Assurance-emploi (AE)

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Décision et motifs

Décision

[1] L’appel est accueilli.

Aperçu

[2] L’appelante, J. D. (prestataire), était étudiante à temps plein lorsqu’elle a volontairement quitté son emploi à temps partiel en raison d’un conflit avec son gestionnaire. Lorsqu’elle a présenté une demande de prestations d’assurance-emploi, l’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) a rejeté sa demande et a conclu qu’elle avait quitté volontairement son emploi sans justification. Dans une décision distincte, la Commission a aussi déterminé que la prestataire n’était pas admissible au bénéfice des prestations parce qu’elle n’était pas disponible pour travailler. La prestataire a demandé à la Commission de réviser ses décisions.

[3] La Commission a maintenu sa décision selon laquelle la prestataire avait quitté volontairement son emploi sans justification. Lorsqu’elle a révisé la décision selon laquelle la prestataire n’était pas admissible au bénéfice des prestations en raison de son indisponibilité au travail, elle a convenu que la prestataire était disponible pour travailler à compter du 27 avril 2018, mais elle a maintenu que la prestataire n’était pas disponible pour travailler du 12 février au 27 avril 2018.

[4] La prestataire a interjeté appel auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a conclu que la prestataire était fondée à quitter son emploi et a accueilli son appel sur cette question, mais a rejeté son appel sur la question de la disponibilité. La prestataire porte maintenant ce rejet en appel devant la division d’appel.

[5] L’appel est accueilli. La division générale a commis une erreur de droit en omettant de vérifier s’il existait des circonstances exceptionnelles pour réfuter la présomption de non-disponibilité ou en omettant de fournir des motifs suffisants pour conclure que la prestataire n’avait pas réfuté cette présomption. Elle a aussi commis une erreur de droit en omettant de se demander si les limites que la prestataire avait imposées à sa disponibilité pour le travail étaient indûment restrictives.

Questions en litige

[6] La division générale a‑t‑elle commis une erreur de droit en omettant de :

  • se demander si la prestataire avait réfuté la présomption de non‑disponibilité au travail pendant qu’elle était aux études en établissant l’existence de circonstances exceptionnelles,
  • fournir des motifs suffisants pour conclure que la prestataire n’avait pas réfuté cette présomption?

[7] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant de se demander si les limites que la prestataire avait imposées à sa disponibilité pour le travail étaient indues ou déraisonnables?

Analyse

[8] La division d’appel ne peut intervenir dans une décision de la division générale, que si elle peut conclure que la division générale a commis l’une des erreurs énoncées dans les « moyens d’appel » du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS).

[9] Les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question 1 : La division générale a‑t‑elle commis une erreur de droit en omettant de :

  • se demander si la prestataire avait réfuté la présomption de non disponibilité au travail pendant qu’elle était aux études en établissant l’existence de circonstances exceptionnelles;
  • fournir des motifs suffisants pour conclure que la prestataire n’avait pas réfuté cette présomption?

[10] À l’appui de l’appel de la prestataire, la Commission a fait valoir que la division générale avait peut‑être mal compris la preuve ou le droit lorsqu’elle a conclu que les antécédents d’emploi à temps partiel de la prestataire ne réfutaient pas la présomption de non-disponibilité. Elle a aussi soutenu que la division générale n’avait pas fourni de motifs transparents et intelligibles à l’appui de cette conclusion.

[11] La division générale a déclaré à juste titre qu’il existe une présomption réfutable selon laquelle un étudiant inscrit aux études à plein temps n’est pas disponible pour travailler. Cette présomption découle de la jurisprudence, y compris des décisions citées par la division généraleNote de bas de page 1. Cependant, les seuls éléments de preuve que la division générale a examinés avant de conclure que la présomption n’avait pas été réfutée, étaient ceux qui prouvaient que la prestataire avait des antécédents d’emploi continu pendant ses études à temps plein, mais que cet emploi était seulement à temps partiel. Ce point a été souligné dans la conclusion de la division générale : [traduction] « les antécédents d’emploi à temps partiel de la prestataire ne réfutent pas la présomption de non-disponibilité ».

