Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est rejeté. L’appelante n’a pas prouvé qu’une explication raisonnable justifiait le retard ni qu’elle avait l’intention constante de demander une révision.

Aperçu

[2] L’appelante a présenté une demande initiale de prestations d’assurance-emploi (AE) le 1er février 2018 et une demande subséquente le 9 avril 2018. Le 27 avril 2018, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (intimée) a envoyé une lettre à l’appelante l’informant qu’elle était exclue du bénéfice des prestations à partir du 9 avril 2018 parce qu’elle n’avait pas démontré qu’elle était disponible pour travailler, en ne répondant pas à la demande de renseignements de l’intimée. La lettre a informé l’appelante qu’elle avait 30 jours pour présenter une demande de révision si elle n’était pas d’accord avec la décision. Le 7 novembre 2018, l’appelante a présenté une demande de révision. L’intimée a rejeté la demande de l’appelante parce qu’elle a déterminé que l’appelante n’avait pas démontré une intention persistante et donné une explication raisonnable pour justifier le retard. L’appelante a interjeté appel de la décision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

Question en litige

[3] L’appelante a-t-elle présenté sa demande de révision en retard?

[4] L’intimée a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a rejeté la demande de l’appelante d’une prorogation du délai de 30 jours pour présenter une demande de révision?

Analyse

[5] Si l’intimée a refusé la prorogation de délai pour demander une révision au titre de l’article 1 du Règlement sur les demandes de révision (Règlement sur la révision), la seule question que je dois trancher est celle de savoir si l’intimée a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire en refusant la prorogation du délai. La question de la disponibilité de l’appelante n’est pas une question que je dois trancher. Je peux seulement intervenir s’il a été déterminé que l’intimée n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire.

[6] Je dois d’abord déterminer si la demande de l’appelante d’une prorogation du délai pour présenter une demande de révision a bel et bien été présentée en retard. Un ou une prestataire peut demander la révision par l’intimée d’une décision dans les 30 jours suivant la date à laquelle la décision lui a été communiquée, conformément à l’article 112(1)(a) de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE).

Question en litige no 1 : L’appelante a-t-elle présenté sa demande de révision en retard?

[7] Oui, je constate que l’appelante a présenté sa demande de révision après l’échéance du délai de 30 jours. L’appelante a admis qu’elle n’avait pas présenté sa demande de révision dans les 30 jours suivant la date à laquelle l’intimée lui a communiqué sa décision. Je constate que l’appelante a présenté sa demande de révision avec un retard de 164 jours après l’échéance du délai de 30 jours.

[8] L’intimée a la responsabilité de communiquer aux appelants les décisions qui concernent leurs demandes de prestations d’AE. Il revient à l’intimée de prouver que l’appelante a reçu cette communication (Bartlett c Canada (Procureur général), 2012 CAF 230).

[9] L’appelante a reconnu que l’intimée l’avait informée oralement de sa décision le 13 avril 2018 et elle a reçu la décision écrite datée du 27 avril 2018, autour du 5 mai 2018. L’appelante a présenté une demande de révision datée du 29 octobre 2018 que l’intimée a reçue le 7 novembre 2018, soit après l’échéance du délai de 30 jours.

Question en litige no 2 : L’intimée a-t-elle exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a rejeté la demande de l’appelante d’une prorogation du délai de 30 jours pour présenter une demande de révision?

[10] Oui, j’estime que l’intimée a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a rejeté la demande de prorogation du délai de 30 jours de l’appelante. J’estime que l’intimée a tenu compte des raisons du retard et de la question de savoir si une intention persistante avait été démontrée.

[11] Lorsqu’une demande de révision est présentée après le délai de 30 jours, l’intimée a le pouvoir discrétionnaire d’accorder ou non une prorogation du délai pour demander une révision. Je vais maintenant déterminer si la décision de l’intimée de refuser à l’appelante la prorogation du délai pour demander une révision a été rendue de manière judiciaire.

