Assurance-emploi (AE)

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Décision

[1] L’appel est accueilli. La prestataire (appelante) a démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi volontairement pour prendre soin de son fils dans une autre province après que le père de son fils est devenu invalide. Elle est donc admissible au bénéfice des prestations.

Aperçu

[2] La prestataire a quitté son emploi au Nouveau-Brunswick pour déménager en Saskatchewan afin de prendre soin de son fils et du père de ce dernier, avec qui l’enfant avait vécu depuis sa naissance. La Commission (intimée) a conclu que la prestataire n’avait pas démontré qu’elle était fondée à quitter volontairement son emploi étant donné qu’elle n’était pas dans une relation conjugale avec le père de son fils et qu’elle n’a pas trouvé d’emploi dans sa nouvelle ville avant de déménager. Après révision de la décision demandée par la prestataire, la Commission a maintenu sa décision.

[3] La prestataire a interjeté appel de la décision découlant de la révision en faisant valoir que le père de son fils était devenu invalide et ne pouvait plus s’occuper de leur enfant. Elle a aussi soutenu qu’elle ne pouvait pas trouver un autre travail avant de déménager étant donné qu’il s’agissait d’une petite ville où les rares postes disponibles étaient annoncés à l’échelle locale uniquement. Je dois déterminer si elle a été capable de démontrer qu’aucune autre solution raisonnable ne s’offrait à elle et qu’elle était fondée à quitter son emploi afin de déménager pour s’occuper de son fils.

Questions en litige

[4] Question en litige no 1 : La prestataire a-t-elle volontairement quitté son emploi?

[5] Question en litige no 2 : Dans l’affirmative, la prestataire a-t-elle démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi?

Analyse

[6] Lorsqu’une partie prestataire quitte un emploi, elle n’est pas automatiquement admissible aux prestations d’assurance-emploi. Elle ne peut pas recevoir de prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 1. Elle peut montrer qu’elle était fondée à quitter son emploi si, selon la prépondérance des probabilités et compte tenu de l’ensemble des circonstances, son départ constituait la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 2.

[7] Le fardeau de prouver que la prestataire a quitté volontairement son emploi incombe à la Commission. Le terme « fardeau » est utilisé pour décrire la partie qui doit fournir une preuve suffisante étayant sa position afin de prouver sa thèse. Une fois que la Commission a prouvé que le départ était volontaire, il y a renversement du fardeau de la preuve, et c’est à la prestataire de prouver qu’elle était fondée à quitter son emploiNote de bas de page 3.

Question en litige no 1 : La prestataire a-t-elle volontairement quitté son emploi?

[8] Oui. La prestataire ne conteste pas le fait qu’elle a quitté son emploi; elle aurait pu demeurer à l’emploi de l’épicerie de quartier où elle travaillait si elle n’était pas partie du Nouveau-Brunswick. Le critère juridique utilisé pour déterminer si une partie prestataire a quitté volontairement son emploi est celui de savoir si elle avait ce choixNote de bas de page 4. J’estime par conséquent que la Commission s’est acquittée de son fardeau de démontrer que la prestataire a quitté volontairement son emploi.

Question en litige no 2 : La prestataire a-t-elle démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi?

[9] Oui. Compte tenu de l’ensemble des circonstances entourant sa situation familiale inhabituelle, j’estime que la prestataire était fondée à quitter volontairement son emploi afin de prendre soin de son fils au moment où il commençait sa dernière année du secondaire. J’estime qu’elle a démontré qu’elle était fondée à le faire, car aucune autre solution raisonnable que le déménagement ne s’offrait à elle quand son fils s’est retrouvé sans adulte apte à prendre soin de lui.

[10] La prestataire a soutenu que lorsqu’elle est tombée enceinte après une courte relation avec le père de son fils 18 ans auparavant, ils ont décidé que le bébé vivrait avec lui et sa famille en Saskatchewan. Elle est déménagée du Nouveau-Brunswick pour prendre soin d’eux lorsqu’elle a commencé à s’inquiéter au sujet du bien-être de son fils. Son père était devenu graduellement invalide et ne pouvait plus gérer les tâches ménagères quotidiennes. La demi-sœur de son fils avait déjà quitté la maison pour faire partie d’un programme des services sociaux à l’intention d’adolescents dont le soutien familial est rompu. La prestataire était donc inquiète que son fils doive également quitter la maison. En tant que survivante du système de placement en famille d’accueil, elle jugeait qu’il devrait pouvoir rester dans le foyer familial.

