Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli.

Aperçu

[2] L’appelante est une entraîneuse personnelle et compétitrice en condition physique qui a gagné des titres en compétition. Elle avait une entente avec X en tant qu’athlète commanditée faisant la promotion des produits nutritionnels X de façon ponctuelle. La Commission (intimée) a identifié X comme employeur de l’appelante parce qu’elle avait reçu de l’information et un relevé d’emploi de X. La principale question en litige porte sur l’existence d’une relation d’emploi entre l’appelante et X. Au moment où la relation entre l’appelante et X a pris fin en août 2017, l’appelante recevait des prestations d’assurance-emploi (AE) par suite de la fin de son emploi auprès de X plus tôt en 2017. Un an après que le lien d’emploi a pris fin, l’intimée a décidé que l’appelante n’était pas admissible aux prestations d’AE après août 2017, parce qu’elle avait quitté volontairement son emploi sans justification. Il en a résulté un trop-payé.

Questions préliminaires

[3] L’appelante n’avait pas reçu de copie du dossier d’appel, car le dossier avait été retourné au Tribunal le 11 janvier 2019 par le bureau de poste, avec la mention « non livré ». Le Tribunal l’a avisée par téléphone de la date d’audience. Elle a mentionné qu’elle voulait participer à l’audience. Elle n’avait pas vu le dossier d’appel avant le début de l’audience. J’ai passé en revue avec l’appelante la nature des documents du dossier d’appel (GD1 à GD6), et je lui ai donné l’occasion d’examiner les documents sauvegardés sur le disque dur de mon ordinateur portable (qui n’était pas connecté au VPN). En ma présence, à l’aide de l’écran de l’ordinateur portable qui était visible par nous deux, elle a examiné l’intégralité du dossier GD4, les observations de l’intimée et les déclarations de X à la Commission, ainsi qu’un message texte dans le dossier de révision. Elle a pris note des déclarations de X et du message texte pour y faire référence dans son témoignage. Elle ne souhaitait pas examiner d’autres documents. L’appelante a mentionné qu’elle était disposée à procéder avec l’audience plutôt que d’ajourner afin d’obtenir une copie du dossier et de l’examiner par la suite. Je lui ai offert la possibilité de consulter d’autres documents pendant l’audience si elle le souhaitait, mais elle n’a pas saisi cette occasion.

Questions en litige

[4] L’appelante était-elle à l’emploi de X? 2. L’appelante a-t-elle volontairement quitté son emploi auprès de X? 3. L’appelante était-elle fondée à quitter son emploi auprès de X?

Analyse

[5] Le fardeau de démontrer selon la prépondérance des probabilités que la prestataire a quitté son emploi volontairement revient à l’intimée; si l’intimée convainc le Tribunal que la prestataire a quitté volontairement son emploi, alors le fardeau de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que le départ était justifié reviendra à la prestataire (Canada (PG) c White, 2011 CAF 190).

[6] Au titre des articles 29 et 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi), la question adéquate à poser est celle de savoir s’il y avait « emploi exercé par la prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations » (art 29(a)). Le critère approprié est de définir les éléments de la relation existant entre la partie prestataire et l’employeur réputé, ce qui suppose de constater une forme d’emploi quelconque et l’existence d’une rémunération ou d’un avantage financier reçu ou devant être reçu en échange de la prestation de services. Le volet avantage financier ou rémunération du critère exige d’établir si la prestataire s’attendait à tirer un avantage financier de l’emploi, et non un avantage « quelconque » sans lien avec l’emploi (Canada (Procureur général) c Greey, 2009 CAF 296).

[7] Une personne qui offre des services bénévolement à une entreprise, mais qui ne touche pas de rémunération en contrepartie, n’est pas dans un lien d’emploi (Canada (PG) c Greey, 2009 CAF 296).

[8] « En vertu du paragraphe 30(1), la question de savoir si un employé a quitté volontairement son emploi est une question simple. La question qu’il faut se poser est la suivante : l’employé avait-il le choix de rester ou de partir? » (Canada (Procureur général) c Peace, 2004 CAF 56).

[9] Le critère à appliquer pour savoir si une personne est « fondée » à quitter son emploi est le suivant : selon la prépondérance des probabilités, et compte tenu de toutes les circonstances, est-ce que la seule solution raisonnable qui s’offrait à l’employée était de quitter son emploi? (Canada c White, 2011 CAF 190).

