Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] K. A. (appelant) a présenté une demande de prestations régulières d’assurance‑emploi (AE) prenant effet le 13 mai 2018. Il a déclaré à la Commission de l’assurance-emploi du Canada (intimée) qu’il conduisait un camion en suivant un horaire d’une semaine de 72 heures de travail, puis d’une semaine de congé. L’appelant cherchait à recevoir des prestations pour ses semaines de congé. L’intimée a déterminé que l’appelant n’était pas admissible au bénéfice des prestations à compter du 6 août 2018 puisqu’il était réputé être en emploi selon l’article 11(4) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE).

Question en litige

[3] L’appelant devrait-il être exclu du bénéfice des prestations à compter du 6 août 2018 pour avoir omis de prouver qu’il était au chômage?

Analyse

[4] Selon l’article 9 de la Loi sur l’AE, des prestations sont seulement payables à une partie prestataire admissible pour chaque semaine de chômage comprise dans la période de prestations.

[5] L’article 11(1) de la Loi sur l’AE définit une semaine de chômage comme une semaine pendant laquelle la partie prestataire n’effectue pas une semaine entière de travail.

[6] Toutefois, une exception à l’article 11(1) est prévue à l’article 11(4) de la Loi sur l’AE. L’article 11(4) prévoit que la personne assurée qui travaille habituellement plus d’heures, de jours ou de périodes de travail que ne travaillent habituellement au cours d’une semaine des personnes employées à plein temps et qui a droit, aux termes de son contrat de travail, à une période de congé est censée avoir travaillé une semaine entière de travail au cours de chaque semaine qui est comprise complètement ou partiellement dans cette dernière période.

[7] La Cour d’appel fédérale a confirmé le principe selon lequel une partie prestataire qui a un horaire prévoyant des périodes de travail et de congé est réputée être en emploi pendant les périodes de congé qui s’inscrivent dans cet horaire reconnu (Canada (PG) c Jean, 2015 CAF 242 (CanLII); Canada (PG) c Merrigan, 2004 CAF 253 (CanLII)).

Question en litige no 1 : L’appelant devrait-il être exclu du bénéfice des prestations à compter du 6 août 2018 pour avoir omis de prouver qu’il était au chômage?

[8] Oui. L’appelant est exclu du bénéfice des prestations à compter du 6 août 2018 pour avoir omis de prouver qu’il était au chômage.

[9] L’employeur dirige une entreprise de camionnage. Il a dit à l’intimée qu’il avait 26 membres du personnel et que la plupart d’entre eux travaillaient de 30 à 40 heures par semaine. Il a précisé que quatre membres suivaient un horaire en alternance d’une semaine de 72 heures de travail, car ils ne pouvaient pas conduire pendant un certain nombre de jours après avoir travaillé trop d’heures par semaine. Il n’y a pas de travail disponible pour ces membres durant leur [traduction] « semaine de congé ». L’employeur a confirmé qu’il s’agissait d’une entente verbale conclue avec ces personnes. Comme il a un contrat gouvernemental à remplir, il a dit que si le camionneur en alternance était malade, il s’attendait à ce que l’appelant se présente au travail. Toutefois, l’appelant était libre de travailler ailleurs pendant sa semaine de congé.

[10] L’appelant a déclaré qu’à compter d’avril ou de mai 2018, il a commencé à travailler pour son employeur selon un horaire en alternance d’une semaine de travail, puis d’une semaine de congé. Il est payé pour une journée de 12 heures. Il reçoit 190,00 $ pour une journée de 12 heures, y compris sa paie de vacances. Il ne reçoit aucune rémunération pour les heures supplémentaires. L’employeur n’offre pas d’avantages. L’appelant a expliqué que le trajet qu’il parcourt peut prendre entre 10,5 et 12 heures, tout dépendant de la météo et des détours. Il reçoit sa paie toutes les deux semaines. Il a expliqué qu’il conduit de soir. Il commence à travailler à 16 h et revient à la maison vers 5 h le lendemain matin. Sa semaine de travail commence le dimanche après-midi et prend fin le samedi matin suivant. Il est ensuite en congé pendant une semaine.