[12] Il semblerait donc que la division générale ait soit considéré que le nombre d’années et/ou le nombre d’heures par semaine étaient insuffisants pour réfuter la présomption, soit qu’elle ait mal compris le droit applicable quant à ce qui était nécessaire pour réfuter la présomption.

[13] La seule conclusion apparente de la division générale est que le temps partiel est insuffisant, ce qui suggère que la division générale exigerait que la prestataire ait des antécédents d’emploi à temps plein. La division générale a cité l’arrêt Canada (Procureur général) c RideoutNote de bas de page 2, qui a établi que la présomption de non disponibilité peut être réfutée par des antécédents de travail à temps plein pendant la poursuite des études.

[14] Toutefois, l’arrêt Rideout ne conclut pas que les seuls antécédents d’emploi qui peuvent être pris en compte sont des antécédents d’emploi à temps plein. En outre les antécédents d’emploi ne sont pas le seul fondement sur lequel la présomption de disponibilité peut être réfutée. La division générale a renvoyé à l’arrêt Canada (Procureur général) c WangNote de bas de page 3, qui conclut que la présomption peut être réfutée par une preuve de circonstances exceptionnelles. L’arrêt Landry c Sous-procureur général du CanadaNote de bas de page 4 est une autre décision qui confirme que la présomption peut être réfutée par une preuve de circonstances exceptionnelles. La Cour dans l’affaire Landry a indiqué ceci : « L’historique de travail mentionné par le juge‑arbitre n’est qu’un exemple de ces cas d’exception, bien que, dans les faits, il soit peut‑être celui que l’on rencontre le plus souvent. Il peut certainement y en avoir d’autres. » Aucune de ces décisions ne laisse entendre que des circonstances exceptionnelles ne peuvent être associées à des antécédents d’emploi à temps partiel.

[15] Bien que la division générale semble avoir été au courant que la présomption pouvait être réfutée par des circonstances exceptionnelles, sa décision repose uniquement sur le fait que les antécédents de travail de la prestataire étaient à temps partiel et non à temps plein. La division générale ne se demande pas explicitement si la situation de la prestataire constituait une exception et ne tire aucune conclusion à cet égard. Par conséquent, je conclus que la division générale n’a pas appliqué correctement la jurisprudence lorsqu’elle a déterminé que la prestataire n’avait pas réfuté la présomption, ce qui constitue une erreur au titre de l’alinéa 58(1)(b) de la LMEDS.

[16] Cependant, même si j’avais conclu que la division générale avait appliqué correctement le critère juridique, ses motifs ne révèlent pas le fondement factuel sur la base duquel elle a conclu que les circonstances de la prestataire n’étaient pas exceptionnelles. La division générale laisse entendre qu’un historique d’emploi à temps partiel ne réfute pas la présomption en soi, mais la décision révèle quels éléments de preuve, le cas échéant, ont été pris en compte ou de quelle manière ils ont été analysés pour conclure que les circonstances de la prestataire ne sont pas exceptionnelles.

[17] La décision selon laquelle la prestataire n’avait pas réfuté la présomption n’est pas étayée par des motifs intelligibles ou transparents. J’estime que la division générale a aussi commis une erreur de droit en vertu de l’alinéa 58(1)(b) de la LMEDS en fournissant des motifs insuffisants.

Question 2 : La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant de se demander si la prestataire avait imposé des limites indues ou déraisonnables à sa disponibilité pour le travail?

[18] Dans sa demande d’autorisation d’appel, la prestataire a déclaré que la division générale n’a pas pris en compte ses « circonstances exceptionnelles » particulières, lesquelles comprenaient sa longue expérience de travail pendant qu’elle fréquentait l’école et sa flexibilité relative aux cours. Le représentant de la prestataire a cité une décision CUBNote de bas de page 5 qui s’apparente aux faits en l’espèce. Dans cette affaire, la prestataire fréquentait l’école lorsqu’elle a quitté un emploi à temps partiel, mais elle était toujours disponible pour travailler le même nombre d’heures. Le juge‑arbitre dans cette affaire a accueilli l’appel de la prestataire et a déclaré que « la prestataire serait disponible pour travailler autant qu’elle le faisait antérieurement alors que son emploi ne lui offrait que [temps partiel] heures. »

[19] La division générale a déclaré à juste titre qu’elle n’était pas tenue de suivre les décisions CUB, mais elle a aussi dit que la décision CUB était [traduction] « en contradiction directe avec la jurisprudence en vigueur » et qu’elle avait fondé sa décision sur Faucher c Canada (Procureur général)Note de bas de page 6. Apparemment, la division générale a rejeté le raisonnement du juge-arbitre et l’applicabilité de la décision CUB citée au motif qu’elle était contraire à l’arrêt Faucher.