[10] Une liste non exhaustive de circonstances qui constituent une justification pour quitter son emploi est dressée à l’article 29(c) de la Loi. D’autres circonstances qui ne sont pas énumérées dans la liste peuvent aussi constituer une justification. L’article 29(c) de la Loi n’est ni limitatif ni exhaustif, mais les articles (i) à (xiv) énumèrent le genre de circonstances dont il faut tenir compte (Canada (PG) c Campeau, 2006 CAF 376).

[11] Le fait pour une personne de continuer de travailler jusqu’à ce qu’elle obtienne un autre emploi est généralement une solution de rechange raisonnable à la décision unilatérale de quitter un emploi (Canada (PG) c Graham, 2011 CAF 311).

[12] Seuls les faits qui existaient au moment où l’employé a quitté son emploi doivent être pris en compte pour évaluer si la justification a été prouvée (Canada (PG) c Lamonde, 2006 CAF 44).

[13] Bien que l’employée ait pu quitter un emploi parce qu’elle avait de bonnes raisons personnelles de le faire, ou pour ce qu’elle considère être un motif valable, cela n’est pas synonyme de justification au titre de l’article 29(c) de la Loi (Canada (PG) c Imran, 2008 CAF 17).

Question en litige no 1 : L’appelante était-elle à l’emploi de X?

[14] Le critère adéquat consiste à définir les éléments de la relation entre la prestataire at l’employeur prétendu, ce qui suppose de constater une certaine forme d’emploi et la présence d’un avantage financier ou d’une rémunération reçue ou à recevoir par la prestataire en échange de la prestation de services (Canada (PG) c Greey, 2009 CAF 296).

[15] L’appelante était à l’emploi de X.

[16] L’appelante est une entraîneuse personnelle et une compétitrice de condition physique qui a gagné des titres en compétition. Elle a commencé à travailler comme employée de X en 2014. Son emploi consistait à aider les clients à perdre du poids et à maintenir une bonne forme physique. Dans le cadre de ce travail, mais pas dans le cadre de ses responsabilités professionnelles pour X, elle recommandait aux clients des suppléments nutritionnels à consommer avant et après leurs séances d’entraînement. À l’origine, elle avait une entente avec X afin de recommander ses suppléments chez X. En 2015, X a ouvert un magasin à North Bay. Elle a mis fin à sa relation avec X et a conclu une entente avec X en tant qu’athlète commanditée faisant la promotion des produits X à son travail chez X. La relation entre l’appelante et X n’a jamais été consignée par écrit. À l’origine, l’entente avait pour but de faire la promotion des produits X à ses clients chez X et dans ses comptes de médias sociaux, en échange de quoi elle pouvait acheter les produits X au prix coûtant. Il n’a pas été question d’être payée par X. L’appelante a décrit la relation comme un partenariat, pas comme un emploi. Plus tard en 2015, ou en 2016, X lui a demandé de faire des démonstrations dans son magasin, lors d’un événement chez X, et dans le cadre d’une exposition. À ce moment, elle était devenue ambassadrice commanditée de la marque X, un fabricant de suppléments. Son entente avec X consistait faire la promotion de ses produits et à recevoir gratuitement des produits en retour. Par conséquent, les démonstrations qu’elle a faites pour X concernaient les produits X seulement, et non les autres produits vendus par X. X vendait aussi les produits X. Elle faisait ces tâches de façon ponctuelle, et ne s’attendait pas à être payée pour les accomplir ni de devenir une employée occasionnelle. Les démonstrations, à part celles qui ont été faites chez X, exigeaient que l’appelante se présente à un lieu spécifié par X afin de montrer et de promouvoir les produits X qui lui étaient fournis gratuitement et de donner des échantillons gratuits à des clients potentiels. La plupart des démonstrations avaient lieu au magasin X. Les démonstrations duraient une heure ou deux et avaient lieu une à trois fois par année. X a commencé à payer l’appelante en mai 2016 pour le temps qu’elle consacrait aux démonstrations. Elle était payée 20 $ de l’heure pour sa présence, bien qu’elle n’ait pas demandé à être payée. Elle considérait qu’il s’agissait d’un travail bénévole lui permettant de rencontrer des clients potentiels pour X où elle était payée à la commission pour les nouveaux clients qu’elle attirait et pour le temps qu’elle passait avec les clients pendant leurs séances dans les installations de X. Elle était libre de refuser une demande de X pour qu’elle fasse une démonstration. Elle n’avait pas l’obligation de respecter un nombre minimum de démonstrations ou une durée minimale de démonstration, ni des tâches spécifiques. Si elle acceptait de faire une démonstration, elle pouvait fixer les heures en fonction de son horaire avec les clients de X ou d’autres engagements. Elle n’a reçu aucune directive de X quant à la façon de faire son travail. Elle faisait les démonstrations dans ses temps libres, et elle risquait donc peu de perdre de l’argent.

