afin que la rémunération versée à titre d’indemnité de départ et d’indemnité de vacances soit répartie en fonction d’une rémunération hebdomadaire réduite de 547,40 $.

Aperçu

[2] Après que l’appelant, D. S. (prestataire), a demandé le renouvellement de sa demande de prestations d’assurance-emploi, l’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a découvert qu’il avait reçu une indemnité de départ et une indemnité de vacances. La Commission a conclu que ces sommes supplémentaires avaient valeur de rémunération et elle les a réparties sur des semaines de prestations.

[3] Le prestataire a demandé une révision à la Commission et a soutenu qu’il n’avait pas reçu au complet la somme ayant été répartie, mais la Commission a maintenu sa décision. Le prestataire a interjeté appel, et la division générale du Tribunal de la sécurité sociale a rejeté son appel. Il a encore interjeté appel devant la division d’appel, qui a conclu que la division générale n’avait pas convenablement résolu une divergence présente dans les renseignements que l’employeur avait fournis à la Commission relativement à la rémunération. La division d’appel a accueilli l’appel, a renvoyé l’affaire à la division générale et a demandé à la Commission de clarifier cette divergence avant la nouvelle audience. La Commission s’est renseignée auprès de l’employeur au sujet de la divergence et a fait un ajustement relativement mineur à la répartition suggérée. La division générale a accepté cette modification à la répartition, mais a tout de même rejeté l’appel. Maintenant, le prestataire interjette appel à la division d’appel encore une fois.

[4] L’appel est accueilli. La division générale a confirmé la répartition de la Commission en se fondant sur une interprétation erronée de la preuve relative à la rémunération hebdomadaire normale. J’ai modifié la décision de façon à réduire la rémunération hebdomadaire normale.

Questions en litige

[5] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en incluant dans la rémunération totale les sommes versées au prestataire à titre d’indemnité de vacances et d’indemnité de départ avant que ce dernier présente sa demande de prestations d’assurance-emploi?

[6] La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une interprétation erronée de la rémunération hebdomadaire normale du prestataire aux fins de la répartition de son indemnité de départ?

Analyse

[7] La division d’appel ne peut intervenir à l’égard d’une décision de la division générale que si elle conclut que cette dernière a commis l’une des erreurs correspondant aux « moyens d’appel » prévus à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS).

[8] Les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en incluant dans la rémunération totale les sommes versées au prestataire à titre d’indemnité de vacances et d’indemnité de départ avant que ce dernier présente sa demande de prestations d’assurance-emploi?

[9] Le prestataire a soutenu que son indemnité de vacances et son indemnité de départ n’auraient pas dû être déduites de ses prestations, car il les avait reçues avant de demander des prestations d’assurance-emploi. Il n’a pas précisé s’il croyait que la division générale avait commis une erreur de fait ou de droit.

[10] Selon la division générale, le prestataire a présenté une demande de renouvellement de prestations le 5 mars 2013. La division générale fait remarquer que son indemnité de départ lui a été payée en deux versements, les 2 et 9 mars 2013Note de bas de page 1, et qu’il a reçu l’indemnité de vacances pour la période suivant la cessation d’emploi le 16 mars 2013Note de bas de page 2. Par conséquent, il semble que le prestataire a reçu une partie de l’indemnité de départ avant de présenter sa demande de prestations. Toutefois, dans sa décision, la division générale ne précise pas si le prestataire a reçu la totalité ou une partie de l’indemnité de départ et l’indemnité de vacances après avoir demandé des prestations d’assurance-emploi. La division générale a examiné la documentation relative aux talons de paie mis en preuve et a constaté que le prestataire avait reçu les indemnités de vacances et de départ [traduction] « en mars 2013Note de bas de page 3 ». Cette conclusion correspond à la preuve. Je présume donc que le prestataire veut laisser entendre que la division générale a commis une erreur de droit.

[11] Il n’est pas contesté que le prestataire a effectivement reçu de son employeur des indemnités de vacances et de départ et que ces versements ont été faits en raison de l’emploi du prestataire. De plus, il est évident que ni l’indemnité de départ ni l’indemnité de vacances ne fait partie des exceptions prévues à l’article 35(7) du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement sur l’AE). Par conséquent, ces paiements sont considérés comme une rémunération, comme l’a conclu la division générale.

[12] Il est énoncé à l’article 36(9) du Règlement sur l’AE que la « rémunération payée ou payable au prestataire en raison de son licenciement ou de la cessation de son emploi est, abstraction faite de la période pour laquelle elle est présentée comme étant payée ou payable, répartie sur un nombre de semaines qui commence par la semaine du licenciement ou de la cessation d’emploi [...] » [mis en évidence par le soussigné].

