Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli. La prestataire a prouvé qu’elle était fondée à quitter volontairement son emploi.

Aperçu

[2] La prestataire est une étudiante universitaire qui a occupé deux emplois en même temps au cours de l’été 2018. La prestataire a démissionné d’un de ses emplois parce qu’elle ne pouvait les occuper tous les deux alors qu’elle était aux études. La prestataire a aussi reçu une orientation vers la formation de la part du programme Connexion Nouveau-Brunswick Assurance-Emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a exclu la prestataire du bénéfice des prestations d’assurance-emploi (AE) parce qu’elle a déterminé qu’elle avait quitté volontairement son emploi sans justification. La Commission a maintenu sa décision après révision. La prestataire interjette appel de la décision devant le Tribunal de la sécurité sociale, soutenant qu’elle était fondée à quitter son emploi parce qu’elle avait l’assurance raisonnable qu’elle pourrait continuer à occuper son deuxième emploi.

Questions en litige

[3] Question en litige no 1 : La prestataire a-t-elle volontairement quitté son emploi?

[4] Question en litige no 2 : Le cas échéant, la prestataire était-elle fondée à quitter volontairement son emploi?

Analyse

[5] L’objectif de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE) est d’indemniser les personnes qui ont perdu leur emploi de manière involontaire et qui se retrouvent sans travailNote de bas de page 1.

[6] Une partie prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’AE si elle a quitté volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 2. La partie prestataire est toutefois fondée à quitter volontairement son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, le départ constitue la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 3.

[7] Il incombe à la Commission de démontrer que le départ était volontaire puis, une fois que ce fait a été établi, il incombe à la prestataire de démontrer qu’elle était fondée à quitter son emploi. En l’espèce, le fardeau de la preuve correspond à la prépondérance des probabilités, ce qui signifie qu’il doit être « plus probable qu’improbable » que les événements aient eu lieu de la manière décrite.

Question en litige no 1 : La prestataire a-t-elle volontairement quitté son emploi?

[8] Le critère juridique à utiliser pour déterminer si une partie prestataire a quitté volontairement son emploi est d’établir si elle avait le choix de conserver ou de quitter son emploiNote de bas de page 4.

[9] Dans son témoignage, la prestataire a affirmé qu’elle avait démissionné de son emploi de commis de pharmacie pour travailler dans un cabinet de médecin. La prestataire a expliqué, comme elle l’avait fait durant le processus de révision, qu’elle avait occupé deux emplois en même temps et qu’elle savait qu’elle ne pourrait continuer de cette façon à son retour aux études. Au cabinet de médecin, on lui a offert de continuer de l’employer à la fin de son contrat d’été. Elle a donc démissionné de son emploi à la pharmacie pour travailler pour le cabinet de médecin. Malheureusement, cet emploi ne s’est pas concrétisé et la prestataire s’est retrouvée au chômage.

[10] J’estime que la prestataire a quitté volontairement son emploi à la pharmacie, car elle a admis qu’elle avait choisi de quitter un poste où elle pouvait continuer à être employée.

Question en litige no 2 : La prestataire était-elle fondée à quitter volontairement son emploi?

[11] Une partie prestataire est fondée à quitter volontairement son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, j’estime qu’il est plus probable qu’improbable que son départ constituait la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 5.

[12] Toutefois, le terme [traduction] « être fondé » n’est pas synonyme d’ [traduction] « avoir une raison valable ». La question n’est pas de savoir s’il était raisonnable de la part de la prestataire de quitter son emploi, mais bien de savoir si son départ constituait la seule solution raisonnable qui s’offrait à elle, compte tenu de toutes les circonstancesNote de bas de page 6.

[13] La Commission soutient que la prestataire disposait d’autres solutions raisonnables plutôt que de démissionner de son emploi à la pharmacie, comme choisir de continuer de travailler à la pharmacie pendant ses études, s’assurer d’avoir un emploi au cabinet de médecin avant de démissionner de la pharmacie ou obtenir une orientation vers la formation et une autorisation de quitter son emploi avant de démissionner. La prestataire a fait valoir que son départ de la pharmacie constituait la seule solution raisonnable parce qu’elle ne pouvait pas occuper deux emplois pendant qu’elle était aux études, elle avait l’assurance raisonnable qu’elle pourrait occuper son emploi au cabinet de médecin et elle avait été orientée vers la formation par une autorité désignée.