[17] X a mis fin à l’emploi de l’appelante en février 2017. Compte tenu de la fin de cet emploi, elle n’avait plus l’occasion de promouvoir les produits à ses clients de X. Son époux, X, a aussi été congédié de X en février 2017. Il a aussi fait des démonstrations pour X, mais le paiement en échange du temps qu’il y consacrait a été fait à l’appelante, et non à X. Après avoir été congédiée de X, l’appelante a continué à faire des démonstrations pour X à leur magasin et à apprendre au sujet des produits X. Elle a notamment participé à deux séminaires distincts de deux heures au cours de l’été 2017 avec X pour en apprendre au sujet des produits X à Sudbury. Pendant l’été 2017, X a commencé à mettre sur pied une entreprise afin de distribuer des suppléments nutritionnels pour un autre fabricant. L’appelante a aidé X à mettre son entreprise sur pied. L’appelante a perdu sa commandite avec X en août 2017. En décembre 2017, l’entreprise de X a fermé. C’est l’engagement potentiel de l’appelante dans cette entreprise qui l’a menée à la fin de sa relation avec X. L’entreprise de X aurait été en concurrence directe avec X. Elle ne pouvait donc pas poursuivre la relation avec X.

[18] En ce qui concerne les paiements de X, l’appelante a affirmé qu’elle avait d’abord été payée par chèque. X a changé le mode de paiement pour le dépôt direct dans le compte bancaire de l’appelante parce que les paiements devaient transiter par le système de rémunération. L’appelante n’a jamais reçu de talon de chèque et n’était pas certaine si les prélèvements avaient été faits. Le relevé d’emploi de X montrait les montants bruts qui avaient été payés, tous en multiples de 20 $ l’heure. À la suite de l’audience, l’appelante a comparé les six montants figurant sur le relevé d’emploi avec ses relevés bancaires pour la période de paye en question. Elle a envoyé les résultats au Tribunal, en mentionnant que les dépôts bancaires correspondaient aux montants bruts indiqués pour chaque période de paye sur le relevé d’emploi.

[19] L’intimée a obtenu auprès de X la preuve sur laquelle il s’appuie pour faire valoir l’existence d’un lien d’emploi. X a affirmé avoir embauché l’appelante comme employée occasionnelle sur appel qui travaillait pendant quelques heures toutes les fois qu’il l’appelait. Elle était rémunérée pour ce travail. X a confirmé que l’appelante travaillait de façon ponctuelle pour faire des démonstrations, et qu’elle était une athlète commanditée pour X qui recevait des produits gratuits de cette marque. Le relevé d’emploi montrait que le premier jour de travail était le 1er mai 2016 et que la raison de l’émission du relevé d’emploi était le [traduction] « départ ».

[20] D’après cet élément de preuve, l’appelante avait reçu une rémunération de X de deux façons. Premièrement, elle a reçu des produits de X au prix coûtant dès le début de la relation. Deuxièmement, elle a été payée pour les heures où elle a fait des démonstrations, à partir du 1er mai 2016. Le deuxième volet du critère de l’arrêt Greey est rempli.