[11] L’appelant a déclaré qu’il suit cet horaire en alternance parce qu’il partage un camion avec un autre camionneur. Ils ne sont autorisés à conduire que 70 heures par semaine. L’appelant a expliqué qu’il serait très difficile de commencer une autre semaine de travail le dimanche après-midi, tout juste après avoir terminé une semaine le samedi matin, car cela serait vraiment épuisant. L’appelant a expliqué que l’employeur a un contrat avec X, ce pour quoi les camionneurs ramassent et livrent des articles pour ce client.

[12] L’appelant a déclaré que son horaire en alternance est le même depuis mai 2018. Il a dit qu’à l’occasion, l’employeur lui demandait de travailler pendant sa semaine de congé parce que le camionneur avec lequel il partageait son horaire était malade ou parce que l’employeur avait du travail supplémentaire à lui confier. L’appelant a déclaré qu’il cherchait un autre emploi pendant sa semaine de congé, mais qu’il était très difficile de trouver du travail dans la région où il vivait. Il a expliqué que s’il arrivait à trouver un autre emploi pendant sa semaine de congé et que l’employeur lui demandait de travailler en même temps, il est probable que l’employeur comprendrait qu’il ne pourrait pas assumer ce travail supplémentaire.

[13] L’appelant a confirmé dans les renseignements fournis à l’intimée qu’après ses 72 heures de travail, il n’est pas autorisé à conduire pendant une autre période de 36 heures, ce pour quoi l’autre camionneur et lui travaillent en alternance (GD3-17).

[14] L’appelant soutient que sa situation ne diffère pas de celle des travailleurs de la construction ou des équipes de voirie pouvant faire de longues heures de travail, puis ne pas travailler, et toucher des prestations d’AE pendant cette période. Il a donné à titre d’exemple que des travailleurs de la construction pouvaient travailler pendant six mois, puis être sans emploi pendant six mois, et quand même recevoir des prestations. Il fait valoir qu’il travaille essentiellement six mois par année en raison de l’horaire en alternance. L’appelant souligne que même les autres camionneurs travaillant avec son propre employeur selon des horaires semblables au sien reçoivent des prestations d’AE pendant leur semaine de congé. Selon lui, il est injuste d’avoir été ignoré.

[15] L’intimée soutient qu’au titre de l’article 11(4) de la Loi sur l’AE, l’appelant est considéré comme étant en emploi. L’intimée fait valoir que l’appelant travaille six quarts de travail de 12 heures et travaille 72 heures par semaine. Il a droit, selon une entente verbale conclue avec son employeur, à une semaine de congé. Il n’a droit à aucun avantage avec son employeur et doit travailler pour lui pendant sa semaine de congé au besoin. L’intimée soutient que l’appelant remplit les deux conditions de l’article 11(4) et qu’il n’est donc pas considéré comme étant au chômage.

[16] L’article 11(4) prévoit que la personne assurée qui travaille habituellement plus d’heures, de jours ou de périodes de travail que ne travaillent habituellement au cours d’une semaine des personnes employées à plein temps et qui a droit, aux termes de son contrat de travail, à une période de congé est censé avoir travaillé une semaine entière de travail au cours de chaque semaine qui est comprise complètement ou partiellement dans cette dernière période.

[17] Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Jean, précité, la question en litige était semblable à celle de l’appelant. Les parties prestataires étaient camionneurs et travaillaient une semaine sur deux de 55 à 60 heures. La Cour a déterminé que ces parties prestataires n’étaient pas au chômage. À cet égard, la Cour a déclaré ce qui suit concernant l’article 11(4) de la Loi sur l’AE :

L’objectif de cette disposition est clair : faire en sorte que seuls les travailleurs en situation d’interruption d’emploi puissent bénéficier d’indemnités temporaires, conformément à l’esprit d’un programme public d’assurance fondé sur la notion de risque social. Le travailleur qui est en congé en raison d’heures supplémentaires déjà travaillées ne subit pas une perte de revenu, peu importe qu’on lui verse ou non une rétribution durant ce congé; il ne se trouve pas en interruption d’emploi mais conserve son lien avec son employeur : voir Canada (Procureur général) c Foy, 2003 CAF 51 (CanLII), au para. 8 [Foy]. (paragraphe 21)

[18] La Cour dans l’arrêt Canada (PG) c Jean, précité, a également rejeté l’affirmation des parties prestataires selon laquelle il était normal pour les camionneurs de travailler de 55 à 60 heures par semaine, de sorte que l’exclusion ne devrait pas s’appliquer. La Cour a conclu que l’exclusion prévue à l’article 11(4) de la Loi sur l’AE ne peut pas être appliquée différemment, en fonction du nombre d’heures habituellement travaillées par des personnes employées à temps plein dans une industrie particulière. Cela créerait une disparité puisque l’article 11(4) de la Loi sur l’AE ne s’appliquerait pas uniformément et favoriserait des travailleurs œuvrant dans des domaines où les semaines de travail sont souvent plus longues au détriment de la majorité des travailleurs pour qui les semaines de travail sont plus courtes.