[13] Aux termes de l’article 36(10) du Règlement sur l’AE, lorsque la Commission a déjà évalué et réparti la rémunération avant d’avoir connaissance d’une rémunération supplémentaire versée par suite d’un licenciement ou d’une cessation d’emploi, une nouvelle répartition doit être faite conformément à l’article 36(9) et « abstraction faite de la période pour laquelle elle est présentée comme étant payée ou payable. » [mis en évidence par le soussigné]

[14] Autrement dit, selon le Règlement sur l’AE, il importe peu que l’indemnité de vacances ou l’indemnité de départ, ou qu’une partie de celles-ci, ait été versée avant qu’un prestataire présente sa demande de prestations; la Commission demeure obligée de les répartir sur la période qui suit immédiatement le licenciement ou la cessation d’emploi du prestataire.

[15] La division générale n’a pas commis d’erreur de droit au titre de l’article 58(1)(a) de la Loi sur le MEDS lorsqu’elle a confirmé que les indemnités de vacances et de départ avaient valeur de rémunération et devaient être réparties.

[16] Comme le moment où le prestataire a reçu ses indemnités de vacances et de départ est sans importance du point de vue du droit, dans la mesure où elles étaient payables en raison de la cessation ou du licenciement, je ne peux conclure que la division générale a « fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée » pour avoir mal établi le moment des paiements. Aucune erreur n’a donc été commise pour l’application de l’article 58(1)(c) de la Loi sur le MEDS.

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une interprétation erronée de la rémunération hebdomadaire normale du prestataire aux fins de la répartition de son indemnité de départ?

[17] Dans sa demande de permission d’en appeler relative à son appel précédent devant la division d’appel, le prestataire a soutenu que sa rémunération hebdomadaire normale devrait être établie à 369,00 $, en fonction d’un taux horaire de 11,34 $Note de bas de page 4, soit le produit de la multiplication de ce taux par 35 heures. Dans les observations orales qu’il a présentées dans le cadre de cet appel à la division d’appel, le prestataire n’a pas mentionné le fondement de ses calculs autrement que pour faire valoir que son revenu devrait être calculé en fonction d’une semaine de cinq jours, et non une semaine de sept jours. Toutefois, il a souligné que sa rémunération hebdomadaire normale devrait être de 369,05 $, ce qui laisse supposer qu’il continuait d’utiliser le même calcul de base.

[18] La division générale s’est servie de la rémunération hebdomadaire normale « moyenne », obtenue en divisant la rémunération totale qui se trouve sur le relevé d’emploi (RE) par le nombre de semaines au cours desquelles cette rémunération avait été versée. La disposition relative à la répartition de la rémunération de l’article 36(9) du Règlement sur l’AE mentionne la « rémunération hebdomadaire normale », mais pas la rémunération hebdomadaire normale moyenne. Cependant, l’utilisation de la rémunération hebdomadaire normale « moyenne » respecte l’arrêt Chaulk c Canada (Procureur général)Note de bas de page 5, dans laquelle la rémunération hebdomadaire normale a été calculée en fonction de la moyenne de la rémunération d’une enseignante pour la période où elle était réellement payée durant sa période de référence.

[19] La Commission s’est servie d’une approche semblable à celle approuvée dans Chaulk pour calculer la rémunération hebdomadaire normale moyenne à l’aide d’une formule où la rémunération totale indiquée dans le RE a été divisée par le nombre total de jours d’employabilité où elle a été versée, ce qui a donné un taux quotidien qui a ensuite été multiplié par sept jours (soit la semaine civile)Note de bas de page 6.

[20] Lorsqu’elle a conclu que les sommes reçues par le prestataire avaient été convenablement réparties pour mener à un versement excédentaire, la division générale a implicitement confirmé la façon dont la Commission avait calculé la rémunération hebdomadaire normale. Toutefois, comme je l’ai fait remarquer dans la décision relative à la permission d’en appeler, la rémunération totale dont s’est servie la Commission pour calculer la rémunération hebdomadaire normale semblait comprendre les sommes initialement interprétées comme étant l’indemnité de vacances (416,62 $) et la prime (1 300,00 $). Dans la décision Procureur général du Canada c FoxNote de bas de page 7, on énonce ce qui suit : « L’expression “montant normal de la rémunération hebdomadaire” s’entend de la rémunération ordinaire, habituelle, que le prestataire reçoit ou gagne régulièrement et n’inclut pas [les montants de l'indemnité de vacances, de la prime incitative annuelle et la récompense pour les nombreuses années de service], qui sont considérés à plus juste titre comme des avantages sociaux ou des suppléments. »

[21] Dans les observations qu’elle a présentées à la division d’appel, la Commission a admis qu’elle n’avait pas soustrait l’indemnité de vacances et les primes de la rémunération totale avant d’effectuer les calculs pour déterminer la rémunération hebdomadaire normale.