[21] La question la plus difficile est celle de savoir si le premier volet du critère de l’arrêt Greey est rempli. Ce volet exige une certaine forme d’emploi. Les articles 29(a) et 30(1) de la Loi (à l’exception de l’article 30(1)(a)) font référence à « tout emploi » [ou à « un emploi »] plutôt qu’à « emploi assurable ». L’article 2 de la Loi définit le mot « emploi » comme « le fait d’employer ou l’état d’employé ». Il s’agit de la principale définition du dictionnaire anglais Oxford, version abrégée, 6e édition, 2007. Il n’y a pas de définition dans la Loi ou dans le dictionnaire de la phrase « l’état d’employé ». L’article 2 de la Loi définit « emploi assurable » en faisant référence à l’article 5 de la Loi, et sa définition du mot « assuré » inclut une « personne qui exerce ou a exercé un emploi assurable ». Pour être admissible aux prestations d’AE au titre de la Loi, une partie prestataire doit être assurée, c’est-à-dire une personne qui exerce un emploi assurable (Loi, article 7(1)). Au titre de l’article 5(1)(a) de la Loi, est un emploi assurable l’emploi exercé pour un employeur aux termes d’un contrat de louage de services. Le contrat de louage de services se distingue d’un contrat pour services, qui n’est pas un emploi assurable. Le contrat de louage de services est le lien traditionnel employeur-employé; le contrat pour services fait habituellement référence à la relation avec un entrepreneur indépendant. Les deux types de lien sont compris dans le terme général « tout emploi » ou [« un emploi »] utilisé aux articles 29(a) et 30(1) de la Loi. Le critère pour déterminer quel type de contrat détient une personne est celui de savoir si la personne exécute des services en tant qu’entreprise à son propre compte (contrat pour des services) ou pas en tant qu’entreprise à son compte (contrat de louage de service) (671122 Ontario Ltd. c Sagaz Industries Canada Inc, 2001 CSC 59). Le critère pour distinguer les deux types de contrats repose essentiellement sur les facteurs suivants : le degré de contrôle exercé sur la personne qui fournit les services; si la personne fournit son propre équipement et son personnel; et si la personne assume le risque de pertes ou si elle peut tirer profit de ces activités.

[22] D’après les éléments de preuve en l’espèce, le lien de l’appelante avec X constituait un contrat pour services, et n’était donc pas un emploi assurable, mais tout de même un emploi au sens des définitions des articles 29(a) et 30(1) de la Loi. En ce qui concerne le premier facteur, le degré de contrôle exercé par X, la preuve de l’appelante montre, dans l’ensemble, un manque de contrôle et de directives de X. Elle faisait la promotion des produits X chez X et sur ses propres comptes de médias sociaux sans directives de X. Elle n’avait l’obligation d’assister à aucune des démonstrations, puisqu’elle pouvait refuser en tout temps une demande de X pour qu’elle y assiste. Elle ne recevait pas de directives quant à la façon de faire les démonstrations. Elle n’était pas tenue de travailler un nombre minimum d’heures ni de faire un nombre minimum de démonstrations. Elle pouvait quitter une démonstration à tout moment, mais serait payée seulement pour le temps où elle avait été présente. Les seuls éléments qui donnent à penser qu’il y avait un certain contrôle étaient le fait que X désignaient des lieux à l’extérieur de X et fournissaient les produits à utiliser dans les démonstrations, à moins que l’appelante n’apporte les produits qui lui étaient fournis gratuitement par X. La question de la désignation du lieu est compatible avec un emploi traditionnel ou avec le statut d’entrepreneur indépendant. Le fait que X fournissait les produits était plus conforme à un lien d’emploi traditionnel. Concernant le deuxième facteur, soit la question de savoir si la personne fournit son propre équipement et son personnel, l’appelante ne fournissait pas d’équipement, car une table pour présenter les produits était fournie par la salle. L’appelante a fourni un membre du personnel, son époux X. Il n’était pas payé séparément par X en échange du temps qu’il consacrait aux démonstrations ou aux salons avec l’appelante. Son travail était inclus dans les montants payés à l’appelante. Cela montre un lien de contrat pour services. Si l’appelante avait travaillé aux termes d’un contrat de service, elle n’aurait pas reçu de paye pour une autre personne travaillant avec elle. En ce qui concerne le troisième facteur, soit la question de savoir si la personne assume le risque de pertes ou à l’occasion de tirer profit des activités, le risque de pertes était minimal dans ce scénario, puisque l’appelante engageait peu de dépenses, et ne serait donc pas dans une situation de perte relativement au revenu. En ce qui concerne l’occasion de tirer profit, l’appelante avait cette occasion en raison de la commission payée par X pour les nouveaux clients qu’elle recrutait pour X. De plus, lorsqu’elle était à l’emploi de X, et par la suite, l’appelante avait l’occasion de tirer profit des ventes directes des produits gratuits X ou des ventes de produits à tarif réduit de X. En ce qui concerne les autres facteurs à l’appui du fait que l’appelante avait un contrat pour services, il n’y avait pas de déduction sur les montants qui lui étaient payés par X pour l’impôt sur le revenu, le RPC ou l’AE. De plus, pendant qu’elle travaillait avec X, l’appelante a conclu une entente de commandite avec X. Cette entente a été conclue à son propre compte et non suivant la directive de X.