[20] L’arrêt Faucher a établi qu’un prestataire ne doit pas limiter indûment ses chances de retour au marché du travail. Cependant, les faits de l’affaire Faucher ne concernaient pas la disponibilité des étudiants ou la disponibilité au travail d’un étudiant qui travaillait à temps partiel seulement. La décision Faucher n’a pas défini « indûment » de manière à exclure le genre de circonstances de la prestataire, ni de quelque façon que ce soit, et n’a pas précisé si un prestataire dans de telles circonstances a « indûment » limité ses chances d’emploi.

[21] Faucher n’est pas la seule décision de la Cour d’appel fédérale qui confirme le principe qu’un prestataire ne peut [traduction] « indûment limiter » ses chances d’emploi, une circonstance qui a également été décrite comme imposant des [traduction] « restrictions déraisonnables »Note de bas de page 7. Cependant, tel que l’a fait remarquer le tribunal dans l’arrêt Faucher, la disponibilité est une question de fait. La jurisprudence ne définit pas quel type de restriction est « déraisonnable » ou quel type de limite doit être considérée comme « indue » pour qu’un prestataire soit considéré comme non disponible.

[22] Dans la décision CUB citée par la prestataire, la prestataire avait quitté son emploi pour suivre un cours qui ne lui permettait de travailler que de 6 h à 10 h chaque jour, six jours par semaine, pour un total de 24 heures par semaine. Le juge arbitre a considéré qu’il était important que la disponibilité actuelle de la prestataire (dans cette affaire) ne soit pas inférieure à ce qu’elle était lorsque la prestataire travaillait :

Les faits soutiennent donc que la prestataire serait disponible pour travailler autant qu’elle le faisait antérieurement alors que son emploi ne lui offrait que 20 heures de travail. En considérant cet élément de preuve, je suis d’avis que cette prestataire a démontré qu’elle était disponible pour travailler. De plus, le conseil disposait d’un élément de preuve indiquant qu’elle avait travaillé antérieurement en 1997 alors qu’elle suivait un cours de 12 semaines pour les soins aux patients souffrant de la maladie d’Alzeimer. Ce cours était dispensé le jour et la prestataire travaillait le soir. Cette preuve de plus appuie le fait que la prestataire était disponible pour travaillerNote de bas de page 8.

[23] En l’espèce, la prestataire a déclaré qu’elle était disponible pour travailler dans des conditions identiques ou dans de meilleures conditionsNote de bas de page 9. La prestataire a dit à la Commission qu’elle aurait accepté de 16 à 20 heures de travail au salaire minimum en plus de son horaire scolaire, et qu’elle cherchait un emploi dans le commerce de détail, mais chercherait tout emploi pour lequel elle était qualifiéeNote de bas de page 10. Dans son témoignage, elle a déclaré qu’elle avait occupé son emploi dans un commerce de détail de 14 à 18 heures par semaine tout en fréquentant l’école, en plus de ses heures de tutorat (qu’elle a continuées). Bien que la prestataire n’ait pas changé sa disponibilité pour le travail par rapport à sa disponibilité pour occuper l’emploi qu’elle avait quitté, la division générale a conclu qu’elle avait indûment restreint ses chances de retourner sur le marché du travail.

[24] Cela signifie qu’il incombe à la division générale d’évaluer si les circonstances de la prestataire représentent une limitation indue. Il ne peut être présumé, sans preuve ou analyse, que la prestataire a indûment limité sa disponibilité parce qu’elle n’était pas disposée à se rendre encore plus disponible pour travailler qu’elle ne l’était lorsqu’elle travaillait encore. La division générale doit évaluer la preuve et expliquer pourquoi les restrictions de la prestataire sont indûment restrictives. Il ne suffit pas de noter que la prestataire a imposé des restrictions à l’égard de sa disponibilité, ni de simplement qualifier les restrictions de la prestataire comme étant indûment restrictives.