[12] Une décision rendue par l’intimée concernant une prorogation du délai pour présenter une demande de révision est discrétionnaire (Daley c Canada (Procureur général), 2017 CF 297). Par conséquent, la décision de l’intimée peut seulement être modifiée si cette dernière n’a pas exercé son pouvoir de façon judiciaire (Canada (Procureur général) c Knowler, A-445-05). Un pouvoir discrétionnaire n’est pas exercé de façon judiciaire si l’on parvient à établir que le décideur a agi de mauvaise foi ou dans un but ou pour un motif irrégulier, qu’il a pris en compte un facteur non pertinent ou ignoré un facteur pertinent ou qu’il a agi de manière discriminatoire (Canada (Procureur général) c Purcell, 1 CF 644).

[13] Pour accorder une prorogation de délai afin de présenter une demande de révision au titre de l’article 1(1) du Règlement sur la révision, l’intimée doit être convaincue que les deux facteurs suivants sont respectés avant d’accorder la prorogation :

  1. a) l’appelante doit démontrer qu’elle a une explication raisonnable pour justifier son retard à présenter sa demande;
  2. b) elle doit démontrer l’intention persistante de demander une révision.

[14] De plus, si la demande est présentée plus de 365 jours après le jour où la décision a été communiquée à la personne, l’intimée doit également être convaincue de ce qui suit :

  1. c) la demande de révision a des chances raisonnables de succès;
  2. d) l’autorisation du délai supplémentaire ne lui porte pas préjudice ni d’ailleurs à aucune autre partie.

[15] En l’espèce, le retard est de 164 jours et je vais déterminer ce qui suit :

a) L’appelante avait-elle une explication raisonnable pour justifier son retard?

[16] Non, l’appelante n’a pas raisonnablement expliqué son retard. Je ne peux admettre que l’affirmation de l’appelante selon laquelle elle s’est découragée et y a seulement renoncé constitue une explication raisonnable. L’appelante a admis qu’aucune autre circonstance ne l’avait empêchée de communiquer avec Service Canada. Surtout qu’elle a confirmé qu’elle avait reçu la lettre avant l’échéance du délai de 30 jours.

[17] J’accepte que l’appelante a présenté sa demande de révision le 7 novembre 2018, après avoir communiqué avec Service Canada à un autre sujet. Toutefois, je ne suis pas convaincue que quoi que ce soit a empêché l’appelante d’avoir de l’initiative après avoir reçu la décision découlant de la révision le 5 mai 2018, ou autour de cette date, qui se trouvait toujours dans le délai de 30 jours au cours duquel elle pouvait présenter sa demande.

[18] Dans son témoignage, l’appelante a affirmé qu’elle avait reçu un message vocal de la part d’une agente ou un agent de Service Canada autour du 10 avril 2018 qui lui demandait de fournir des renseignements sur sa recherche d’emploi entre février et avril 2018. Elle a déclaré qu’elle avait rappelé autour du 13 avril 2018 et que la personne au bout du fil lui avait dit que son dossier était fermé, qu’elle pouvait se rendre à l’édifice Harry Hays (bureau de Service Canada) et qu’elle avait 30 jours pour demander une révision. Elle a affirmé qu’elle s’était rendue à Service Canada, mais que personne ne savait de quel formulaire elle avait besoin. Elle a soutenu qu’elle avait appelé à quelques reprises, mais personne ne semblait savoir de quel formulaire elle avait besoin.

[19] Dans son témoignage, l’appelante a affirmé que la lettre de l’intimée était datée du 27 avril 2018, mais qu’elle l’avait reçu seulement le 5 mai. Elle a soutenu que la lettre l’avisait qu’elle avait été exclue du bénéfice des prestations à partir du 9 avril; les 30 jours étaient donc presque passés et elle a présumé qu’elle ne pourrait respecter le délai de 30 jours; elle était découragée et y a renoncé.

b)  L’appelante a-t-elle démontré l’intention persistante de demander une révision?