[14] La prestataire a présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi le 16 septembre 2018, à partir du 2 septembre 2018. Elle a travaillé comme commis de pharmacie du 27 septembre 2016 au 27 août 2018, lorsqu’elle a démissionné. Dans sa demande initiale, la prestataire a affirmé qu’elle avait démissionné pour continuer ses études et lorsqu’elle a parlé à une agente ou un agent de la Commission le 29 octobre 2018, elle a déclaré qu’elle avait démissionné « pour aller à l’école » [en français dans l’original]. Dans sa demande de révision, la prestataire a déclaré qu’elle occupait un deuxième emploi dans un cabinet de médecin en même temps qu’elle travaillait à la pharmacie, et que son deuxième employeur lui avait offert de la garder après la fin de son contrat d’été et de lui donner le même nombre d’heures de travail qu’à la pharmacie. La prestataire a affirmé qu’elle avait discuté avec la médecin qui administrait le cabinet pendant qu’elle y travaillait à l’été, et qu’on lui avait dit que le cabinet aimerait continuer de l’employer pendant qu’elle était aux études. Elle a répété que la médecin lui avait dit qu’elle lui offrirait le même nombre d’heures de travail que la prestataire avait à son autre emploi, et lui avait dit que le cabinet de médecin lui offrirait une meilleure expérience de travail du point de vue des objectifs de carrière de la prestataire. Dans son témoignage, la prestataire a soutenu qu’elle avait dit à la médecin, son employeuse, qu’elle aimerait faire cela, et qu’elle avait décidé de quitter son emploi de commis de pharmacie pour rester au cabinet de médecin.

[15] Dans l’avis d’appel, la prestataire a affirmé qu’elle avait expliqué à de nombreuses reprises que la raison pour laquelle elle avait quitté son emploi à la pharmacie était qu’on lui avait offert l’occasion de continuer à travailler au cabinet de médecin. Elle a ajouté qu’elle voulait devenir médecin, et qu’elle avait choisi de rester à l’emploi du cabinet de médecin plutôt que de la pharmacie parce qu’il s’agissait d’une expérience de travail plus directe. Elle a affirmé qu’elle ne pouvait pas occuper les deux emplois pendant qu’elle était aux études, qu’on lui avait dit qu’on lui offrirait le même nombre d’heures que ce qu’on lui donnait à la pharmacie, et qu’elle avait donc démissionné de la pharmacie pour conserver l’autre emploi. La prestataire a déclaré qu’elle n’avait jamais eu l’intention d’être au chômage, même si c’est ce qui est arrivé parce que le cabinet de médecin ne lui a offert aucune heure de travail après la fin du contrat d’été et qu’elle a été licenciée quelques jours après avoir démissionné de la pharmacie.

[16] La Commission soutient que la prestataire fait [traduction] « maintenant » valoir qu’on lui a offert de continuer à travailler pour le cabinet de médecin, mais qu’elle croit que les premières affirmations que la prestataire a fournies spontanément et de façon continue au cours du processus de demande sont plus crédibles. La Commission soutient que la prestataire a affirmé à de nombreuses reprises qu’elle avait démissionné pour aller à l’école et qu’elle avait confirmé durant le processus de révision qu’on ne lui avait jamais dit qu’elle pourrait continuer d’être employée au cabinet de médecin, seulement qu’elle avait [traduction] « l’espoir » que ce serait le cas, même si elle savait qu’il ne s’agissait que d’un emploi d’été. La Commission fait valoir que, selon le droit, davantage de poids doit être accordé aux déclarations initiales plutôt qu’aux déclarations faites à la suite d’une décision défavorable à l’endroit de la partie prestataireNote de bas de page 7.

[17] J’estime que la Commission a mal interprété le principe de droit de l’arrêt Bellefleur. Cette décision n’appuie pas l’argument de la Commission, mais plutôt le principe selon lequel le Tribunal doit trancher, en présence d’éléments de preuve contradictoires, quels éléments il préfère et doit expliquer pourquoi c’est le casNote de bas de page 8.

[18] Je constate que dans sa demande de prestations d’AE initiale, la prestataire a déclaré qu’elle préférait recevoir un service en anglais à l’écrit, mais en français à l’oral. L’audience a été tenue en anglais et, bien que les compétences de la prestataire dans cette langue soient grandes, elle a demandé que certaines des questions lui soient répétées et expliquées. Dans son témoignage, la prestataire a affirmé qu’il devait y avoir eu un malentendu entre elle et la Commission, parce que le cabinet de médecin lui avait offert de continuer à travailler, et c’est la raison pour laquelle elle a démissionné de son emploi à la pharmacie. J’ai examiné le dossier et j’ai constaté que lors des premières conversations téléphoniques avec la Commission, l’agente ou l’agent et la prestataire ont parlé en français. Puis, dans la conversation du 9 janvier 2019, l’agente ou l’agent et la prestataire ont parlé en anglais. Cela est pertinent parce que la prestataire a mentionné pendant l’audience qu’un malentendu avait dû se produire, et la communication à cette date ne s’était pas déroulée dans sa langue de préférence.

[19] Les notes de la Commission pour la conversation téléphonique du 9 janvier 2019 mentionnent que la prestataire a dit qu’elle avait quitté son emploi à la pharmacie parce qu’elle retournait à l’école, et qu’elle avait occupé deux emplois durant l’été, mais qu’elle savait qu’elle ne serait [traduction] « jamais capable d’occuper deux emplois à temps partiel pendant qu’elle allait à l’école. » Les notes mentionnent que la prestataire a affirmé que, concernant le deuxième emploi, soit celui dans le cabinet de médecin, elle avait [traduction] « l’espoir qu’il durerait plus longtemps, mais cela n’a pas fonctionné et elle a été licenciée » quelques jours après avoir démissionné de la pharmacie. Les notes de la Commission mentionnent que la prestataire a dit qu’on ne lui avait jamais dit qu’elle pourrait garder son emploi au cabinet de médecin et qu’elle savait qu’il ne s’agissait que d’un emploi d’été. Les notes de la Commission mentionnent aussi que la prestataire a affirmé qu’elle ne voulait pas continuer de travailler à la pharmacie parce que ses études étaient plus importantes et que cet emploi n’avait pas de lien avec son champ d’études.