[19] J’estime que l’appelant travaillait plus d’heures que ne travaillent habituellement au cours d’une semaine des personnes employées à temps plein. L’appelant a déclaré que le trajet qu’il parcourait prenait entre 10,5 et 12 heures par jour, tout dépendant de la météo et des détours. Il était payé 72 heures de travail par semaine. Son employeur a fourni les mêmes renseignements à l’intimée. La loi ne définit pas à quoi correspondrait un nombre d’heures, de jours ou de quarts de travail à ceux normalement travaillés au cours d’une semaine par des personnes employées à temps plein. Toutefois, je suis convaincue que la majorité des personnes occupant un emploi à temps plein travaillent moins de 72 heures par semaine. Pour tirer cette conclusion, je note que les camionneurs dans l’arrêt Canada (PG) c Jean, précité, ne travaillaient que 55 à 60 heures par semaine, et la Cour était convaincue qu’ils travaillaient plus d’heures que ne travaillent des personnes employées à temps plein.

[20] J’estime que l’appelant avait également droit, selon une entente de travail conclue verbalement avec son employeur, à une semaine de congé pour compenser les heures supplémentaires travaillées la semaine précédente. L’appelant a déclaré qu’il travaillait selon l’horaire en alternance puisque l’autre camionneur et lui étaient en mesure de partager un camion. L’appelant a dit qu’il n’est autorisé à conduire le camion que 70 heures par semaine. De plus, il a expliqué que cet horaire fonctionne bien parce qu’il doit être sur la route du dimanche soir au vendredi soir, jusqu’à son retour à la maison le samedi matin. Selon lui, il serait vraiment épuisant de reprendre la route le dimanche soir, tout juste après avoir terminé une semaine de travail le samedi matin.

[21] J’estime que la situation de l’appelant est carrément identique à celle des parties prestataires dans l’arrêt Canada (PG) c Jean, précité, et je suis tenue d’appliquer le droit tel qu’il est énoncé dans ce cas. J’estime donc que l’appelant était censé avoir travaillé une semaine entière de travail au cours de ses semaines de congé prévues à compter du 6 août 2018, au titre de l’article 11(4) de la Loi sur l’AE. Par conséquent, il n’a pas prouvé qu’il était au chômage. Il est donc exclu du bénéfice des prestations à compter du 6 août 2018.

[22] Pour ce qui est de l’argument de l’appelant selon lequel sa situation ne diffère pas de celle des travailleurs de la construction, des équipes de voirie ou des autres travailleurs pouvant travailler pendant de longues périodes, puis ne pas travailler et toucher des prestations pendant cette période, alors qu’il existe une certaine similitude avec ces situations, le trait distinctif est que l’appelant travaille selon un horaire fixe nécessitant plus d’heures que ne travaillent habituellement au cours d’une semaine des personnes employées à temps plein. Il a également droit, selon une entente de travail conclue verbalement avec son employeur, à une semaine de congé après sa semaine de travail pour compenser les heures supplémentaires travaillées. Son horaire de travail et son congé compensatoire sont tels que l’appelant s’inscrit parfaitement dans le cadre des dispositions de l’article 11(4) de la Loi sur l’AE.

[23] Je suis consciente de la frustration de l’appelant quant au fait de croire qu’il a été injustement ignoré, alors que d’autres camionneurs se trouvant dans une situation semblable touchent des prestations d’AE pendant leurs périodes de congé. Toutefois, je peux seulement statuer sur l’affaire dont je suis saisie et je ne suis pas habilitée à formuler des commentaires sur l’admissibilité de ces autres personnes.

Conclusion

[24] L’appel est rejeté.

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparution :

Le 6 mars 2019

Téléconférence

K. A., appelant

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