[23] La vaste portée de l’article 30(1) de la Loi, qui s’applique à « un emploi » renferme à la fois le contrat de louage de service et le contrat pour services. Cela est confirmé par la référence, à l’article 30(1)(a), à un emploi assurable en ce qui concerne l’admissibilité aux prestations d’AE dans l’avenir, par opposition à la phrase « un emploi » dans l’introduction de l’article 30(1). Par conséquent, le lien entre l’appelante et X, soit un contrat pour services, est inclus dans l’expression « tout emploi » [et « un emploi »] aux articles 29(a) et 30(1) de la Loi. Le premier volet du critère de l’arrêt Greey a été rempli.

[24] Puisque les deux volets du critère de l’arrêt Greey ont été satisfaits, on peut établir que l’appelante détenait un emploi avec X.

Question en litige no 2 : L’appelante a-t-elle quitté volontairement son emploi auprès de X?

[25] L’employée avait-elle le choix de rester ou de partir? (Canada (Procureur général) c Peace, 2004 CAF 56). A-t-elle choisi de partir?

[26] L’appelante avait le choix de partir, et elle a initié la fin de son emploi.

[27] L’époux de l’appelante mettait sur pied une entreprise qui ferait concurrence à X. Elle aidait son époux. L’appelante a décidé qu’il n’était pas approprié pour elle de poursuivre la relation avec X compte tenu de l’entreprise de son époux. Elle a donc mis fin à la relation avec X, plutôt que X mette fin à la relation. Cette action de l’appelante constituait un départ volontaire.

Question en litige no 3 : L’appelante était-elle fondée à quitter son emploi auprès de X?

[28] Le critère à appliquer pour savoir si une personne est « fondée » à quitter son emploi est celui de savoir si, selon la prépondérance des probabilités et compte tenu de toutes les circonstances, la seule solution raisonnable qui s’offrait à l’employée était celle de quitter son emploi? (Canada (PG) c White, 2011 CAF 190).

[29] L’appelante était fondée à quitter son emploi.

[30] L’appelante a invoqué comme justification l’article 29(c)(ix) de la Loi, modification importante des fonctions. Dans son avis d’appel, l’appelante fait référence à des [traduction] « changements importants aux modalités et conditions de mon ancien emploi », de manière qu’elle « ne pouvait plus offrir le même service qui avait été convenu avec l’employeur ». Elle a aussi fait référence à la perte de son emploi auprès de X, de manière qu’elle n’avait plus d’endroit où faire ses démonstrations... ni de produits à essayer. Rien n’était pareil. Tout avait changé. C’est une justification... ». Cette observation n’est pas recevable. La modification importante des fonctions doit être initiée par l’« employeur », soit X, en l’espèce. Les modifications sur lesquelles l’appelante s’appuie n’ont pas été initiées par X, mais plutôt par X et par X. Les fonctions avec X sont demeurées inchangées par suite de la perte de X et de X. Les fonctions avec X exigeaient de l’appelante qu’elle participe à des démonstrations commanditées par X afin de promouvoir les produits vendus par X. Ces fonctions n’ont pas changé. Le motif d’une modification importante des fonctions pour appuyer la justification n’est pas prouvé.

[31] Compte tenu des faits en l’espèce, la justification était fondée sur la participation de l’appelante à l’entreprise de distribution de son époux. Le common law reconnaît maintenant une obligation applicable à tous les contrats, l’obligation d’exécution honnête, qui oblige les parties à faire preuve d’honnêteté l’une envers l’autre dans le cadre de l’exécution de leurs obligations contractuelles (Bhasin c Hrynew, 2014 CSC 71). L’entreprise de l’époux aurait été en concurrence directe avec X, puisque les deux entreprises œuvraient dans le domaine de la distribution de suppléments alimentaires. L’appelante ne pouvait pas poursuivre de façon honnête ses obligations contractuelles avec X tout en aidant un concurrent direct. Elle aurait aussi été en conflit d’intérêts entre l’obligation qu’elle avait envers X de promouvoir ses produits tout en ayant en même temps à tout le moins un intérêt financier indirect dans le succès de l’entreprise concurrente de son époux. Dans ces circonstances, l’appelante n’avait d’autre solution raisonnable que celle de quitter son emploi. Le fait que l’entreprise de son époux a fermé en décembre 2017 n’est pas pertinent, puisque l’appelante a quitté son emploi en août 2017. Seuls les faits qui existaient au moment où l’employée a quitté l’emploi doivent être pris en compte pour évaluer si la justification a été démontrée (Canada (PG) c Lamonde, 2006 CAF 44).

Conclusion

[32] L’appel est accueilli.

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 17 janvier 2019

En personne

M. A., appelante

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