[20] J’estime, selon la prépondérance des probabilités, qu’un malentendu s’est produit entre la prestataire et la Commission concernant la question de déterminer si elle avait reçu l’offre de continuer à être employée au cabinet de médecin. Que ce soit ou non en raison de la langue, la prestataire a été mal comprise. Durant la conversation téléphonique du 19 janvier 2019, la prestataire a affirmé à la Commission qu’elle ne serait pas capable d’occuper deux emplois pendant qu’elle allait à l’école; elle était donc clairement préoccupée par la question d’occuper deux emplois alors qu’elle suivait un programme d’études. J’estime que, selon la prépondérance des probabilités, la prestataire avait l’intention de continuer à travailler pour le cabinet de médecin et que l’employeur le lui a offert. Je préfère la preuve de la prestataire sur ces points parce qu’elle m’a été fournie directement, dans son témoignage, et ne m’est pas rapportée à travers la lunette de l’agente ou l’agent de la Commission.

[21] Bien que je sois d’accord avec la Commission sur le fait que la prestataire a déclaré à de nombreux endroits qu’elle avait quitté son emploi à la pharmacie pour aller à l’école, je suis d’avis qu’elle a démissionné parce qu’elle pouvait conserver seulement un emploi pendant qu’elle était aux études et qu’elle préférait le cabinet de médecin. La prestataire a bel et bien démissionné de la pharmacie parce qu’elle retournait à l’école, mais aussi parce qu’elle pouvait occuper un autre emploi et qu’elle a choisi de continuer à occuper cet emploi. Étant donné que la prestataire avait toutes les raisons de croire que son emploi dans le cabinet de médecin continuerait, elle était fondée à quitter son autre emploiNote de bas de page 9.

[22] Bien que la prestataire a été orientée vers la formation, la question en litige consiste à déterminer si elle était fondée à quitter volontairement son emploi à la pharmacie. Lorsque la prestataire a avisé son employeur qu’elle allait quitter son emploi à la pharmacie, autour du 13 août 2018, puisqu’elle a donné un avis de deux semaines et que son dernier jour de travail était le 27 août 2018, elle ne savait pas qu’elle avait reçu une orientation vers la formation. Dans son témoignage, la prestataire a affirmé qu’elle avait reçu l’avis d’admission au programme Connexion AE et l’orientation vers la formation le 24 août 2018, après avoir démissionné de la pharmacie. Même si la prestataire a expliqué que sa raison pour quitter la pharmacie était qu’elle retournait aux études, j’estime qu’elle a véritablement démissionné parce qu’elle avait l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat, soit son deuxième emploi au cabinet de médecin qui devait se poursuivre. La prestataire a démissionné de son emploi à la pharmacie parce qu’elle ne pouvait occuper les deux emplois et non parce qu’elle a choisi de se retrouver au chômage.

[23] La Loi sur l’AE énumère les circonstances dont je dois tenir compte pour déterminer si la prestataire a prouvé qu’elle était fondée à quitter son emploi. Toutefois, les circonstances énumérées ne sont pas les seules permettant de démontrer l’existence d’une justification. La prestataire doit prouver que ces circonstances, qu’elles soient énumérées ou non, démontrent qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle était fondée à quitter son emploi. Lorsqu’une des circonstances énumérées est présente, la prestataire doit tout de même prouver que son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas.

[24] La prestataire a déclaré qu’elle avait démissionné de la pharmacie parce que le cabinet de médecin lui offrait le même nombre d’heures de travail et qu’elle avait l’impression que l’emploi au cabinet de médecin répondait mieux à ses objectifs à long terme. La prestataire a affirmé qu’elle ne pouvait pas occuper deux emplois à temps partiel durant ses études, mais prévoyait en garder un. Après que la prestataire a démissionné de son emploi à la pharmacie, l’emploi dans le cabinet de médecin n’a pas fonctionné. J’estime qu’au moment où elle a démissionné de la pharmacie, la prestataire avait l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat, puisque la médecin lui avait promis que son emploi dans le cabinet de médecin se poursuivrait.

[25] La prestataire a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle a quitté son emploi parce qu’elle avait l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiatNote de bas de page 10. Compte tenu de toutes les circonstances, le départ de la prestataire constituait la seule solution raisonnable dans son cas. Rien dans la Loi sur l’AE n’exige que la prestataire conserve des emplois multiples et la prestataire a prouvé qu’au moment où elle a quitté l’emploi à la pharmacie, elle croyait que son emploi au cabinet du médecin se poursuivrait.

Conclusion

[26] L’appel est accueilli. Je conclus que le départ de la prestataire constituait la seule solution raisonnable.

 

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 27 février 2019

Téléconférence

A. L., appelante

Lisanne Leclerc, représentante de l’appelante

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