[20] Non, je ne suis pas d’avis que l’appelante a démontré une intention persistante de demander une révision. L’appelante a admis qu’elle n’a jamais tenté de communiquer avec Service Canada et de demander une révision concernant la question de la disponibilité, même après avoir reçu la lettre le 5 mai 2018 ou autour de cette date.

[21] Je suis convaincue que l’appelante n’a pas démontré une intention persistante de demander une révision, car elle a affirmé qu’elle avait simplement renoncé à cette idée et qu’elle a présenté la demande après avoir communiqué avec Service Canada à propos d’une autre affaire, de nombreux mois plus tard.

[22] L’appelante a déclaré qu’au cours de l’été, elle avait appelé Service Canada pour savoir si des programmes offraient de la formation. Elle a déclaré que, durant cette conversation, elle avait expliqué la situation qu’elle avait vécue en lien avec l’AE, et que la personne l’avait informée qu’elle pouvait essayer de demander une révision et avoir la possibilité d’être admissible au bénéfice des prestations à partir d’avril. Elle a affirmé que la personne n’avait pas la certitude qu’elle serait admissible, mais qu’une demande pour obtenir des formulaires de révision serait faite. L’appelante a soutenu qu’elle avait parlé à la personne en septembre. Elle a affirmé que, après avoir reçu les formulaires, elle avait présenté sa demande de révision.

[23] J’accepte les renseignements de l’intimée qui appuient le fait que l’appelante n’a pas démontré une intention persistante. L’intimée a informé l’appelante que, selon les renseignements au dossier, elle a appelé Service Canada le 3 octobre 2018 et que rien ne démontrait qu’il y avait eu des échanges entre elle et Service Canada entre février et le 3 octobre 2018. Selon les renseignements, elle a informé Service Canada d’un changement d’adresse le 3 octobre 2018 et on lui a alors envoyé les formulaires concernant la révision. Service Canada a reçu la demande le 7 novembre 2018, soit 164 jours après l’échéance du délai de 30 jours.

[24] L’appelante a confirmé qu’entre le 5 mai 2018 et le moment où elle a communiqué avec Service Canada en septembre 2018, elle n’a fait aucune autre tentative de communiquer avec Service Canada. L’appelante a confirmé qu’elle avait reçu et présenté les formulaires concernant la révision en octobre 2018.

[25] La demande de révision de l’appelante est datée du 29 octobre 2018 et Service Canada l’a reçue le 7 novembre 2018. L’appelante a précisé qu’on l’avait informée oralement de la décision le 13 avril 2018 et que la lettre était datée du 27 avril 2018. Elle a confirmé qu’elle a reçu la lettre autour du 5 mai.

[26] L’appelante a déclaré qu’elle croit avoir été traitée injustement, car elle a fait tout ce qu’elle devait faire. Elle a affirmé qu’elle avait été surprise que son dossier soit fermé de manière prématurée. Elle a soutenu qu’elle n’a reçu aucune directive de Service Canada et qu’elle aurait été en mesure de fournir des renseignements sur sa recherche d’emploi.

[27] J’ai évalué l’argument de l’appelante, mais je ne suis pas d’avis qu’elle a été traitée injustement, qu’elle a fait tout ce qu’elle devait faire ni qu’elle n’a reçu aucun soutien ou aucune directive.

[28] J’estime que, compte tenu de son témoignage, son argument ne peut être admis. J’estime que son témoignage démontre autre chose, car elle a été avisée oralement à au moins deux reprises et une fois par écrit, et cela au cours de la période du délai de 30 jours, qu’il lui faudrait demander une révision, mais c’est elle qui s’est découragée et a décidé d’y renoncer.

[29] Je ne suis pas tenue de me pencher sur la question de la disponibilité de l’appelante. Je peux seulement intervenir s’il a été déterminé que l’intimée n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire, et j’ai estimé que ce n’était pas le cas.

Conclusion

[30] Je conclus que la demande de prorogation du délai de 30 jours pour présenter une demande de révision au titre de l’article 112(1) de la Loi sur l’AE est rejetée.

[31] L’appel est rejeté.

 

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 19 février 2019

Téléconférence

B. H., appelante

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