[11] La prestataire a aussi soutenu qu’il y avait peu de possibilités d’emploi dans sa nouvelle ville. Le père de son fils s’était informé pour elle auprès de son entourage puisque dans leur petite communauté de 1 500 résidents, les postes disponibles étaient annoncés de bouche à oreille ou affichés à l’échelle locale. Elle a déclaré que les villes plus grandes les plus près se trouvaient à près d’une heure trente de voiture et qu’elle n’avait pas sa propre voiture. Il n’y avait pas de Tim Horton’s dans les environs. L’épicerie de quartier était une entreprise familiale.

[12] La prestataire a déclaré que l’hôtel local que la Commission considérait comme une occasion d’emploi viable était une petite entreprise sans employés; les propriétaires s’en occupaient eux-mêmes. La suggestion de la Commission concernant un poste disponible dans un hôtel différent plus loin l’aurait obligée à vivre sur place plutôt que d’être avec son fils. Elle a fait valoir que les postes que la Commission a ciblés étaient tous à une distance considérable de sa nouvelle maison.

[13] La Commission a d’abord soutenu que la prestataire n’était pas mariée ni fiancée au père de son fils et n’était pas non plus sa conjointe de fait, et qu’elle n’avait donc pas l’obligation reconnue au titre de la Loi sur l’assurance-emploi de l’accompagner dans une autre résidenceNote de bas de page 5. Il s’agissait simplement d’une décision personnelle, ce qui ne démontre pas une justification. La Commission a aussi soutenu qu’elle avait une autre solution raisonnable, à savoir celle de trouver du travail dans sa nouvelle ville avant de quitter son emploi. Elle a soutenu avoir été capable de trouver des postes qui correspondaient à ses compétences et expériences professionnelles en faisant une recherche d’emploi en ligne.

[14] J’estime que je ne peux pas m’appuyer sur cet argument étant donné que la Commission n’a fourni aucun résultat de recherche d’emploi montrant qu’il y avait eu du travail disponible dans les semaines qui ont précédé le déménagement de la prestataire à une distance raisonnable de l’endroit où vivait son fils. La question de la disponibilité après qu’elle est arrivée ne fait pas partie de cet appel.

[15] Je note que c’est à la prestataire qu’il incombait de démontrer qu’elle était fondée à quitter son emploi. Elle devait donc démontrer que le fait de retarder son déménagement dont le but était de s’occuper de son fils jusqu’à ce qu’elle ait trouvé un emploi dans les environs n’était pas une solution raisonnable. J’estime qu’elle s’est acquittée de ce fardeau de la preuve.

[16] Premièrement, je trouve crédible son témoignage selon lequel le père de son fils a fait des demandes d’emploi à l’échelle locale en son nom avant qu’elle arrive. Ses réponses à mes questions à l’audience étaient essentiellement conformes avec ce qu’elle avait dit auparavant à la Commission et elle répondait de manière ouverte et directe.

[17] J’accepte aussi son argument selon lequel les emplois étaient rares dans une petite ville, et que les offres étaient annoncées de bouche à oreille ou affichées à l’échelle locale plutôt que dans les moteurs de recherche en ligne. J’estime qu’il aurait été peu probable que la prestataire trouve un emploi dans un marché du travail aussi limité au cours des quelques semaines qui se sont écoulées entre le moment où elle a décidé qu’elle devait déménager et le déménagement. De plus, je considère que le fait de retarder son déménagement n’aurait pas été une solution raisonnable compte tenu de sa responsabilité de commencer à prendre soin de son fils dès que possible.

[18] En somme, je conclus que la prestataire n’avait d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi au Nouveau-Brunswick pour s’occuper de son fils en Saskatchewan. Je suis consciente que les parties prestataires ont la responsabilité de ne pas risquer de se retrouver au chômageNote de bas de page 6. C’est pourquoi le fait de demeurer employé est généralement considéré comme une solution plus raisonnable que celle de quitter son emploiNote de bas de page 7. Cependant, bien que la prestataire n’était pas dans une relation conjugale avec le père de son enfant, son fils était tout de même un enfant à charge nécessitant les soins et l’attention d’un adulte, ce que son père ne pouvait plus lui offrir. Après avoir tenu compte de l’ensemble des circonstances, je conclus que la prestataire a démontré qu’elle était fondée à quitter volontairement son emploi.

Conclusion

[19] L’appel est accueilli. La prestataire a démontré qu’elle était fondée à quitter volontairement son emploi pour prendre soin de son fils dans une autre province après que le père de l’enfant est devenu invalide. Par conséquent, elle est admissible au bénéfice des prestations.

Date de l’audience :

Mode d’instruction :

Comparutions :

Le 11 février 2019

Téléconférence

D. E., prestataire
Dan Taylor, représentant de la prestataire

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