[22] Je conclus que la division générale a mal interprété la preuve à l’appui de la rémunération hebdomadaire normale et que, par conséquent, elle a erré lorsqu’elle a maintenu la répartition. Il s’agit d’une erreur par application de l’article 58(1)(c) de la Loi sur le MEDS.

Conclusion

[23] L’appel est accueilli.

Réparation

[24] J’estime que le dossier est complet et je vais donc exercer ma compétence en vertu de l’article 59 de la Loi sur le MEDS pour modifier en partie la décision de la division générale.

[25] Je confirme que l’indemnité de départ et l’indemnité de vacances devraient être réparties en tant que rémunération. Cependant, cette rémunération a été répartie en fonction d’une rémunération totale erronée.

[26] Conformément à la décision Fox, je conviens que la prime et l’indemnité de vacances ne doivent pas faire partie de la rémunération totale servant à déterminer la rémunération hebdomadaire normale. Par conséquent, il faudrait soustraire de la rémunération totale de 14 525,20 $ indiquée sur le RE du prestataire la prime (s’élevant à 1 300,00 $) et l’indemnité de vacances incluse à l’époque (416,62 $). La rémunération totale est donc de 12 808,58 $.

[27] La façon dont la Commission a calculé la rémunération hebdomadaire normale du prestataire correspond à la méthode utilisée dans la décision Chaulk, à une exception près : la Commission a calculé la rémunération hebdomadaire normale du prestataire en divisant son salaire par le nombre de jours où on pouvait exiger que le prestataire travaille pour obtenir un taux quotidien et en multipliant ce taux quotidien par les sept jours de la semaine civile. Dans la décision Chaulk, la cour a accepté que le taux quotidien doit multiplié par cinq, soit le nombre de jours que comptait la semaine de travail normale de l’appelant.

[28] J’ai demandé à la Commission de clarifier la façon dont elle avait calculé le taux hebdomadaire normal, mais, dans sa réponse datée du 14 août 2018Note de bas de page 8, elle n’a pas donné la raison pour laquelle elle avait multiplié le taux quotidien par les sept jours de la semaine civile, plutôt que par cinq, soit le nombre de jours où le prestataire travaillait par semaine.

[29] Le Guide de la détermination de l’admissibilité décrit la façon dont la Commission interprète et applique habituellement la Loi sur l’assurance emploi et le Règlement sur l’AE. Même si le Guide ne me lie pas, je constate qu’il préconise la même approche que la décision Chaulk, soit le calcul en fonction du nombre de jours de la semaine normale de travail, plutôt que la semaine civile. Le Guide énonce que lorsque l’employé est payé en fonction d’un taux horaire, la rémunération hebdomadaire normale est calculée en multipliant le nombre d’heures normalement travaillé par le taux horaireNote de bas de page 9.

[30] Selon le prestataire, sa rémunération hebdomadaire normale devrait être de 369,00 $, un chiffre qui correspond à une semaine de travail de 35 heures, au taux horaire qu’il recevait. La semaine de travail de 35 heures est habituellement liée à un horaire de travail de 5 jours, où l’on travaille 7 heures par jour. Enfin, le prestataire a affirmé durant l’audience tenue par la division d’appel que [traduction] « [la Commission] avait établi son revenu en fonction d’un horaire de sept jours, mais en réalité il s’agissait de cinq joursNote de bas de page 10. »

[31] Le prestataire insiste sur le fait que la Commission avait commis une erreur en calculant son revenu en fonction d’un horaire de sept jours, plutôt que cinq jours. D’après l’argument présenté par le prestataire et la preuve dont disposait la division générale, je conclus que la rémunération hebdomadaire normale devrait être calculée en fonction d’une semaine de travail de cinq jours, comme suit :

La rémunération totale de 12 808,58 $ (ajustée selon ce qui a été décidé ci-dessus)

divisée par 117, soit le total des jours d’employabilité = 109,48 $ par jour.

Le taux quotidien obtenu de 109,48 $ x cinq jours de travail par semaine = 547,40 $.  

Je conclus que la rémunération hebdomadaire normale est de 547,40 $.

[32] Durant l’audience, j’ai expliqué au prestataire le sens de la rémunération hebdomadaire normale et la façon dont ce calcul a une incidence sur la répartition, mais le prestataire a continué d’affirmer que sa rémunération hebdomadaire normale se situait tout juste en dessous de 370,00 $. Malheureusement, la diminution de la rémunération hebdomadaire normale que j’ai établie prolongera probablement la période sur laquelle ses indemnités de départ et de vacances seront réparties, ce qui pourrait faire augmenter la somme que le prestataire devra rembourser.

[33] Je laisse le soin à la Commission de procéder à une nouvelle répartition de la rémunération du prestataire en fonction de la rémunération hebdomadaire normale moyenne de 547,40 $.

 

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 15 février 2019

Téléconférence

D. S., appelant

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