[25] La division générale n’a pas procédé à une analyse en vue de déterminer si la prestataire avait « indûment » limité ses chances d’emploi et a donc commis une erreur de droit en vertu de l’alinéa 58(1)b) de la LMEDS.

Conclusion

[26] L’appel est accueilli.

Réparation

[27] Ayant accueilli l’appel, j’ai le pouvoir, en vertu de l’article 59 de la LMEDS, de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, de renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen, ou de confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision de la division générale.

[28] Dans ses observations écrites adressées à la division d’appel, la Commission a reconnu que la division générale avait commis une erreur et m’a invité à rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. La Commission a aussi fait valoir que la prestataire avait réfuté la présomption de non‑disponibilité associée à un retour aux études à temps plein et avait établi des circonstances exceptionnelles, et a suggéré que je devrais accueillir l’appelNote de bas de page 11. Je considère que le dossier est complet et je rendrai la décision que la division générale aurait dû rendre.

[29] Aucune des parties n’a suggéré que la division générale avait commis une erreur en concluant que la prestataire avait le désir de retourner sur le marché du travail et qu’elle avait exprimé ce désir par ses efforts pour trouver un emploi convenable. Je n’ai découvert aucune erreur en rapport avec ces constatations et je ne les conteste pas.

[30] Les questions en litige dans le présent appel étaient de savoir si la prestataire avait réfuté la présomption de non-disponibilité qui découlait du fait qu’elle était étudiante à temps plein et si la prestataire avait indûment restreint sa disponibilité au travail en cherchant uniquement un emploi à temps partiel qui ne serait pas incompatible avec son horaire scolaire.

[31] Le droit applicable n’exige pas que la prestataire ait conservé des antécédents d’emploi à temps plein pendant ses études pour réfuter la présomption selon laquelle, en tant qu’étudiante à temps plein, elle n’est pas disponible pour travailler en vertu de l’alinéa 18(1)a) de la Loi sur l’assurance‑emploi. Le droit permet plutôt à la prestataire de réfuter la présomption en apportant la preuve de circonstances exceptionnelles. J’accepte que la nature à temps partiel de l’emploi antérieur de la prestataire et sa capacité démontrée de conserver un emploi à temps partiel à long terme, tout en poursuivant simultanément des études à temps plein, soit une circonstance exceptionnelle suffisante pour réfuter la présomption de non-disponibilité.

[32] Comme la division générale, je ne suis pas tenu de suivre une décision de l’ancien juge‑arbitre. Toutefois, je considère que le raisonnement exposé dans la décision CUB 52365 est convaincant. L’intention exprimée par la prestataire de ne chercher qu’un emploi à temps partiel qui n’interfère pas avec son horaire scolaire à temps plein exclut probablement des possibilités d’emploi qui pourraient autrement être disponibles. Malgré cela, la prestataire est demeurée disponible pour accepter un emploi dont le nombre d’heures de travail était égal ou supérieur à celui de son emploi précédent, pour se coordonner avec ses exigences scolaires en respectant des contraintes d’horaire qui seraient semblables à celles qui existaient avant sa perte d’emploi. J’estime que le fait que la prestataire poursuive ses études ne limite pas davantage ses perspectives d’emploi qu’avant la perte de son emploi et que, par conséquent, elle n’a pas limité indûment ses chances de retourner sur le marché du travail.

[33] Ayant conclu que les circonstances exceptionnelles de la prestataire ont permis de réfuter la présomption de non-disponibilité, et ayant évalué les trois facteurs pertinents de l’arrêt Faucher relatifs à la disponibilité, je conclus que la prestataire était capable de travailler et disponible pour le faire du 12 février au 27 avril 2018. Elle n’est donc pas jugée inadmissible à recevoir des prestations d’assurance-emploi pendant cette période au titre de l’alinéa 18(1)(a) de la Loi sur l’assurance-emploi.

Mode d’instruction :

Observations :

Sur la foi du dossier

J. D., appelante
S. Prud’Homme, Représentante de l’intimée

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